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Politique Publié le samedi 8 janvier 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Le politologue Babacar Justin N’Diaye sur ONUCI-FM à propos de l’intervention de l’Ecomog en Côte d’Ivoire - ‘’Il n’est pas acceptable qu’on démocratise l’Afrique au canon’’

La crise suscitée au lendemain de l’élection présidentielle du deuxième tour par le bicéphalisme au sommet de la Côte d’Ivoire, a ouvert la voie à une médiation conduite par la CEDEAO. Dans l’entretien qu’il a accordé à la radio de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONU-CI) le Samedi 8 au Dimanche 9 Janvier 2011, le politologue et analyste sénégalais Babacar Justin N’Diaye s’insurge contre l’option militaire à laquelle la CEDEAO pourrait recourir pour dénouer la crise ivoirienne.

Votre analyse de l’atmosphère politique en Côte d’Ivoire
(…) Il s’agit donc de débroussailler un chemin particulièrement truffé d’obstacles. D’un côté, on a la fermeté de la position du Président Laurent Gbagbo même si elle est enrobée de déclarations diplomatiques assez avenantes. De l’autre, on a aussi le refus d’Alassane Ouattara. Il faut dire aussi qu’on est dans une situation où très fâcheusement on a de bons arguments autour de la transparence, la légitimité et la légalité mais de très bons arguments défendus par de très mauvais avocats car en dehors du Sénégal, du Mali, du Ghana il est très difficile de trouver au sein de la CEDEAO des Etats qui ont été le théâtre d’élections démocratiques irréprochables au-delà de tous soupçons.


Quand vous parlez de bons arguments, c’est par rapport à la situation que nous vivons ?
C’est-à-dire dans la mesure où les règles du jeu avaient été acceptées par Laurent Gbagbo nonobstant la zone grise qui prévalait au Nord. Parce que tout le monde sait que le Nord n’avait pas désarmé. Tout le monde sait que les rebelles levaient des impôts et prélevaient des taxes. Donc électoralement, le Nord est une zone grise. Ce qui veut dire que les arguments de Gbagbo autour de la fraude sont plausibles. Mais tout ceci manque de sens à partir du moment où lui-même avait souscrit à l’Accord politique de Ouagadougou. Et il savait lui-même que le Nord était une zone grise. Donc, il est difficile d’être l’avocat de Gbagbo. En revanche, l’option militaire est rejetée par l’opinion africaine. Je peux vous signaler qu’ici à Dakar, il y a eu une réunion qui a ressemblée de très grands intellectuels africains pour manifester leur farouche opposition à l’option militaire parce que vu de Dakar au niveau de l’intelligentsia sénégalaise, il n’est pas acceptable qu’on démocratise l’Afrique au canon comme hier on l’avait colonisée au canon.

Concernant cette option militaire, la CEDEAO dit qu’elle est toujours sur la table. Quelles seraient pour vous les conséquences d’un tel projet ?
Je ne parle même pas du côté catastrophique sur le terrain avec des dégâts collatéraux. Parce que se battre dans la savane, la brousse ça n’a rien à avoir avec se battre dans une ville, une agglomération comme Abidjan qui compte des millions d’habitants. Mais allez-y savoir ce que sera l’armée de Gbagbo qui est encore débout plus exactement ce qu’elle fera aussi. Et qui va conduire les opérations militaires.

Pour la résolution de cette crise, le camp de Laurent Gbagbo appelle à un recomptage des voix. Quelles sont selon vous les chances d’une telle proposition ?
Ces chances sont très minces même si dans le passé on a eu des précédents comme ça y compris aux Etats Unis. Mais je déplore le fait que le président de la Commission électorale Yousouf Bakayoko ait proclamé les résultats à l’Hôtel du Golf. En Côte d’Ivoire le mandat de l’Onuci est placé sous le chapitre 7. Lequel n’exclut pas l’usage des armes. Pourquoi n’avait-on pas sécurisé le périmètre de la Commission électorale indépendante pour permettre au président Youssouf Bakayoko de proclamer les résultats sur place ? En matière de défense et d’illustration des institutions le symbole est très fort. Il y a eu en Côte d’Ivoire un festival d’erreurs, de péchés, de ratés qui coincent tout le monde.

Qu’est ce que vous voyez comme d’autres scénarios pour sortir de l’impasse ?
Le Président Félix Houphouët Boigny nous a donné un enseignement impérissable en politique. Il a dit que la politique c’est le réel avant d’être l’idéal. Le réel, c’est le réel ivoirien. Alors il faut embrayer sur le réel et non embrayer sur les schémas ou les ambitions des grandes puissances extérieures à l’Afrique. Le réel a été appliqué au Kenya. Odinga est venu comme médiateur en Côte d’Ivoire alors qu’il a capitulé lui-même sur le refus usurpateur de Mwai Kibaki. Pourtant, tout le monde sait que c’est lui qui avait gagné. Pourquoi n’avait-il pas fait venir la Grande Bretagne pour balayer le Président du Kenya et détruire le Kenya au passage ? Aujourd’hui, c’est lui Odinga qui veut qu’on applique en Côte d’Ivoire ce qu’il s’est gardé d’appliquer chez lui bien qu’il fût vainqueur. Et qui est allé déloger Robert Mugabe ? Pourtant ses farouches opposants ont composé avec lui. Je ne dis pas que Ouattara doit aller composer avec Gbagbo mais je rappelle que la politique c’est le réel avant d’être l’idéal.

Alors que doit-on attendre de la communauté internationale ?
Qu’elle prenne en compte le respect, la dignité et la souveraineté de l’Afrique même si la démocratie est une valeur universelle que les Africains ne rejettent pas.
Retranscrit par Koné Yacouba

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