Une délégation de taille pour un enjeu tout aussi de taille. C’est ce matin qu’un trio de chefs d’Etat arrive sur les bords de la Lagune Ebrié. Cette troïka, composée des présidents Boni Yayi du Bénin, Ernest Koroma de la Sierra-Léone et Pedro Pires du Cap Vert a été mandatée par l’organisation sous régionale, notamment la CEDEAO pour prendre langue avec Laurent Gbagbo. En effet, c’est le jeudi dernier, à l’issue de la session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement sur la Côte d’Ivoire, qui s’est tenue au Nigéria, que les trois présidents ont été mandatés pour rencontrer Gbagbo. Leur choix, on l’imagine aisément, n’est pas un hasard. Les trois émissaires ont un point commun. Ils sont connus pour être des amis de ce dernier. Ou à tout le moins, ils ont pour avantage d’être très proches de celui-ci. Ainsi donc, ce sera une réunion ‘’entre amis’’. Mais la feuille de route de ses émissaires est claire comme de l’eau de roche. Cette troïka africaine parlera au nom de tous les pays membres de la CEDEAO. Elle redira au président sortant qu`une intervention militaire n`est pas exclue s`il refuse toujours d`abandonner le pouvoir au profit d`Alassane Ouattara, le vainqueur désigné de la dernière présidentielle. Les trois présidents parleront donc d`une seule voix au nom de toute l`Afrique de l`Ouest et devront ensuite rendre compte de leur mission. En cas de refus, le recours à la force sera alors fermement envisagé et des poursuites internationales seront engagées. Cependant, les uns et les autres restent prudents et moins bavards sur la question de l’intervention militaire en vue, si d’aventure, Gbagbo persistait dans son refus de quitter le pouvoir. C’est le point de vue des officiels du Cap Vert, plus précisément de son ministre des Affaires étrangères, José Brito. Pour lui, «moins on parle avant, et plus on a de chances d`être entendus,» ajoutant que la mission qui s`annonce est difficile et qu`il n`est pas utile de la compliquer par des déclarations qui pourraient être mal interprétées. Quant au ministre béninois des Affaires Etrangères, Jean-Marie Ehouzou, il explique que «cette médiation représente un geste de bonne volonté de la part de la CEDEAO qui veut trouver une issue pacifique à ce problème», répétant cependant à plusieurs reprises que la mission est extrêmement difficile. Même état d`esprit en Sierra Leone où le ministre de l`Information explique que le Chef de l`Etat se rend à Abidjan afin de convaincre Laurent Gbagbo d`abandonner le pouvoir. La question que certains observateurs de la scène politique se posent est la suivante : Gbagbo acceptera-t-il de quitter effectivement le pouvoir après la réunion avec ces trois homologues? Il a déjà rejeté du revers de la main la même proposition faite par la communauté internationale et même par les présidents américain et français. En plus, il a fait savoir son état d’esprit à travers une confidence faite à un journaliste de Jeune Afrique, dans son édition du lundi 13 décembre dernier, à qui il a dit que l’on devra marcher sur son corps pour que Ouattara soit au Palais présidentiel. C’est tout dire.
Yves-M. Abiet
Yves-M. Abiet