Avec la déclaration qu’a faite hier la conférence épiscopale, on comprend maintenant pourquoi la Côte d’ivoire se trouve dans cette situation. Les Evêques de Côte d’Ivoire préconise le dialogue entre Laurent Gbagbo et le président Alassane Dramane Ouattara et mettent en garde la CEDEAO contre toute attaque armée qui selon eux, entrainera des « conséquences incalculables ». En outre, la déclaration demande à la communauté internationale de respecter « la souveraineté » de Côte d’Ivoire. Si l’appel au dialogue entre les parties pour des hommes de Dieu est compréhensible, la mise en garde contre la CEDEAO l’est difficilement. Car elle sonne comme un soutien sans équivoque à Laurent Gbagbo. Par cette position, les Evêques de Côte d’Ivoire ont fini par démontrer que dans cette crise, ils ont choisi leur camp. Laurent Gbagbo a été battu de façon nette et claire au cours de cette élection présidentielle. Il refuse, malgré cela, de quitter le pouvoir. Alassane Dramane Ouattara, vainqueur de cette élection, l’appelle à la raison à juste titre. Laurent Gbagbo s’entête. Il va jusqu’à commettre des assassinats, des meurtres et des crimes crapuleux pour se maintenir au pouvoir. Les bergers de l’église catholique jusqu’ici sont restés sans voix. Pas même un message de compassion envers les victimes et leurs familles. Les crimes et les assassinats continuent. Ceux qui sont censés servir la vérité ne rappellent pas à l’ordre ni ne condamnent ces péchés graves. Mais depuis qu’il est question d’utiliser la « force légitime » pour déloger l’usurpateur qui est actuellement au palais présidentiel, voilà qu’ils retrouvent de la voix comme par miracle. « Il faut un dialogue entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara » ? Mais le vainqueur du second tour de l’élection présidentielle ne fait que cela depuis le début de la crise ! La CEDEAO a même envoyé des émissaires sur les bords de la lagune Ebrié dans le souci de voir triompher le dialogue. Mais Laurent Gbagbo refuse toute négociation pour une sortie pacifique de cette crise. Ce qui l’intéresse au plus haut point, c’est son fauteuil. C’est la raison pour laquelle il se dit prêt à aller à la négociation à condition qu’on ne lui parle pas de rendre le fauteuil présidentiel. C’est comme un voleur qui dit accepter d’entrer en négociation avec celui qu’il a volé à condition que le propriétaire de la chose ne lui réclame pas ce qu’il lui a volé. En somme, une attitude qui défie toute logique et justice. Dans ces conditions, comment veut-on qu’il y ait un dialogue sincère ? Peut-il y avoir de véritables discussions sans que celui qui est en faute ne reconnaisse d’abord son tort ? Sans que eux, les Evêques défenseurs de la vérité, ne disent pas à celui qui est dans l’erreur qu’il n’a pas raison ? Ne dit-on pas qu’une faute avouée est à moitié pardonnée ? La Bible ne recommande-t-il pas qu’il est bon de confesser nos péchés pour que Dieu puisse nous les pardonner ? Eux qui sont les confesseurs de l’église savent pertinemment cette vérité. Alors pourquoi veut-on biaiser aujourd’hui avec la vérité et amener un camp à accepter l’inacceptable ? Des Evêques comme Siméon Ahouana de Bouaké et Marie Daniel Dadié de Korhogo ont reconnu qu’il n’y a pas eu de violences ni de fraudes dans le centre et dans le nord. Principal argument utilisé par le Conseil constitutionnel de Paul Yao N’Dré pour invalider le vote dans sept départements du nord et du centre et inverser les résultats du second tour en faveur de Gbagbo. Il faut préciser que Monseigneur Marie Daniel Dadié est le président de la Commission Justice et Paix de l’église catholique. La conférence épiscopale veut-elle insinuer qu’elle n’a pas tenu compte de tous ces témoignages venant de deux de ses illustres membres avant de pondre une telle déclaration ? Si la conférence s’inquiète réellement des « conséquences incalculables » que peut entraîner une intervention militaire des forces de la CEDEAO, c’est maintenant qu’elle doit approcher Laurent Gbagbo pour lui dire la vérité. Au lieu de verser des larmes de crocodile sur « les femmes, les hommes et les jeunes » qui ont perdu la vie au cours de ces dernières semaines. La conférence parle du « respect des institutions et de la souveraineté » de la Côte d’Ivoire. Avec ce qui se passe en ce moment peut-on encore parler d’institution et de souveraineté ? A dire vrai, à travers ces bouts de phrase, la conférence s’est vraiment trahie. Car ce discours ressemble étrangement à ceux que servent aux Ivoiriens Laurent Gbagbo et sa bande à longueur de journée. Les Ivoiriens ont compris.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly