1) Sur la forclusion de la CEI du fait du non respect du délai de trois jours
Ni la Constitution ivoirienne ni le Code électoral ne prévoient de délai pour la proclamation des résultats provisoires.
Le délai de 3 jours auquel il est fait allusion et qui figure à l’article 59 nouveau du Code électoral ne concerne que la transmission des procès-verbaux et des pièces justificatives par la CEI au Conseil Constitutionnel. Au surplus, ce délai n’est pas un délai « impératif » comme veut faire croire Monsieur Yao N Dré, sinon l’article 59 l’aurait fixé en précisant, selon les (principes généraux de droit), qu’il est prescrit « à peine de nullité » ou que la disposition qui le prévoit est « d’ordre public »
C’est pour cette raison que la CEI a pu valablement proclamer le 04 Novembre 2010, à 1 heure du matin, les résultats du scrutin du 31 octobre 2010, soit plus de trois jours après la clôture du scrutin. Cette proclamation a d’ailleurs été validée par le même Conseil Constitutionnel.
En tout état de cause, même s’ils avaient été proclamés en dehors d’un délai qui aurait été prévu par la Loi, la proclamation des résultats provisoires n’aurait pu être nulle car en Droit, il n’ y a pas de nullité sans texte.
2- Sur l’auto- saisine du Conseil constitutionnel
La proclamation des résultats provisoires par la CEI constitue une étape obligatoire du processus électoral. La Constitution ivoirienne prend en compte le fait que dans certaines circonstances, cette proclamation pourrait être rendue momentanément impossible.
En effet, une procédure très précise est prévue par l’article 38 de la Constitution ivoirienne qui dispose qu’« en cas d’évènements … rendant impossible… la proclamation des résultats, le président de la commissions chargée des élections saisit immédiatement de Conseil Constitutionnel aux fins de constatation de cette situation. Le Conseil constitutionnel décide dans le s vingt quatre heures… de suspendre la proclamation des résultats. Le président le la république en informe la nation par message ».
En cas d’impossibilité pour la CEI de proclamer les résultats provisoires, c’est donc le Président de la CEI seul qui aurait pu saisir le Conseil Constitutionnel. En l’absence d’une telle saisine, il est clair que le Conseil Constitutionnel n’avait aucun droit à s’auto saisir.
Même dans un tel cas de saisine par le Président de la CEI, l’article 38 précité précise que le Conseil Constitutionnel ne peut que suspendre la proclamation des résultats puis, dans un 2ème temps, après avoir constaté la cessation de l’empêchement, fixer un nouveau délai, ne pouvant excéder 30 jours, pour la proclamation des résultats provisoires par la CEI.
Il ne fait donc aucun doute, à la lecture de cette disposition constitutionnelle, que le Conseil Constitutionnel n’avait aucun droit de s’auto saisir et n’était pas fondé, non plus, à proclamer les résultats comme il l’a fait. En cas d’impossibilité de proclamer les résultats provisoires, le Conseil Constitutionnel se devait d’attendre d’être saisi par le Président de la CEI. L’auto saisine du Conseil est donc intervenue en violation flagrante de la Constitution ivoirienne.
Dans tous les cas, il n’y a pas eu impossibilité pour la CEI de proclamer les résultats provisoires puisque cette proclamation est intervenue dans la journée du 2 décembre 2010. Les querelles provoquées artificiellement par 2 membres de LMP au sein de la CEI ne pouvaient constituer un cas d’impossibilité au regard de la Constitution. Cette situation n’a fait que différer la proclamation des résultats étant rappelé que ni la Constitution ivoirienne, ni Le code électoral ne prévoient à aucun moment que la publication doit intervenir dans les 3 jours suivants le scrutin.
3- Sur la possibilité pour le Conseil Constitutionnel d’annuler une partie du scrutin
L’article 64 nouveau du Code électoral prévoit que :
«Dans le cas où le Conseil Constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d`ensemble, il prononce l`annulation de l`élection et notifie sa décision à la Commission Électorale Indépendante qui en informe le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et le Représentant Spécial du Facilitateur à toutes fin utiles.
