L’heure approche, Laurent. L’heure des deux rendez-vous. Ton rendez-vous avec ton histoire, et celui de la Côte d’Ivoire avec son destin. Laurent, il y a dix ans que tu attends ce moment. Il est arrivé. Ton destin à toi, était de partir de ce pouvoir que tu avais usurpé, comme tu étais venu : dans le sang. Les oracles l’avaient annoncé depuis longtemps. Tiburce Koffi, Anaky Kobenan, moi-même, et tant d’autres, simples porteurs de mots, l’avions écrit depuis longtemps déjà. Tu es venu dans le sang, tu partiras dans le sang. C’était inscrit dans ton histoire. L’historien que tu es la connait mieux que moi. Ce moment est arrivé. La Côte d’Ivoire, elle, aura à nouer ou peut-être à dénouer son destin. Dix ans qu’elle attend elle aussi. Depuis qu’elle a très imprudemment confié entre tes mains malhabiles son destin. Son destin qu’elle veut te reprendre. Tragique fut ton destin. Et celui de ton pays. Sans doute qu’à l’heure du rendez-vous, au moment où des corps tomberont sous les balles de tes sicaires, et que le sang coulera, le poète que tu as prétendu être sera en train de déclamer des méchants vers, comme Néron regardant les flammes dévorer Rome. Tu déclameras sans doute ces mots de ton mentor spirituel, Kragbé Gnagbé, dans son « manifeste au peuple d’Eburnie », ces mots que tu avais certainement bien pris le soin de te remémorer, avant d’aller au second tour de l’élection présidentielle :
« Il est trop tard, à présent, pour parler d’élection. Il faut se battre maintenant. Il faut se battre avec tous les moyens, même avec les mains nues. Dussions-nous y mettre le prix en hommes et en sang.
Le sang parle mieux aux masses, car c’est le vrai langage de la politique. » Ou alors ces phrases que tu écrivis dans ton ouvrage « Soudjata, lion du Manding » : « je suis au pouvoir, j’y reste » (P. 18), ou « Soumahoro est venu chez nous pour parler le langage des armes ; c’est par le langage des armes qu’il fallait lui répondre » (P. 70), ou encore « je ne suis pas de ceux qui chantent la paix, alors que leurs peuples sont l’objet d’agressions quotidiennes. Tu as pris le Manding par la force des armes, nous le libèrerons par la force des armes » (P.83) ou encore, « la liberté est une denrée qui se vend cher, une denrée qui ne s’achète qu’au prix du sang » (P.70)…
Le sang, Laurent, le sang ! Le seul langage que tu aies jamais parlé au peuple qui t’a porté au pouvoir. Aucune manifestation, durant les dix ans de ton règne qui ne se soit terminée dans le sang. Aucune. Il ne fait pas de doute. Ce jour peut-être, demain, le sang coulera encore. Le vrai langage de la politique est le sang, t’a enseigné ton mentor. Alors, sous ton règne, le sang a abondamment coulé. Et continuera de couler jusqu’à ce que tu tombes dans les oubliettes de l’histoire. Laurent, c’était toi qui agressais quotidiennement ton peuple, et c’est toi qui es en train de confisquer sa liberté.
