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Politique Publié le lundi 13 décembre 2010 | Le Patriote

Venance Konan - Point de vue - Pour en finir avec cette crise

© Le Patriote Par Christian
Presse nationale - Le quotidien "L`Expression" souffle sa première bougie en présence des ministres Sy Savané, Konaté et du Roi de Bassam
"L’Expression" a célébré son 1er anniversaire à Grand-Bassam, dans le cadre somptueux du Koral Beach, les 3 et 4 juin 2010. Le séminaire initié à cette occasion, et qui portait sur le renforcement et l’enrichissement de son offre éditorial a été animé par des plumes de référence telles que Alfred Dan Moussa, Zio Moussa et Venance Konan (photo). Plusieurs personnalités étaient présentes: les ministres Ibrahim Sy Savané et Konaté Sidiki, Sa Majesté Nanan Awula Tanoé Amon, Roi des N’zima Kotoko et le député-maire Jean-Michel Moulod
L’une des complaintes des supporters de Laurent et que leurs juristes n’arrêtent pas de sortir à tout bout de champs, est que le président de la CEI aurait donné les résultats de l’élection présidentielle hors délai et en dehors des locaux de la CEI. J’ai regardé le code électoral. Il dit en son article 59 : « Trois exemplaires du procès-verbal accompagnés des pièces justificatives sont transmis à la Commission chargée des élections. Celle-ci procède aux opérations de collecte et à la proclamation provisoire des résultats en présence des représentants des candidats. La Commission chargée des élections communique au Conseil constitutionnel un exemplaire des procès-verbaux accompagnés des pièces justificatives dans les trois jours qui suivent le scrutin. » Ce texte ne dit nulle part que la président de la Commission chargée des élections a trois jours pour donner les résultats. Il dit qu’il a trois jours pour communiquer un exemplaire des procès-verbaux au Conseil constitutionnel. Ce n’est pas la même chose. Je n’ai vu nulle part où il est dit que la proclamation doit se faire dans les locaux de la CEI.

Election surveillée

Mais en tout état de cause, si tant est que l’on veut comprendre ce texte comme faisant injonction au président de la CEI de donner les résultats dans les trois jours, il y a un principe de droit qui dit que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. » Cela signifie que les partisans de Laurent Gbagbo ne peuvent pas empêcher physiquement la Commission de donner les résultats avant l’expiration du délai, faire régner la terreur au sein de la CEI pour obliger ses membres à en sortir, et tout cela, devant les journalistes du monde entier, et venir dire par la suite que le délai était dépassé, et que la proclamation n’a pas eu lieu dans les locaux de la CEI. C’est un peu gros. Trop gros même. Et Laurent Gbagbo espère faire avaler cela au reste du monde entier ? Soyons sérieux de temps en temps.
Je voudrais dire aux partisans de M. Gbagbo que nous sommes en train de perdre du temps pour rien, et qu’au fond, tous ces débats de juristes n’ont plus aucun intérêt. Ils pourront faire défiler tous les juristes du monde dans notre télévision soviétisée que cela n’y changera rien. Notre élection, qui est la plus coûteuse du monde, a été la plus surveillée, la plus observée. Il y a eu les observateurs des organismes les plus crédibles au monde, les missions diplomatiques accréditées chez nous, les centaines de journalistes venus du monde entier, et l’ONU, à qui nous avons demandé de certifier nos résultats. Tout le monde a tout vu. Et comme par hasard, les régions dont les résultats ont été invalidés par Yao-Ndré sont celles qui ont été les plus surveillées, à cause justement de la présence dans ces zones des Forces nouvelles. Alors, lorsque les rapports de tous ces observateurs coïncident avec ceux de nos propres préfets et concluent tous que les incidents qui se sont déroulés dans ces régions ne sont pas de nature à affecter les résultats, personne ne peut prendre la Cour constitutionnelle au sérieux. Tout le monde sait, et les partisans de Laurent Gbagbo savent aussi, que le vrai gagnant de cette élection présidentielle s’appelle Alassane Ouattara. Et, que les supporters de Laurent Gbagbo l’acceptent ou pas, cela n’y changera rien. Qu’ils se le disent une bonne fois pour toute : aucun Etat ne fera machine arrière pour dire que finalement c’est Laurent Gbagbo qui a gagné. Vous savez pourquoi ? Parce que le vol est trop flagrant. Il s’est déroulé devant le monde entier. Aucun Etat sérieux ne peut cautionner cela. Dans les autres pays où l’on tripatouille les résultats des élections, ils le font avec un peu plus d’intelligence. Soit ils ficèlent suffisamment bien leur affaire pour que la fraude, même si elle est soupçonnée, soit difficilement prouvable.