La date du nouveau scrutin est fixée par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition de la Commission Électorale Indépendante. Le scrutin a lieu au plus tard quarante cinq jours à compter de la date de la décision du Conseil Constitutionnel. »
Cette disposition est claire. Dans le cas où le Conseil constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin :
soit ces irrégularités sont de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d`ensemble, auquel cas le Conseil constitutionnel prononce l`annulation de l`élection et notifie sa décision à la Commission Électorale Indépendante ;
soit tel n’est pas le cas, et le Conseil n’a pas d’autres options que de valider le scrutin.
Aucune autre option n’existe. En particulier, la loi n’autorise pas le Conseil constitutionnel à invalider le scrutin dans certains départements seulement, en d’autres termes, à réformer les résultats du scrutin.
4- Sur les fondements de la décision d’annulation partielle du scrutin par le Conseil constitutionnel
A supposer même, par extraordinaire, que le Conseil Constitutionnel ait été en droit d’annuler une partie du scrutin, il apparaît, de manière évidente, qu’aucune des raisons avancées par le Conseil Constitutionnel ne justifie la mesure prise.
Il convient de rappeler que les départements dans lesquels l’annulation a été prononcée par le Conseil constitutionnel sont au nombre de 7 à savoir, ceux de Bouaké, Dabakala et Katiola ( région Vallée du Bandama), ceux de Korhogo, Ferkessedougou, et Boundiali (Savanes) et celui de Séguéla (Wordodougou) Ces départements comprennent 2.686 bureaux de votes, regroupés dans 1.612 lieux de vote. C’est au total 606 354 ivoiriens dont les votes ont été annulés par le Conseil constitutionnel.
Le Conseil Constitutionnel a retenu les motifs avancés par le candidat Gbagbo à savoir, l’absence de ses représentants et délégués dans les bureaux de vote, le bourrage des urnes, le transport des PV par des personnes non autorisées, l’empêchement de vote des électeurs, l’absence d’isoloirs, la majoration des suffrages exprimés.
Le Conseil constitutionnel s’est appuyé essentiellement sur des PV d’audition dressés par des huissiers.
Il convient d’insister sur le fait que les PV d’audition n’ont aucune valeur probante en tant que tel En effet, un PV d’audition dressé par un huissier a seulement pour objet de recueillir, à un instant donné, la déclaration d’une personne. Cette personne peut faire des déclarations mensongères. L’huissier, qui n’est pas un enquêteur et intervient après coup, n’a aucun moyen de vérifier si ces déclarations sont conformes ou non à la vérité. En d’autres termes, les PV d’audition dressés par les huissiers ne font qu’enregistrer des déclarations qui ont valeur de « on dit que ».
Il est a priori surprenant que, pour une décision aussi grave (l’invalidation du vote de 606 354 ivoiriens), le Conseil constitutionnel ait choisi de se fonder uniquement sur les PV d’huissier de retranscription de simples « on dit que » en écartant tous les milliers de PV officiels dressés par les organes électoraux compétents dans les zones concernées et sanctionnant les travaux de dépouillement, recensement et collecte des suffrages.
En réalité, le Conseil constitutionnel, totalement à la botte du candidat Gbagbo, n’a pas souhaité se référer à ces PV officiels pour la simple raison qu’ils contredisent totalement la thèse des prétendues « graves irrégularités » mise en avant par le Conseil constitutionnel pour justifier l’annulation partielle du scrutin dans ces départements.
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que, selon le système mis en place par les textes applicables, chaque candidat fait l’objet d’une double représentation au niveau des commissions locales CEI (communale et sous préfectorale, départementale et régionale) chargée du recensement et de la consolidation des votes : d’une part une représentation au sein de la commission concernée (en qualité de Président ou de Vice-Président) et d’autre part une représentation auprès de ladite commission.
Or, les PV de centralisation (recensement) des commissions départementales de Bouaké, Dabakala, Katiola et Séguéla (total 287.668 suffrages exprimés dont près de 90 % pour le candidat ADO) et de Korhogo, Ferkessedougou, Boundiali (total suffrages exprimés 309.972 dont 93 % pour ADO) ont tous été signés, sans aucune réserve, par les Président et les Vice Présidents desdites commissions. Il est évident, si de graves irrégularités avaient été commises dans ces zones, que les représentants du candidat Gbagbo au sein et auprès des commissions compétentes l’auraient mentionné dans la pluspart de ces PV.
