Dans cette interview accordée à la radio française Europe1, le Premier ministre Guillaume Soro revient sur la crise que vit le pays depuis le 28 novembre 2010. Il explique ses choix et s’adresse à Laurent Gbagbo.
La Côte d’Ivoire va se réveiller avec deux présidents qui ont prêté serment, et des militants à la limite de la violence. Est-ce que vous observez en ce moment que la crainte augmente dans chaque camp ?
Malheureusement, nous sommes dans la crise. Monsieur Gbagbo ne veut pas lâcher le pouvoir. Nous avons demandé au médiateur, envoyé par l’Union africaine, de dire au candidat Laurent Gbagbo de partir, de laisser le pouvoir et de faire une transmission pacifique du pouvoir à monsieur Alassane Dramane Ouattara.
Bien sûr. Il faut que l’alternance soit et que monsieur Gbagbo parte de lui-même, plus tranquillement.
Est-ce que vous estimez qu’il doive partir du pouvoir ou de la Côte d’Ivoire ?
Il doit partir du pouvoir. Du reste, le président Alassane Dramane Ouattara lui a fait des propositions, de travailler avec lui. Il est prêt à lui conserver ses avantages d’ancien chef de l’Etat, s’il accepte de partir du pouvoir pacifiquement. Ce régime est fini. Il a été condamné et son sort est scellé par le peuple souverain de Côte d’Ivoire.
Comment trancher entre un président qui s’estime élu à 51,5 %, monsieur Gbagbo, et de l’autre monsieur Ouattara à 54,68%. Qui triche ?
Monsieur Gbagbo, dans sa logique de confiscation du pouvoir, s’est fait nommer par le Conseil constitutionnel. Et, je vous rappelle que le président du Conseil constitutionnel est membre du parti politique de monsieur Laurent Gbagbo.
Si monsieur Gbagbo veut rester, que se passera-t-il ?
La démocratie stipule que seul celui qui a reçu le plus de suffrages exprimés par le peuple, est président de la République de Côte d’Ivoire.
Si vous êtes confirmé, est-ce qu’il y aura des représailles contre les partisans de Laurent Gbagbo ?
Non, il n’en est pas question. Vous savez très bien que nous avons conduit un processus de sortie de crise qui a prôné la réconciliation. Alassane Dramane Ouattara, le président élu, est refugié dans un hôtel, assiégé par les chars de monsieur Gbagbo, qui a fermé les frontières et instauré un couvre-feu. Vous comprenez qu’on ne peut pas accepter la confiscation du pouvoir.
Ce matin, l’armée va ouvrir les frontières. Est-ce que vous estimez que c’est un bon signe ? D’autre part, est-ce que vous réclamez la liberté totale d’information en Côte d’Ivoire ?
Ils ouvrent les frontières, pas pour un signe de détente, mais parce qu’ils ont besoin que les bateaux qui viennent accoster et tout l’argent que ça rapporte viennent enrichir les caisses.
Laurent Gbagbo vous reproche de moins défendre que lui la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Est-ce que les soutiens à Ouattara des Nations Unies, de l’Europe, des présidents d’Afrique, d’Obama, de Sarkozy sont une ingérence ou ne sont pas une ingérence de l’étranger dans votre pays ?
La reconnaissance par la communauté internationale de la victoire de monsieur Alassane Ouattara comme président ne peut pas être une ingérence.
Le Sud-africain Thabo Mbeki a rencontré toutes les parties ivoiriennes. Pour le moment, quel est le résultat de sa médiation ?
Thabo Mbeki pourrait arguer d’avoir des résultats s’il réussit à convaincre monsieur Laurent Gbagbo de partir et de laisser la Côte d’Ivoire dans la sérénité. Pour moi, monsieur Gbagbo est condamné parce qu’il a perdu les élections. C’est un mauvais perdant.
Beaucoup espéraient la réunification du nord et du sud de la Côte d’Ivoire. Est-ce que vous accepteriez une partition pacifique de la Côte d’Ivoire ?
Il n’est pas question d’aller vers une partition de la Côte d’Ivoire.
