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Économie Publié le mardi 7 décembre 2010 | Cote d’Ivoire Economie

Chronique Droit / La gratification annuelle

© Cote d’Ivoire Economie
Gratification salariale
Connu également sous le nom de treizième mois, cet avantage accordé aux salariés relève de la Convention collective interprofessionnelle de 1977. Décryptage de ses modalités d’attribution.
Le mois de décembre évoque pour les entreprises commerciales la fin de l’année comptable, l’occasion de faire un bilan des activités de l’année écoulée et les projections pour l’année nouvelle qui s’annonce. C’est également le moment de faire face à certaines obligations vis-à-vis de leurs salariés concernant le paiement de primes de toutes sortes et notamment, la gratification annuelle, connue également sous le nom de 13e mois.
Quel est le fondement de cette obligation et quelles sont ses modalités d’exécution ?

Définition

La gratification peut être définie comme une récompense, une somme d’argent accordée en plus d’une rémunération convenue. Elle constitue en ce sens, en principe, une libéralité dont l’employeur peut décider, en toute liberté, de l’opportunité du versement ainsi que du montant. Cependant, dans la pratique, la gratification annuelle constitue un véritable accessoire du salaire dont le paiement est dû, quel que soit le motif du licenciement de l’employé.

Fondements

La source de l’obligation de paiement de la gratification en droit ivoirien n’est pas légale. En effet, la gratification n’a pas été instituée par la loi numéro 95-15 du 12 janvier 1995 portant Code du travail ni par ses décrets d’application. Le texte fondateur du droit à la gratification est la Convention collective interprofessionnelle de 1977 qui, en son article 53 intitulé « Prime de fin d’année », stipule :
« Sous forme de prime ou de gratification, le travailleur percevra en fin d’année une allocation dont le montant ne pourra être inférieur aux trois-quarts du salaire minimum conventionnel mensuel de sa catégorie. »
La gratification a donc une origine conventionnelle. La principale conséquence d’une telle origine est assez importante pour être relevée. La Convention collective interprofessionnelle est un accord, les obligations qui en découlent lient les branches d’activités signataires de ladite convention ainsi que celles qui l’ont ratifiée.
Ainsi, les secteurs d’activités non soumis à la convention collective interprofessionnelle comme l’industrie du bois ne sont pas en principe astreints au paiement de la gratification annuelle. Cependant, le droit à la gratification peut résulter d’autres sources que la convention collective interprofessionnelle.
Lorsque le droit à la gratification a été prévu par le contrat de travail ou résulte d’un engagement unilatéral exprès de l’employeur ou même d’un usage dans l’entreprise, son paiement revêt un caractère obligatoire envers l’employeur qui ne peut s’y dérober sous le prétexte qu’il ne serait pas régi par la convention collective interprofessionnelle.

Modalités et quotité

La gratification annuelle est payable en fin d’année en même temps que le salaire. Son montant minimal est fixé par la convention collective, pour chaque année de travail effectif, à « trois quarts du salaire minimum conventionnel de la catégorie du travailleur ». En général, et dans la pratique, il est accordé au travailleur un montant équivalant à trois quarts de son salaire mensuel. Il s’agit d’un montant minimum et l’entreprise est libre, pour des raisons d’incitation ou d’attraction des salariés, de leur accorder un montant égal à leur salaire mensuel.
Les travailleurs ne totalisant pas encore une année de service au moment du paiement de la gratification percevront cette prime prorata temporis, c`est-à-dire en tenant compte du temps acquis dans l’entreprise au moment du versement de la gratification. Il en va de même des travailleurs dont les contrats prennent fin avant la date de paiement de la gratification annuelle. Ils auront droit, lors de leur départ de l’entreprise, au paiement du prorata de la gratification en rapport avec le temps passé dans l’entreprise depuis la date d’échéance de la dernière gratification perçue. Enfin, l’octroi de la gratification ne fait pas obstacle à l’instauration d’autres primes dans l’entreprise, telle la prime de rendement qui est liée aux résultats obtenus par le salarié.

Prescription

Il peut arriver que, pour certaines raisons, le salarié n’ait pas perçu la gratification au moment où elle lui était due. C’est généralement le cas lorsque l’entreprise ne paye pas la gratification en raison des tensions de trésorerie qu’elle connaît. Il appartient alors au salarié d’en réclamer le paiement et, éventuellement, de saisir les tribunaux d’une action en paiement desdites gratifications. Ces actions judiciaires sont initiées généralement (et naturellement) à la cessation des relations contractuelles.
En raison de la nature d’accessoire du salaire de la gratification, l’action en paiement devant les tribunaux est soumise à la prescription annale édictée par l’article 33.5 du Code du travail aux termes duquel « l’action en paiement du salaire et de ses accessoires se prescrit par douze mois pour tous les travailleurs. » Toute action initiée après l’écoulement de ce délai de douze mois sera déclarée irrecevable par les juridictions sociales.
Le Code a aussi prévu des moyens pour le salarié d’interrompre l’écoulement de ce délai de prescription. Il s’agit de :
- la reconnaissance par l’employeur de la somme due ;
- l’envoi par le travailleur d’une lettre recommandée avec accusé de réception portant sur la réclamation de la gratification ;
- l’envoi d’une requête à l’inspecteur du travail avec accusé de réception ; ou le dépôt d’une requête portant sur la réclamation au greffe du Tribunal du travail.
Les trois dernières formalités, pour porter interruption de la prescription, doivent intervenir dans le délai de douze mois suivant la date d’échéance de la gratification.
Bonnes fêtes de fin d’année à tous.


Simon Dognima Silué,
Avocat à la Cour
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