Le président de la République, Alassane Ouattara, a accordé, hier, une interview à la chaîne de télévision ''France 24''dans laquelle, il renouvelle son appel à Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir pacifiquement.
Comment vous sentez-vous ? Est-ce qu'on peut présider, diriger un pays quand on est assiégé comme ça avec ses proches collaborateurs et ministres dans un hôtel ?
Oui. Il faut faire pour le mieux, ce n'est pas facile mais vous savez que quand on assume ses responsabilités, on le fait dans toutes circonstances. Nous sommes dans un hôtel, c'est vrai. Mais, j'ai formé un gouvernement provisoire de 13 membres et nous essayons de gérer au mieux toutes les questions liées à la sécurité, aux finances, à la communication et par conséquent, ce n'est pas facile, mais nous essayons de faire beaucoup de choses.
On a le sentiment que la situation est bloquée. C'est-à-dire vous et Laurent Gbagbo restiez sur vos positions, rien n'avance. Qu'est-ce qui vous fait tenir ? Qu'est-ce qui vous soutient dans ces conditions ?
Je dois vous dire que la situation est bloquée du fait de Laurent Gbagbo qui a perdu les élections, s'accroche. Il ne veut pas partir. 54% des Ivoiriens ont voté pour moi dans la transparence lors des élections démocratiques, élections qui ont été, à notre demande, supervisées par les Nations Unies et le voilà donc s'accrocher en créant cette situation inédite, c'est malheureux.
Pour en sortir, on a parlé de l'option de l'asphyxie financière et aussi de l'option militaire. La première question importante aujourd'hui, est-ce que vous pensez que l'heure est venue pour l'option militaire. Qu'il n'y a plus rien à négocier ?
Moi, je dis à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir. Les chefs d'Etats de la Cedeao le lui ont dit le 16 décembre…
Mais il ne l'a pas fait…
De le faire avant le 28 décembre, mais il ne veut pas partir. Donc, il en assumera les conséquences. Je suis pour la paix dans mon pays. Je préfère une solution pacifique, une solution négociée. Alors j'espère que, dans les prochains jours, puisqu'il a promis de donner une réponse aux trois chefs d'Etat, qu'il le fera. Pour que nous puissions avancer. La Côte d'Ivoire ne peut pas rester dans cet état. Ça fait cinq semaines que j'ai été élu massivement par des Ivoiriens avec une participation sans précédent dans des élections démocratiques. Et Gbagbo malgré cela, il s'accroche. Il utilise des artifices qui, bien entendu, ne sont pas acceptables. Que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir pour permettre à la Côte d'Ivoire de revenir à la normalité et pour que les Ivoiriens profitent du changement qu'ils ont voulu en me portant à la magistrature suprême.
Ce que vous dites, c'est pratiquement ce que tout le monde dit : il faut que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir. Mais, il ne part pas. La question, c'est combien de temps cette situation peut durer et est-ce qu'il faut avoir recours là, maintenant, tout de suite à l'option militaire ? Ou est-ce qu'on peut lui laisser du temps. Parce que lui a envie de gagner du temps.
Tout à fait. Laurent Gbagbo tente de gagner du temps et le peuple meurt de faim. C'est tout simplement pour recruter des mercenaires et des miliciens pour tuer des Ivoiriens. Et profiter simplement du temps pour exporter des valises d'argent dans certains pays amis. Et la Côte d'Ivoire ne peut pas rester dans cette situation plus longtemps. Je demande son départ et je ne suis pas le seul à le faire. Les Ivoiriens en votant à 54 % pour me porter à la magistrature suprême, l'ont dit clairement. 400 mille voix de plus ont été obtenues. Sur les 4 millions d'électeurs, je l'ai battu…
Mais le débat n'est plus là aujourd'hui M. Ouattara…
Le débat n'est pas là, mais c'est lui qui porte le débat sur ce chapitre-là. En demandant à avoir un comité d'évaluation, en demandant des choses qui sont dépassées. Il n'est pas question de comité d'évaluation. Laurent Gbagbo a perdu les élections qui ont été suivies par tout le monde. Les Ivoiriens ont démontré leur volonté de changement. Il faut que Laurent Gbagbo accepte le verdict des urnes.