Vous étiez Premier ministre de Laurent Gbagbo pendant trois ans. Démissionnaire, vous êtes, depuis 24 heures, le Premier ministre nommé par Alassane Ouattara. Qu’est-ce qui vous a amené à changer ?
Mes principes, mon éthique, ma foi chrétienne ne me permettaient pas de soutenir quelqu’un qui a perdu les élections et qui veut faire la confiscation du pouvoir. Au nom de la vérité des urnes, j’ai décidé de parler et de soutenir le seul vainqueur de l’élection du 28 novembre 2010, à savoir monsieur Alassane Dramane Ouattara.
Vous êtes en train de constituer votre gouvernement, est-ce que vous gardez le ministère de la Défense ?
Oui. Parce que j’ai été en permanence en contact avec les généraux des deux armées, pour procéder à l’unité et éviter toute partition du territoire ivoirien.
Est-ce que vous sentez dans l’armée, dans la gendarmerie, de premières fissures, des gens qui viendraient vers vous ?
Absolument. Certains officiers sont craintifs des représailles qu’il peut y avoir.
Est-ce que vous leur dites qu’il n’y aura pas de représailles ?
Nous voulons faire comme Nelson Mandela. Nous ne voulons pas diviser les Ivoiriens, nous allons réconcilier les Ivoiriens. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières.
Mais est-ce que vous pourriez ouvrir votre gouvernement ou votre entourage à d’anciens ministres et militaires de Laurent Gbagbo ?
Absolument. Si Laurent Gbagbo accepte tranquillement de partir du pouvoir, les ministres de son gouvernement seraient les bienvenus dans ce gouvernement que nous entendons diriger.
Alassane Ouattara, protégé par les Casques bleus, ne peut pas sortir de son hôtel-résidence, vous l’avez dit. Dans ces conditions, comment présidez le pays ?
C’est justement ça qui est totalement inacceptable et qui doit sonner la révolte. Parce que Laurent Gbagbo et la junte militaire au pouvoir, en décrétant le couvre-feu et en fermant les frontières, confisquent le pouvoir et empêchent le développement de la Côte d’Ivoire. Nous avons évité, depuis toutes ces journées, l’affrontement sanglant qui pourrait causer du tort, et ce serait des dérives, pour notre pays. Nous ne voulons pas un tel gâchis.
Et si Gbagbo s’accroche ?
On sera, bien évidemment, obligé de prendre nos responsabilités. Pour l’heure, on n’en est pas là.
Qu’est-ce que ça veut dire vos responsabilités ? Vous le délogerez de l’endroit où il est ?
Si il nous y oblige, on n’aura pas d’autre choix et ce serait regrettable pour un pays comme la Côte d’Ivoire, qui a toujours été un modèle de stabilité. Ce que moi je conseille au président Ouattara, c’est de donner toujours une chance à la paix. Je lui ai conseillé la patience. De toutes façons, la vérité des urnes, d’une manière ou d’une autre, ne peut que s’imposer.
Les ressortissants français ne veulent être dans aucun camp. Comment seront-ils protégés ?
Nous ferons tout ce qu’il est possible pour les protéger. Pour l’heure, les Français ne sont nullement en danger en Côte d’Ivoire.
Vous estimez que les interventions de l’Europe ou du président Sarkozy vous gênaient, faisaient de Ouattara et de vous-même des hommes de la France, de l’Europe, etc. ?
Pas du tout. Nous ne sommes pas des hommes de la France. Mais je voudrais saluer le président Sarkozy d’avoir eu un tel courage politique de soutenir la vérité. On ne peut quand même pas, en 2010, accepter des pratiques monarchiques.
Malgré les tensions et les peurs, est-ce que vous diriez que la démocratisation de l’Afrique est en cours ?
Je pense que la démocratie est un processus irréversible aujourd’hui en Côte d’Ivoire.
Si vous vous installez au pouvoir avec Alassane Ouattara, est-ce que vous libérerez les médias et ouvrirez votre pays à la liberté d’expression ?
