Depuis que la situation post-électorale en Côte d’Ivoire s’est, à notre grand regret, détériorée au point de devenir une crise, une confusion sur le rôle des Nations Unies en Côte d’Ivoire est née. Aujourd’hui, je voudrais clarifier ce rôle.
En ce moment, l’ONUCI met l’accent sur deux aspects fondamentaux de son mandat : la certification des élections et le maintien de la paix, qui comprend la protection des civils et de l’Hôtel Golf.
Mon rôle de certification couvre la sauvegarde du résultat des élections, laissez-moi répéter « sauvegarde du résultat des élections ». Cet aspect a été rendu public, il y a plus d’un an et demi lors de ma conférence de presse du 27 mai 2009. A cette occasion, un dépliant sur les termes de référence contenant cet aspect avait été largement distribué. Dans le but d’éviter toute contestation, ce principe de certification a été expliqué dans la lettre du 2 Juin 2009 adressée aux leaders ivoiriens, y compris le Président Gbagbo. J’ai souligné dans ma présentation au Conseil de Sécurité le 28 septembre 2010 ce principe de certification qui sauvegarde le résultat des élections:
« J’ai l’intention de sauvegarder les résultats des élections avec engagement, honneur et détermination. Je m’assurerai que les résultats sont respectés, le vainqueur étant en fait la personne qui aura remporté les élections ».
Comment sauvegardons-nous le résultat des élections, c’est-à-dire, la volonté du peuple ? Sur ce point, le rôle de l’ONUCI a été en quelque sorte mal interprété par les deux parties: une partie pense à tort que l’ONUCI refuse délibérément de l’aider avec sa force militaire. L’autre camp dit également à tort que l’ONUCI aide secrètement le camp opposé sur le plan militaire. Tous les deux camps ne semblent pas avoir saisi l’essence de notre rôle. L’ONUCI a été et restera impartiale sur tous les plans y compris militaire.
Dans cette perspective, l’ONUCI a expliqué, dès les 13 décembre, aux organisateurs des marches du RHDP des 16 et 17 décembre l’incompatibilité entre l’appui militaire à leur projet et le mandat de l’ONUCI. Le 15 décembre, le Secrétaire-Général a publié un communiqué de presse, dans lequel il exprime, entre autres, ses réserves vis-à-vis de cette idée, et demande aux acteurs ivoiriens de « s’abstenir de toutes actions qui pourraient, par accident ou délibérément, provoquer des violences. »
Entre-temps, afin d’éviter tout malentendu, j’ai transmis la position de l’ONUCI au camp du Président Gbagbo: «l’ONUCI reste impartiale et aucun élément armé de l’ONUCI ne quittera l’Hôtel du Golf avec les marcheurs. » Cette assurance a été donnée à ce camp au moins en trois occasions: dans l’après-midi du 14 décembre, dans la soirée de ce même jour et le 15 décembre à midi.
Malgré mes assurances, le camp du Président Gbagbo a commencé soudainement une campagne de presse négative à l’endroit de l’ONUCI le 15 décembre à 13 heures. Il a publié un communiqué de presse annonçant que « l’ONUCI a conspiré pour appuyer les marches du RHDP. » Ce communiqué n’a pas été publié par accident ni par mégarde. Cela n’a pas été un incident isolé non plus.
La décision délibérée de commencer à déformer la position de l’ONUCI a été prise au cœur du camp du Président Gbagbo. Cette décision a été le déclencheur de toutes les autres campagnes anti-ONUCI qui continuent jusqu’á ce jour. Elles utilisent la plupart du temps des communiqués de presse qui auraient « découvert» telle ou telle action ou position de l’ONUCI, qui ne sont pas fondés sur des faits. Pourquoi ? La raison a été connue de nous trois jours plus tard, le 18 décembre : le camp du Président Gbagbo avait besoin de ces cas planifiés et non fondés pour demander le départ de l’ONUCI et de la Licorne.
Les affrontements entre les marcheurs du RHDP et les forces militaires du camp du Président Gbagbo le 16 décembre et les jours suivants ont entrainé de nombreuses pertes. Nos premières estimations font état d’au moins 50 morts, 200 blessés et 470 arrestations et détentions arbitraires. De nombreux cas de disparitions sont egalement signalés. L’ONUCI est en train de collecter des informations et d’examiner les circonstances de ces cas. Les auteurs de crimes devront être tenus pour responsables.
A partir du 15 décembre, ce camp a accru les actes hostiles à l’endroit de la communauté internationale, y compris le corps diplomatique, les forces impartiales et l’ONUCI.
Je ne suis pas en mesure de décrire l’état des souffrances des autres. Je voudrais leur exprimer la solidarité d’un collègue qui partage ces souffrances. Cela dit, je voudrais vous citer quelques cas d’actes hostiles de la part du camp du Président Gbagbo à l’égard de l’ONUCI.
