Ils sont venus, hier. Ils ont écouté. Et ont délivré le message de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. A savoir dire à Laurent Gbagbo de « partir sans délai » du palais présidentiel. Tout a commencé aux alentours de 14 heures. Les présidents Thomas Yayi Boni du Bénin, Pedro Pires du Cap Vert et Ernest Baï Koroma de la Sierra Leone ont d’abord rendu visite au représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Y. Jin Choï dans un hôtel au Plateau où ils ont eu un entretien de près d’une heure avec le diplomate coréen. Le patron de l’ONUCI au cours de cette rencontre, a encore exposé la méthode de certification sur laquelle il s’est basé pour valider la victoire du président Alassane Dramane Ouattara comme vainqueur de la présidentielle en Côte d’Ivoire. Ensuite, les trois émissaires de la CEDEAO se sont dirigés vers le palais présidentiel où ils ont été accueillis à l’entrée du parvis par l’ancien chef de l’Etat. Laurent Gbagbo avait à ses côtés Pascal Affi N’Guessan, président du FPI, son parti, Paul Antoine Bohoun Bouabré, ancien ministre du Plan et Alcide Djédjé, ancien ambassadeur de la Côte d’Ivoire à l’ONU. La rencontre entre le patron de la refondation et les trois chefs d’Etat a duré 2h30. Au cours de cette rencontre, selon des indiscrétions, les émissaires de la CEDEAO ont réaffirmé à Laurent Gbagbo la décision de la CEDEAO de le voir « partir du pouvoir sans délai ». C’est une décision «non négociable», ont-ils fait savoir à leur hôte. La seule concession qui lui a été faite est de lui accorder en tant qu’ancien chef d’Etat, des garanties pour son départ. Prenant à son tour la parole, Laurent Gbagbo a déclaré qu’il aurait bien voulu qu’on le convainc qu’il a perdu les élections. Mieux Gbagbo s’est fait appuyer d’un groupe d’experts qui bien évidemment se sont donné toutes les peines du monde pour convaincre les chefs d’Etat de la sincérité des chiffres du Conseil Constitutionnel. Mais puisque c’est le message que les chefs d’Etat ont tenu à lui livrer, il a compris. A la sortie, le président de la République du Bénin, visiblement chef de la délégation, a déclaré avec un sourire aux lèvres que « tout s’est bien passé ». Vérité ou simple langage diplomatique ? Certainement la langue de bois qui prévaut dans ce type de rencontres vu le mandat impératif que les trois chefs d’Etat ont reçu de la part de leurs pairs de la sous-région. Avant de s’engouffrer comme ses pairs dans son véhicule de commandement, il est raccompagné jusqu’au parvis par celui qui squatte encore le palais du Plateau. Laurent Gbagbo, quant à lui, avait l’air décontracté et affichait un sourire. Mais visiblement un sourire de façade avec ce que les envoyés de la CEDEAO viennent de lui dire. La délégation, escortée par des Casques bleus, a par la suite pris la direction du Golf hôtel pour rencontrer le président Alassane Dramane Ouattara. Arrivée au complexe hôtelier, les envoyés de l’organisation sous-régionale ont été accueillis à l’entrée du hall par le président élu de la Côte d’Ivoire et son Premier ministre Guillaume Soro. Les visiteurs et leurs hôtes se mettent ensuite loin des regards indiscrets pour leur entretien. Selon des sources crédibles, le président Alassane Dramane Ouattara et les trois chefs d’Etat ont d’abord eu une première rencontre à huis clos. Ensuite, une autre à laquelle les autres membres de la délégation sont autorisés à assister. Au cours de cette réunion le président Ouattara est félicité par ses pairs pour son élection. Après avoir écouté le message dont sont porteur les chefs d’Etats, il annonce qu’il est prêt à accorder à Laurent Gbagbo l’amnistie. Mais, précise-t-il, à condition que son départ se fasse pacifiquement et dans les 48 heures qui suivent. Il a surtout souhaité qu’il n’y ait pas deux déclarations à la nation le 31 décembre. Car pour lui, la déclaration à la nation de Laurent Gbagbo sera considérée comme une défiance à la CEDEAO. Le chef de l’Etat a même poussé sa grandeur d’esprit en prenant l’engagement de permettre à ce que Laurent Gbagbo puisse à l’avenir intégrer une grande organisation internationale. Les présidents Yayi Boni, Pedro Pires et Ernest Baï Koroma ont répondu avoir pris acte des engagements et qu’ils les transmettraient à Laurent Gbagbo. Ils se sont ensuite rendus au palais présidentiel pour lui rendre compte avant de décoller pour Abuja où les attendait le président Jonathan Goodluck, président en exercice de la CEDEAO avec qui ils auront une séance de travail. La balle est donc dans le camp de Laurent Gbagbo. A lui de choisir entre partir avec le peu d’honneur qui lui reste encore à saisir ou partir dans l’humiliation totale. Apparemment, le message plein de fermeté des émissaires de la CEDEAO est tombé dans des oreilles de sourd. Car, quelques minutes après le départ de la délégation de l’organisation sous-régionale, le camp Gbagbo a menacé d’expulser tous les ambassadeurs des pays qui rappelleront les diplomates démis ces derniers temps par le président Alassane Dramane Ouattara. Provocation. Dans tous les cas la CEDEAO attend de voir dans les prochaines 48 heures jusqu’où Gbagbo est prêt à aller dans son entêtement suicidaire
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly