Ancien officier de renseignements et ex-cadre de la Direction du renseignement militaire, Vladimir Tozzi suit de près la situation en Côte d'Ivoire. Travaillant actuellement avec l'Institut de prospective africaine que dirige Philippe Evanno, chercheur à la Sorbonne, il estime qu'une solution pacifique peut encore émerger. À la condition que les Ivoiriens retournent aux urnes... Interview.
Pourquoi vous intéressez-vous spécialement à la situation en Côte d'Ivoire ?
J'ai connu la Côte d'Ivoire dans une fonction officielle, cette pratique se doublant d'une expérience concrète de conception et de conduite d'opérations sur le terrain, liée à du renseignement sans lequel rien ne peut se faire. Je suis également en contact avec de nombreux acteurs présents en Côte d'Ivoire. Ils me permettent de disposer en temps réel d'une vision globale et, je l'espère, pertinente de la situation.
Quels sont les éléments les plus inquiétants à vos yeux ?
Je suis frappé par la contradiction entre la réalité sur le terrain et la perception qu'on en a à l'extérieur.
Mon souci n'est pas de prendre parti, mais la communauté internationale défend bec et ongles Alassane Ouattara qui, sur le terrain, a perdu la partie. Que cette situation soit morale ou pas n'est pas la question : si on ne prend pas en considération cette réalité, on emprunte une voie sans issue. La journée de jeudi a été symptomatique. À rebours de ce qu'on a souvent pu lire, la situation a été plutôt calme à Abidjan. Il y a eu certes des affrontements localisés, mais très peu de manifestants, avec des affrontements pour l'essentiel circonscrits autour de l'Hôtel du Golf. Il reste à vérifier si des morts n'ont pas été provoquées par des tirs fratricides entre militants de l'Alliance du Nord.
Les témoignages des journalistes et des diplomates présents sur place ne vont pas dans ce sens...
À mes yeux, la bataille de la rue engagée par Alassane Ouattara et Guillaume Soro (ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo rallié à Ouattara, Ndlr) est perdue. Cette journée de vendredi s'est déroulée sans manifestation. J'en tire pour conclusion que la situation est sinon calme, du moins sous contrôle. On peut ajouter qu'un débat semble se développer en ce moment autour de l'écart entre le taux de participation constaté dimanche soir à la fermeture des bureaux de vote et celui qui apparaît lors de la proclamation des résultats jeudi 2 décembre. Les anomalies sont manifestes.
Quel bilan tirez-vous de ces deux journées ?
Au moins temporairement, Laurent Gbagbo en sort vainqueur, même si les représentants de la communauté internationale ne veulent pas en tenir compte. Il est plus urgent que jamais que le Conseil de sécurité de l'Onu se saisisse de cette situation qui a surpris tout le monde, puisque le processus électoral n'a pas fonctionné. Du coup, chacun choisit la position la pire, en se rigidifiant, donc en risquant le recours à la violence.
Pourquoi dites-vous que le processus électoral n'a pas fonctionné ? La Côte d'Ivoire n'a-t-elle pas élu un nouveau président, Alassane Ouattara?
De fait, on se retrouve avec deux prétentions à la victoire. La première, celle de Laurent Gbagbo, est légale, et la seconde, celle d'Alassane Ouattara, est légitime, puisqu'elle est soutenue par la communauté internationale. Aujourd'hui, trois voies sont ouvertes. La première est celle du blocage qui déboucherait sur la violence de rue, inacceptable et qu'il convient de rejeter. La deuxième voie laisserait les pays étrangers (États-Unis, France, Russie, Chine, Libye, Afrique du Sud, etc.) intervenir sur ce dossier et aboutir à un point d'équilibre ménageant leurs intérêts économiques. Enfin, une troisième voie se présente, que je préconise : il faut rappeler les électeurs et recommencer le second tour de la présidentielle, qui a posé un problème. Mais cette fois dans des conditions telles que les erreurs ne se reproduisent pas. La communauté internationale doit absolument reprendre la main et aider à sortir de cette situation.
Pourquoi la Côte d'Ivoire représente-t-elle un tel enjeu?
Alors que les économies du Nord stagnent, l'Afrique est une formidable zone de croissance potentielle. La situation dans ce pays n'est pas un problème ivoiro-ivoirien, c'est celui de la sous-région, et celui de toute l'Afrique "utile". Il convient de regarder les effets à long terme de cette situation, donc en sortir par le haut. Un nouveau second tour serait une bonne solution, pacifique et réaliste. Ça peut heurter aujourd'hui, mais dans un mois, ça choquera moins !