Vous ne lui donnez même pas un ultimatum ? Vous ne lui dites même pas de partir avant tel jour, telle heure sinon c'est l'option militaire ?
Vous savez, je ne le fais pas parce que je suis un homme de paix. Moi, je suis un enfant de Félix Houphouet-Boigny. Je crois en la paix. C'est pour cela que, pendant toute cette semaine, je lui ai tendu la main. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest m'a consulté avant de venir en Côte d'Ivoire, j'ai donné mon accord, parce que je tiens à ce que l'issue soit pacifique. Mais Gbagbo ne veut rien entendre. En réalité, il se fout du monde. Ce n'est pas un homme d'Etat, il n'aime pas les Ivoiriens, il ne tient qu'à sa personne, à un pouvoir qu'il est en train d'usurper. Alors, il est temps qu'il quitte le pouvoir.
Qu'est-ce qu'il faut faire s'il ne quitte pas le pouvoir. Et combien de temps encore peut durer cette situation ? Vous, assiégé à l'hôtel du golf…
Vous savez, le fait que je sois à l'hôtel du golf n'est pas le plus important. Tous les jours, depuis trois semaines, vous avez des assassinats dans les quartiers populaires d'Abidjan. Vous avez des tueries, vous avez des viols, vous avez des comportements qui sont inadmissibles sur les populations ivoiriennes. C'est cela le plus important. A l'hôtel du golf, moi j'arrive à travailler. C'est vrai, avec une équipe restreinte. J'aimerais pouvoir avoir la totalité de mon gouvernement pour exercer pleinement mes fonctions. Mais, cela n'est pas le plus important dans l'immédiat. Le plus important, c'est de préserver la paix en Côte d'Ivoire.
Si le plus important est de préserver la paix en Côte d'Ivoire, ça veut donc dire que pas d'option militaire. Je ne comprends pas exactement votre position…
Non, non, non. Je n'ai pas dit cela. Ma position est de dire que les chefs d'Etat de la Cedeao ont pris des résolutions. Ils ont demandé à Laurent Gbagbo de partir dans un bref délai, il ne l'a pas fait. Ils ont envoyé plusieurs missions ensuite ici, Laurent Gbagbo s'entête. Les chefs d'Etat de la Cedeao ont indiqué que s'il s'entêtait, ils allaient employé tout moyen y compris la force.
Visiblement M. Gbagbo a l'air de ne pas prendre cette menace au sérieux ? Peut-être que ce que vous dites, aujourd'hui, va le renforcer dans cette idée qu'au fond, on n'osera pas venir le déloger par la force ?
O, si, si. Moi je pense qu'il sera responsable de la situation qu'il va vivre. Et l'intervention militaire ne veut pas dire que la Côte d'Ivoire sera embrasée. Il suffit, comme ce qui a été fait ailleurs en Afrique et dans d'autres pays, de venir chercher Laurent Gbagbo et le sortir du palais présidentiel. C'est possible. S'il continue, c'est à cela qu'il s'expose. Les risques de guerre civile que j'entends, n'existent pas du tout. Il faut que Laurent Gbagbo comprenne qu'il s'agit de sa simple personne et d'un groupe de personnes qui le soutiennent. Tandis que la majorité, la grande partie des Ivoiriens veut la paix. Dans les casernes, les militaires ont voté pour moi à plus de 63% le 28 novembre. Aujourd'hui, ce chiffre doit être largement dépassé. Par conséquent, il n'a pas le soutien des militaires dans leur majorité. Et bien entendu, le suffrage universel m'a donné plus de 54% des suffrages.
