Après sa brillante élection le 28 novembre dernier avec plus de 54% des suffrages, Alassane Ouattara a accordé une interview exclusive à la chaîne de télé France24. Le Président de la République confirme clairement que l’option militaire sera envisagée si le candidat malheureux ne reconnaît pas le verdict des urnes.
France 24: Bonjour Monsieur Ouattara Alassane. Merci d’avoir réservé à France 24, votre première intervention après votre élection à la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire. Comment vous sentez-vous ? Peut-on diriger, gouverner un pays quand on est assiégé avec ses propres collaborateurs dans un hôtel ?
Alassane Dramane Ouattara : Oui, il faut faire pour le mieux. Ce n’est pas facile, mais vous savez que quand on assume ces responsabilités, on est prêt à le faire en toutes circonstances. Je suis dans un hôtel, c’est vrai. Mais, j’ai formé un gouvernement provisoire de 15 membres, et nous essayons de gérer au mieux toutes les questions liées à la sécurité, aux finances, à la communication. Par conséquent, ce n’est pas facile, mais nous essayons de faire bouger les choses.
Fr 24 : On a le sentiment que la situation est complètement bloquée, c'est-à-dire que vous et Laurent Gbagbo, restez cantonnés sur vos positions, et rien n’avance. Qu’est-ce qui vous fait tenir dans ces conditions ?
ADO : Je puis vous dire que la situation est bloquée du fait de Laurent Gbagbo. Il a perdu les élections, il s’accroche, il ne veut pas partir. Plus de 54% d’Ivoiriens ont voté pour moi dans la transparence, au sortir d’élections démocratiques. Des élections qui ont été supervisées par les Nations Unies. Et le voilà qui s’accroche, nous plongeant dans cette situation inédite. C’est tout de même malheureux.
Fr 24 : Pour en sortir, il y a un ensemble de possibilités : on a parlé beaucoup de l’asphyxie financière et aussi de l’option militaire. La question importante aujourd’hui : Pensez-vous que l’heure est venue pour l’option militaire, qu’il n’y a plus rien à négocier ?
ADO : Moi, je dirais à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir. Les chefs d’Etat de la CEDEAO le lui ont dit, le 2 décembre, mais il ne veut rien entendre. Il ne veut pas partir, donc il en assumera les conséquences. Je suis pour la paix, je préfère une solution pacifique, une solution négociée. J’espère dans les tout prochains jours, puisqu’il a promis de donner une réponse aux trois chefs d’Etat, il le fera, pour que nous puissions avancer. La Côte d’Ivoire ne peut pas rester longtemps dans cette situation. Cela fait exactement cinq semaines que j’ai été élu, massivement par les Ivoiriens par des élections transparentes et démocratiques, avec un taux de participation très élevé. Et malgré cela, il s’accroche, il utilise des artifices qui, bien entendu, ne sont pas acceptables. Il faut que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir pour permettre à la Côte d’Ivoire de revenir à la normalité. Et permettre aux Ivoiriens de profiter du changement pour lequel ils ont massivement porté leur choix sur ma personne.
Fr 24 : M. Ouattara, ce que vous dites, tout le monde le dit : il faut que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir, mais il ne fait pas. La question, c’est combien de temps cette situation va-t-elle durer ? Et est- ce qu’il faut maintenant avoir recours à la force militaire ou alors, il faut encore donner du temps ? Est-ce que lui, a envie de gagner du temps ?
ADO : Oui ! Mais tout à fait, Laurent Gbagbo cherche à gagner du temps, et ça, tout le monde le sait. C’est tout simplement pour pouvoir recruter des mercenaires et tuer les Ivoiriens, c’est tout simplement le temps pour exporter des valises d’argent dans certains pays amis. La Côte d’Ivoire ne peut pas rester dans cette situation longtemps, donc j’exige son départ. Je ne suis pas le seul à le faire. Les Ivoiriens, en me votant à plus de 54% des voix, me portant ainsi à la Magistrature suprême, l’ont suffisamment démontré. C’est plus de 400 mille voix de différence, sur les quatre millions d’électeurs. Je l’ai battu.
Fr 24 : M. Ouattara, le débat n’est plus là ?