En ce qui concerne Korhogo, Ferkessedougou, Boundiali (total suffrages exprimés 309.972 dont 93 % pour ADO), les PV de centralisation (recensement) des commissions départementales concernées ont tous été signés, sans aucune réserve, par les Président et les Vice Présidents desdites commissions. S’agissant de la signature des représentants des candidats auprès de ces commissions, seuls les représentants du candidat Gbagbo ne les ont pas signés pour la simple raison qu’ils avaient quitté le siège de ces commissions à la demande de M. Lanciné Gbon. Le fait que la signature des représentants du candidat Gbagbo n’ait pas été apposée sur ces PV ne signifie pas que le scrutin dans ces départements devait être invalidée. Il est évident, en effet, si de graves irrégularités avaient été commises dans ces zones, que les représentants du candidat Gbagbo au sein des commissions compétentes l’auraient mentionné dans la pluspart de ces PV.
Il ne fait donc aucun doute que le Conseil Constitutionnel a pris le parti, dès le départ, d’écarter les seuls éléments qui pouvaient faire foi mais qui n’allaient dans le sens prédéterminé – à savoir l’annulation partielle du scrutin- pour ne retenir que ceux qui, bien que dénués de la moindre force probante, lui permettait de donner une apparence de légalité à sa décision.
5- Sur la légitimité de l’ONU pour certifier les élections
La certification signifie que les élections devront être certifiés d’une façon explicite. Le Certificateur devra veiller à ce que les résultats soient respectés ; que le vainqueur soit celui qui a gagné les élections ; que les résultats ne fassent l’objet ni de contestations non démocratiques, ni de compromissions.
La certification des élections en Côte d’Ivoire par les Nations Unies est légitime.
Elle répond, en effet, à une demande des parties signataires de l’accord de Pretoria de 2005 de voir les Nations Unies accompagner le processus électoral dans le contexte de sortie de crise, en vue d’élections ouvertes, libres, justes et transparentes.
En effet, suite à l’Accord de Prétoria de 2005, le Gouvernement ivoirien a demandé à l’ONU de procéder à la certification des élections et ce, afin d’éviter les risques de « contestation non démocratiques et les compromissions ».
Dans sa résolution 1765 le Conseil de Sécurité de l’ONU, après avoir rappelé ce qui suit : « Toutes les parties ivoiriennes, acceptant la nécessité de maintenir la responsabilité des Nations Unies pour ce qui est de la certification internationale du processus électoral conformément aux Accords de Prétoria afin de garantir la transparence et la crédibilité des élections et de réduire au minimum les risques d’une crise politique au cas où certains contesteraient le processus électoral », a accepté la mission de certification demandée par le Gouvernement ivoirien.
La certification ne constitue donc pas une ingérence puisqu’elle a été demandée et acceptée par les autorités ivoiriennes.
Les faits démontrent aujourd’hui, s’il en était besoin, que cette certification par l’ONU était nécessaire.
Il faut souligner que cette résolution a valeur supranationale tout comme la résolution 1633 qui a maintenu M Laurent Gbagbo au pouvoir en dépit de la Constitution.
De plus, la certification des résultats intervient en dernier recours, c`est-à-dire après la décision du Conseil constitutionnel.
Si la certification a été demandée par toutes les parties, c’est évidemment en raison du fait que toutes les parties considéraient qu’elle constituait, au-delà même de la décision du Conseil constitutionnel, la décision finale quant au résultat du scrutin.
Il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant à cela au regard de la situation particulière que connaît le pays.
En effet, lorsque le mandat de M. Gbagbo a expiré le 30 Octobre 2005, le Conseil de Sécurité de l’ONU, réuni le 21 octobre 2005, a décidé, dans sa résolution 1633, d’entériner les décisions prises par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine.