Est-ce à dire qu'il n'y a pas eu de fraude du tout dans le nord ?
Il n'y a pas eu de fraude dans le nord. Nous avons les comptes rendus des préfets qui le démontrent. Nous avons les comptes rendus du centre de commandement intégré, comprenant les militaires des forces nouvelles comme ceux des forces de défense et de sécurité. Certains religieux se sont prononcés pour dire qu'il n'y avait pas eu de fraude dans les bureaux de vote. Il n'y a pas eu de violences non plus. Tout ce qui est raconté par Laurent Gbagbo et son camp n'est que mensonge. Les violences nous les avons vues dans le sud-ouest, la région d'origine de M. Laurent Gbagbo. Et ceci est étayé par tous les rapports, y compris les rapports des observateurs étrangers. Donc, il faut que le camp Gbagbo arrête. Qu'il arrête les mensonges. Qu'il se dise que les Ivoiriens ont voté. Les Ivoiriens ont voté massivement et ils l'ont largement fait pour Alassane Ouattara.
Pour résumer, M. Ouattara, dit qu'il n'y a plus rien à négocier. Il faut que Gbagbo s'en aille ; point final…
Tout à fait. Il a perdu les élections, il le sait. Toute la Côte d'Ivoire sait que M. Gbagbo a perdu les élections, la communauté ouest-africaine, la communauté internationale le sait. Il faut qu'il s'en aille. Vous savez que cette élection était censée être une sortie de crise pour la Côte d'Ivoire. Mais, voici que Laurent Gbagbo nous replonge dans une crise plus sévère que celle dans laquelle nous étions.
La seule chose dont on peut discuter, c'est la destination de son pays d'exil, c'est ça ?
Non. Il peut rester en Côte d'Ivoire. Moi je suis prêt à ce qu'il puisse jouir de ses droits d'ancien chef d'Etat. Qu'il puisse avoir l'immunité, qu'il puisse avoir la liberté d'aller et de venir. Je suis prêt à ces choses et je le recevrais pour les conditions de son séjour en Côte d'Ivoire, s'il le souhaite, et même les conditions de son séjour à l'étranger. Il faut qu'il s'en aille pour que la Côte d'Ivoire soit en paix.
Quels sont encore les leviers financiers dont il dispose ? Qui a les cordons de la bourse en ce moment ? Est-ce que c'est vous ? Est-ce que c'est lui ?
Vous savez que le conseil des ministres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine a décidé le 23 décembre qu'il n'y avait aucun doute, c'est Alassane Ouattara et ses représentants qui ont la signature. Ceci étant, Laurent Gbagbo et sa garde républicaine envoient des personnes dans les banques pour les braquer, pour prendre des espèces et pour les utiliser à des fins macabres. Je répète que c'est un comportement de hors-la-loi. Laurent Gbagbo s'expose à des sanctions sévères s'il continue. Et s'expose à une décision de la Haute-cour de justice de Côte d'Ivoire, quand cette cour sera constituée. Il s'expose à la cour pénale internationale avec tous ses crimes. Il faut qu'il s'en aille pour que les Ivoiriens puissent retrouver la paix. Un seul homme ne doit pas amener tant de malheur aux Ivoiriens.
Est-ce que vous avez beaucoup d'appels téléphoniques régulièrement. Est-ce que le soutien de Nicolas Sarkozy vous aide ou est-ce que ça peut être parfois embarrassant d'avoir le soutien de l'ancienne puissance coloniale ?
