Depuis le jeudi 02 décembre dernier, la Côte d'Ivoire est entrée dans une sorte de tourmente post-électorale qui n'en finit pas. Une tourmente qui a commencé, alors que le 2nd tour de la Présidentielle s'était bien passée jusque là, avec la proclamation par la Commission Électorale Indépendante (CEI), en 1er ressort le jeudi 02 décembre, de la victoire du candidat du RHDP, le Dr Alassane Dramane Ouattara, et l'invalidation de ce résultat puis la proclamation, en 2è ressort, par le Conseil constitutionnel de la victoire du candidat de LMP, le Président Laurent Gbagbo, le vendredi 03 décembre dernier. Le samedi 04 décembre, alors que tout le pays est sous tension du fait de ces deux résultats, l'on a assisté à l'investiture croisée de deux adversaires électoraux d'hier qui se sont proclamés élus. Depuis cette date donc, la Côte d'Ivoire vit avec deux présidents de la République qui se proclament élus, qui ont nommé chacun son Premier ministre, Guillaume Kigbafory Soro pour le «Président» Alassane Dramane Ouattara, et le Pr. Aké Marie Gilbert N'gbo pour le «Président» Laurent Gbagbo. Chacun de ces deux Premiers ministres a formé son gouvernement. Le gouvernement du Premier ministre Soro est reclus à l'Hôtel du Golf, tandis que celui du Premier ministre Aké N'gbo a pris possession des bâtiments administratifs de l'État de Côte d'Ivoire. Depuis, le bras de fer autour du fauteuil présidentiel a perdure. Nul doute que c'est pour rattraper son handicap sur le contrôle des édifices publics de l'État, que le gouvernement Soro a voulu occuper les locaux de la RTI, le jeudi dernier, aux fins d'y installer le directeur général de cette institution que le «Palais du Golf» a nommé, en la personne du journaliste Brou Aka Pascal. Cette installation, qui devait se faire par le biais d'une marche définie comme «pacifique» au départ, a dégénéré en affrontements armés et autres courses-poursuites dans tout le pays. Depuis, le comptabilité macabre continue en termes de dégâts humains et matériels. Et comme cérise sur ce gâteau empoisonné par la complexité de la situation, la communauté internationale a durci le ton en renforçant les sanctions contre le camp Laurent Gbagbo. Du coup, depuis quelques jours, la Côte d'Ivoire s'est complètement enlisée dans la crise et les Ivoiriens eux-mêmes ne savent plus trop comment en sortir. Pourtant aujourd'hui, quatre scénarios s'imposent aux deux hommes, Gbagbo et Ouattara, pour sortir le pays de l'ornière.
Un départ inespéré de Gbagbo du pouvoir
Le 1er scénario, qui ne s'impose qu'au candidat de La Majorité Présidentielle (LMP), proclamé président de la République par le Conseil constitutionnel, est son départ inespéré du pouvoir d'État pendant qu'il est encore temps. Ce départ inespéré aurait pour effet de sortir la Côte d'Ivoire de l'isolement politico-diplomatique dans lequel elle est plongée depuis le jeudi 02 décembre dernier, de sauver les appuis budgétaires prévus pour 2011 dont le fameux point d'achèvement du programme PPTE prévu pour fin mars 2011, et de rétablir un certain processus politique quelque peu enroué dans le pays. Mais pour ce faire, il faut que les sanctions de la communauté internationale, annoncées à grands renforts de publicité, contre le Président Gbagbo, portent. Ce qui n'est pas encore le cas, surtout pour un chef d'État qui a été constamment confronté à l'isolement diplomatique. Souvenons-nous des lendemains des marches réprimées du G7 des 25 et 26 mars 2004 qui ont fait officiellement 120 morts, chiffres de l'ONU, l'isolement avait été total et il lui avait survécu au point d'être adoubé quelques mois plus tard. Souvenons-nous des lendemains de l'opération Dignité, début novembre 2004; il avait été mis au ban de la communauté internationale, là-encore, il avait survécu. La pluie de sanctions de la communauté internationale, au lendemain de son investiture du 4 décembre, a eu pour effets de rendre un «départ pacifique» de Gbagbo du pouvoir totalement improbable. Le Champion de LMP n'a plus aucune espèce de confiance en cette communauté internationale. Il sait qu'elle ne pourra plus jamais le protéger. S'il part du pouvoir pacifiquement, quelles garanties de protection peut-il encore espérer d'une telle communauté internationale, après l'avalanche de menaces, de condamnations, d'insultes et aujourd'hui de sanctions qu'il a reçue d'elle? Faut-il penser à recourir au coup de force? Improbable quand on voit le soutien que la Troupe lui apporte.