Ainsi donc, le Président Gbagbo, passé le 30 Octobre 2005, n’est demeuré en fonctions que grâce à cette résolution. Sa légitimité et la légalité de son pouvoir ont résulté en réalité uniquement de cette résolution. M. Gbagbo n’ayant été maintenu en fonction, après 2005, qu’en vertu d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, il est donc normal que l’élection du nouveau Président de la République soit validée, en dernier ressort, par l’ONU.
6- Sur les méthodes de certification des résultats
Le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Certificateurs des élections a présenté les 3 méthodes utilisées pour la certification des élections en Côte d’Ivoire, à savoir :
- identification des tendances le plus tôt possible. Pour ce faire, 721 fonctionnaires de l’ONUCI ont été déployés en autant de bureaux de vote soigneusement triés. Ils ont annoncé au Certificateur, par téléphone, les résultats du second tour affichés dans les bureaux de vote au soir du 28 novembre ;
- collecte des résultats des votes à partir des 19 commissions électorales régionales. Dans ce but, une semaine avant le scrutin, 19 membres du personnel de l’ONUCI avaient été commis à cette tâche et déployés sur le terrain. Chacun d’entre eux a fait parvenir sa moisson au Certificateur le 30 novembre. L’agrégation de tous leurs résultats a confirmé les tendances obtenues deux jours plus tôt, c’est à dire qu’à ce moment, l’on savait presque avec certitude qui avait emporté et qui avait perdu les élections ;
examen de tous les 20.000 procès-verbaux reçus par l’ONUCI de la part des autorités ivoiriennes le 30 novembre pour les besoins de certification. Dans cette perspective, un centre de tabulation avait été mis sur pied au siège de la Mission de l’ONUCI avec 120 membres du personnel, formés des semaines plus tôt, qui ont travaillé en rotation de 3 groupes, jour et nuit. La formation s’imposait d’autant plus qu’il ne s’agissait pas juste d’une simple agrégation. Il s’agissait d’examiner procès-verbal après procès-verbal pour voir s’il y avait trace de fraude ou de manipulation, notamment si les procès-verbaux avaient été signés par les représentants de la Majorité Présidentielle. En conséquence, l’équipe a éliminé un certain nombre de procès-verbaux. Le Certificateur a vérifié si les procès-verbaux ainsi éliminés étaient concentrés dans certaines régions ou couvraient tout le pays. Le dernier cas correspondait à la réalité. Ainsi, l’examen des 20.000 procès-verbaux s’est achevé au soir du 2 décembre 2010.
Le Certificateur a conclu en indiquant que les résultats agrégés dans le cadre de la 3ème méthode ont donné des pourcentages presque identiques à ceux de la 2ème méthode. Qui plus est, en termes de pourcentage, les tendances issues de la 1ère méthode étaient très proches de celles obtenues au titre des 2ème et 3 ème méthodes.
Concernant les réclamations du candidat Laurent GBAGBO, le Certificateur a ajouté qu’il en avait été destinataire et que l’ONUCI les avait examinées minutieusement.
S’agissant des réclamations portant sur l’utilisation de la violence dans 9 départements du Nord qui aurait empêché les gens de voter, le Certificateur a précisé qu’il avait demandé au commissaire de police de l’ONUCI de collecter tous les rapports sur les violences le jour de l’élection et de préparer une carte consolidée indiquant l’intensité, la fréquence et la localisation de la violence. La carte montre, sans aucune incertitude, que le jour de l’élection, il y a eu moins d’actes de violence au Nord qu’à l’Ouest.
S’agissant des réclamations portant sur l’existence de procès verbaux ne portant pas la signature des représentants du Camp Présidentiel dans ces départements, le Certificateur a indiqué qu’il les avait tous passé en revue et éliminé tous ceux ne portant pas la signature des représentants du camp du Président Gbagbo. Sa conclusion est que même une telle démarche n’altère pas, de manière significative, le résultat du second tour.
Le Certificateur a conclu qu’il était « était donc absolument clair à ce moment que le Peuple ivoirien avait choisi sans équivoque le vainqueur du second tour de l’élection présidentielle ».
Article 59 du code électoral.
« … la Commission électorale indépendante communique au Conseil Constitutionnel, au représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d’Ivoire et au représentant spécial du facilitateur un exemplaire des procès-verbaux accompagnés des pièces justificatives dans les trois jours qui suivent le scrutin…».