A partir du 16 décembre, le camp du Président Gbagbo a commencé à renforcer les barrages érigés sur la route donnant accès à l’Hôtel Golf. Il a commencé à bloquer les véhicules de l’ONUCI qui y entrent ou en sortent, y compris une ambulance transportant du personnel médical. En outre, a ces barrages, ils ont commencé à refuser l’accès à des camions d’approvisionnement d’aliments et d’eau à l’hôtel Golf, privant ainsi de ravitaillement les civils et les casques bleus qui se trouvent dans les locaux.
Dans la nuit du 17 au 18 décembre, une de nos patrouilles a été poursuivie par une voiture civile transportant six hommes en uniforme militaire. Ils ont tiré sur notre patrouille lorsqu’elle retournait à l’ONUCI aux environs d’une heure du matin. Ils ont continué à tirer tout au long du mur d’enceinte du quartier général et la sentinelle a riposté par des tirs. Les assaillants ont pris la fuite.
Depuis le 18 décembre, le camp du Président Gbagbo a commencé á envoyer de jeunes gens armés aux domiciles des personnels des Nations Unies pour frapper à leur porte et demander la date de leur départ ou entrer pour y effectuer des fouilles sous prétexte de chercher des armes. Ces visites ont lieu surtout la nuit.
De telles pratiques graves sont le signe évident d’un manque de modération qui est essentielle dans tout exercice du pouvoir.
Comme vous le voyez, nos collègues sont victimes de blocage et de harcèlement mais la plupart du personnel essentiel continue de dormir ou de venir au bureau et de faire leur travail. L’ONUCI effectue ses patrouilles militaires et ses patrouilles de police à travers le pays. Nos patrouilles ont pour but de faire le suivi, d’observer, et de dissuader les actes de violences et les violations des droits de l’homme. Nos règles d’engagement nous permettent de tirer uniquement pour riposter. Dans le cadre de leur travail, la police et les militaires de l’ONUCI prennent de plus en plus de risques depuis le 15 décembre.
Je voudrais rendre hommage au personnel civil, militaire et de police de l’ONUCI et de la Licorne pour on courage face aux difficultés et pour son excellent travail au service du peuple ivoirien.
Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour qualifier notre dévouement et notre impartialité militaire comme prise de parti en faveur d’un des belligérants et comme contribution à la violence.
Néanmoins, tous ces actes n’empêcheront pas l’ONUCI de mettre en œuvre son mandat, car comme le dit Winston Churchill : « Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer ».
L’ONUCI continuera de faire son travail.
SOURCE
Mission of UN in Côte d’Ivoire
En ce moment, l’ONUCI met l’accent sur deux aspects fondamentaux de son mandat : la certification des élections et le maintien de la paix, qui comprend la protection des civils et de l’Hôtel Golf.
Mon rôle de certification couvre la sauvegarde du résultat des élections, laissez-moi répéter « sauvegarde du résultat des élections ». Cet aspect a été rendu public, il y a plus d’un an et demi lors de ma conférence de presse du 27 mai 2009. A cette occasion, un dépliant sur les termes de référence contenant cet aspect avait été largement distribué. Dans le but d’éviter toute contestation, ce principe de certification a été expliqué dans la lettre du 2 Juin 2009 adressée aux leaders ivoiriens, y compris le Président Gbagbo. J’ai souligné dans ma présentation au Conseil de Sécurité le 28 septembre 2010 ce principe de certification qui sauvegarde le résultat des élections:
« J’ai l’intention de sauvegarder les résultats des élections avec engagement, honneur et détermination. Je m’assurerai que les résultats sont respectés, le vainqueur étant en fait la personne qui aura remporté les élections ».
Comment sauvegardons-nous le résultat des élections, c’est-à-dire, la volonté du peuple ? Sur ce point, le rôle de l’ONUCI a été en quelque sorte mal interprété par les deux parties: une partie pense à tort que l’ONUCI refuse délibérément de l’aider avec sa force militaire. L’autre camp dit également à tort que l’ONUCI aide secrètement le camp opposé sur le plan militaire. Tous les deux camps ne semblent pas avoir saisi l’essence de notre rôle. L’ONUCI a été et restera impartiale sur tous les plans y compris militaire.
Dans cette perspective, l’ONUCI a expliqué, dès les 13 décembre, aux organisateurs des marches du RHDP des 16 et 17 décembre l’incompatibilité entre l’appui militaire à leur projet et le mandat de l’ONUCI. Le 15 décembre, le Secrétaire-Général a publié un communiqué de presse, dans lequel il exprime, entre autres, ses réserves vis-à-vis de cette idée, et demande aux acteurs ivoiriens de « s’abstenir de toutes actions qui pourraient, par accident ou délibérément, provoquer des violences. »
Entre-temps, afin d’éviter tout malentendu, j’ai transmis la position de l’ONUCI au camp du Président Gbagbo: «l’ONUCI reste impartiale et aucun élément armé de l’ONUCI ne quittera l’Hôtel du Golf avec les marcheurs. » Cette assurance a été donnée à ce camp au moins en trois occasions: dans l’après-midi du 14 décembre, dans la soirée de ce même jour et le 15 décembre à midi.