L'abdication de Ouattara qui ferait l'affaire
Le 2è scénario, qui ne s'impose qu'au Dr Alassane Dramane Ouattara seul, serait son abdication pour sauver la situation. En d'autres termes, penser à un renoncement du pouvoir d'État par le champion du RHDP, malgré le fait que la CEI l'ait proclamé vainqueur en 1er ressort. Pour ce faire, le blocus autour du «Palais du Golf» tel qu'imposé par le camp Gbagbo peut être payant, et amener dans l'isolement le plus complet le champion du RHDP et toute son équipe retirée là-bas avec lui. Mais, après la longue marche du RDR, 16 ans durant de 1994 à 2010, pour lui permettre de pouvoir un jour compétir à la course présidentielle en Côte d'Ivoire, après tous ces morts et blessés de son camp qui ont payé dans leur chair le lourd tribut de sa reconnaissance dans son pays, après toutes les brimades et autres humiliations que, lui et sa famille, ont subi toutes ces années durant qu'il est venu à la politique, après avoir bataillé et être reconnu vainqueur de la Présidentielle par la CEI, Ouattara va-t-il renoncer si près du but? Surtout avec le soutien fort que la communauté internationale lui apporte. Ce scénario est improbable. Que fait-il alors de ces légions de jeunes cadres qui ont cru en lui au point de tout sacrifier? Que fait-il alors de la peine de toutes ces légions de militants et sympathisants qui ont tout bravé pour lui toutes ces années durant? Ce scénario est d'autant plus improbable qu'au «Palais du Golf», Ouattara s'organise. «Il ne reste pas inactif, et ne passe pas ses journées au téléphone comme certaines mauvaises langues veulent le faire croire», nous a confié un de ses fidèles.
Le schema zimbabween
Le 3è scénario, mais qui est le 1er à s'imposer aux deux hommes, Gbagbo et Ouattara, est l'application du «schéma zimbabwéen». C'est-à-dire le partage du pouvoir d'État entre les deux vainqueurs proclamés de cette élection présidentielle. L'on a vécu ce schéma au Zimbabwe, devant le blocage causé par la confiscation du pouvoir par le Président Robert Mugabé, sans que le ciel ne soit tombé sur la tête de ce pays. Ce schéma va consister, entre les deux hommes, à partager le pouvoir de sorte que l'un prend le Palais de la présidence de la République, l'autre, le Palais de la Primature. Et tous les deux forment un «gouvernement de coalition» équitable avec le même nombre de ministres et un partage équitable des ministères de souveraineté. Ce beau schéma rencontre deux grands hic en Côte d'Ivoire. Le premier est d'ordre humain avec l'égo démesuré des deux Présidents engagés dans cette affaire. Il est de notoriété que ce sont deux hommes que tout divise aujourd'hui et dont la réconciliation semble être une gageure. Comment concilier leurs égo si incompatibles? Le 2è hic, c'est qu'en Côte d'Ivoire, la Primature n'est qu'un démembrement de la présidence de la République. C'est-à-dire que le Président de la République ne donne à son Premier ministre que les pouvoirs qu'il veut. En d'autres termes, le Premier ministre est un obligé du président de la République qui peut mettre fin à ses fonctions quand il le veut, selon la Constitution ivoirienne de 2000. En admettant que ce soit Gbagbo qui garde le fauteuil présidentiel, imaginez-vous Ouattara accepter de devenir l'obligé de Laurent Gbagbo à la Primature, là où il estime qu'il a lui aussi gagné la Présidentielle en Côte d'Ivoire? Ou alors, imaginez Gbagbo en Premier ministre de Ouattara !