Ni la Constitution ivoirienne ni le Code électoral ne prévoient de délai pour la proclamation des résultats provisoires.
Le délai de 3 jours auquel il est fait allusion et qui figure à l’article 59 nouveau du Code électoral ne concerne que la transmission des procès-verbaux et des pièces justificatives par la CEI au Conseil Constitutionnel. Au surplus, ce délai n’est pas un délai « impératif » comme veut faire croire Monsieur Yao N Dré, sinon l’article 59 l’aurait fixé en précisant, selon les (principes généraux de droit), qu’il est prescrit « à peine de nullité » ou que la disposition qui le prévoit est « d’ordre public »
C’est pour cette raison que la CEI a pu valablement proclamer le 04 Novembre 2010, à 1 heure du matin, les résultats du scrutin du 31 octobre 2010, soit plus de trois jours après la clôture du scrutin. Cette proclamation a d’ailleurs été validée par le même Conseil Constitutionnel.
En tout état de cause, même s’ils avaient été proclamés en dehors d’un délai qui aurait été prévu par la Loi, la proclamation des résultats provisoires n’aurait pu être nulle car en Droit, il n’ y a pas de nullité sans texte.
2- Sur l’auto- saisine du Conseil constitutionnel
La proclamation des résultats provisoires par la CEI constitue une étape obligatoire du processus électoral. La Constitution ivoirienne prend en compte le fait que dans certaines circonstances, cette proclamation pourrait être rendue momentanément impossible.
En effet, une procédure très précise est prévue par l’article 38 de la Constitution ivoirienne qui dispose qu’« en cas d’évènements … rendant impossible… la proclamation des résultats, le président de la commissions chargée des élections saisit immédiatement de Conseil Constitutionnel aux fins de constatation de cette situation. Le Conseil constitutionnel décide dans le s vingt quatre heures… de suspendre la proclamation des résultats. Le président le la république en informe la nation par message ».
En cas d’impossibilité pour la CEI de proclamer les résultats provisoires, c’est donc le Président de la CEI seul qui aurait pu saisir le Conseil Constitutionnel. En l’absence d’une telle saisine, il est clair que le Conseil Constitutionnel n’avait aucun droit à s’auto saisir.
Même dans un tel cas de saisine par le Président de la CEI, l’article 38 précité précise que le Conseil Constitutionnel ne peut que suspendre la proclamation des résultats puis, dans un 2ème temps, après avoir constaté la cessation de l’empêchement, fixer un nouveau délai, ne pouvant excéder 30 jours, pour la proclamation des résultats provisoires par la CEI.
Il ne fait donc aucun doute, à la lecture de cette disposition constitutionnelle, que le Conseil Constitutionnel n’avait aucun droit de s’auto saisir et n’était pas fondé, non plus, à proclamer les résultats comme il l’a fait. En cas d’impossibilité de proclamer les résultats provisoires, le Conseil Constitutionnel se devait d’attendre d’être saisi par le Président de la CEI. L’auto saisine du Conseil est donc intervenue en violation flagrante de la Constitution ivoirienne.
Dans tous les cas, il n’y a pas eu impossibilité pour la CEI de proclamer les résultats provisoires puisque cette proclamation est intervenue dans la journée du 2 décembre 2010. Les querelles provoquées artificiellement par 2 membres de LMP au sein de la CEI ne pouvaient constituer un cas d’impossibilité au regard de la Constitution. Cette situation n’a fait que différer la proclamation des résultats étant rappelé que ni la Constitution ivoirienne, ni Le code électoral ne prévoient à aucun moment que la publication doit intervenir dans les 3 jours suivants le scrutin.
3- Sur la possibilité pour le Conseil Constitutionnel d’annuler une partie du scrutin
L’article 64 nouveau du Code électoral prévoit que :
«Dans le cas où le Conseil Constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d`ensemble, il prononce l`annulation de l`élection et notifie sa décision à la Commission Électorale Indépendante qui en informe le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et le Représentant Spécial du Facilitateur à toutes fin utiles.