Volonté du peuple

Ou alors, ils cafouillent les choses de telle manière qu’il devient difficile de prouver que c’est l’opposition qui a gagné, malgré tous ses hurlements, et malgré toutes les réserves de la communauté internationale. Ce n’est pas le cas de la Côte d’Ivoire. Et si Barack Obama est monté au créneau, c’est parce qu’il considère que Laurent Gbagbo l’a en quelque sorte giflé. Rappelez-vous son discours à Accra le 20 juillet 2009. Il avait dit : « Les gouvernements qui respectent la volonté de leur propre peuple, qui gouvernent par le consentement et non par la coercition, sont plus prospères, plus stables, et réalisent plus de progrès que les gouvernements qui ne le font pas. Tenir des élections ne suffit pas. Il s’agit aussi de ce qui arrive entre les élections. La répression peut prendre plusieurs formes, et de nombreuses nations, y compris celles qui tiennent des élections, font face à des problèmes qui condamnent leurs peuples à la pauvreté. Un pays ne peut créer de richesse si ses leaders exploitent l’économie pour s’enrichir eux-mêmes, ou si la police peut être achetée par des trafiquants de drogue. Personne ne veut investir dans un pays où le gouvernement accapare des commissions de 20%, où la direction de l’autorité portuaire est corrompue. Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la règle de la brutalité et au gangstérisme. Cela n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie, y compris même si vous y mettez une élection. Et aujourd’hui, il est temps que ce style de gouvernance s’arrête. » Seuls ceux qui ont des bouchons dans les oreilles n’ont pas compris ce discours et pensent que Barack Obama laissera Yao-Ndré faire du gangstérisme juridique sous nos yeux. Si vous lisez bien ce discours, vous comprendrez que le président américain parlait entre autre de la Côte d’Ivoire. Que les partisans de Laurent Gbagbo et les forces militaires qui le soutiennent encore arrêtent de rêver. Obama ne lâchera pas prise. Il l’a dit : « Aujourd’hui, il est temps que ce style de gouvernance s’arrête. » C’est Gbagbo qui n’a rien compris. Ni Obama, ni les Européens, ni les Africains, ni les Ouest-africains, ni la majorité des ivoiriens qui ont choisi Ouattara comme leur président ne cèderont devant Laurent Gbagbo. Pour qu’il les nargue à nouveau de toutes ses dents refaites au Maroc ? Voyons ! Si l’Iran et la Corée du nord arrivent à tenir tête au reste du monde, c’est parce que l’un est sur le point de fabriquer une bombe atomique, et l’autre la possède déjà. Sur quoi compte donc Laurent Gbagbo ? Faire du chantage avec notre cacao ? Avec notre pétrole ? Avec nos fétiches ? Avec nos séances de prières ? Avec Blé Goudé et ses Jeunes patriotes ? Redescendons sur terre. Gbagbo doit l’avoir su maintenant : il n’a pas beaucoup d’amis dans le monde et dans la sous-région.
Alors, que va-t-il se passer ? La communauté internationale va durcir de plus en plus les sanctions. Obama a déjà dit qu’il pourrait pendre des sanctions contre Gbagbo et son entourage. Cet entourage peut comprendre ses conseillers, sa famille, ses ministres illégaux et leurs familles, ainsi que les militaires qui le soutiennent et leurs familles. Cela peut aller de l’interdiction de se rendre aux Etats-Unis pour tout ce monde (on l’a déjà fait à Affi Nguessan qui a été refoulé à l’aéroport de Paris), à l’expulsion de leurs familles vivant aux Etats-Unis.