Point du tout. Les Ivoiriens n'ont aucun problème avec la France. C'est un groupe de personnes qui ont développé une telle attitude. Mais, c'est totalement faux. Les Ivoiriens ont d'excellentes relations avec la France. J'ai des appels, bien sûr, de Nicolas Sarkozy mais également d'autres dirigeants du monde, aussi bien en Afrique qu'ailleurs. Ce qui est important, c'est d'amener la Côte d'ivoire à la normalité. Je suis sûr de cela. Parce que vous savez, j'ai été élu pour un mandat de cinq ans. Je viens de perdre un mois, en grande partie parce que je suis à l'hôtel. Je veux mettre en œuvre très rapidement le programme pour lequel les Ivoiriens m'ont élu. Je veux améliorer le bien-être des Ivoiriens et le faire dans le plus bref délai. Il faut que nous puissions avoir la plénitude des fonctions pour lesquelles nous avons été élus. J'ai des responsabilités à l'endroit du peuple ivoirien, j'entends les exercer rapidement.
Laurent Gbagbo vous promet la levée du blocus, est-ce que vous y croyez ?
Vous savez les engagements de Laurent Gbagbo ! Vos journalistes vous diront que ce matin quand ils ont tenté de venir, ils ont plutôt été agressés. Laurent Gbagbo ne respecte aucun engagement. Aucune discussion n'est possible avec lui. Nous avons eu à discuter pendant sept ans et, chaque fois, il prend des engagements qu'il ne respecte point. Il est temps qu'il s'en aille. Son comportement est indigne de la Côte d'Ivoire.
A vous entendre, on se dit forcément que vous pensez, même si vous ne le dites pas, qu'il ne s'en ira que par la force…
Voyez-vous, j'opte pour la réponse de la conférence des chefs d'Etat de la Cedeao. La Cedeao par les entretiens que j'ai eus hier, avec le président Jonathan, s'engage à appeler un nouveau sommet pour prendre une décision définitive. Fusse-t-il la force qui est utilisée en Côte d'Ivoire, ce sera pour enlever Laurent Gbagbo. Ce ne sera pas une force contre les Ivoiriens ou contre la Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo peut nous épargner une action militaire s'il revenait à la raison et s'il acceptait le verdict des urnes. Il a perdu les élections, il faut qu'il accepte de partir pour que la Côte d'Ivoire ne soit pas soumise à une telle situation.
Propos retranscrits par Sanou A.
Comment vous sentez-vous ? Est-ce qu'on peut présider, diriger un pays quand on est assiégé comme ça avec ses proches collaborateurs et ministres dans un hôtel ?
Oui. Il faut faire pour le mieux, ce n'est pas facile mais vous savez que quand on assume ses responsabilités, on le fait dans toutes circonstances. Nous sommes dans un hôtel, c'est vrai. Mais, j'ai formé un gouvernement provisoire de 13 membres et nous essayons de gérer au mieux toutes les questions liées à la sécurité, aux finances, à la communication et par conséquent, ce n'est pas facile, mais nous essayons de faire beaucoup de choses.
On a le sentiment que la situation est bloquée. C'est-à-dire vous et Laurent Gbagbo restiez sur vos positions, rien n'avance. Qu'est-ce qui vous fait tenir ? Qu'est-ce qui vous soutient dans ces conditions ?
Je dois vous dire que la situation est bloquée du fait de Laurent Gbagbo qui a perdu les élections, s'accroche. Il ne veut pas partir. 54% des Ivoiriens ont voté pour moi dans la transparence lors des élections démocratiques, élections qui ont été, à notre demande, supervisées par les Nations Unies et le voilà donc s'accrocher en créant cette situation inédite, c'est malheureux.
Pour en sortir, on a parlé de l'option de l'asphyxie financière et aussi de l'option militaire. La première question importante aujourd'hui, est-ce que vous pensez que l'heure est venue pour l'option militaire. Qu'il n'y a plus rien à négocier ?
