Après 28 ans de service à Ivoire-sépulture Ivosep, Koné Sékou, chauffeur de corbillard ne veut pas être sur la touche. Appelé à faire valoir ses droits à la retraite, il a décidé de poursuivre sa vocation dans une structure de la place. Ce courageux père d’une famille de 9 enfants, résidant à Abobo-Belleville, s’est ouvert à Nord-Sud Quotidien.
Quand avez-vous commencé à conduire les morts au cimetière ?
Depuis le 1er novembre 1982, à Ivosep-Ferkessédougou. En 1988, mes responsables ont estimé que j’étais un bon employé et que je devrais mieux servir à Abidjan. Donc, j’ai été affecté à Abidjan.
Comment êtes-vous devenu conducteur de corbillard ?
Mon grand-frère Silué Kigbafory Joachim, m’a introduit à la marie de Ferké où je travaillais avec des européens qui conduisaient des corbillards. Moi, c’est la Banque nationale pour le développement de l’agriculture (Bnda) qui m’intéressait. Mais mon frère a décidé que je travaille à Ivosep. Chose que j’ai fini par accepter. Donc, ce n’est pas de gaîté de cœur que j’ai commencé à travailler avec les blancs à Ivosep. Je n’avais pas le choix car chez nous, quand un ainé décide, vous vous y soumettez.
Expliquez-nous votre première journée de travail?
Il y avait un conducteur présent ce jour-là. Il s’appelait Silué Katchèninbien. C’est lui qui m’a orienté en me montrant comment je devais travailler. En deux jours, il m’a donné les techniques de base. Le premier corps que j’ai transporté était celui du père de Tuo Bakary, ancien président de l’Université d’Abidjan. Nous sommes partis de l’hôpital de Ferké au domicile du défunt puis au cimetière. Ce jour-là, le général Thomas d’Aquin était présent. Il est venu à bord d’un hélicoptère. Tout s’est bien passé pour cette première mission.
N’avez-vous pas eu peur ?
Non, car le doyen Katchèninbien m’avait déjà expliqué comment faire. Donc, j’étais confiant. Et tout s’est bien déroulé.
Quel topo vous-a-t-il donné ?
Il m’a dit : si tu pars en mission, une fois sur les lieux, tu gares la voiture et tu attends à côté non loin. Quand les gens viennent avec la dépouille mortelle, tu ouvres le coffre et on y met le corps. Pendant ce temps, tu ne bouges pas. Tu es toujours à côté du corbillard. Après, tu viens ouvrir la portière pour que les parents du défunt embarquent. Et, toi, le chauffeur, tu montes aussi et tu mets le moteur en marche et vous partez. Tu roules doucement jusqu’au cimetière. Et, c’est ce que j’ai fait pour le père de Tuo Bakary. Donc, je n’ai pas eu peur le premier jour de travail. C’est plutôt le jour où mon grand-frère m’a confié à un blanc pour travailler comme chauffeur de corbillard que j’ai eu peur.
Pourquoi ?
Le corbillard est synonyme de la mort. Donc, j’avais peur de conduire ce véhicule. Mais, avec les conseils reçus, je me suis vite ressaisi.
Et, depuis ce temps vous n’avez plus eu peur…
Ma seconde mission s’est déroulée à Tafiré où je devais transporter un cadavre. J’ai pris le corps à l’hôpital central de Ferké pour l’emmener à Tafiré. Je me suis retourné la nuit. J’étais seul. Selon certaines langues, quand tu transportes un cadavre, à ton retour, celui-ci revient avec toi. Et, j’ai eu très peur. De temps en temps, je jetais des coups d’œil sur le rétroviseur pour voir s’il était bien derrière moi. Mais, je ne voyais personne. Il faut dire que j’ai eu une peur bleue lors de cette mission. Puis, je me suis rendu compte que les gens racontaient des légendes.
Vous avez 28 ans de métier. Depuis que vous êtes conducteur de corbillard, avez-vous été effrayé par un cadavre ?