La date du nouveau scrutin est fixée par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition de la Commission Électorale Indépendante. Le scrutin a lieu au plus tard quarante cinq jours à compter de la date de la décision du Conseil Constitutionnel. »
Cette disposition est claire. Dans le cas où le Conseil constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin :
soit ces irrégularités sont de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d`ensemble, auquel cas le Conseil constitutionnel prononce l`annulation de l`élection et notifie sa décision à la Commission Électorale Indépendante ;
soit tel n’est pas le cas, et le Conseil n’a pas d’autres options que de valider le scrutin.
Aucune autre option n’existe. En particulier, la loi n’autorise pas le Conseil constitutionnel à invalider le scrutin dans certains départements seulement, en d’autres termes, à réformer les résultats du scrutin.
4- Sur les fondements de la décision d’annulation partielle du scrutin par le Conseil constitutionnel
A supposer même, par extraordinaire, que le Conseil Constitutionnel ait été en droit d’annuler une partie du scrutin, il apparaît, de manière évidente, qu’aucune des raisons avancées par le Conseil Constitutionnel ne justifie la mesure prise.
Il convient de rappeler que les départements dans lesquels l’annulation a été prononcée par le Conseil constitutionnel sont au nombre de 7 à savoir, ceux de Bouaké, Dabakala et Katiola ( région Vallée du Bandama), ceux de Korhogo, Ferkessedougou, et Boundiali (Savanes) et celui de Séguéla (Wordodougou) Ces départements comprennent 2.686 bureaux de votes, regroupés dans 1.612 lieux de vote. C’est au total 606 354 ivoiriens dont les votes ont été annulés par le Conseil constitutionnel.
Le Conseil Constitutionnel a retenu les motifs avancés par le candidat Gbagbo à savoir, l’absence de ses représentants et délégués dans les bureaux de vote, le bourrage des urnes, le transport des PV par des personnes non autorisées, l’empêchement de vote des électeurs, l’absence d’isoloirs, la majoration des suffrages exprimés.
Le Conseil constitutionnel s’est appuyé essentiellement sur des PV d’audition dressés par des huissiers.
Il convient d’insister sur le fait que les PV d’audition n’ont aucune valeur probante en tant que tel En effet, un PV d’audition dressé par un huissier a seulement pour objet de recueillir, à un instant donné, la déclaration d’une personne. Cette personne peut faire des déclarations mensongères. L’huissier, qui n’est pas un enquêteur et intervient après coup, n’a aucun moyen de vérifier si ces déclarations sont conformes ou non à la vérité. En d’autres termes, les PV d’audition dressés par les huissiers ne font qu’enregistrer des déclarations qui ont valeur de « on dit que ».
Il est a priori surprenant que, pour une décision aussi grave (l’invalidation du vote de 606 354 ivoiriens), le Conseil constitutionnel ait choisi de se fonder uniquement sur les PV d’huissier de retranscription de simples « on dit que » en écartant tous les milliers de PV officiels dressés par les organes électoraux compétents dans les zones concernées et sanctionnant les travaux de dépouillement, recensement et collecte des suffrages.
En réalité, le Conseil constitutionnel, totalement à la botte du candidat Gbagbo, n’a pas souhaité se référer à ces PV officiels pour la simple raison qu’ils contredisent totalement la thèse des prétendues « graves irrégularités » mise en avant par le Conseil constitutionnel pour justifier l’annulation partielle du scrutin dans ces départements.
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que, selon le système mis en place par les textes applicables, chaque candidat fait l’objet d’une double représentation au niveau des commissions locales CEI (communale et sous préfectorale, départementale et régionale) chargée du recensement et de la consolidation des votes : d’une part une représentation au sein de la commission concernée (en qualité de Président ou de Vice-Président) et d’autre part une représentation auprès de ladite commission.
Or, les PV de centralisation (recensement) des commissions départementales de Bouaké, Dabakala, Katiola et Séguéla (total 287.668 suffrages exprimés dont près de 90 % pour le candidat ADO) et de Korhogo, Ferkessedougou, Boundiali (total suffrages exprimés 309.972 dont 93 % pour ADO) ont tous été signés, sans aucune réserve, par les Président et les Vice Présidents desdites commissions. Il est évident, si de graves irrégularités avaient été commises dans ces zones, que les représentants du candidat Gbagbo au sein et auprès des commissions compétentes l’auraient mentionné dans la pluspart de ces PV.