Moi, je dis à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir. Les chefs d'Etats de la Cedeao le lui ont dit le 16 décembre…
Mais il ne l'a pas fait…
De le faire avant le 28 décembre, mais il ne veut pas partir. Donc, il en assumera les conséquences. Je suis pour la paix dans mon pays. Je préfère une solution pacifique, une solution négociée. Alors j'espère que, dans les prochains jours, puisqu'il a promis de donner une réponse aux trois chefs d'Etat, qu'il le fera. Pour que nous puissions avancer. La Côte d'Ivoire ne peut pas rester dans cet état. Ça fait cinq semaines que j'ai été élu massivement par des Ivoiriens avec une participation sans précédent dans des élections démocratiques. Et Gbagbo malgré cela, il s'accroche. Il utilise des artifices qui, bien entendu, ne sont pas acceptables. Que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir pour permettre à la Côte d'Ivoire de revenir à la normalité et pour que les Ivoiriens profitent du changement qu'ils ont voulu en me portant à la magistrature suprême.
Ce que vous dites, c'est pratiquement ce que tout le monde dit : il faut que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir. Mais, il ne part pas. La question, c'est combien de temps cette situation peut durer et est-ce qu'il faut avoir recours là, maintenant, tout de suite à l'option militaire ? Ou est-ce qu'on peut lui laisser du temps. Parce que lui a envie de gagner du temps.
Tout à fait. Laurent Gbagbo tente de gagner du temps et le peuple meurt de faim. C'est tout simplement pour recruter des mercenaires et des miliciens pour tuer des Ivoiriens. Et profiter simplement du temps pour exporter des valises d'argent dans certains pays amis. Et la Côte d'Ivoire ne peut pas rester dans cette situation plus longtemps. Je demande son départ et je ne suis pas le seul à le faire. Les Ivoiriens en votant à 54 % pour me porter à la magistrature suprême, l'ont dit clairement. 400 mille voix de plus ont été obtenues. Sur les 4 millions d'électeurs, je l'ai battu…
Mais le débat n'est plus là aujourd'hui M. Ouattara…
Le débat n'est pas là, mais c'est lui qui porte le débat sur ce chapitre-là. En demandant à avoir un comité d'évaluation, en demandant des choses qui sont dépassées. Il n'est pas question de comité d'évaluation. Laurent Gbagbo a perdu les élections qui ont été suivies par tout le monde. Les Ivoiriens ont démontré leur volonté de changement. Il faut que Laurent Gbagbo accepte le verdict des urnes.
Vous ne lui donnez même pas un ultimatum ? Vous ne lui dites même pas de partir avant tel jour, telle heure sinon c'est l'option militaire ?
Vous savez, je ne le fais pas parce que je suis un homme de paix. Moi, je suis un enfant de Félix Houphouet-Boigny. Je crois en la paix. C'est pour cela que, pendant toute cette semaine, je lui ai tendu la main. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest m'a consulté avant de venir en Côte d'Ivoire, j'ai donné mon accord, parce que je tiens à ce que l'issue soit pacifique. Mais Gbagbo ne veut rien entendre. En réalité, il se fout du monde. Ce n'est pas un homme d'Etat, il n'aime pas les Ivoiriens, il ne tient qu'à sa personne, à un pouvoir qu'il est en train d'usurper. Alors, il est temps qu'il quitte le pouvoir.
Qu'est-ce qu'il faut faire s'il ne quitte pas le pouvoir. Et combien de temps encore peut durer cette situation ? Vous, assiégé à l'hôtel du golf…
Vous savez, le fait que je sois à l'hôtel du golf n'est pas le plus important. Tous les jours, depuis trois semaines, vous avez des assassinats dans les quartiers populaires d'Abidjan. Vous avez des tueries, vous avez des viols, vous avez des comportements qui sont inadmissibles sur les populations ivoiriennes. C'est cela le plus important. A l'hôtel du golf, moi j'arrive à travailler. C'est vrai, avec une équipe restreinte. J'aimerais pouvoir avoir la totalité de mon gouvernement pour exercer pleinement mes fonctions. Mais, cela n'est pas le plus important dans l'immédiat. Le plus important, c'est de préserver la paix en Côte d'Ivoire.