Le schema congolais
le 4è scénario, qui est le 2è qui s'impose à Gbagbo et à Ouattara, c'est l'application du «schéma congolais», lors de sa transition, avec un président de la République et un Vice-président de la République. Ce «Praesidium» qui ne dit pas son nom étant à la tête du pays avec un gouvernement équitable dirigé par un Premier ministre nommé consensuellement par le président de la République et son vice-président. Mais un tel dispositif va rencontrer deux grandes difficultés. Le première difficulté est de savoir entre Gbagbo et Ouattara, qui sera président de la République et qui sera vice-président de la République? La deuxième grosse difficulté, c'est qu'un tel dispositif à la tête de l'État va se heurter à un amendement de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000. Comment va alors se faire cet amendement constitutionnel? Le procédé qui s'impose est l'organisation d'un suffrage référendaire.
Après des élections si chaotiques et si périlleuses, la Côte d'Ivoire a-t-elle encore les moyens d'organiser un autre suffrage électoral? Voilà aussi une autre paire de manches.
En tout état de cause, la bataille post-électorale prend maintenant une autre tournure.
JMK Ahoussou
Un départ inespéré de Gbagbo du pouvoir
Le 1er scénario, qui ne s'impose qu'au candidat de La Majorité Présidentielle (LMP), proclamé président de la République par le Conseil constitutionnel, est son départ inespéré du pouvoir d'État pendant qu'il est encore temps. Ce départ inespéré aurait pour effet de sortir la Côte d'Ivoire de l'isolement politico-diplomatique dans lequel elle est plongée depuis le jeudi 02 décembre dernier, de sauver les appuis budgétaires prévus pour 2011 dont le fameux point d'achèvement du programme PPTE prévu pour fin mars 2011, et de rétablir un certain processus politique quelque peu enroué dans le pays. Mais pour ce faire, il faut que les sanctions de la communauté internationale, annoncées à grands renforts de publicité, contre le Président Gbagbo, portent. Ce qui n'est pas encore le cas, surtout pour un chef d'État qui a été constamment confronté à l'isolement diplomatique. Souvenons-nous des lendemains des marches réprimées du G7 des 25 et 26 mars 2004 qui ont fait officiellement 120 morts, chiffres de l'ONU, l'isolement avait été total et il lui avait survécu au point d'être adoubé quelques mois plus tard. Souvenons-nous des lendemains de l'opération Dignité, début novembre 2004; il avait été mis au ban de la communauté internationale, là-encore, il avait survécu. La pluie de sanctions de la communauté internationale, au lendemain de son investiture du 4 décembre, a eu pour effets de rendre un «départ pacifique» de Gbagbo du pouvoir totalement improbable. Le Champion de LMP n'a plus aucune espèce de confiance en cette communauté internationale. Il sait qu'elle ne pourra plus jamais le protéger. S'il part du pouvoir pacifiquement, quelles garanties de protection peut-il encore espérer d'une telle communauté internationale, après l'avalanche de menaces, de condamnations, d'insultes et aujourd'hui de sanctions qu'il a reçue d'elle? Faut-il penser à recourir au coup de force? Improbable quand on voit le soutien que la Troupe lui apporte.