ADO : Mais c’est lui qui porte le débat sur ce chapitre en demandant un comité d’évaluation, en demandant des choses qui sont dépassées. Il n’est pas question de comité d’évaluation. Laurent Gbagbo a perdu les élections. Ces élections ont été suivies par tout le monde, les Ivoiriens ont démontré leur volonté de changement, il faut que Laurent Gbagbo accepte le verdict des urnes.
Fr 24 : Vous ne lui donnez pas d’ultimatum ? Vous ne dites pas « si tu ne quitte pas le pouvoir tout de suite, c’est l’option militaire » ?
ADO : Je ne le fais pas parce que je suis un homme de paix. Moi, je suis un enfant de Félix Houphouët-Boigny, je crois en la paix. C’est pour cela que pendant toutes ces semaines, je lui ai tendu la main. La CEDEAO m’a consulté avant de mener sa médiation. J’ai donné mon accord parce que je tiens à ce que l’issue soit pacifique. Mais Laurent Gbagbo ne veut rien entendre, ceci démontre que ce n’est pas un homme d’Etat. Il n’aime pas les Ivoiriens, il ne tient qu’à s’accrocher au pouvoir.
Fr 24 : Alors, que faut-il faire ? Cela peut durer combien de temps, selon vous qui êtes assiégé à l’hôtel du Golf ?
ADO : Ce n’est pas le fait que je sois assiégé à l’hôtel qui est le plus important ! Le plus important, c’est que tous les jours, dans les quartiers populaires, vous avez des assassinats, des tueries, des viols. Vous avez des comportements inadmissibles. C’est cela le plus important. A l’hôtel du Golf, moi j’arrive à travailler, même si c’est avec une équipe restreinte. J’aimerais pouvoir avoir la totalité de mon Gouvernement, exercer mes pleines fonctions. Ces préoccupations ne sont pas les plus importantes dans l’immédiat. Le plus important pour moi, c’est de préserver la paix en Côte d’Ivoire.
Fr 24 : Si le plus important, c’est de préserver la paix en Côte d’Ivoire, cela veut dire : pas d’option militaire ? Je ne comprends pas exactement votre position ?
ADO : Non ! Non ! Je n’ai pas dit cela. Ma position, c’est que les chefs d’Etat de la CEDEAO ont pris une résolution. Ils ont demandé à Laurent Gbagbo de partir dans un certain délai, il ne l’a pas fait. Ils ont envoyé plusieurs émissaires pour le raisonner, Laurent Gbagbo s’entête. Les chefs d’Etat de la CEDEAO ont indiqué clairement que s’il s’entêtait, ils utiliseraient tout moyen, y compris, la force légale et légitime !
Fr 24: Visiblement, Gbagbo ne semble pas être inquiété par toutes ces menaces, peut-être qu’il reste conforté que la CEDEAO n’oserait pas mener l’action militaire…
ADO: Oh ! Si, si ! Je pense qu’il sera responsable de la situation qu’il va vivre. L’intervention militaire ne veut pas dire que la Côte d’Ivoire sera embrasée. Il suffit, comme cela a été fait ailleurs et dans d’autres pays du monde, de venir chercher Gbagbo. Le sortir du Palais présidentiel et l’emmener. Cette opération est possible. S’il continue, c’est à cela qu’il s’expose. Les risques de guerre civile que j’entends, n’existent pas du tout. Il faut que Laurent Gbagbo comprenne qu’il s’agit de sa seule personne, et d’un groupe de personnes qui le soutiennent. La grande majorité des Ivoiriens veulent la paix. J’ai la preuve que dans les casernes, les militaires ont voté pour moi à plus de 64% le 28 novembre. Aujourd’hui, ce chiffre doit être largement dépassé. Par conséquent, il n’a ni le soutien des militaires en réalité, et bien entendu, le suffrage universel m’a donné plus de 54% des voix.
Fr 24 : Pourquoi l’Armée ne bouge pas alors contre Laurent Gbagbo?
ADO : Oui, mais, pour ce qui est de l’Armée, je félicite d’ailleurs les forces de défense et de sécurité, pour leur retenue. Parce que ce sont des militaires et des miliciens qui assassinent les honnêtes citoyens ivoiriens dans les quartiers populaires. L’Armée a tout fait, en certaines circonstances, pour arrêter les tueries. L’Armée est donc attentive à cette situation. Nous ne voulons pas d’affrontements entre les militaires en Côte d’Ivoire.