Si le plus important est de préserver la paix en Côte d'Ivoire, ça veut donc dire que pas d'option militaire. Je ne comprends pas exactement votre position…
Non, non, non. Je n'ai pas dit cela. Ma position est de dire que les chefs d'Etat de la Cedeao ont pris des résolutions. Ils ont demandé à Laurent Gbagbo de partir dans un bref délai, il ne l'a pas fait. Ils ont envoyé plusieurs missions ensuite ici, Laurent Gbagbo s'entête. Les chefs d'Etat de la Cedeao ont indiqué que s'il s'entêtait, ils allaient employé tout moyen y compris la force.
Visiblement M. Gbagbo a l'air de ne pas prendre cette menace au sérieux ? Peut-être que ce que vous dites, aujourd'hui, va le renforcer dans cette idée qu'au fond, on n'osera pas venir le déloger par la force ?
O, si, si. Moi je pense qu'il sera responsable de la situation qu'il va vivre. Et l'intervention militaire ne veut pas dire que la Côte d'Ivoire sera embrasée. Il suffit, comme ce qui a été fait ailleurs en Afrique et dans d'autres pays, de venir chercher Laurent Gbagbo et le sortir du palais présidentiel. C'est possible. S'il continue, c'est à cela qu'il s'expose. Les risques de guerre civile que j'entends, n'existent pas du tout. Il faut que Laurent Gbagbo comprenne qu'il s'agit de sa simple personne et d'un groupe de personnes qui le soutiennent. Tandis que la majorité, la grande partie des Ivoiriens veut la paix. Dans les casernes, les militaires ont voté pour moi à plus de 63% le 28 novembre. Aujourd'hui, ce chiffre doit être largement dépassé. Par conséquent, il n'a pas le soutien des militaires dans leur majorité. Et bien entendu, le suffrage universel m'a donné plus de 54% des suffrages.
Est-ce à dire qu'il n'y a pas eu de fraude du tout dans le nord ?
Il n'y a pas eu de fraude dans le nord. Nous avons les comptes rendus des préfets qui le démontrent. Nous avons les comptes rendus du centre de commandement intégré, comprenant les militaires des forces nouvelles comme ceux des forces de défense et de sécurité. Certains religieux se sont prononcés pour dire qu'il n'y avait pas eu de fraude dans les bureaux de vote. Il n'y a pas eu de violences non plus. Tout ce qui est raconté par Laurent Gbagbo et son camp n'est que mensonge. Les violences nous les avons vues dans le sud-ouest, la région d'origine de M. Laurent Gbagbo. Et ceci est étayé par tous les rapports, y compris les rapports des observateurs étrangers. Donc, il faut que le camp Gbagbo arrête. Qu'il arrête les mensonges. Qu'il se dise que les Ivoiriens ont voté. Les Ivoiriens ont voté massivement et ils l'ont largement fait pour Alassane Ouattara.
Pour résumer, M. Ouattara, dit qu'il n'y a plus rien à négocier. Il faut que Gbagbo s'en aille ; point final…
Tout à fait. Il a perdu les élections, il le sait. Toute la Côte d'Ivoire sait que M. Gbagbo a perdu les élections, la communauté ouest-africaine, la communauté internationale le sait. Il faut qu'il s'en aille. Vous savez que cette élection était censée être une sortie de crise pour la Côte d'Ivoire. Mais, voici que Laurent Gbagbo nous replonge dans une crise plus sévère que celle dans laquelle nous étions.
La seule chose dont on peut discuter, c'est la destination de son pays d'exil, c'est ça ?
Non. Il peut rester en Côte d'Ivoire. Moi je suis prêt à ce qu'il puisse jouir de ses droits d'ancien chef d'Etat. Qu'il puisse avoir l'immunité, qu'il puisse avoir la liberté d'aller et de venir. Je suis prêt à ces choses et je le recevrais pour les conditions de son séjour en Côte d'Ivoire, s'il le souhaite, et même les conditions de son séjour à l'étranger. Il faut qu'il s'en aille pour que la Côte d'Ivoire soit en paix.