Ton peuple, qui t’a tourné le dos après toutes tes forfaitures, lui, avant d’aller à l’inéluctable rendez-vous, se remémorera certainement ces phrases que tu avais prononcées le samedi 5 décembre 1998 au stade Ficgayo, à Yopougon : « J’entends les gens dire, c’est une loi. Elle est déjà votée. On ne peut plus protester. Je voudrais vous dire ceci : tout citoyen de tout pays a le droit sacré de lutter contre une loi lorsque celle-ci va contre ses intérêts. Il ne faut pas vous laisser culpabiliser parce que vous voulez user de votre droit de républicain à manifester. Ceux qui vous accusent de vouloir marcher pour gâter la Côte d’Ivoire, répondez leur du tac au tac : ‘’vous avez déjà gâté le pays, c’est pourquoi nous voulons marcher ‘’. Ce n’est pas une marche qui amène la guerre civile. C’est plutôt ceux qui sont contre une marche qui amènent la guerre civile. Houphouët-Boigny dont ils se réclament les héritiers a lutté contre la loi coloniale votée par l’Assemblée française. On les entend dire que Nelson Mandela est un grand combattant, un grand chef d’Etat. Et dans le même temps ils nous demandent de ne pas lutter contre les lois de Bédié. Alors que Mandela a passé sa vie à lutter contre les lois des Blancs en Afrique du Sud. L’apartheid n’était pas seulement un acte. C’était un dispositif de lois. Ceux qui nous accusent ne connaissant rien. Ce sont des ignorants qui n’ont jamais rien lu qui soutiennent qu’on ne lutte pas contre une loi déjà votée. Et ils veulent porter la contradiction à des gens qui lisent. En français, on oppose la légalité à la légitimité. La loi, c’est la légalité. Le combat que nous menons, c’est la légitimité du peuple. Nous opposons aux lois iniques la légitimité du peuple de Côte d’Ivoire. Voilà la différence qu’ils ne connaissent pas et qu’il faut que nous leur apprenions. Et voilà pourquoi nous devons nous dresser. Les lois, elles sont circonstancielles. Elles vont, elles reviennent. » Tu protestais alors contre la loi de 1995 qui portait révision de la loi constitutionnelle et du code électoral. Le peuple se remémorera encore qu’en 2000, lorsque Robert Guéï s’était proclamé vainqueur de l’élection, qu’il s’était investi président de la république, tu avais demandé au bon peuple de descendre dans la rue. Ce qu’il avait fait, te permettant ainsi d’accéder au pouvoir que tu convoitais depuis tant de temps. En récompense à ces martyrs, tu leur as offert un horrible monument.
L’heure fatidique approche, Laurent. J’entends tes pasteurs aux bouches mielleuses et menteuses vociférant que ton pouvoir te vient de Dieu et que seul, Lui, peut te l’enlever. Laurent, en démocratie, c’est le peuple qui donne le pouvoir et l’enlève lorsque l’on a perdu sa confiance. Et toi, Laurent, toi, le Soudjata qui rêvait de bâtir un empire, le nouvel empire d’Eburnie, toi, Laurent, le Moïse qui rêvait de conduire son peuple vers la terre promise de la libération coloniale, tu n’es pas homme à te plier à la volonté d’un peuple que tu as toujours méprisé et nargué. Alors, plutôt que de te plier à sa volonté, tu as choisi de l’entraîner dans ta déchéance.
Quelle épitaphe t’écrira-t-on ? « Ci-gît, Laurent Koudou Gbagbo, qui fit naître la démocratie dans son pays et l’assassina » ou « Ci-gît Laurent Koudou Gbagbo, celui qui vint au pouvoir dans le sang et s’en alla de la même façon. De la part de son pays qui lui a malgré tout survécu » ? Ou encore « Laurent Gbagbo, l’homme qui aima plus le pouvoir que son peuple » ?
Quel désastre, pour l’historien que tu fus!
Venance Konan
konan@yahoo.fr"
venancekonan@yahoo.fr
Site web : www.venancekonan.com"
www.venancekonan.com
« Il est trop tard, à présent, pour parler d’élection. Il faut se battre maintenant. Il faut se battre avec tous les moyens, même avec les mains nues. Dussions-nous y mettre le prix en hommes et en sang.
Le sang parle mieux aux masses, car c’est le vrai langage de la politique. » Ou alors ces phrases que tu écrivis dans ton ouvrage « Soudjata, lion du Manding » : « je suis au pouvoir, j’y reste » (P. 18), ou « Soumahoro est venu chez nous pour parler le langage des armes ; c’est par le langage des armes qu’il fallait lui répondre » (P. 70), ou encore « je ne suis pas de ceux qui chantent la paix, alors que leurs peuples sont l’objet d’agressions quotidiennes. Tu as pris le Manding par la force des armes, nous le libèrerons par la force des armes » (P.83) ou encore, « la liberté est une denrée qui se vend cher, une denrée qui ne s’achète qu’au prix du sang » (P.70)…
Le sang, Laurent, le sang ! Le seul langage que tu aies jamais parlé au peuple qui t’a porté au pouvoir. Aucune manifestation, durant les dix ans de ton règne qui ne se soit terminée dans le sang. Aucune. Il ne fait pas de doute. Ce jour peut-être, demain, le sang coulera encore. Le vrai langage de la politique est le sang, t’a enseigné ton mentor. Alors, sous ton règne, le sang a abondamment coulé. Et continuera de couler jusqu’à ce que tu tombes dans les oubliettes de l’histoire. Laurent, c’était toi qui agressais quotidiennement ton peuple, et c’est toi qui es en train de confisquer sa liberté.