Depuis la mission de Tafiré, je n’ai jamais eu de difficultés jusqu’à aujourd’hui (An 2010, ndlr). Cependant, une fois en mission à Niakaramadougou, où j’ai emmené un corps. Après le transfert, j’ai demandé la route. J’ai allumé le moteur mais la voiture n’a pas démarré. J’ai ouvert le capot et j’ai vu que le carburateur et le radiateur étaient décollés. Il s’en est fallu de peu pour que ces deux pièces du moteur tombent. Je suis allé chercher un mécanicien, ce jour-là, vers 15h. Il m’a dépanné et j’ai pu rentrer à Ferké sans problème.
Faites-vous une préparation mystique avant de prendre le volant d’un corbillard ?
Il faut avoir la bénédiction des parents. Cela est très important. Avec les bénédictions, on peut y aller sans crainte.
Il y a donc des difficultés ?
Il faut être sérieux et écouter des personnes adultes. Leurs conseils et leurs expériences sont très importants. Ils peuvent vous aider à surmonter des écueils.
N’importe qui peut-il devenir chauffeur de corbillard…
N’importe qui peut l’être mais cela dépend de la volonté de l’individu. Si tu es un garçon et que tu as de la volonté, alors tu peux faire ce travail. La bénédiction des parents veut dire que tu es en harmonie avec eux. Quand tu vas au travail, ils prient pour toi. Certains chauffeurs de corbillard ont toujours des problèmes, soit avec le patron, soit avec les parents du défunt. Par exemple, on peut envoyer un chauffeur en mission et puis la voiture tombe en panne. Ou bien, il peut avoir des prises de bec avec les parents du défunt. Et les parents peuvent appeler le patron pour dire que le conducteur n’a pas été gentil ou courtois. Le chauffeur joue sa carrière. Le patron peut le renvoyer. Les pompes funèbres sont des sociétés commerciales.
Avez-vous déjà transporté le corps d’un chauffeur de corbillard ?
J’ai transporté les corps de certains de mes collègues décédés. Cela m’a fait beaucoup réfléchir. Parce que demain, c’est un chauffeur qui m’accompagnera à ma derrière demeure. Conduire un corbillard et mourir sans aller à la retraite, je considère cela comme une malédiction. Il est souhaitable pour tout travailleur de prendre sa retraite avant son rappel à Dieu.
Un chauffeur de corbillard gagne-t-il bien sa vie ?
A l’époque, le conducteur de corbillard n’était pas bien rémunéré. Mais les choses ont évolué puisque ce sont nos frères qui gèrent aujourd’hui les pompes funèbres. Le salaire a augmenté. Donc, nous sommes bien payés. C’est un métier qui nourrit son homme. A condition que vous fassiez consciencieusement votre travail. Concernant les chauffeurs travaillant pour Ivosep, ceux-ci sont bien payés. Un conducteur de corbillard n’est pas dans la même catégorie qu’un chauffeur de taxi ou de gbaka. Nous sommes à l’aise. Je prie Dieu pour qu’il donne longue vie à Sidi Diallo, le président-directeur général de Ivosep.
Vous avez transporté des corps qui ont été incinérés. Comment cela se passe-t-il ?
Ce sont des corps de blancs, c’est-à-dire des Chinois, des Canadiens, des Coréens et des Hindous. Ce sont ces corps qui sont brûlés. Quand ils meurent à Abidjan, on transporte leurs corps à Accra, au Ghana, pour les brûler. Nous revenons avec leurs cendres que nous remettons à notre patron. Les représentants des personnes décédées viennent alors chercher la cendre pour l’expédier dans leur pays. A ce propos, j’ai fait une mission à Accra pour aller brûler un corps. Je ne connaissais pas l’endroit. On m’a donné un contact téléphonique. Sur place, j’ai composé le numéro mais le correspondant était injoignable. Imaginez mon désarroi! Je ne connaissais personne. Je ne comprenais ni l’anglais ni l’ashanti. J’ai tourné en rond avec le corps. Je suis allé garer dans une station d’essence. J’ai passé la nuit dans le corbillard en compagnie du corps. Le matin, je me suis rendu dans une cabine téléphonique pour joindre à nouveau mon correspondant. Il était encore injoignable. Je me suis retourné à la voiture. Et, j’ai commencé à méditer sur mon sort. J’ai imploré la grâce de Dieu. Les bénédictions de mon père m’ont aidé. J’ai garé le corbillard devant la cabine. Puis, j’ai dit à la dame de composer le numéro qui se trouvait sur le macaron de Ivosep. C’est ainsi qu’elle a composé le numéro et a communiqué en anglais avec son interlocuteur. Quelques minutes après, un monsieur nous a rejoints à bord d’un véhicule. Il m’a fait signe de la main de venir. J’ai démarré le corbillard et je l’ai suivi jusqu’à son lieu de service. Il y avait un Haoussa qui parlait le français. Ce dernier a servi d’interprète. Le corps a été acheminé au grand cimetière d’Accra. C’est là-bas qu’ils brûlent les corps. Il a fait la préparation du corps puis ils y ont mis le feu. C’est le lendemain matin, qu’il m’a envoyé les cendres contenues dans une petite caisse de 2 centimètres. Des documents m’ont été remis. Je me suis retourné le même jour à Abidjan. J’ai remis le colis à mon patron qui, à son tour, l’a remis aux parents du défunt. C’étaient des Chinois.