Quels sont encore les leviers financiers dont il dispose ? Qui a les cordons de la bourse en ce moment ? Est-ce que c'est vous ? Est-ce que c'est lui ?
Vous savez que le conseil des ministres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine a décidé le 23 décembre qu'il n'y avait aucun doute, c'est Alassane Ouattara et ses représentants qui ont la signature. Ceci étant, Laurent Gbagbo et sa garde républicaine envoient des personnes dans les banques pour les braquer, pour prendre des espèces et pour les utiliser à des fins macabres. Je répète que c'est un comportement de hors-la-loi. Laurent Gbagbo s'expose à des sanctions sévères s'il continue. Et s'expose à une décision de la Haute-cour de justice de Côte d'Ivoire, quand cette cour sera constituée. Il s'expose à la cour pénale internationale avec tous ses crimes. Il faut qu'il s'en aille pour que les Ivoiriens puissent retrouver la paix. Un seul homme ne doit pas amener tant de malheur aux Ivoiriens.
Est-ce que vous avez beaucoup d'appels téléphoniques régulièrement. Est-ce que le soutien de Nicolas Sarkozy vous aide ou est-ce que ça peut être parfois embarrassant d'avoir le soutien de l'ancienne puissance coloniale ?
Point du tout. Les Ivoiriens n'ont aucun problème avec la France. C'est un groupe de personnes qui ont développé une telle attitude. Mais, c'est totalement faux. Les Ivoiriens ont d'excellentes relations avec la France. J'ai des appels, bien sûr, de Nicolas Sarkozy mais également d'autres dirigeants du monde, aussi bien en Afrique qu'ailleurs. Ce qui est important, c'est d'amener la Côte d'ivoire à la normalité. Je suis sûr de cela. Parce que vous savez, j'ai été élu pour un mandat de cinq ans. Je viens de perdre un mois, en grande partie parce que je suis à l'hôtel. Je veux mettre en œuvre très rapidement le programme pour lequel les Ivoiriens m'ont élu. Je veux améliorer le bien-être des Ivoiriens et le faire dans le plus bref délai. Il faut que nous puissions avoir la plénitude des fonctions pour lesquelles nous avons été élus. J'ai des responsabilités à l'endroit du peuple ivoirien, j'entends les exercer rapidement.
Laurent Gbagbo vous promet la levée du blocus, est-ce que vous y croyez ?
Vous savez les engagements de Laurent Gbagbo ! Vos journalistes vous diront que ce matin quand ils ont tenté de venir, ils ont plutôt été agressés. Laurent Gbagbo ne respecte aucun engagement. Aucune discussion n'est possible avec lui. Nous avons eu à discuter pendant sept ans et, chaque fois, il prend des engagements qu'il ne respecte point. Il est temps qu'il s'en aille. Son comportement est indigne de la Côte d'Ivoire.
A vous entendre, on se dit forcément que vous pensez, même si vous ne le dites pas, qu'il ne s'en ira que par la force…
Voyez-vous, j'opte pour la réponse de la conférence des chefs d'Etat de la Cedeao. La Cedeao par les entretiens que j'ai eus hier, avec le président Jonathan, s'engage à appeler un nouveau sommet pour prendre une décision définitive. Fusse-t-il la force qui est utilisée en Côte d'Ivoire, ce sera pour enlever Laurent Gbagbo. Ce ne sera pas une force contre les Ivoiriens ou contre la Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo peut nous épargner une action militaire s'il revenait à la raison et s'il acceptait le verdict des urnes. Il a perdu les élections, il faut qu'il accepte de partir pour que la Côte d'Ivoire ne soit pas soumise à une telle situation.
Propos retranscrits par Sanou A.