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Politique Publié le lundi 6 décembre 2010 | Le Temps

Situation politique / Pr. Dédy Séri (Sociologue) : «On va assister à l’accélération de l’Histoire de la Côte d’Ivoire»

La situation sociopolitique dans laquelle Ouattara a créé la confusion ne laisse personne indifférent. Le professeur émérite de sociologie, Dédy Séri, en fait une analyse. Interview !
Le scrutin présidentiel ouvert depuis le 15 octobre 2010 est à son terme avec la réélection et l’investiture du Président Laurent Gbagbo, le samedi 4 décembre 2010. Quel regard portez-vous sur un événement que personne n’hésite à qualifier d’historique ?
Effectivement, dans l’histoire de notre pays, c’est la première fois qu’un tel événement se produit. Cela signifie, fondamentalement, que le pluralisme politique est une réalité (il y avait 14 candidats au premier tour) ; cela signifie surtout que la démocratie est en marche. Une chose est à noter, c’est précisément grâce à Laurent Gbagbo que cela a été rendu possible depuis un demi-siècle.

En quel sens ?
N’oublions pas qu’en février 1982, Laurent Gbagbo, alors chercheur et Directeur de l’Institut d’Histoire de l’Université d’Abidjan, fut contraint à l’exil pour avoir accepté de prononcer une conférence sur le campus, à la demande d’un Club d’Etudiants, sur "Démocratie et parti unique en Côte d’Ivoire". Je dis bien "pour avoir accepté" car il en avait été empêché et les étudiants violemment dispersés (…). Et vingt huit années plus tard, c’est l’ensemble des persécuteurs, aujourd’hui regroupés au sein du Rhdp, qui croisent le fer avec Laurent Gbagbo traité à l’époque d’utopiste !

Comme par hasard ?
Pour l’historien comme pour le sociologue, le hasard n’existe pas. Les faits sont têtus. L’histoire suit une direction qui est celle du progrès continu de l’humanité, malgré parfois bien des décalages et des contours hallucinants. On n’arrête pas le progrès (…). Quelles que soient les acrobaties de la France et de certaines autres puissances de ce monde, l’Afrique et la Côte d’Ivoire forgeront leur propre destin.

Ici même dans nos colonnes, vous avez invoqué la théorie de la résistance des nostalgiques et des réactionnaires, pour expliquer les entraves à la démocratie que manifeste le Rhdp. Je veux dire que les entraves au progrès existent, n’est-ce pas ?
Incontestablement ! Parce que la vie est contradiction et adversité. Par exemple, l’eau et le feu ne se marient pas. Tout comme la droite et la gauche sont opposées. Et pour parler comme Engels, je dirais que dans la vie politique, "ce que chaque individu veut est empêché par chaque autre". C’est ce qui explique la tentative de hold-up électoral de Alassane Ouattara, soutenu par les médias et le gouvernement français. L’opération s’est faite en direct parce que les braqueurs n’avaient plus le choix ; parce que la possibilité d’un troisième tour n’existe pas. Voilà pourquoi, l’Hôtel du Golf, lieu de loisir et de plaisance mondains, a été transformé en un palais présidentiel de circonstance.

On dirait un film western, cette ingérence dans nos affaires ?
L’évènement relève de l’impensable-didiga dont parle Zadi Zaourou. Cela relève de l’impensable que vous les journalistes, vous nommez nouvelle : lorsqu’un chien mord son maître, c’est un fait divers ; mais si, à l’inverse, le maître mord son chien, il y a problème ! Et c’est justement cette honte, ce problème gravissime qui va donner un coup d’accélérateur à l’histoire de la Côte d’Ivoire et même à celle de l’Afrique tout entière, si l’on en croit la grosse colère de Mouammar Kadhafi président de l'Union africaine et de la Ligue arabe ainsi que de Jean Ping, Président de la Commission de Paix de l'Union africaine : tous les deux exigent des pays occidentaux, le respect de la décision du Conseil constitutionnel ivoirien.

A quoi pensez-vous lorsque vous parlez d’une possible accélération de l’histoire de la Côte d’Ivoire ?
A l’issue d’un scrutin qui est l’aboutissement de huit années de crise, un vaste champ de réflexion et d’action s’offre au Cnrd, c’est-à-dire à La majorité Présidentielle (Lmp) ainsi qu’au pays dans son ensemble. Par exemple, je suis sûr qu’une sorte de Fds médiatique sera mise en place pour prévenir et lutter contre les ingérences de type France-24, TV-5, RFI, Onuci-Fm / Choi, etc. La Cei dans sa structure actuelle ne sera plus qu’un souvenir amer que dédramatiseront les humoristes ivoiriens en parlant "des dysfonctionnements à la Robert Mambé" ou encore des " il n’est pas encore minuit à la Youssouf Bakayoko".

Plus fondamentalement, nous assisterons à une bipolarisation du champ politique national allant dans le sillon du modèle Lmp-Rhdp. Ceci aura pour avantage d’aseptiser, de désambiguïser et de normaliser la vie politique, économique, sociale et financière du pays. Je vois en perspective, un gouvernement d’ouverture adossé au peuple dans sa diversité ethnosociologique et non plus, à des partis politiques. A la tête de ce gouvernement, je vois un Premier ministre qui travaille 20h/24 à l’application du programme de gouvernement du Président Laurent Gbagbo.

Qu’entendez-vous par ces concepts : bipolarisation, désambiguïsation, etc. ? Vous n’y voyez que des avantages? N’y a–t-il pas en fin de compte un risque de cristallisation des blocs ethno-culturels ?
Par bipolarisation, il faut entendre une restructuration de l’espace politique autour de deux pôles et uniquement deux pôles comme c’est le cas dans la quasi-totalité des pays : un pôle de droite et un pôle de gauche. Avec cette configuration, tout est clair, il y a moins d’ambiguïté possible, moins de va -et -vient. Par exemple, les blocs ethno-culturels auxquels vous pensez, vont s’effriter avec le temps, lorsque les conditionnements ethnicistes seront contrés par les Fds médiatiques dont j’ai parlé tout à l’heure. Et puis, il n’y a pas 36 blocs ethno-politico-culturels dans le pays, dans la mesure où Lmp de Laurent Gbagbo est la plus transethnique du pays, par opposition au bloc Rhdp. La naissance d’un parti Lmp va nécessairement entraîner la création d’un parti Rhdp. Ce dernier aura plus de mal à vivre cette nouveauté pour la bonne raison que Alassane vient de nommer Soro Guillaume comme son Premier ministre, contrairement à la promesse faite à son grand-frère Bédié. Ce dernier sort doublement vaincu et humilié du scrutin par son petit-frère.

Interview réalisée par
Tché Bi Tché
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