Fr 24 : Etes-vous d’accord pour un nouvel décompte des voix ?
ADO : Je ne suis pas d’accord. Il n’est pas question de refaire le décompte des voix. Le processus a été suivi par le Premier ministre, par le Représentant du Facilitateur de l’Accord politique de Ouagadougou, M. Blaise Compaoré et par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Ce décompte, moi, je le détiens dans mon ordinateur. Tous les procès-verbaux des différents bureaux de votes. Ce comptage a été déjà fait. C’est tout simplement une stratégie de Laurent Gbagbo pour gagner du temps. Je peux même vous dire une chose, le Conseil constitutionnel a les mêmes chiffres me donnant victorieux avec plus de 54% des suffrages. Ce qui se passe est tout simple : voici un Conseil Constitutionnel aux ordres, qui se lève et qui annule les voix de sept départements du Nord. Cela n’est pas acceptable. Le Conseil Constitutionnel avait le choix soit d’invalider le scrutin dans son ensemble, soit de le valider. Mais il ne peut annuler le scrutin dans un certain nombre de départements. Ce Conseil Constitutionnel n’a dit ni le droit, ni la vérité.
Fr 24 : Cela veut-il dire pour autant qu’il n’y a pas eu de fraudes dans le Nord ?
ADO : Il n’y a pas eu de fraude dans le Nord, parce que nous avons eu les procès-verbaux qui le démontrent. Nous avons eu les comptes-rendus du Centre de commandement intégré composé de militaires des Forces de défense et de sécurité comme des militaires des Forces Nouvelles, qui le démontrent. Certains hommes religieux crédibles ont fait des déclarations pour dire qu’il n’y a pas eu de fraudes dans le Nord. Il n’y a pas eu de violences, tout ce qui se dit par Laurent Gbagbo et son camp, n’est que mensonge. Les violences, nous les avons eues dans la région d’origine de Laurent Gbagbo. Ceci est étayé par tous les rapports des observateurs internationaux. Il faut que Laurent Gbagbo arrête le mensonge. Les Ivoiriens ont voté massivement pour Alassane Ouattara.
Fr 24: Pour conclure, M. Ouattara, il n’y a plus rien à négocier, il faut que Gbagbo s’en aille ?
ADO : Toute la Côte d’Ivoire sait que Laurent Gbagbo a perdu les élections. Les pays de la CEDEAO, la communauté internationale sait, il faut qu’il s’en aille. Vous savez, cette élection était censée être une élection de sortie de crise pour la Côte d’Ivoire. Mais voici que par la faute de Laurent Gbagbo, elle replonge dans une crise plus sévère que celle dans laquelle elle était.
Fr 24 : La seule chose sur laquelle on peut discuter à présent, est donc son pays d’accueil si je vous comprends ?
ADO: Non, il peut rester en Côte d’Ivoire. Je suis prêt à faire en sorte qu’il bénéficie et jouisse de son statut d’ancien chef de l’Etat. Je suis prêt, à sa demande, à lui accorder la liberté de circuler. Je suis prêt à ces choses et prêt, également, à le recevoir pour discuter des conditions de son séjour en Côte d’Ivoire. Tout comme pour discuter de ses conditions de séjour à l’étranger. Il faut qu’il s’en aille du pouvoir pour que la Côte d’Ivoire renoue avec la paix.
Fr 24: Quels sont les leviers financiers dont il dispose encore ? Qui a les cordons de la bourse en ce moment ?
ADO : Mais vous savez que le Conseil des ministres de l’UEMOA a décidé, le 23 décembre dernier, qu’il n’y a aucun doute que c’est Alassane Ouattara et ses représentants qui ont la signature. Ceci étant, Laurent Gbagbo et sa garde républicaine envoient des éléments armés pour attaquer des banques, prendre de l’argent en espèce pour l’utiliser à des fins macabres. Je le répète, c’est un comportement de hors-la-loi. Il s’expose à des sanctions sévères, s’il continue ces agissements. Il s’expose à la décision de la Haute Cour de justice qui sera mise en place. Il s’expose à des sanctions de la CPI avec tous ces crimes. Il est temps qu’il s’en aille pour que la Côte d’Ivoire retrouve la paix.