Comment avez-vous réagi en voyant un corps en train d’être incinéré ?
Ce jour-là, j’ai su que l’homme n’est rien. On brûlait un homme comme des poulets. Nous devons être corrects et faire du bien avant de mourir. Il faut être gentil avec tout le monde. Depuis ce jour, je ne fais palabre à personne. Si on m’insulte, je ne réponds rien.
Combien de corps avez-vous convoyés à Accra pour être jetés au feu?
Je ne sais plus combien exactement. Mais ce sont plusieurs corps. En quatre ans, j’ai fait plusieurs fois le voyage Abidjan-Accra, et je pouvais envoyer deux corps chaque mois. Donc, je ne peux savoir le nombre précis.
Qu’est-ce qui vous a marqué durant vos 28 ans de carrière ?
Un homme doit être gentil parce que le jour où vous allez mourir, les gens pourront s’occuper ou aider vos enfants en reconnaissance de nos bienfaits. J’ai vu beaucoup de choses et je conclus que l’homme n’est rien. Nous allons tous mourir, donc il faut être aimable avec ses semblables.
Qu’est-ce que vous n’avez pas aimé durant votre carrière ?
J’ai aimé le travail de conducteur de corbillard. Au début, je ne voulais pas de ce boulot. Mais je suis satisfait de ce travail grâce aux bénédictions des parents. Je n’ai que de bons souvenirs car ce métier j’ai fini par l’aimer de tout mon cœur.
Interview réalisée par Bahi. K
Quand avez-vous commencé à conduire les morts au cimetière ?
Depuis le 1er novembre 1982, à Ivosep-Ferkessédougou. En 1988, mes responsables ont estimé que j’étais un bon employé et que je devrais mieux servir à Abidjan. Donc, j’ai été affecté à Abidjan.
Comment êtes-vous devenu conducteur de corbillard ?
Mon grand-frère Silué Kigbafory Joachim, m’a introduit à la marie de Ferké où je travaillais avec des européens qui conduisaient des corbillards. Moi, c’est la Banque nationale pour le développement de l’agriculture (Bnda) qui m’intéressait. Mais mon frère a décidé que je travaille à Ivosep. Chose que j’ai fini par accepter. Donc, ce n’est pas de gaîté de cœur que j’ai commencé à travailler avec les blancs à Ivosep. Je n’avais pas le choix car chez nous, quand un ainé décide, vous vous y soumettez.
Expliquez-nous votre première journée de travail?
Il y avait un conducteur présent ce jour-là. Il s’appelait Silué Katchèninbien. C’est lui qui m’a orienté en me montrant comment je devais travailler. En deux jours, il m’a donné les techniques de base. Le premier corps que j’ai transporté était celui du père de Tuo Bakary, ancien président de l’Université d’Abidjan. Nous sommes partis de l’hôpital de Ferké au domicile du défunt puis au cimetière. Ce jour-là, le général Thomas d’Aquin était présent. Il est venu à bord d’un hélicoptère. Tout s’est bien passé pour cette première mission.
N’avez-vous pas eu peur ?
Non, car le doyen Katchèninbien m’avait déjà expliqué comment faire. Donc, j’étais confiant. Et tout s’est bien déroulé.
Quel topo vous-a-t-il donné ?