L'abdication de Ouattara qui ferait l'affaire
Le 2è scénario, qui ne s'impose qu'au Dr Alassane Dramane Ouattara seul, serait son abdication pour sauver la situation. En d'autres termes, penser à un renoncement du pouvoir d'État par le champion du RHDP, malgré le fait que la CEI l'ait proclamé vainqueur en 1er ressort. Pour ce faire, le blocus autour du «Palais du Golf» tel qu'imposé par le camp Gbagbo peut être payant, et amener dans l'isolement le plus complet le champion du RHDP et toute son équipe retirée là-bas avec lui. Mais, après la longue marche du RDR, 16 ans durant de 1994 à 2010, pour lui permettre de pouvoir un jour compétir à la course présidentielle en Côte d'Ivoire, après tous ces morts et blessés de son camp qui ont payé dans leur chair le lourd tribut de sa reconnaissance dans son pays, après toutes les brimades et autres humiliations que, lui et sa famille, ont subi toutes ces années durant qu'il est venu à la politique, après avoir bataillé et être reconnu vainqueur de la Présidentielle par la CEI, Ouattara va-t-il renoncer si près du but? Surtout avec le soutien fort que la communauté internationale lui apporte. Ce scénario est improbable. Que fait-il alors de ces légions de jeunes cadres qui ont cru en lui au point de tout sacrifier? Que fait-il alors de la peine de toutes ces légions de militants et sympathisants qui ont tout bravé pour lui toutes ces années durant? Ce scénario est d'autant plus improbable qu'au «Palais du Golf», Ouattara s'organise. «Il ne reste pas inactif, et ne passe pas ses journées au téléphone comme certaines mauvaises langues veulent le faire croire», nous a confié un de ses fidèles.
Le schema zimbabween
Le 3è scénario, mais qui est le 1er à s'imposer aux deux hommes, Gbagbo et Ouattara, est l'application du «schéma zimbabwéen». C'est-à-dire le partage du pouvoir d'État entre les deux vainqueurs proclamés de cette élection présidentielle. L'on a vécu ce schéma au Zimbabwe, devant le blocage causé par la confiscation du pouvoir par le Président Robert Mugabé, sans que le ciel ne soit tombé sur la tête de ce pays. Ce schéma va consister, entre les deux hommes, à partager le pouvoir de sorte que l'un prend le Palais de la présidence de la République, l'autre, le Palais de la Primature. Et tous les deux forment un «gouvernement de coalition» équitable avec le même nombre de ministres et un partage équitable des ministères de souveraineté. Ce beau schéma rencontre deux grands hic en Côte d'Ivoire. Le premier est d'ordre humain avec l'égo démesuré des deux Présidents engagés dans cette affaire. Il est de notoriété que ce sont deux hommes que tout divise aujourd'hui et dont la réconciliation semble être une gageure. Comment concilier leurs égo si incompatibles? Le 2è hic, c'est qu'en Côte d'Ivoire, la Primature n'est qu'un démembrement de la présidence de la République. C'est-à-dire que le Président de la République ne donne à son Premier ministre que les pouvoirs qu'il veut. En d'autres termes, le Premier ministre est un obligé du président de la République qui peut mettre fin à ses fonctions quand il le veut, selon la Constitution ivoirienne de 2000. En admettant que ce soit Gbagbo qui garde le fauteuil présidentiel, imaginez-vous Ouattara accepter de devenir l'obligé de Laurent Gbagbo à la Primature, là où il estime qu'il a lui aussi gagné la Présidentielle en Côte d'Ivoire? Ou alors, imaginez Gbagbo en Premier ministre de Ouattara !
Le schema congolais
le 4è scénario, qui est le 2è qui s'impose à Gbagbo et à Ouattara, c'est l'application du «schéma congolais», lors de sa transition, avec un président de la République et un Vice-président de la République. Ce «Praesidium» qui ne dit pas son nom étant à la tête du pays avec un gouvernement équitable dirigé par un Premier ministre nommé consensuellement par le président de la République et son vice-président. Mais un tel dispositif va rencontrer deux grandes difficultés. Le première difficulté est de savoir entre Gbagbo et Ouattara, qui sera président de la République et qui sera vice-président de la République? La deuxième grosse difficulté, c'est qu'un tel dispositif à la tête de l'État va se heurter à un amendement de la Constitution ivoirienne du 1er août 2000. Comment va alors se faire cet amendement constitutionnel? Le procédé qui s'impose est l'organisation d'un suffrage référendaire.
Après des élections si chaotiques et si périlleuses, la Côte d'Ivoire a-t-elle encore les moyens d'organiser un autre suffrage électoral? Voilà aussi une autre paire de manches.
En tout état de cause, la bataille post-électorale prend maintenant une autre tournure.
JMK Ahoussou