Fr 24: Recevez-vous les appels téléphoniques de certains chefs d’Etat occidentaux ? Recevez-vous le soutien téléphonique de Nicolas Sarkozy ? Finalement, le soutien de la France ne vous parait-il pas embarrassant?
ADO : Ah, non ! Non ! Les Ivoiriens, dans leur majorité n’ont pas de problèmes avec la France. Les Ivoiriens ont d’excellentes relations avec les Français. J’ai des appels de Nicolas Sarkozy, mais également du président Obama, et d’autres dirigeants du monde aussi bien en Afrique qu’ailleurs. Le plus important, c’est d’amener la Côte d’Ivoire à la normalité. J’ai été élu pour un mandat de cinq ans. Je viens de perdre un mois en grande partie par ce que je suis à l’hôtel. Je veux mettre en œuvre rapidement le programme pour lequel j’ai été élu. Il faut que je puisse bénéficier, dans les plus brefs délais, des pouvoirs pour mettre en œuvre nos propositions aux Ivoiriens. J’ai des responsabilités à l’égard des Ivoiriens. J’attends le faire dans des plus brefs délais.
Fr 24 : Gbagbo a promis la levée du blocus de l’hôtel. Y croyez-vous?
ADO : Vous savez, les engagements de Laurent Gbagbo…hein ! Vos journalistes ici, vous diront que ce matin quand ils ont essayé de venir, ils ont été agressés. Laurent Gbagbo ne respecte aucun engagement, aucune discussion n’est possible avec lui. Nous avons eu à discuter pendant sept ans et il n’a respecté aucun engagement. Alors, il est temps qu’il s’en aille. Son comportement est indigne de la Côte d’Ivoire.
Fr 24 : Pensez-vous, même si vous ne le dites pas, qu’il ne s’en ira que par la force ?
ADO: Mais, écoutez, j’attends la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO. Par les entretiens que j’ai eus avec les chefs d’Etat de la CEDEAO hier, avec le président Goodluck Jonathan, il entend convoquer un sommet dans quelques jours pour prendre une décision définitive. Si la force est utilisée, c’est pour enlever Laurent Gbagbo. Ce ne sera pas une force contre les Ivoiriens ou contre la Côte d’Ivoire. Gbagbo peut nous éviter une action militaire s’il revenait à la raison. Il faut qu’il accepte le verdict des urnes pour que la Côte d’Ivoire ne soit pas soumise à une telle situation.
KM
France 24: Bonjour Monsieur Ouattara Alassane. Merci d’avoir réservé à France 24, votre première intervention après votre élection à la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire. Comment vous sentez-vous ? Peut-on diriger, gouverner un pays quand on est assiégé avec ses propres collaborateurs dans un hôtel ?
Alassane Dramane Ouattara : Oui, il faut faire pour le mieux. Ce n’est pas facile, mais vous savez que quand on assume ces responsabilités, on est prêt à le faire en toutes circonstances. Je suis dans un hôtel, c’est vrai. Mais, j’ai formé un gouvernement provisoire de 15 membres, et nous essayons de gérer au mieux toutes les questions liées à la sécurité, aux finances, à la communication. Par conséquent, ce n’est pas facile, mais nous essayons de faire bouger les choses.
Fr 24 : On a le sentiment que la situation est complètement bloquée, c'est-à-dire que vous et Laurent Gbagbo, restez cantonnés sur vos positions, et rien n’avance. Qu’est-ce qui vous fait tenir dans ces conditions ?
ADO : Je puis vous dire que la situation est bloquée du fait de Laurent Gbagbo. Il a perdu les élections, il s’accroche, il ne veut pas partir. Plus de 54% d’Ivoiriens ont voté pour moi dans la transparence, au sortir d’élections démocratiques. Des élections qui ont été supervisées par les Nations Unies. Et le voilà qui s’accroche, nous plongeant dans cette situation inédite. C’est tout de même malheureux.
Fr 24 : Pour en sortir, il y a un ensemble de possibilités : on a parlé beaucoup de l’asphyxie financière et aussi de l’option militaire. La question importante aujourd’hui : Pensez-vous que l’heure est venue pour l’option militaire, qu’il n’y a plus rien à négocier ?
