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Politique Publié le mercredi 8 décembre 2010 | Le Mandat

Maintien coûte que coûte au pouvoir - Gbagbo sur les traces de Tandja

C’est le « syndrome Tandja ». La volonté de faire un mandat de trop ; et de penser, à tort, s’en être donné les moyens. Faute de les avoir, il faudra s’adonner à toutes les compromissions et remettre, du même coup, en question la finalité annoncée de ce « dernier » mandat.
Mamadou Tandja, ex-président de la République du Niger, avait fait dix ans et cela s’était plutôt bien passé. Sauf que le deuxième mandat présidentiel, qui devait être le dernier, avait largement profité du basculement de la croissance « mondialisée » de la sphère occidentale à la sphère « émergente », notamment asiatique. Le Niger devenait un pôle d’attraction et ceux qui étaient appelés à quitter le pouvoir trouvaient injuste qu’ayant « bouffé du sable » pendant dix ans, ils allaient laisser à d’autres l’opportunité de croquer à belles dents dans les commissions contractuelles. Tandja, qui n’est pas un imbécile même si son comportement laisse penser le contraire, après avoir tergiversé, se rendra aux arguments de ceux qui, ayant déjà pas mal grignoté, s’étaient ouvert l’appétit. Il trouvera des arguments foireux pour se convaincre qu’il était l’homme qu’il fallait à la place qu’il fallait. Le « peuple » voulait qu’il en soit ainsi ; et puis il devait aller, expliquait-il, au-delà de son mandat pour mener à bonne fin les projets entrepris. Jean de La Fontaine, qui ne connaissait pas l’Afrique mais maîtrisait parfaitement « l’esprit de cour », l’avait déjà dit : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Si, au XVIIème siècle, le « corbeau » s’était fait piquer son fromage par le « renard », ce sont désormais les chefs d’Etat en place qui perdent leur job. « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise » disait-on, déjà, au XIIIème siècle ! Tandja, qui pensait avoir l’éternité devant lui dès lors qu’il s’était fait attribuer un « rab » de trois ans, va bientôt célébrer le premier anniversaire de sa chute. Quant à Gbagbo, il mesure aujourd’hui l’immensité de la tâche qui l’attend : il s’ancre au pouvoir envers et contre tous et affronte une communauté africaine et une communauté internationale qui ne manquent pas (même si elles sont mal placées pour cela) de le traiter de « dictateur » ; il cède aux pressions extérieures et intérieures et devra accepter non seulement sa défaite électorale mais également l’échec de son « putsch » postélectoral. Comme le remarquait « son » président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré (mais à l’encontre d’un « opposant » « S’il avait encore de la fierté et de la dignité, il se serait pendu ». Tandja, qui avait subodoré que sa décision de tripatouiller la Constitution serait mal perçue par ceux qui étaient tentés de le faire mais ne l’osaient pas, avait pris les devants vis-à-vis des organisations continentales. Il avait annoncé, d’emblée, qu’il était prêt à tout « envoyer paître », UEMOA comme Cédéao, pour aller se jeter dans les bras d’autres « organisations » qui, pour n’être pas « intégrantes » n’en étaient pas moins « contribuantes ». Chacun avait perçu que c’était du côte des puissances émergentes asiatiques que l’homme de Niamey irait chercher son « intégration » dans la « mondialisation ». Gbagbo, aujourd’hui, tient le même langage, sautant à pieds joints toute la journée en criant « souveraineté, souveraineté, souveraineté ».Sauf que Gbagbo, comme Tandja, a oublié que la souveraineté de l’Etat est aussi un attribut du peuple. Il est vrai que, pour l’un comme pour l’autre, « peuple » est un mot que l’on emploie dans les discours et que l’on remise dès qu’ils sont terminés. Qui se souvient que le mercredi 29 mai 2002, Gbagbo, interviewé par Lanciné Fofana pour la première chaîne de la RTI, avait déclaré : « Les Ivoiriens sont comme les gens qui veulent du beurre, mais qui ne veulent pas qu’on trait la vache. Or, vraiment, c’est