En ce qui concerne Korhogo, Ferkessedougou, Boundiali (total suffrages exprimés 309.972 dont 93 % pour ADO), les PV de centralisation (recensement) des commissions départementales concernées ont tous été signés, sans aucune réserve, par les Président et les Vice Présidents desdites commissions. S’agissant de la signature des représentants des candidats auprès de ces commissions, seuls les représentants du candidat Gbagbo ne les ont pas signés pour la simple raison qu’ils avaient quitté le siège de ces commissions à la demande de M. Lanciné Gbon. Le fait que la signature des représentants du candidat Gbagbo n’ait pas été apposée sur ces PV ne signifie pas que le scrutin dans ces départements devait être invalidée. Il est évident, en effet, si de graves irrégularités avaient été commises dans ces zones, que les représentants du candidat Gbagbo au sein des commissions compétentes l’auraient mentionné dans la pluspart de ces PV.
Il ne fait donc aucun doute que le Conseil Constitutionnel a pris le parti, dès le départ, d’écarter les seuls éléments qui pouvaient faire foi mais qui n’allaient dans le sens prédéterminé – à savoir l’annulation partielle du scrutin- pour ne retenir que ceux qui, bien que dénués de la moindre force probante, lui permettait de donner une apparence de légalité à sa décision.
5- Sur la légitimité de l’ONU pour certifier les élections
La certification signifie que les élections devront être certifiés d’une façon explicite. Le Certificateur devra veiller à ce que les résultats soient respectés ; que le vainqueur soit celui qui a gagné les élections ; que les résultats ne fassent l’objet ni de contestations non démocratiques, ni de compromissions.
La certification des élections en Côte d’Ivoire par les Nations Unies est légitime.
Elle répond, en effet, à une demande des parties signataires de l’accord de Pretoria de 2005 de voir les Nations Unies accompagner le processus électoral dans le contexte de sortie de crise, en vue d’élections ouvertes, libres, justes et transparentes.
En effet, suite à l’Accord de Prétoria de 2005, le Gouvernement ivoirien a demandé à l’ONU de procéder à la certification des élections et ce, afin d’éviter les risques de « contestation non démocratiques et les compromissions ».
Dans sa résolution 1765 le Conseil de Sécurité de l’ONU, après avoir rappelé ce qui suit : « Toutes les parties ivoiriennes, acceptant la nécessité de maintenir la responsabilité des Nations Unies pour ce qui est de la certification internationale du processus électoral conformément aux Accords de Prétoria afin de garantir la transparence et la crédibilité des élections et de réduire au minimum les risques d’une crise politique au cas où certains contesteraient le processus électoral », a accepté la mission de certification demandée par le Gouvernement ivoirien.
La certification ne constitue donc pas une ingérence puisqu’elle a été demandée et acceptée par les autorités ivoiriennes.
Les faits démontrent aujourd’hui, s’il en était besoin, que cette certification par l’ONU était nécessaire.
Il faut souligner que cette résolution a valeur supranationale tout comme la résolution 1633 qui a maintenu M Laurent Gbagbo au pouvoir en dépit de la Constitution.
De plus, la certification des résultats intervient en dernier recours, c`est-à-dire après la décision du Conseil constitutionnel.
Si la certification a été demandée par toutes les parties, c’est évidemment en raison du fait que toutes les parties considéraient qu’elle constituait, au-delà même de la décision du Conseil constitutionnel, la décision finale quant au résultat du scrutin.
Il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant à cela au regard de la situation particulière que connaît le pays.
En effet, lorsque le mandat de M. Gbagbo a expiré le 30 Octobre 2005, le Conseil de Sécurité de l’ONU, réuni le 21 octobre 2005, a décidé, dans sa résolution 1633, d’entériner les décisions prises par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine.
Ainsi donc, le Président Gbagbo, passé le 30 Octobre 2005, n’est demeuré en fonctions que grâce à cette résolution. Sa légitimité et la légalité de son pouvoir ont résulté en réalité uniquement de cette résolution. M. Gbagbo n’ayant été maintenu en fonction, après 2005, qu’en vertu d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, il est donc normal que l’élection du nouveau Président de la République soit validée, en dernier ressort, par l’ONU.