ADO : Moi, je dirais à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir. Les chefs d’Etat de la CEDEAO le lui ont dit, le 2 décembre, mais il ne veut rien entendre. Il ne veut pas partir, donc il en assumera les conséquences. Je suis pour la paix, je préfère une solution pacifique, une solution négociée. J’espère dans les tout prochains jours, puisqu’il a promis de donner une réponse aux trois chefs d’Etat, il le fera, pour que nous puissions avancer. La Côte d’Ivoire ne peut pas rester longtemps dans cette situation. Cela fait exactement cinq semaines que j’ai été élu, massivement par les Ivoiriens par des élections transparentes et démocratiques, avec un taux de participation très élevé. Et malgré cela, il s’accroche, il utilise des artifices qui, bien entendu, ne sont pas acceptables. Il faut que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir pour permettre à la Côte d’Ivoire de revenir à la normalité. Et permettre aux Ivoiriens de profiter du changement pour lequel ils ont massivement porté leur choix sur ma personne.
Fr 24 : M. Ouattara, ce que vous dites, tout le monde le dit : il faut que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir, mais il ne fait pas. La question, c’est combien de temps cette situation va-t-elle durer ? Et est- ce qu’il faut maintenant avoir recours à la force militaire ou alors, il faut encore donner du temps ? Est-ce que lui, a envie de gagner du temps ?
ADO : Oui ! Mais tout à fait, Laurent Gbagbo cherche à gagner du temps, et ça, tout le monde le sait. C’est tout simplement pour pouvoir recruter des mercenaires et tuer les Ivoiriens, c’est tout simplement le temps pour exporter des valises d’argent dans certains pays amis. La Côte d’Ivoire ne peut pas rester dans cette situation longtemps, donc j’exige son départ. Je ne suis pas le seul à le faire. Les Ivoiriens, en me votant à plus de 54% des voix, me portant ainsi à la Magistrature suprême, l’ont suffisamment démontré. C’est plus de 400 mille voix de différence, sur les quatre millions d’électeurs. Je l’ai battu.
Fr 24 : M. Ouattara, le débat n’est plus là ?
ADO : Mais c’est lui qui porte le débat sur ce chapitre en demandant un comité d’évaluation, en demandant des choses qui sont dépassées. Il n’est pas question de comité d’évaluation. Laurent Gbagbo a perdu les élections. Ces élections ont été suivies par tout le monde, les Ivoiriens ont démontré leur volonté de changement, il faut que Laurent Gbagbo accepte le verdict des urnes.
Fr 24 : Vous ne lui donnez pas d’ultimatum ? Vous ne dites pas « si tu ne quitte pas le pouvoir tout de suite, c’est l’option militaire » ?
ADO : Je ne le fais pas parce que je suis un homme de paix. Moi, je suis un enfant de Félix Houphouët-Boigny, je crois en la paix. C’est pour cela que pendant toutes ces semaines, je lui ai tendu la main. La CEDEAO m’a consulté avant de mener sa médiation. J’ai donné mon accord parce que je tiens à ce que l’issue soit pacifique. Mais Laurent Gbagbo ne veut rien entendre, ceci démontre que ce n’est pas un homme d’Etat. Il n’aime pas les Ivoiriens, il ne tient qu’à s’accrocher au pouvoir.
Fr 24 : Alors, que faut-il faire ? Cela peut durer combien de temps, selon vous qui êtes assiégé à l’hôtel du Golf ?
ADO : Ce n’est pas le fait que je sois assiégé à l’hôtel qui est le plus important ! Le plus important, c’est que tous les jours, dans les quartiers populaires, vous avez des assassinats, des tueries, des viols. Vous avez des comportements inadmissibles. C’est cela le plus important. A l’hôtel du Golf, moi j’arrive à travailler, même si c’est avec une équipe restreinte. J’aimerais pouvoir avoir la totalité de mon Gouvernement, exercer mes pleines fonctions. Ces préoccupations ne sont pas les plus importantes dans l’immédiat. Le plus important pour moi, c’est de préserver la paix en Côte d’Ivoire.
Fr 24 : Si le plus important, c’est de préserver la paix en Côte d’Ivoire, cela veut dire : pas d’option militaire ? Je ne comprends pas exactement votre position ?
ADO : Non ! Non ! Je n’ai pas dit cela. Ma position, c’est que les chefs d’Etat de la CEDEAO ont pris une résolution. Ils ont demandé à Laurent Gbagbo de partir dans un certain délai, il ne l’a pas fait. Ils ont envoyé plusieurs émissaires pour le raisonner, Laurent Gbagbo s’entête. Les chefs d’Etat de la CEDEAO ont indiqué clairement que s’il s’entêtait, ils utiliseraient tout moyen, y compris, la force légale et légitime !
