Autour de l’homme, quelques voix parviennent encore à s’élever. Mais les cordes vocales qui devraient les impulser et les porter haut manquent manifestement de force. Résultat : agglutinés autour de Laurent Gbagbo les quelques fidèles, ultras parmi les ultras, qui s’égosillent comme des forcenés pour s’accrocher au pouvoir, donnent le sentiment d’être une chorale de sourds-muets. Même si on les voit passer en boucle à la télévision nationale prise en otage, personne ne les entend. Ni l’écrasante majorité des Ivoiriens, ni l’ensemble de la communauté internationale.
A la vérité, Laurent Gbagbo est un homme bien seul. Les apparences en ce qui le concerne n’ont même pas pu tromper les observateurs de la vie nationale, y compris ceux parmi les partisans de LMP qui ont gardé encore un peu de lucidité. Ils savent que tout cela est cousu de fil blanc. Beaucoup en ont honte, sous cape.
Avant-hier, lors de la cérémonie d’investiture que lui a concoctée son ami Yao N’dré, les Ivoiriens ont bien observé la tristesse qui se dégageait des ondes du petit écran. Dans la petite salle des « pas perdus », les quelques deux cents personnes – exclusivement des dignitaires du FPI et des généraux de notre armée – qui ont effectué le déplacement, présentaient des mines d’enterrement. Beaucoup avaient la tête baissée, comme s’ils voulaient fuir le regard des Ivoiriens. Un peu comme le voleur qui a du mal à fixer le propriétaire.
Si Laurent Gbagbo est un homme seul, c’est parce que personne en dehors de ses partisans, n’a voulu le suivre dans sa tentative de confiscation du pouvoir. En Côte d’Ivoire, la minorité qui lui est (aveuglement) fidèle s’est même quelque peu réduite dans cette aventure indigne d’un homme qui s’est toujours présenté comme un démocrate. Inutile de parler de ses opposants qui sont prêts à tous les sacrifices pour le soustraire définitivement de la vie politique nationale.
Mais c’est à l’échelle internationale que Laurent Gbagbo mesure sans doute l’étendue du rejet, voire de l’exécration que son acte inspire. Rarement sans doute un dirigeant politique n’a fait l’objet d’une unanimité aussi parfaite sur sa cause. En Afrique, son propre continent, en dehors de l’Angola dont on connaît les relations pour le moins brumeuses de Gbagbo et le président Dos Santos, personne ne l’a suivi. Ni l’Union africaine, ni la Cedeao, encore moins l’Uemoa n’ont voulu donner le moindre espoir à Gbagbo, le priant tous de reconnaître sa défaite et de libérer le plancher politique ivoirien. L’Union européenne, la Commission européenne de Barroso, n’ont pas pris un autre chemin le concernant. La France de Sarkozy, les Etats-Unis de Barack Obama, la Grande Bretagne, le Canada et bien d’autres puissances ont préféré féliciter le vrai vainqueur de l’élection présidentielle ivoirienne. Même le FMI – ce qui est sans doute un véritable coup de semonce à un Gbagbo rêvant du PPTE –, par la voix de son Directeur général, a brûlé la politesse à l’ancien chef d’Etat, estimant ne pas pouvoir travailler avec un régime non reconnu par l’ONU. Laquelle ONU, tout le monde l’aura vu, a été la première à dire non à ce mauvais perdant dont les habits de dictateurs sont désormais trop tapageurs.
Laurent Gbagbo est un homme seul contre tous. Le monde entier, tous les cercles de décision, les puissances d’argent, les organisations qui régissent la planète lui disent niet ! Ils ne veulent pas cautionner la naissance d’une tyrannie certaine pour un pays qui a tant souffert et qui ne rêve que d’un retour à la paix.
KORE Emmanuel