Tribunal pénal

Entre temps, on aurait gelé tous leurs avoirs dans ce pays. Si Gbagbo s’entête, les Européens prendront les mêmes sanctions. On l’a déjà fait à Mugabe. Cela peut aller jusqu’à une résolution du Conseil de sécurité interdisant tout voyage dans le monde entier à tout ce beau monde. On a fait cela à l’entourage, y compris familial, de Charles Taylor. Alors, ne croyez pas que c’est juste une vue de l’esprit. Blé Goudé et Eugène Djué en savent quelque chose. On aurait au passage activé le Tribunal pénal international pour qu’il regarde de plus près ces histoires d’escadrons de la mort, le charnier de Yopougon, la répression de la manifestation de l’opposition de mars 2004, les détournements de l’argent versé par la communauté internationale dans la lutte contre le sida que certains croient que tout le monde a oublié, et tous les crimes impunis de la refondation. « Et si Gbagbo s’entête encore, et si ses militaires continuent malgré tout, de le soutenir ? » me demanderez-vous ? On peut interdire aux bateaux de venir dans notre port, puisque c’est là-bas que Gbagbo et ses sbires tirent leur argent. La panoplie des sanctions est très vaste. Mais en fin de compte, las d’attendre, les supporters de Ouattara marcheront sur la télévision, la radio et la présidence de la république pour les libérer des usurpateurs. Les militaires de Gbagbo tireront sans doute, et il y aura probablement des morts. Aucun Etat ne laissera faire. Souvenez-vous d’Haïti avec Jean-Bertrand Aristide. On viendra alors chercher Laurent et Simone Gbagbo par la peau du cou, pendant que les militaires qui auront donné les ordres, ainsi que ceux qui auront tiré, s’apprêteront à affronter la justice internationale. Elle ne les ratera pas. M. Ouattara dirigera alors le pays, sans doute dans des conditions plus difficiles, mais il le dirigera quand même. Avons-nous besoin d’arriver à un tel schéma ? C’est peut-être un tel scénario que veut Gbagbo. Après moi le chaos. Il y aura certainement le chaos, beaucoup de morts et de destructions, mais la Côte d’Ivoire survivra à Simone et Laurent Gbagbo.
Que, plutôt que d’aller jouer au clown au palais présidentiel, les chefs traditionnels et les populations qui ont voté pour Gbagbo aillent lui dire de libérer notre pays qui ne lui appartient pas. Qu’ils lui disent qu’ils veulent vivre, qu’ils veulent que leurs enfants vivent, que Bédié a perdu le pouvoir ici et il n’a pas semé le chaos, que Guéï a perdu le pouvoir ici, il n’a pas semé le chaos, que si sa clique et lui veulent se suicider, ils n’ont pas besoin d’entraîner des Ivoiriens dans leur délire, que la vie des Ivoiriens ne leur apparient pas, du fait qu’ils lui ont donné le pouvoir en 2000. Qu’ils aillent lui dire cela s’ils aiment ce pays. Qu’ils aillent aussi dire à Brou Amessan de libérer notre RTI, qu’il nous rend ridicules au yeux du monde entier en la caporalisant de cette façon, que de toutes les façons personne ne croit en leurs mensonges, qu’ils aillent dire à Franck Anderson Kouassi d’arrêter ce jeu stupide qui consiste à nous empêcher d’écouter et de regarder les radios et télévisions étrangères, que malgré cet enfantillage qui ne nous honore pas, les informations circulent dans tous le pays, et une décision qui est prise à New York est connue dans les heures qui suivent dans tous les petits hameaux, grâce à internet et au téléphone. Va-t-il nous couper cela aussi ? Que nos rois, chefs traditionnels et religieux se comportent pour une fois dans leur vie de façon responsable. Qu’ils aillent dire à Gbagbo que c’est fini. Wahuié ! Abanan ! Son règne est fini. Le choix qu’il lui reste à faire, c’est de se retirer dans la dignité et sans effusion de sang à Mama ou ailleurs, ou dans la violence, qui de toute façon ne l’épargnera pas. Qu’ils aillent dire à nos chefs militaires qu’ils soutiennent en vain un régime fini qui veut conduire ce pays au chaos, que leur devoir est de défendre la Côte d’Ivoire, et non un régime ou un homme, et que leur honneur de militaire sera d’accompagner Laurent Gbagbo, soit dans son village, soit au pied de l’avion qui le conduira dans son exil.
Je voudrais terminer en disant aux inconditionnels de Gbagbo que les Ivoiriens l’ont supporté pendant dix ans. Dans cinq ans, si Ouattara nous déçoit, nous aurons l’occasion de le sanctionner à son tour. Ça passe vite, cinq ans. En attendant, nous avons trop de choses à faire pour perdre du temps dans des combats d’arrière garde. Le coup d’Etat, la rébellion, les morts, les destructions, nous savons tout cela. C’est pour cela qu’il nous faut tourner la page et nous mettre au travail pour reconstruire ce qui a été détruit. Il ne sert à rien de remuer inlassablement le couteau dans la plaie. Nous n’avons pas à ajouter des morts aux morts et des destructions aux destructions. D’ores et déjà, les intellectuels de ce pays doivent commencer à réfléchir sur les garde-fous que nous devrons mettre en place pour éviter que le pouvoir de Ouattara ne devienne comme celui de Gbagbo. Lorsque l’on donne trop de pouvoir à un individu et que l’on ne le contrôle pas, il aura tendance à en abuser. C’est naturel. « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », a dit Montesquieu. Rendons cela effectif dans notre pays. Réfléchissons à la manière de réviser notre constitution qui nous a conduits dans cette crise. Elle donne trop de pouvoirs au chef de l’Etat et trop peu aux autres institutions. Lorsque le FPI aura disparu avec Laurent et Simone Gbagbo, et que les Mel, Appia, Gnonsoua, Fologo, Bro Grébé et autres se seront rangés sous la bannière du RHDP pour avoir de quoi manger un peu, lorsque le RHDP se sera transformé en un parti politique, nous serons alors dans un système de quasi parti unique. C’est dangereux pour notre démocratie. Il faudra des contre-pouvoirs. C’est maintenant qu’il faut y réfléchir. Il faudra que la société civile se renforce et joue enfin pleinement son rôle. Il y a du travail à faire, les frères, les sœurs. Nous avons perdu trop de temps dans des fausses querelles qui ont failli détruire notre pays. Utilisons maintenant nos cerveaux pour le reconstruire.
Venance Konan
Email: venancekonan@yahoo.fr
Site web:www.venancekonan.com

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