Fr 24: Visiblement, Gbagbo ne semble pas être inquiété par toutes ces menaces, peut-être qu’il reste conforté que la CEDEAO n’oserait pas mener l’action militaire…
ADO: Oh ! Si, si ! Je pense qu’il sera responsable de la situation qu’il va vivre. L’intervention militaire ne veut pas dire que la Côte d’Ivoire sera embrasée. Il suffit, comme cela a été fait ailleurs et dans d’autres pays du monde, de venir chercher Gbagbo. Le sortir du Palais présidentiel et l’emmener. Cette opération est possible. S’il continue, c’est à cela qu’il s’expose. Les risques de guerre civile que j’entends, n’existent pas du tout. Il faut que Laurent Gbagbo comprenne qu’il s’agit de sa seule personne, et d’un groupe de personnes qui le soutiennent. La grande majorité des Ivoiriens veulent la paix. J’ai la preuve que dans les casernes, les militaires ont voté pour moi à plus de 64% le 28 novembre. Aujourd’hui, ce chiffre doit être largement dépassé. Par conséquent, il n’a ni le soutien des militaires en réalité, et bien entendu, le suffrage universel m’a donné plus de 54% des voix.
Fr 24 : Pourquoi l’Armée ne bouge pas alors contre Laurent Gbagbo?
ADO : Oui, mais, pour ce qui est de l’Armée, je félicite d’ailleurs les forces de défense et de sécurité, pour leur retenue. Parce que ce sont des militaires et des miliciens qui assassinent les honnêtes citoyens ivoiriens dans les quartiers populaires. L’Armée a tout fait, en certaines circonstances, pour arrêter les tueries. L’Armée est donc attentive à cette situation. Nous ne voulons pas d’affrontements entre les militaires en Côte d’Ivoire.
Fr 24 : Etes-vous d’accord pour un nouvel décompte des voix ?
ADO : Je ne suis pas d’accord. Il n’est pas question de refaire le décompte des voix. Le processus a été suivi par le Premier ministre, par le Représentant du Facilitateur de l’Accord politique de Ouagadougou, M. Blaise Compaoré et par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Ce décompte, moi, je le détiens dans mon ordinateur. Tous les procès-verbaux des différents bureaux de votes. Ce comptage a été déjà fait. C’est tout simplement une stratégie de Laurent Gbagbo pour gagner du temps. Je peux même vous dire une chose, le Conseil constitutionnel a les mêmes chiffres me donnant victorieux avec plus de 54% des suffrages. Ce qui se passe est tout simple : voici un Conseil Constitutionnel aux ordres, qui se lève et qui annule les voix de sept départements du Nord. Cela n’est pas acceptable. Le Conseil Constitutionnel avait le choix soit d’invalider le scrutin dans son ensemble, soit de le valider. Mais il ne peut annuler le scrutin dans un certain nombre de départements. Ce Conseil Constitutionnel n’a dit ni le droit, ni la vérité.
Fr 24 : Cela veut-il dire pour autant qu’il n’y a pas eu de fraudes dans le Nord ?
ADO : Il n’y a pas eu de fraude dans le Nord, parce que nous avons eu les procès-verbaux qui le démontrent. Nous avons eu les comptes-rendus du Centre de commandement intégré composé de militaires des Forces de défense et de sécurité comme des militaires des Forces Nouvelles, qui le démontrent. Certains hommes religieux crédibles ont fait des déclarations pour dire qu’il n’y a pas eu de fraudes dans le Nord. Il n’y a pas eu de violences, tout ce qui se dit par Laurent Gbagbo et son camp, n’est que mensonge. Les violences, nous les avons eues dans la région d’origine de Laurent Gbagbo. Ceci est étayé par tous les rapports des observateurs internationaux. Il faut que Laurent Gbagbo arrête le mensonge. Les Ivoiriens ont voté massivement pour Alassane Ouattara.
Fr 24: Pour conclure, M. Ouattara, il n’y a plus rien à négocier, il faut que Gbagbo s’en aille ?