6- Sur les méthodes de certification des résultats
Le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Certificateurs des élections a présenté les 3 méthodes utilisées pour la certification des élections en Côte d’Ivoire, à savoir :
- identification des tendances le plus tôt possible. Pour ce faire, 721 fonctionnaires de l’ONUCI ont été déployés en autant de bureaux de vote soigneusement triés. Ils ont annoncé au Certificateur, par téléphone, les résultats du second tour affichés dans les bureaux de vote au soir du 28 novembre ;
- collecte des résultats des votes à partir des 19 commissions électorales régionales. Dans ce but, une semaine avant le scrutin, 19 membres du personnel de l’ONUCI avaient été commis à cette tâche et déployés sur le terrain. Chacun d’entre eux a fait parvenir sa moisson au Certificateur le 30 novembre. L’agrégation de tous leurs résultats a confirmé les tendances obtenues deux jours plus tôt, c’est à dire qu’à ce moment, l’on savait presque avec certitude qui avait emporté et qui avait perdu les élections ;
examen de tous les 20.000 procès-verbaux reçus par l’ONUCI de la part des autorités ivoiriennes le 30 novembre pour les besoins de certification. Dans cette perspective, un centre de tabulation avait été mis sur pied au siège de la Mission de l’ONUCI avec 120 membres du personnel, formés des semaines plus tôt, qui ont travaillé en rotation de 3 groupes, jour et nuit. La formation s’imposait d’autant plus qu’il ne s’agissait pas juste d’une simple agrégation. Il s’agissait d’examiner procès-verbal après procès-verbal pour voir s’il y avait trace de fraude ou de manipulation, notamment si les procès-verbaux avaient été signés par les représentants de la Majorité Présidentielle. En conséquence, l’équipe a éliminé un certain nombre de procès-verbaux. Le Certificateur a vérifié si les procès-verbaux ainsi éliminés étaient concentrés dans certaines régions ou couvraient tout le pays. Le dernier cas correspondait à la réalité. Ainsi, l’examen des 20.000 procès-verbaux s’est achevé au soir du 2 décembre 2010.
Le Certificateur a conclu en indiquant que les résultats agrégés dans le cadre de la 3ème méthode ont donné des pourcentages presque identiques à ceux de la 2ème méthode. Qui plus est, en termes de pourcentage, les tendances issues de la 1ère méthode étaient très proches de celles obtenues au titre des 2ème et 3 ème méthodes.
Concernant les réclamations du candidat Laurent GBAGBO, le Certificateur a ajouté qu’il en avait été destinataire et que l’ONUCI les avait examinées minutieusement.
S’agissant des réclamations portant sur l’utilisation de la violence dans 9 départements du Nord qui aurait empêché les gens de voter, le Certificateur a précisé qu’il avait demandé au commissaire de police de l’ONUCI de collecter tous les rapports sur les violences le jour de l’élection et de préparer une carte consolidée indiquant l’intensité, la fréquence et la localisation de la violence. La carte montre, sans aucune incertitude, que le jour de l’élection, il y a eu moins d’actes de violence au Nord qu’à l’Ouest.
S’agissant des réclamations portant sur l’existence de procès verbaux ne portant pas la signature des représentants du Camp Présidentiel dans ces départements, le Certificateur a indiqué qu’il les avait tous passé en revue et éliminé tous ceux ne portant pas la signature des représentants du camp du Président Gbagbo. Sa conclusion est que même une telle démarche n’altère pas, de manière significative, le résultat du second tour.
Le Certificateur a conclu qu’il était « était donc absolument clair à ce moment que le Peuple ivoirien avait choisi sans équivoque le vainqueur du second tour de l’élection présidentielle ».
Article 59 du code électoral.
« … la Commission électorale indépendante communique au Conseil Constitutionnel, au représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d’Ivoire et au représentant spécial du facilitateur un exemplaire des procès-verbaux accompagnés des pièces justificatives dans les trois jours qui suivent le scrutin…».