Vous avez été militaire et officier de renseignements. Quel est votre avis sur le rôle que devraient ou que pourraient jouer les forces françaises de l'Opération Licorne, dans ce processus que vous appelez de vos vœux ?
Vous comprenez bien que ma situation d'ancien officier français m'interdit de répondre à cette question !
In Le Point
Commentaires Povivoirien
Organiser un second tour ne changera rien. Qui ira vérifier les élections dans le Nord du pays sous contrôle des rebelles ! Un pays divisé ne devrait même pas organiser d'élections sauf si les groupes rebelles désarment. Malgré cela, l'Onu a voulu que se tiennent les élections et voilà le résultat !
Michrous
Lors de la visite du médiateur de l'Union africaine, Jean Ping, Laurent Gbagbo a proposé un nouveau second tour. C'est prévu par la loi ivoirienne et de nombreux partisans de Ouattara ont reproché sur les blogs à Gbagbo de ne pas l'avoir fait. Ceux qui prétendent que c'est impossible disent n'importe quoi ! C'est non seulement possible mais prévu par la loi ivoirienne et conforme à l'Accord politique de Ouagadougou (Apo) qui est à la base de la position de la communauté internationale sur la question.
Dire que recommencer ne règlerait rien, c'est faire comme s'il n'y avait pas eu fraude massive lors du second tour. Sans fraude, qui pourra s'opposer à la publication des résultats par la Commission électorale indépendante et à sa validation par le Conseil constitutionnel ? Le seul moyen pacifique de sortie de crise, c'est un nouveau second tour. Ceux qui le refusent veulent la guerre ou sont idiots.
Mohamed Ibn
La colonisation nous a donné des repères occidentaux. Pourquoi quand il s'agit de l'Afrique, le Conseil constitutionnel n'est pas l'idéal alors qu'en France, c'est le conseil qui a autorité de la chose jugée. La commission électorale n'est qu'indépendante que de nom, partis d'opposition et rébellion sont majoritaires à 85%. Le Conseil constitutionnel bien que le Président soit un proche de Gbagbo (comme en France il est proche de l'Ump) comprend des membres également de l'opposition et la société civile.
On n'a pas besoin de faire une guerre pour cela. Le Conseil constitutionnel a décidé et tout le monde doit s'y plier. C'est ça aussi la démocratie. L'Onu ne peut pas soutenir des rebelles. Même s'ils sont investis pour ramener la paix cela ne leur donne pas le droit d'être au - dessus de la Constitution d'un pays. Ils ont apporté la guerre au Rwanda, au Congo, la désolation en Haïti, en Afghanistan, en Irak et tout ça par intérêt. Saddam Hussein était certes un dictateur mais de son temps, on ne tuait pas les chrétiens dans les églises, il n'y avait pas d'attentats toutes les cinq minutes dans les rues de Bagdad.
Il est préférable de faire une injustice que de prôner le désordre. Et telle devrait être la devise des donneurs de leçons Sarkozy, Ban Ki Moon et Obama.
J.M
On peut donc raisonnablement penser les résultats annoncés par M. Youssouf Bakayoko (possiblement sous la contrainte de son escorte en armes) ne sont ni sincères ni véritables. Et que la certification des résultats par le Représentant spécial du Sg de l'Onu, M. Choï, s'est faite sur une base truquée.
Il semble d'ailleurs que cette incertitude sur la validité de la certification ait été à la base de la détermination de la Russie à refuser toute résolution du Conseil de sécurité en ce sens, celui - ci devant se contenter d'une simple déclaration, certes très dure dans le ton, mais non contraignante.
Pour préserver la démocratique en Côte d’Ivoire et trouver une issue à l’impasse politique actuelle, il est donc indispensable qu’un réexamen objectif des chiffres du scrutin aboutisse à la reconnaissance par l'Onu d'une erreur de certification, son représentant ayant probablement été abusé. Une annulation totale des résultats du second tour est alors possible avec fixation d'une nouvelle date. C'est le plus sûr moyen de sortir de la crise.
Trebontinus
A mon avis, la solution proposée par M. Tozzi est peu réaliste : pourquoi un nouveau second tour serait-il plus acceptable ? S'il donne le même résultat que le premier, les Bété et une partie des Akan le refuseront de la même façon. S'il donne la majorité à Gbagbo, les Dioula ne l'accepteront pas davantage. De plus, chaque parti utilisera tous les moyens pour fausser le scrutin. N'oublions pas qu'il a fallu 6 ans et 7 accords pour organiser le scrutin du 31 octobre.