Absolument. Ce sera la première mesure que nous prendrons de rétablir définitivement et de consolider la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Propos retranscrits par K.B.J.
Source Europe1
La Côte d’Ivoire va se réveiller avec deux présidents qui ont prêté serment, et des militants à la limite de la violence. Est-ce que vous observez en ce moment que la crainte augmente dans chaque camp ?
Malheureusement, nous sommes dans la crise. Monsieur Gbagbo ne veut pas lâcher le pouvoir. Nous avons demandé au médiateur, envoyé par l’Union africaine, de dire au candidat Laurent Gbagbo de partir, de laisser le pouvoir et de faire une transmission pacifique du pouvoir à monsieur Alassane Dramane Ouattara.
Bien sûr. Il faut que l’alternance soit et que monsieur Gbagbo parte de lui-même, plus tranquillement.
Est-ce que vous estimez qu’il doive partir du pouvoir ou de la Côte d’Ivoire ?
Il doit partir du pouvoir. Du reste, le président Alassane Dramane Ouattara lui a fait des propositions, de travailler avec lui. Il est prêt à lui conserver ses avantages d’ancien chef de l’Etat, s’il accepte de partir du pouvoir pacifiquement. Ce régime est fini. Il a été condamné et son sort est scellé par le peuple souverain de Côte d’Ivoire.
Comment trancher entre un président qui s’estime élu à 51,5 %, monsieur Gbagbo, et de l’autre monsieur Ouattara à 54,68%. Qui triche ?
Monsieur Gbagbo, dans sa logique de confiscation du pouvoir, s’est fait nommer par le Conseil constitutionnel. Et, je vous rappelle que le président du Conseil constitutionnel est membre du parti politique de monsieur Laurent Gbagbo.
Si monsieur Gbagbo veut rester, que se passera-t-il ?
La démocratie stipule que seul celui qui a reçu le plus de suffrages exprimés par le peuple, est président de la République de Côte d’Ivoire.
Si vous êtes confirmé, est-ce qu’il y aura des représailles contre les partisans de Laurent Gbagbo ?
Non, il n’en est pas question. Vous savez très bien que nous avons conduit un processus de sortie de crise qui a prôné la réconciliation. Alassane Dramane Ouattara, le président élu, est refugié dans un hôtel, assiégé par les chars de monsieur Gbagbo, qui a fermé les frontières et instauré un couvre-feu. Vous comprenez qu’on ne peut pas accepter la confiscation du pouvoir.
Ce matin, l’armée va ouvrir les frontières. Est-ce que vous estimez que c’est un bon signe ? D’autre part, est-ce que vous réclamez la liberté totale d’information en Côte d’Ivoire ?
Ils ouvrent les frontières, pas pour un signe de détente, mais parce qu’ils ont besoin que les bateaux qui viennent accoster et tout l’argent que ça rapporte viennent enrichir les caisses.
Laurent Gbagbo vous reproche de moins défendre que lui la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Est-ce que les soutiens à Ouattara des Nations Unies, de l’Europe, des présidents d’Afrique, d’Obama, de Sarkozy sont une ingérence ou ne sont pas une ingérence de l’étranger dans votre pays ?
La reconnaissance par la communauté internationale de la victoire de monsieur Alassane Ouattara comme président ne peut pas être une ingérence.
Le Sud-africain Thabo Mbeki a rencontré toutes les parties ivoiriennes. Pour le moment, quel est le résultat de sa médiation ?
Thabo Mbeki pourrait arguer d’avoir des résultats s’il réussit à convaincre monsieur Laurent Gbagbo de partir et de laisser la Côte d’Ivoire dans la sérénité. Pour moi, monsieur Gbagbo est condamné parce qu’il a perdu les élections. C’est un mauvais perdant.
Beaucoup espéraient la réunification du nord et du sud de la Côte d’Ivoire. Est-ce que vous accepteriez une partition pacifique de la Côte d’Ivoire ?
Il n’est pas question d’aller vers une partition de la Côte d’Ivoire.
