C’est la veillée d’armes. L’assaut final ! La Cedeao n’a jamais été aussi motivée pour faire la guerre. Sous l’impulsion de la France (qui pense cacher son jeu), des chefs d’Etat africains entendent en découdre avec la Côte d’Ivoire. Et son président Laurent Gbagbo, celui qui ose parler de dignité, de souveraineté de l’Afrique là on lui demande d’exécuter le diktat des puissances colonisatrice. Celui qui «donne des leçons» de droit quand on lui exige de partir afin de faire main basse sur les richesses de la Côte d’Ivoire. Le prétexte est aujourd’hui tout trouvé, pour la France et les Etats-Unis, pour espérer le faire partir du pouvoir. Par la force. Il fallait une élection et ils l’ont eue dans le cafouillage et le crépitement des armes. En violation des accords politiques de Ouaga. Pour le reste, il a fallu dérouler leur diplomatie percutante (quand il s’agit des pays africains), leur presse de propagande et convaincre des chefs d’Etat africains (qui sont leurs relais locaux) à coup de promesses mirobolantes. Le vent est favorable, comme le pense le ministre français des Affaires étrangères Michel Alliot- Marie. Qui a salué le bel «unanimisme de la communauté internationale» en ce qui concerne leur projet de neutraliser Laurent Gbagbo. La guerre contre l’âme du pays L’Ecomog, la force d’intervention nigériane qui prend parfois le vernis de la Cedeao, que le président actuel du Nigeria, Jonathan Goodluck, compte faire intervenir en Côte d’Ivoire n’aura pas à résoudre une équation simple. Elle n’aura pas à s’interposer entre des bandes rebelles rivales qui sèment le chaos en vue de s’emparer du pouvoir. Ou qui le détiennent abusivement. Comme par le passé au Liberia et en Sierra Leone. Cette force ne vient pas dans un pays totalement ravagé. Où l’on constate l’absence de l’Etat et les institutions qui s’y rattachent. Où le peuple dans sa grande majorité penche pour un nouvel ordre politique et économique. L’Ecomog viendra (si cela se confirme) combattre l’âme de la Côte d’Ivoire. Qui est déclinée sous la forme de sa Constitution, dont partent toutes les autres références. Toutes les institutions (y compris celle de la Présidence) répondent de cette boussole. Elle oriente toutes les énergies d’un pays dans un sens et est faite pour régler tous les différends qui peuvent surgir entre les filles et les fils de la Côte d’Ivoire. Au-delà du président Laurent Gbagbo, c’est à la cohésion de la nation ivoirienne que la Cedeao veut s’en prendre. Elle sera en guerre contre la démocratie. De ce point de vue, elle aura à faire face à un peuple debout (au moins 50%, sinon plus, des 20 millions d’habitants) nourri à la sève de la démocratie. Un peuple qui a démontré (en 2002, 2003 et 2004) sa détermination et sa capacité de résistance face à l’ingérence. En novembre 2004, le peuple ivoirien a fait face à la quatrième puissance militaire du monde (la France) qui, pour la première fois en Afrique noire francophone, a fait usage de ses armes de guerre pour tirer sur des populations aux mains nues. Le peuple ivoirien a résisté, malgré près d’une centaine de morts dans ses rangs, et a mis en déroute l’armée française. L’apologie de la rébellion La Cedeao, par sa volonté de s’en prendre à un président élu démocratiquement, s’expose à une critique. Celle de faire le jeu et, dans le cas de la Côte d’Ivoire, d’achever la guerre de la rébellion armée en Côte d’Ivoire. C’est-à-dire qu’elle va se ranger aux côtés des hors-la-loi. Aujourd’hui le Mpci (branche armée de la rébellion armée), devenue Forces Nouvelles a croisé les bras. Cette rébellion s’est regroupée autour d’Alassane Ouattara à l’hôtel du Golf, à la Riviera. Celui pour qui elle a pris les armes depuis décembre 1999 (date du premier coup d’Etat en Côte d’Ivoire). Elle piaffe d’impatience de voir la Cedeao achever son combat. Et pourtant, cette rébellion a assassiné en masse les ivoiriens au nombre desquels de hautes autorités (l’ex-ministre de l’Intérieur Emile Boga Doudou) et des éléments des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire. Lâchement. (Nous avons le cas des gendarmes sans armes et leur famille assassinés froidement à Bouaké). Elle n’a jamais été inquiétée par la Cedeao, l’Union africaine, encore moins l’Onu. Même quand elle a commis le crime économique de piller la Bceao de Bouaké et de Man, personne n’a bougé le petit doigt ou donné de la voix. Aujourd’hui, la Cedeao a pris la relève de ses hors-la-loi qui tentent depuis 10 ans de faire un coup d’Etat contre un président élu et investi selon la Constitution ivoirienne. La Cedeao prend le risque d’être dans l’illégalité. Son initiative en Sierra Leone, en février 1998, en vue de réinstaller au pouvoir le président Ahmed Tejan Kabbah, démocratiquement élu était louable. Ce dernier avait été chassé, justement, par une bande armée. En revanche, en Côte d’Ivoire, c’est tout le contraire. Cette fois, la Cedeao à travers l’Ecomog n’aura pas à faire face à des bandes armées ou à un régime aux abois dont l’armée est en pleine convulsion. L’armée régulière de Côte d’Ivoire s’est rangée, dès le verdict de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, derrière son chef Laurent Gbagbo (il est le chef suprême des armées selon la constitution). Tous les corps lui ont fait allégeance. L’Ecomog aura à faire face à une armée ivoirienne disciplinée. Qui a fait son apprentissage au cours de ces de 10 ans de crise. Sos pour l’intégration sous régionale L’option militaire de la Cedeao est suicidaire. La Côte d’Ivoire, qui compte plus de 40% d’étrangers (sur 20 millions d’habitants) sur son sol, venant pour la plupart de l’espace Cedeao, est une véritable poudrière pour la sous-région. Qui peut prévoir les effets d’une guerre menée par des chefs d’Etat africains, via la Cedeao, à la Côte d’Ivoire, alors qu’ils ont grand nombre de ressortissants en terre ivoirienne ? Il y a également un autre aspect sensible à gérer. La sous- région ouest africaine est très fragile. Le processus démocratique y est en construction et tout est à refaire dans certains pays ( Liberia, Guinée-Conakry…) de cet espace. Une crise en Côte d’Ivoire va créer un grand mouvement humain. Les Maliens, les Burkinabé, les Sénégalais, les Guinéens… qui y vivent depuis des lustres rentreront chez eux. Avec pour conséquence de bouleverser la structure démographique et économique de leurs pays d’origine, parfois fragilisés par une situation de crise politique et sociale récente. Une guerre en Côte d’Ivoire, c’est donc une menace que l’on fait peser sur l’intégration sous régionale. Nous espérons que la Cedeao en a conscience n Serge Armand Didi sardidi@yahoo.fr
Politique Publié le jeudi 30 décembre 2010 | Notre Voie
Menace d’intervention de l’Ecomog - Pourquoi la Cedeao ne peut pas attaquer la Côte d’Ivoire
© Notre Voie Par DRSécurité en Afrique de l`Ouest : Réunion des chefs d`état-majors des pays membres de la CEDEAO