Il m’a dit : si tu pars en mission, une fois sur les lieux, tu gares la voiture et tu attends à côté non loin. Quand les gens viennent avec la dépouille mortelle, tu ouvres le coffre et on y met le corps. Pendant ce temps, tu ne bouges pas. Tu es toujours à côté du corbillard. Après, tu viens ouvrir la portière pour que les parents du défunt embarquent. Et, toi, le chauffeur, tu montes aussi et tu mets le moteur en marche et vous partez. Tu roules doucement jusqu’au cimetière. Et, c’est ce que j’ai fait pour le père de Tuo Bakary. Donc, je n’ai pas eu peur le premier jour de travail. C’est plutôt le jour où mon grand-frère m’a confié à un blanc pour travailler comme chauffeur de corbillard que j’ai eu peur.
Pourquoi ?
Le corbillard est synonyme de la mort. Donc, j’avais peur de conduire ce véhicule. Mais, avec les conseils reçus, je me suis vite ressaisi.
Et, depuis ce temps vous n’avez plus eu peur…
Ma seconde mission s’est déroulée à Tafiré où je devais transporter un cadavre. J’ai pris le corps à l’hôpital central de Ferké pour l’emmener à Tafiré. Je me suis retourné la nuit. J’étais seul. Selon certaines langues, quand tu transportes un cadavre, à ton retour, celui-ci revient avec toi. Et, j’ai eu très peur. De temps en temps, je jetais des coups d’œil sur le rétroviseur pour voir s’il était bien derrière moi. Mais, je ne voyais personne. Il faut dire que j’ai eu une peur bleue lors de cette mission. Puis, je me suis rendu compte que les gens racontaient des légendes.
Vous avez 28 ans de métier. Depuis que vous êtes conducteur de corbillard, avez-vous été effrayé par un cadavre ?
Depuis la mission de Tafiré, je n’ai jamais eu de difficultés jusqu’à aujourd’hui (An 2010, ndlr). Cependant, une fois en mission à Niakaramadougou, où j’ai emmené un corps. Après le transfert, j’ai demandé la route. J’ai allumé le moteur mais la voiture n’a pas démarré. J’ai ouvert le capot et j’ai vu que le carburateur et le radiateur étaient décollés. Il s’en est fallu de peu pour que ces deux pièces du moteur tombent. Je suis allé chercher un mécanicien, ce jour-là, vers 15h. Il m’a dépanné et j’ai pu rentrer à Ferké sans problème.
Faites-vous une préparation mystique avant de prendre le volant d’un corbillard ?
Il faut avoir la bénédiction des parents. Cela est très important. Avec les bénédictions, on peut y aller sans crainte.
Il y a donc des difficultés ?
Il faut être sérieux et écouter des personnes adultes. Leurs conseils et leurs expériences sont très importants. Ils peuvent vous aider à surmonter des écueils.
N’importe qui peut-il devenir chauffeur de corbillard…
N’importe qui peut l’être mais cela dépend de la volonté de l’individu. Si tu es un garçon et que tu as de la volonté, alors tu peux faire ce travail. La bénédiction des parents veut dire que tu es en harmonie avec eux. Quand tu vas au travail, ils prient pour toi. Certains chauffeurs de corbillard ont toujours des problèmes, soit avec le patron, soit avec les parents du défunt. Par exemple, on peut envoyer un chauffeur en mission et puis la voiture tombe en panne. Ou bien, il peut avoir des prises de bec avec les parents du défunt. Et les parents peuvent appeler le patron pour dire que le conducteur n’a pas été gentil ou courtois. Le chauffeur joue sa carrière. Le patron peut le renvoyer. Les pompes funèbres sont des sociétés commerciales.
Avez-vous déjà transporté le corps d’un chauffeur de corbillard ?
J’ai transporté les corps de certains de mes collègues décédés. Cela m’a fait beaucoup réfléchir. Parce que demain, c’est un chauffeur qui m’accompagnera à ma derrière demeure. Conduire un corbillard et mourir sans aller à la retraite, je considère cela comme une malédiction. Il est souhaitable pour tout travailleur de prendre sa retraite avant son rappel à Dieu.
Un chauffeur de corbillard gagne-t-il bien sa vie ?
A l’époque, le conducteur de corbillard n’était pas bien rémunéré. Mais les choses ont évolué puisque ce sont nos frères qui gèrent aujourd’hui les pompes funèbres. Le salaire a augmenté. Donc, nous sommes bien payés. C’est un métier qui nourrit son homme. A condition que vous fassiez consciencieusement votre travail. Concernant les chauffeurs travaillant pour Ivosep, ceux-ci sont bien payés. Un conducteur de corbillard n’est pas dans la même catégorie qu’un chauffeur de taxi ou de gbaka. Nous sommes à l’aise. Je prie Dieu pour qu’il donne longue vie à Sidi Diallo, le président-directeur général de Ivosep.
Vous avez transporté des corps qui ont été incinérés. Comment cela se passe-t-il ?
Ce sont des corps de blancs, c’est-à-dire des Chinois, des Canadiens, des Coréens et des Hindous. Ce sont ces corps qui sont brûlés. Quand ils meurent à Abidjan, on transporte leurs corps à Accra, au Ghana, pour les brûler. Nous revenons avec leurs cendres que nous remettons à notre patron. Les représentants des personnes décédées viennent alors chercher la cendre pour l’expédier dans leur pays. A ce propos, j’ai fait une mission à Accra pour aller brûler un corps. Je ne connaissais pas l’endroit. On m’a donné un contact téléphonique. Sur place, j’ai composé le numéro mais le correspondant était injoignable. Imaginez mon désarroi! Je ne connaissais personne. Je ne comprenais ni l’anglais ni l’ashanti. J’ai tourné en rond avec le corps. Je suis allé garer dans une station d’essence. J’ai passé la nuit dans le corbillard en compagnie du corps. Le matin, je me suis rendu dans une cabine téléphonique pour joindre à nouveau mon correspondant. Il était encore injoignable. Je me suis retourné à la voiture. Et, j’ai commencé à méditer sur mon sort. J’ai imploré la grâce de Dieu. Les bénédictions de mon père m’ont aidé. J’ai garé le corbillard devant la cabine. Puis, j’ai dit à la dame de composer le numéro qui se trouvait sur le macaron de Ivosep. C’est ainsi qu’elle a composé le numéro et a communiqué en anglais avec son interlocuteur. Quelques minutes après, un monsieur nous a rejoints à bord d’un véhicule. Il m’a fait signe de la main de venir. J’ai démarré le corbillard et je l’ai suivi jusqu’à son lieu de service. Il y avait un Haoussa qui parlait le français. Ce dernier a servi d’interprète. Le corps a été acheminé au grand cimetière d’Accra. C’est là-bas qu’ils brûlent les corps. Il a fait la préparation du corps puis ils y ont mis le feu. C’est le lendemain matin, qu’il m’a envoyé les cendres contenues dans une petite caisse de 2 centimètres. Des documents m’ont été remis. Je me suis retourné le même jour à Abidjan. J’ai remis le colis à mon patron qui, à son tour, l’a remis aux parents du défunt. C’étaient des Chinois.
Comment avez-vous réagi en voyant un corps en train d’être incinéré ?
Ce jour-là, j’ai su que l’homme n’est rien. On brûlait un homme comme des poulets. Nous devons être corrects et faire du bien avant de mourir. Il faut être gentil avec tout le monde. Depuis ce jour, je ne fais palabre à personne. Si on m’insulte, je ne réponds rien.
Combien de corps avez-vous convoyés à Accra pour être jetés au feu?
Je ne sais plus combien exactement. Mais ce sont plusieurs corps. En quatre ans, j’ai fait plusieurs fois le voyage Abidjan-Accra, et je pouvais envoyer deux corps chaque mois. Donc, je ne peux savoir le nombre précis.
Qu’est-ce qui vous a marqué durant vos 28 ans de carrière ?
Un homme doit être gentil parce que le jour où vous allez mourir, les gens pourront s’occuper ou aider vos enfants en reconnaissance de nos bienfaits. J’ai vu beaucoup de choses et je conclus que l’homme n’est rien. Nous allons tous mourir, donc il faut être aimable avec ses semblables.
Qu’est-ce que vous n’avez pas aimé durant votre carrière ?
J’ai aimé le travail de conducteur de corbillard. Au début, je ne voulais pas de ce boulot. Mais je suis satisfait de ce travail grâce aux bénédictions des parents. Je n’ai que de bons souvenirs car ce métier j’ai fini par l’aimer de tout mon cœur.
Interview réalisée par Bahi. K