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Politique Publié le vendredi 24 décembre 2010 | Nord-Sud

Crise post-électorale et fêtes de fin d’année - Les ménages pris dans l’étau

L’on s’achemine vers une situation inédite pour les ménages en cette fin d’année 2010. L’enlisement du conflit post-électoral qui coïncide avec les fêtes de Noël et de la St-Sylvestre tourmente de nombreux chefs de famille qui semblent être pris entre le marteau et l’enclume.


Les ménages sont visiblement dans un labyrinthe. De nombreux parmi ceux-ci sont dans la tourmente à moins de quelques heures du début des fêtes de fin d’année. D’autant qu’ils s’interrogent encore sur les conditions dans lesquelles ces évènements heureux pourront avoir lieu. Dans la mesure où ces moments de réjouissance coïncident, cette année, avec l’enlisement du conflit post-électoral qui paralyse le pays, depuis maintenant trois semaines. Déjà angoissés par la psychose au lendemain du scrutin du 28 novembre, les populations sont de plus en plus terrorisées et apeurées après la chaude journée du jeudi 16 décembre qui a causé de nombreux morts. Depuis lors, la situation s’est précarisée avec la montée fulgurante de la tension. Dans un tel contexte, comment préparer sereinement les festivités marquant la Noël et la St-Sylvestre? C’est dans ce contexte «intenable et préoccupant» que certains responsables de familles optent pour le réalisme en renouvelant à chaque occasion, les provisions et en reléguant au second rang, l’achat de cadeaux pour les enfants.

La survie!

«Nous sommes dans une situation de survie depuis le déclenchement de la crise post-électorale. Actuellement, ma priorité c’est de faire en sorte que rien ne manque à la maison en nourriture. Donc, je procède à tout moment au renouvellement de mon stock alimentaire. J’essaie également de garder un peu d’argent sur moi pour faire face aux imprévus tels que les problèmes de santé», explique Konan Théophile, agent de l’Etat, rencontré ce mardi 21 décembre à Cocody. Père de sept enfants dont trois sont encore mineurs, il précise que cette année, ses gosses passeront les fêtes de fin d’année sans le moindre cadeau. Pour ce faire, il a eu une discussion «franche» avec sa progéniture. «J’ai fait comprendre à mes enfants que le pays est dans un virage dangereux et par conséquent, il faudra pour l’instant, prioriser les choses nécessaires et essentielles, et, mettre en veilleuse, ce qui est moins important. Ainsi donc, l’achat de cadeau devra attendre quand la situation connaîtra une nette amélioration», souligne-t-il. Même s’il reconnaît que certains font grise mine. Selon lui, à cause de l’imbroglio politique, l’on assiste en longueur de journée, à une spéculation sauvage des prix des denrées de première nécessité sur le marché. Il en veut pour preuve les prix du litre d’huile raffinée et du kilogramme de sucre qui sont passés respectivement de 900 à 1200 Fcfa voire 1400 Fcfa et de 600 Fcfa à 1200 Fcfa ou plus. Au niveau du vivrier, poursuit M. Konan, les ménages sont confrontés à une pénurie puisque les marchés n’ouvrent pas à plein temps ou ne fonctionnent pratiquement plus y compris les autres commerces à cause des incertitudes liées à l’impasse politique. Cette réalité est partagée par Mme Blé Léontine, comptable dans une structure du privé de la place. Après avoir fait le tour des rayons de l’hypermarché Sococe, le résultat est tangible, lorsqu’elle s’approche de la caisse pour régler sa facture. Son chariot est bourré de produits alimentaires et autres boîtes de conserve. Point de cadeau. Justement, les guirlandes lumineuses et autres décors qui illuminent la grande surface pour rappeler aux clients les fêtes de fin d’année, n’ont pas eu l’effet escompté sur la comptable. Elle affichait une certaine rationalité dans ses choix.
«En tant que mère de famille, la période que traverse notre pays nous préoccupe énormément. J’avoue que nous sommes constamment troublées par ce qui se passe. Car, la situation peut dégénérer à tout moment. C’est pourquoi, nous privilégions les produits comestibles, bien que nous soyons à la veille des fêtes de fin d’année», fait remarquer cette mère de six enfants. A l’en croire, contrairement à l’année dernière où tous ses enfants ont eu droit à un présent, cette année, c’est seulement son dernier bambin de quatre ans qui verra descendre le père Noël. Mais là encore, elle est prête à minimiser les dépenses.

Des enfants lésés

«L’année dernière, alors qu’il avait trois ans, je lui ai acheté un petit vélo qui m’a coûté plus de 45.000 Fcfa. Cette fois-ci, il aura un autre cadeau beaucoup moins coûteux. Mes autres enfants qui sont assez grands, pourront attendre. C’est un choix douloureux pour la mère que je suis. Mais, je n’ai pas d’autre solution», lance-t-elle avec un ton emprunt de regret. Avant de rappeler qu’en 2009, elle a dépensé environ 150.000 Fcfa pour l’achat de cadeaux à ses quatre garçons et deux filles. Cette année, elle préfère investir cette somme dans les provisions pour prévenir tout risque de grave pénurie alimentaire qui pourrait naître avec l’intensification de la tension politique. La crainte se lit aussi sur le visage du transporteur Alfred Bolou avec les fêtes qui approchent à toute vitesse. «Vous n’ignorez pas que depuis le 28 novembre, le secteur du transport agonise à cause de l’alourdissement de la tension politique. Nous ne travaillons pas, il y a pratiquement trois semaines. Il est donc impossible de penser aux fêtes de fin d’année. Ce qui est primordial aujourd’hui, c’est d’avoir de quoi manger. Nous sortons juste pour avoir l’argent de la popote», s’indigne-t-il, apparemment dépité par le ralentissement des activités. Pour lui, les populations ne savent plus comment une telle crise va se dénouer. Tellement les positions sont tranchées et radicales. Comme un homme résigné, il annonce qu’il fera juste un grand repas pour sa famille de huit personnes pour passer les fêtes de fin d’année. Pas plus! En effet, la folie qui a gagné les ménages du fait de cette situation politique tendue, aura certainement des conséquences néfastes sur les grandes surfaces, les supermarchés et autres magasins spécialisés dans la commercialisation de jouets pour enfants et de sapins de Noël. Puisque les clients ne se bousculent pas devant les différents rayons. Ce qui augure de mauvaises affaires et de la baisse des chiffres d’affaires en cette fin d’année. C’est clair : la Noël et la St-Sylvestre 2010 n’auront pas la même couleur et la même effervescence que celles de 2009, compte tenu du bicéphalisme au sommet de l’Etat qui plonge le pays dans un tonneau de Danaïdes. Les Ivoiriens doivent prier et prier encore!


Cissé Cheick Ely
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