Ton peuple, qui t’a tourné le dos après toutes tes forfaitures, lui, avant d’aller à l’inéluctable rendez-vous, se remémorera certainement ces phrases que tu avais prononcées le samedi 5 décembre 1998 au stade Ficgayo, à Yopougon : « J’entends les gens dire, c’est une loi. Elle est déjà votée. On ne peut plus protester. Je voudrais vous dire ceci : tout citoyen de tout pays a le droit sacré de lutter contre une loi lorsque celle-ci va contre ses intérêts. Il ne faut pas vous laisser culpabiliser parce que vous voulez user de votre droit de républicain à manifester. Ceux qui vous accusent de vouloir marcher pour gâter la Côte d’Ivoire, répondez leur du tac au tac : ‘’vous avez déjà gâté le pays, c’est pourquoi nous voulons marcher ‘’. Ce n’est pas une marche qui amène la guerre civile. C’est plutôt ceux qui sont contre une marche qui amènent la guerre civile. Houphouët-Boigny dont ils se réclament les héritiers a lutté contre la loi coloniale votée par l’Assemblée française. On les entend dire que Nelson Mandela est un grand combattant, un grand chef d’Etat. Et dans le même temps ils nous demandent de ne pas lutter contre les lois de Bédié. Alors que Mandela a passé sa vie à lutter contre les lois des Blancs en Afrique du Sud. L’apartheid n’était pas seulement un acte. C’était un dispositif de lois. Ceux qui nous accusent ne connaissant rien. Ce sont des ignorants qui n’ont jamais rien lu qui soutiennent qu’on ne lutte pas contre une loi déjà votée. Et ils veulent porter la contradiction à des gens qui lisent. En français, on oppose la légalité à la légitimité. La loi, c’est la légalité. Le combat que nous menons, c’est la légitimité du peuple. Nous opposons aux lois iniques la légitimité du peuple de Côte d’Ivoire. Voilà la différence qu’ils ne connaissent pas et qu’il faut que nous leur apprenions. Et voilà pourquoi nous devons nous dresser. Les lois, elles sont circonstancielles. Elles vont, elles reviennent. » Tu protestais alors contre la loi de 1995 qui portait révision de la loi constitutionnelle et du code électoral. Le peuple se remémorera encore qu’en 2000, lorsque Robert Guéï s’était proclamé vainqueur de l’élection, qu’il s’était investi président de la république, tu avais demandé au bon peuple de descendre dans la rue. Ce qu’il avait fait, te permettant ainsi d’accéder au pouvoir que tu convoitais depuis tant de temps. En récompense à ces martyrs, tu leur as offert un horrible monument.
L’heure fatidique approche, Laurent. J’entends tes pasteurs aux bouches mielleuses et menteuses vociférant que ton pouvoir te vient de Dieu et que seul, Lui, peut te l’enlever. Laurent, en démocratie, c’est le peuple qui donne le pouvoir et l’enlève lorsque l’on a perdu sa confiance. Et toi, Laurent, toi, le Soudjata qui rêvait de bâtir un empire, le nouvel empire d’Eburnie, toi, Laurent, le Moïse qui rêvait de conduire son peuple vers la terre promise de la libération coloniale, tu n’es pas homme à te plier à la volonté d’un peuple que tu as toujours méprisé et nargué. Alors, plutôt que de te plier à sa volonté, tu as choisi de l’entraîner dans ta déchéance.
Quelle épitaphe t’écrira-t-on ? « Ci-gît, Laurent Koudou Gbagbo, qui fit naître la démocratie dans son pays et l’assassina » ou « Ci-gît Laurent Koudou Gbagbo, celui qui vint au pouvoir dans le sang et s’en alla de la même façon. De la part de son pays qui lui a malgré tout survécu » ? Ou encore « Laurent Gbagbo, l’homme qui aima plus le pouvoir que son peuple » ?
Quel désastre, pour l’historien que tu fus!
Venance Konan
konan@yahoo.fr"
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