ADO : Toute la Côte d’Ivoire sait que Laurent Gbagbo a perdu les élections. Les pays de la CEDEAO, la communauté internationale sait, il faut qu’il s’en aille. Vous savez, cette élection était censée être une élection de sortie de crise pour la Côte d’Ivoire. Mais voici que par la faute de Laurent Gbagbo, elle replonge dans une crise plus sévère que celle dans laquelle elle était.
Fr 24 : La seule chose sur laquelle on peut discuter à présent, est donc son pays d’accueil si je vous comprends ?
ADO: Non, il peut rester en Côte d’Ivoire. Je suis prêt à faire en sorte qu’il bénéficie et jouisse de son statut d’ancien chef de l’Etat. Je suis prêt, à sa demande, à lui accorder la liberté de circuler. Je suis prêt à ces choses et prêt, également, à le recevoir pour discuter des conditions de son séjour en Côte d’Ivoire. Tout comme pour discuter de ses conditions de séjour à l’étranger. Il faut qu’il s’en aille du pouvoir pour que la Côte d’Ivoire renoue avec la paix.
Fr 24: Quels sont les leviers financiers dont il dispose encore ? Qui a les cordons de la bourse en ce moment ?
ADO : Mais vous savez que le Conseil des ministres de l’UEMOA a décidé, le 23 décembre dernier, qu’il n’y a aucun doute que c’est Alassane Ouattara et ses représentants qui ont la signature. Ceci étant, Laurent Gbagbo et sa garde républicaine envoient des éléments armés pour attaquer des banques, prendre de l’argent en espèce pour l’utiliser à des fins macabres. Je le répète, c’est un comportement de hors-la-loi. Il s’expose à des sanctions sévères, s’il continue ces agissements. Il s’expose à la décision de la Haute Cour de justice qui sera mise en place. Il s’expose à des sanctions de la CPI avec tous ces crimes. Il est temps qu’il s’en aille pour que la Côte d’Ivoire retrouve la paix.
Fr 24: Recevez-vous les appels téléphoniques de certains chefs d’Etat occidentaux ? Recevez-vous le soutien téléphonique de Nicolas Sarkozy ? Finalement, le soutien de la France ne vous parait-il pas embarrassant?
ADO : Ah, non ! Non ! Les Ivoiriens, dans leur majorité n’ont pas de problèmes avec la France. Les Ivoiriens ont d’excellentes relations avec les Français. J’ai des appels de Nicolas Sarkozy, mais également du président Obama, et d’autres dirigeants du monde aussi bien en Afrique qu’ailleurs. Le plus important, c’est d’amener la Côte d’Ivoire à la normalité. J’ai été élu pour un mandat de cinq ans. Je viens de perdre un mois en grande partie par ce que je suis à l’hôtel. Je veux mettre en œuvre rapidement le programme pour lequel j’ai été élu. Il faut que je puisse bénéficier, dans les plus brefs délais, des pouvoirs pour mettre en œuvre nos propositions aux Ivoiriens. J’ai des responsabilités à l’égard des Ivoiriens. J’attends le faire dans des plus brefs délais.
Fr 24 : Gbagbo a promis la levée du blocus de l’hôtel. Y croyez-vous?
ADO : Vous savez, les engagements de Laurent Gbagbo…hein ! Vos journalistes ici, vous diront que ce matin quand ils ont essayé de venir, ils ont été agressés. Laurent Gbagbo ne respecte aucun engagement, aucune discussion n’est possible avec lui. Nous avons eu à discuter pendant sept ans et il n’a respecté aucun engagement. Alors, il est temps qu’il s’en aille. Son comportement est indigne de la Côte d’Ivoire.
Fr 24 : Pensez-vous, même si vous ne le dites pas, qu’il ne s’en ira que par la force ?
ADO: Mais, écoutez, j’attends la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO. Par les entretiens que j’ai eus avec les chefs d’Etat de la CEDEAO hier, avec le président Goodluck Jonathan, il entend convoquer un sommet dans quelques jours pour prendre une décision définitive. Si la force est utilisée, c’est pour enlever Laurent Gbagbo. Ce ne sera pas une force contre les Ivoiriens ou contre la Côte d’Ivoire. Gbagbo peut nous éviter une action militaire s’il revenait à la raison. Il faut qu’il accepte le verdict des urnes pour que la Côte d’Ivoire ne soit pas soumise à une telle situation.
KM