Vous étiez Premier ministre de Laurent Gbagbo pendant trois ans. Démissionnaire, vous êtes, depuis 24 heures, le Premier ministre nommé par Alassane Ouattara. Qu’est-ce qui vous a amené à changer ?
Mes principes, mon éthique, ma foi chrétienne ne me permettaient pas de soutenir quelqu’un qui a perdu les élections et qui veut faire la confiscation du pouvoir. Au nom de la vérité des urnes, j’ai décidé de parler et de soutenir le seul vainqueur de l’élection du 28 novembre 2010, à savoir monsieur Alassane Dramane Ouattara.
Vous êtes en train de constituer votre gouvernement, est-ce que vous gardez le ministère de la Défense ?
Oui. Parce que j’ai été en permanence en contact avec les généraux des deux armées, pour procéder à l’unité et éviter toute partition du territoire ivoirien.
Est-ce que vous sentez dans l’armée, dans la gendarmerie, de premières fissures, des gens qui viendraient vers vous ?
Absolument. Certains officiers sont craintifs des représailles qu’il peut y avoir.
Est-ce que vous leur dites qu’il n’y aura pas de représailles ?
Nous voulons faire comme Nelson Mandela. Nous ne voulons pas diviser les Ivoiriens, nous allons réconcilier les Ivoiriens. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières.
Mais est-ce que vous pourriez ouvrir votre gouvernement ou votre entourage à d’anciens ministres et militaires de Laurent Gbagbo ?
Absolument. Si Laurent Gbagbo accepte tranquillement de partir du pouvoir, les ministres de son gouvernement seraient les bienvenus dans ce gouvernement que nous entendons diriger.
Alassane Ouattara, protégé par les Casques bleus, ne peut pas sortir de son hôtel-résidence, vous l’avez dit. Dans ces conditions, comment présidez le pays ?
C’est justement ça qui est totalement inacceptable et qui doit sonner la révolte. Parce que Laurent Gbagbo et la junte militaire au pouvoir, en décrétant le couvre-feu et en fermant les frontières, confisquent le pouvoir et empêchent le développement de la Côte d’Ivoire. Nous avons évité, depuis toutes ces journées, l’affrontement sanglant qui pourrait causer du tort, et ce serait des dérives, pour notre pays. Nous ne voulons pas un tel gâchis.
Et si Gbagbo s’accroche ?
On sera, bien évidemment, obligé de prendre nos responsabilités. Pour l’heure, on n’en est pas là.
Qu’est-ce que ça veut dire vos responsabilités ? Vous le délogerez de l’endroit où il est ?
Si il nous y oblige, on n’aura pas d’autre choix et ce serait regrettable pour un pays comme la Côte d’Ivoire, qui a toujours été un modèle de stabilité. Ce que moi je conseille au président Ouattara, c’est de donner toujours une chance à la paix. Je lui ai conseillé la patience. De toutes façons, la vérité des urnes, d’une manière ou d’une autre, ne peut que s’imposer.
Les ressortissants français ne veulent être dans aucun camp. Comment seront-ils protégés ?
Nous ferons tout ce qu’il est possible pour les protéger. Pour l’heure, les Français ne sont nullement en danger en Côte d’Ivoire.
Vous estimez que les interventions de l’Europe ou du président Sarkozy vous gênaient, faisaient de Ouattara et de vous-même des hommes de la France, de l’Europe, etc. ?
Pas du tout. Nous ne sommes pas des hommes de la France. Mais je voudrais saluer le président Sarkozy d’avoir eu un tel courage politique de soutenir la vérité. On ne peut quand même pas, en 2010, accepter des pratiques monarchiques.
Malgré les tensions et les peurs, est-ce que vous diriez que la démocratisation de l’Afrique est en cours ?
Je pense que la démocratie est un processus irréversible aujourd’hui en Côte d’Ivoire.
Si vous vous installez au pouvoir avec Alassane Ouattara, est-ce que vous libérerez les médias et ouvrirez votre pays à la liberté d’expression ?
Absolument. Ce sera la première mesure que nous prendrons de rétablir définitivement et de consolider la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Propos retranscrits par K.B.J.
Source Europe1