Pourquoi vous intéressez-vous spécialement à la situation en Côte d'Ivoire ?
J'ai connu la Côte d'Ivoire dans une fonction officielle, cette pratique se doublant d'une expérience concrète de conception et de conduite d'opérations sur le terrain, liée à du renseignement sans lequel rien ne peut se faire. Je suis également en contact avec de nombreux acteurs présents en Côte d'Ivoire. Ils me permettent de disposer en temps réel d'une vision globale et, je l'espère, pertinente de la situation.
Quels sont les éléments les plus inquiétants à vos yeux ?
Je suis frappé par la contradiction entre la réalité sur le terrain et la perception qu'on en a à l'extérieur.
Mon souci n'est pas de prendre parti, mais la communauté internationale défend bec et ongles Alassane Ouattara qui, sur le terrain, a perdu la partie. Que cette situation soit morale ou pas n'est pas la question : si on ne prend pas en considération cette réalité, on emprunte une voie sans issue. La journée de jeudi a été symptomatique. À rebours de ce qu'on a souvent pu lire, la situation a été plutôt calme à Abidjan. Il y a eu certes des affrontements localisés, mais très peu de manifestants, avec des affrontements pour l'essentiel circonscrits autour de l'Hôtel du Golf. Il reste à vérifier si des morts n'ont pas été provoquées par des tirs fratricides entre militants de l'Alliance du Nord.
Les témoignages des journalistes et des diplomates présents sur place ne vont pas dans ce sens...
À mes yeux, la bataille de la rue engagée par Alassane Ouattara et Guillaume Soro (ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo rallié à Ouattara, Ndlr) est perdue. Cette journée de vendredi s'est déroulée sans manifestation. J'en tire pour conclusion que la situation est sinon calme, du moins sous contrôle. On peut ajouter qu'un débat semble se développer en ce moment autour de l'écart entre le taux de participation constaté dimanche soir à la fermeture des bureaux de vote et celui qui apparaît lors de la proclamation des résultats jeudi 2 décembre. Les anomalies sont manifestes.
Quel bilan tirez-vous de ces deux journées ?
Au moins temporairement, Laurent Gbagbo en sort vainqueur, même si les représentants de la communauté internationale ne veulent pas en tenir compte. Il est plus urgent que jamais que le Conseil de sécurité de l'Onu se saisisse de cette situation qui a surpris tout le monde, puisque le processus électoral n'a pas fonctionné. Du coup, chacun choisit la position la pire, en se rigidifiant, donc en risquant le recours à la violence.
Pourquoi dites-vous que le processus électoral n'a pas fonctionné ? La Côte d'Ivoire n'a-t-elle pas élu un nouveau président, Alassane Ouattara?
De fait, on se retrouve avec deux prétentions à la victoire. La première, celle de Laurent Gbagbo, est légale, et la seconde, celle d'Alassane Ouattara, est légitime, puisqu'elle est soutenue par la communauté internationale. Aujourd'hui, trois voies sont ouvertes. La première est celle du blocage qui déboucherait sur la violence de rue, inacceptable et qu'il convient de rejeter. La deuxième voie laisserait les pays étrangers (États-Unis, France, Russie, Chine, Libye, Afrique du Sud, etc.) intervenir sur ce dossier et aboutir à un point d'équilibre ménageant leurs intérêts économiques. Enfin, une troisième voie se présente, que je préconise : il faut rappeler les électeurs et recommencer le second tour de la présidentielle, qui a posé un problème. Mais cette fois dans des conditions telles que les erreurs ne se reproduisent pas. La communauté internationale doit absolument reprendre la main et aider à sortir de cette situation.
Pourquoi la Côte d'Ivoire représente-t-elle un tel enjeu?
Alors que les économies du Nord stagnent, l'Afrique est une formidable zone de croissance potentielle. La situation dans ce pays n'est pas un problème ivoiro-ivoirien, c'est celui de la sous-région, et celui de toute l'Afrique "utile". Il convient de regarder les effets à long terme de cette situation, donc en sortir par le haut. Un nouveau second tour serait une bonne solution, pacifique et réaliste. Ça peut heurter aujourd'hui, mais dans un mois, ça choquera moins !