Malgré mes assurances, le camp du Président Gbagbo a commencé soudainement une campagne de presse négative à l’endroit de l’ONUCI le 15 décembre à 13 heures. Il a publié un communiqué de presse annonçant que « l’ONUCI a conspiré pour appuyer les marches du RHDP. » Ce communiqué n’a pas été publié par accident ni par mégarde. Cela n’a pas été un incident isolé non plus.
La décision délibérée de commencer à déformer la position de l’ONUCI a été prise au cœur du camp du Président Gbagbo. Cette décision a été le déclencheur de toutes les autres campagnes anti-ONUCI qui continuent jusqu’á ce jour. Elles utilisent la plupart du temps des communiqués de presse qui auraient « découvert» telle ou telle action ou position de l’ONUCI, qui ne sont pas fondés sur des faits. Pourquoi ? La raison a été connue de nous trois jours plus tard, le 18 décembre : le camp du Président Gbagbo avait besoin de ces cas planifiés et non fondés pour demander le départ de l’ONUCI et de la Licorne.
Les affrontements entre les marcheurs du RHDP et les forces militaires du camp du Président Gbagbo le 16 décembre et les jours suivants ont entrainé de nombreuses pertes. Nos premières estimations font état d’au moins 50 morts, 200 blessés et 470 arrestations et détentions arbitraires. De nombreux cas de disparitions sont egalement signalés. L’ONUCI est en train de collecter des informations et d’examiner les circonstances de ces cas. Les auteurs de crimes devront être tenus pour responsables.
A partir du 15 décembre, ce camp a accru les actes hostiles à l’endroit de la communauté internationale, y compris le corps diplomatique, les forces impartiales et l’ONUCI.
Je ne suis pas en mesure de décrire l’état des souffrances des autres. Je voudrais leur exprimer la solidarité d’un collègue qui partage ces souffrances. Cela dit, je voudrais vous citer quelques cas d’actes hostiles de la part du camp du Président Gbagbo à l’égard de l’ONUCI.
A partir du 16 décembre, le camp du Président Gbagbo a commencé à renforcer les barrages érigés sur la route donnant accès à l’Hôtel Golf. Il a commencé à bloquer les véhicules de l’ONUCI qui y entrent ou en sortent, y compris une ambulance transportant du personnel médical. En outre, a ces barrages, ils ont commencé à refuser l’accès à des camions d’approvisionnement d’aliments et d’eau à l’hôtel Golf, privant ainsi de ravitaillement les civils et les casques bleus qui se trouvent dans les locaux.
Dans la nuit du 17 au 18 décembre, une de nos patrouilles a été poursuivie par une voiture civile transportant six hommes en uniforme militaire. Ils ont tiré sur notre patrouille lorsqu’elle retournait à l’ONUCI aux environs d’une heure du matin. Ils ont continué à tirer tout au long du mur d’enceinte du quartier général et la sentinelle a riposté par des tirs. Les assaillants ont pris la fuite.
Depuis le 18 décembre, le camp du Président Gbagbo a commencé á envoyer de jeunes gens armés aux domiciles des personnels des Nations Unies pour frapper à leur porte et demander la date de leur départ ou entrer pour y effectuer des fouilles sous prétexte de chercher des armes. Ces visites ont lieu surtout la nuit.
De telles pratiques graves sont le signe évident d’un manque de modération qui est essentielle dans tout exercice du pouvoir.
Comme vous le voyez, nos collègues sont victimes de blocage et de harcèlement mais la plupart du personnel essentiel continue de dormir ou de venir au bureau et de faire leur travail. L’ONUCI effectue ses patrouilles militaires et ses patrouilles de police à travers le pays. Nos patrouilles ont pour but de faire le suivi, d’observer, et de dissuader les actes de violences et les violations des droits de l’homme. Nos règles d’engagement nous permettent de tirer uniquement pour riposter. Dans le cadre de leur travail, la police et les militaires de l’ONUCI prennent de plus en plus de risques depuis le 15 décembre.
Je voudrais rendre hommage au personnel civil, militaire et de police de l’ONUCI et de la Licorne pour on courage face aux difficultés et pour son excellent travail au service du peuple ivoirien.
Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour qualifier notre dévouement et notre impartialité militaire comme prise de parti en faveur d’un des belligérants et comme contribution à la violence.
Néanmoins, tous ces actes n’empêcheront pas l’ONUCI de mettre en œuvre son mandat, car comme le dit Winston Churchill : « Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer ».
L’ONUCI continuera de faire son travail.
SOURCE
Mission of UN in Côte d’Ivoire