avec le lait de la vache qu’on fait le beurre […] Nous sommes devenus indépendants et nous sommes restés indigents dans la tête » ? O.K ! Sauf que les Ivoiriens en ont marre d’être pris pour des vaches bonnes à traire (pour que les autres se goinfrent de beurre). Quant aux Nigériens, ils en avaient marre de se faire traire toujours par le même bonhomme qui, en plus, les prenait pour des… moutons ! C’est là trop de mépris pour la population ; que ces « populistes », ces présidents « j’y suis, j’y reste », leur font, en plus, payer cher. L’armée est au pouvoir à Niamey et le chaos à Abidjan. Il n’est plus un peuple, en Afrique, qui peut croire que la démocratie sort des urnes. Et que les institutions républicaines visent à la sauvegarder et/ou à la promouvoir. Si elle émerge, même imparfaitement, c’est le résultat d’un mouvement d’ensemble, un rapport de forces entre la classe politique et la « société civile » ; et, surtout, la reconnaissance d’une histoire et d’une culture communes. Les leaders politiques pensent être plus matures que les peuples ; ils se trompent : ils ne font même plus illusion et l’intérêt qu’ils suscitent ne va pas au-delà de l’intérêt (immédiat) qu’ils procurent. Plus de 80 % des Ivoiriens ont choisi d’élire leur candidat à l’occasion de cette présidentielle 2010 ; le taux a été moindre au deuxième tour mais pourtant exceptionnel. Cette seule présidentielle « ouverte » depuis l’indépendance était l’occasion de réconcilier les Ivoiriens autour d’une opération électorale sans enjeu dramatique. Après tout, Gbagbo avait présidé le pays pendant dix ans après avoir été « mal élu » en 2000 et n’avoir plus organisé d’élections par la suite. C’était aussi l’occasion de réconcilier la Côte d’Ivoire avec la région. La politique d’exclusion organisée par Gbagbo, avec la complicité de Robert Gueï d’abord, puis « solo » ensuite, a été un traumatisme en Afrique de l’Ouest où la circulation des personnes a toujours été un acquis. Même au temps de l’AOF. L’organisation de la présidentielle 2010 a été une formidable espérance. D’autant plus forte que, dans le même temps, la présidentielle burkinabè ne suscitait aucun intérêt politique ni même social et que, en Guinée (dont l’histoire n’est pas comparable à celle de la Côte d’Ivoire), Cellou Dalein Diallo, pourtant largement en tête au premier tour, avait accepté que son challenger, Alpha Condé, soit désigné vainqueur du second. « Comportement responsable » à Conakry (selon Saïd Djinnit, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest). On pouvait penser que l’Afrique de l’Ouest, qui avait viré Tandja, réitéré sa confiance à Blaise Compaoré, accepté l’inacceptable en Guinée (il reste à démontrer que Condé n’est pas l’otage des militaires et des « mafieux ») et que l’impensable puisse enfin être pensé en Côte d’Ivoire (l’organisation d’une présidentielle avec, au second tour, une confrontation Gbagbo-Ouattara), laissait espérer que, cinquante ans après les indépendances, l’Afrique de l’Ouest allait inaugurer une nouvelle ère de renforcement de la solidarité économique et sociale régionale. Gbagbo vient d’anéantir cette espérance. C’est, une fois encore, l’exclusion qui est à l’ordre du jour ; non pas seulement l’exclusion d’un certain nombre d’ivoiriens, mais celle de l’UEMOA, de la Cédéao, de l’Union africaine. Dans cette opération, les Ivoiriens sont les perdants et la sous-région n’y gagne rien, bien au contraire. Le monde « occidental » se gausse de « la farce ivoirienne » (Le Monde daté du mardi 7 décembre 2010) et les « puissances mafieuses » font déjà la queue au palais présidentiel : contrats contre soutien, le grand marchandage est commencé. Entre Gbagbo, le « patriote », et Ouattara, « l’interlope » (selon Laurent « j’y suis, j’y reste »), nul ne sait qui va l’emporter. Une seule certitude : l’Afrique a d’ores et déjà perdu la partie ; et les Africains le peu d’illusions qui leur restaient.
Jean-Pierre BEJOT
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