Vous avez été militaire et officier de renseignements. Quel est votre avis sur le rôle que devraient ou que pourraient jouer les forces françaises de l'Opération Licorne, dans ce processus que vous appelez de vos vœux ?
Vous comprenez bien que ma situation d'ancien officier français m'interdit de répondre à cette question !
In Le Point
Commentaires Povivoirien
Organiser un second tour ne changera rien. Qui ira vérifier les élections dans le Nord du pays sous contrôle des rebelles ! Un pays divisé ne devrait même pas organiser d'élections sauf si les groupes rebelles désarment. Malgré cela, l'Onu a voulu que se tiennent les élections et voilà le résultat !
Michrous
Lors de la visite du médiateur de l'Union africaine, Jean Ping, Laurent Gbagbo a proposé un nouveau second tour. C'est prévu par la loi ivoirienne et de nombreux partisans de Ouattara ont reproché sur les blogs à Gbagbo de ne pas l'avoir fait. Ceux qui prétendent que c'est impossible disent n'importe quoi ! C'est non seulement possible mais prévu par la loi ivoirienne et conforme à l'Accord politique de Ouagadougou (Apo) qui est à la base de la position de la communauté internationale sur la question.
Dire que recommencer ne règlerait rien, c'est faire comme s'il n'y avait pas eu fraude massive lors du second tour. Sans fraude, qui pourra s'opposer à la publication des résultats par la Commission électorale indépendante et à sa validation par le Conseil constitutionnel ? Le seul moyen pacifique de sortie de crise, c'est un nouveau second tour. Ceux qui le refusent veulent la guerre ou sont idiots.
Mohamed Ibn
La colonisation nous a donné des repères occidentaux. Pourquoi quand il s'agit de l'Afrique, le Conseil constitutionnel n'est pas l'idéal alors qu'en France, c'est le conseil qui a autorité de la chose jugée. La commission électorale n'est qu'indépendante que de nom, partis d'opposition et rébellion sont majoritaires à 85%. Le Conseil constitutionnel bien que le Président soit un proche de Gbagbo (comme en France il est proche de l'Ump) comprend des membres également de l'opposition et la société civile.
On n'a pas besoin de faire une guerre pour cela. Le Conseil constitutionnel a décidé et tout le monde doit s'y plier. C'est ça aussi la démocratie. L'Onu ne peut pas soutenir des rebelles. Même s'ils sont investis pour ramener la paix cela ne leur donne pas le droit d'être au - dessus de la Constitution d'un pays. Ils ont apporté la guerre au Rwanda, au Congo, la désolation en Haïti, en Afghanistan, en Irak et tout ça par intérêt. Saddam Hussein était certes un dictateur mais de son temps, on ne tuait pas les chrétiens dans les églises, il n'y avait pas d'attentats toutes les cinq minutes dans les rues de Bagdad.
Il est préférable de faire une injustice que de prôner le désordre. Et telle devrait être la devise des donneurs de leçons Sarkozy, Ban Ki Moon et Obama.
J.M
On peut donc raisonnablement penser les résultats annoncés par M. Youssouf Bakayoko (possiblement sous la contrainte de son escorte en armes) ne sont ni sincères ni véritables. Et que la certification des résultats par le Représentant spécial du Sg de l'Onu, M. Choï, s'est faite sur une base truquée.
Il semble d'ailleurs que cette incertitude sur la validité de la certification ait été à la base de la détermination de la Russie à refuser toute résolution du Conseil de sécurité en ce sens, celui - ci devant se contenter d'une simple déclaration, certes très dure dans le ton, mais non contraignante.
Pour préserver la démocratique en Côte d’Ivoire et trouver une issue à l’impasse politique actuelle, il est donc indispensable qu’un réexamen objectif des chiffres du scrutin aboutisse à la reconnaissance par l'Onu d'une erreur de certification, son représentant ayant probablement été abusé. Une annulation totale des résultats du second tour est alors possible avec fixation d'une nouvelle date. C'est le plus sûr moyen de sortir de la crise.
Trebontinus
A mon avis, la solution proposée par M. Tozzi est peu réaliste : pourquoi un nouveau second tour serait-il plus acceptable ? S'il donne le même résultat que le premier, les Bété et une partie des Akan le refuseront de la même façon. S'il donne la majorité à Gbagbo, les Dioula ne l'accepteront pas davantage. De plus, chaque parti utilisera tous les moyens pour fausser le scrutin. N'oublions pas qu'il a fallu 6 ans et 7 accords pour organiser le scrutin du 31 octobre.