Docteur d'Etat es- lettres, Enseignant et président d'université, le Pr. Urbain Amoa est l'un des rares universitaires aujourd'hui à n'avoir aucune étiquette politique. C'est fort de cette « virginité », qu'il propose aujourd'hui des pistes pouvant permettre à la Côte d'Ivoire de sortir de l'impasse dans laquelle elle se retrouve depuis la dernière présidentielle.
L'inter: La Côte d'Ivoire connaît une crise post- électorale qui dure depuis un mois. La CEDEAO et l'Union Africaine ont entrepris des négociations, mais jusque- là, il n' y a pas encore de médiation interne. Est- ce bien ce que vous entreprenez actuellement?
Pr Urbain Amoa : Depuis 2002, nous faisons de petites apparitions pour apporter notre contribution à la résolution des problèmes qui se posent en Côte d'Ivoire et en Afrique. Nous sommes partis de la célèbre lettre ( NDLR: adressée à l'ambassadeur de France M. Renaud Vignal), que nous avons écrite en son temps par rapport à une certaine vision. A la mise en place du Festival international de la route des reines et des rois comme un instrument de cohésion sociale, ce qui nous a amené à aller dans les différentes zones. Aujourd'hui, depuis le début de cette crise, on voit le défilé d'un certain nombre d'universitaires d'Afrique et du monde; mais on se demande où se trouvent les universitaires nationaux! Nous croyons que la réponse est bien nette. Nombre d'universitaires de renom prennent position à partir de leur parti politique. Ce qu'il faut émettre aujourd'hui comme hypothèse, c'est d'envisager d'avoir des universitaires qui ne se réclament d'aucune obédience politique pour apporter un jugement qui prenne en compte un certain nombre de vérités, d'où la théorie des quatre vérités que nous avons énoncée ( ndlr: in Frat Mat du 4 janvier 2011).
L'inter: Justement, quel est le message que voulez-vous faire passer dans cette contribution qui est parue dans Fraternité Matin du mardi 4 janvier 2011et dont le titre est: « Culture africaine, médiation et sortie de crise en Côte d'Ivoire »?
Pr U.A.: Dans le cadre de la série de médiations, la société civile intervient tout comme les religieux. Le médiateur de la République, M. Mathieu Ekra, a commis une équipe d'experts pour réfléchir sur les stratégies et les dispositions pratiques à prendre pour que le médiateur de la République qu'il est, puisse apporter une contribution à la résolution de cette crise. Il faut dire que M. le médiateur de la République est un homme de tradition, qui parle très peu pour beaucoup de raisons. Il n'est donc pas absent de ce que nous vivons. Nous invitant à participer à ce collège des experts près le médiateur de la République, nous avons été invités à faire une conférence d'orientation sur le thème que vous venez d'évoquer. Ce qui revient à capitaliser tout ce que nous avons fait lors du Festival de la route des reines et des rois pour énoncer les grandes théories africaines en ce qui concerne les techniques de médiation et pour suggérer à partir de ces principes, des portes de sortie en nous inspirant naturellement des pratiques en vigueur dans nos villages. Tel est le sens de la contribution que nous avons faite.
L'inter: Dans votre contribution, vous préconisiez « la voie de la médiation interne fortement inspirée des valeurs et civilisations africaines et enrichies des performances des grandes nations modernes ». Concrètement, comment allez- vous y prendre pour concilier les deux cultures?
Pr U.A.: Il s'agit pour nous de voir ce que nous avons comme capital culturel et d'interroger les modes de gestion des conflits dans les systèmes modernes. Cette étape étant franchie, nous devrions nous imposer de voir ce qui est à prendre de part et d'autre pour aller vers une résolution durable, j'allais dire définitive de la crise qui se veut désormais une crise à répétition en Côte d'Ivoire et en Afrique. D'où vient en Afrique par exemple, qu'au Soudan, en Angola, au Rwanda, que chaque fois que ces crises surviennent, nous n'arrivions pas à nous en sortir, nous les Africains? C'est peut- être parce que nous avons hérité d'un mode de gouvernance qu'on appelle la démocratie, qui est plus exclusionniste que notre mode de gestion par consensus. Car en fait, lorsqu'on a fait un calcul des voix, lors d'une élection, le calcul ici nous amène à donner une vérité, mais la vérité consensuelle en Afrique ancienne n'est pas celle- là! C'est de faire des approches, des recoupements, des écoutes jusqu'à ce que l'on arrive à déterminer une vérité qui mette les frères, les sœurs et les parents ensemble. Quel est le sens de l'action des réflexions que nous tentons de conduire? Autrement dit, nous inspirer des valeurs anciennes, pour avancer vers le nouveau monde et ensemencer ce nouveau monde de nos valeurs.
L'inter: Il y a eu des élections en Côte d'Ivoire qui ont donné des résultats qui sont aujourd'hui contestés de part et d'autre. Mais lorsque vous parlez de consensus ou de règlement à l'africaine, que comptez vous faire pour concilier les deux positions?
Pr U.A.: Nous pensons qu'il y a même plus que deux positions et c'est ce qui nous fait énoncer la théorie des quatre vérités. La vérité intérieure, chacun de nous sait, lorsqu'il dit une chose à un autre, ce qui est dit de vrai et de faux, il appartient donc à chacun d'interroger son for intérieur; c'est l'univers de la conscience. La deuxième vérité, c'est la vérité scientifique. C'est celle qui consiste à dire, 2+2 = 4. Scientifiquement, c'est observable. Dans le cas d'espèce, la crise ivoirienne est fondamentalement ancrée dans l'univers de la vérité scientifique, parce que juridique. On dirait ici donc que la vérité à acquérir ici, relève de la vérité juridique, puisqu'en fait, il s'agit de textes, il s'agit de la CEI du Conseil constitutionnel; il s'agit d'une décision importante prise par une haute juridiction nationale. Cette vérité-là relève de la mathématicité des relations. Mais lorsque nous en arrivons à la troisième, Dieu Tout-puissant dans sa splendeur, nous observe. Nous avons une troisième vérité qui est la vérité divine, celle qui commande que si Dieu avait été là, sans doute aurait-il suggéré une approche de solution. Mais comme Dieu est inaccessible, tout en étant en nous, alors il faut passer à une quatrième vérité qui est celle que nous appelons la vérité consensuelle ou la vérité situationnelle, que certains peuvent appeler la vérité politique. C'est-à-dire que lorsqu'on arrive à ce niveau, il faut aller vers une résolution par des voies politiques. Pour atteindre ces vérités, nous devons nous imposer beaucoup de choses. La première, c'est beaucoup d'écoute, la deuxième, c'est la gestion de la parole, car vous savez que la parole aurait été l'arme la plus mal utilisée en cette période de crise. Lorsque nous aurons eu suffisamment d'écoute, lorsque nous aurons fait des analyses en nous inspirant des deux valeurs, les civilisations de chez nous et les civilisations modernes; lorsque nous aurons étudié le contexte de l'environnement né des étouffements individuels et collectifs, alors nous pourrions, comme c'est le cas maintenant, n'émettre que des hypothèses. Nous allons les emettre jusqu'à ce que ces hypothèses soient combattues, revues par toutes les couches sociales, de façon que nous parvenions à une vérité consensuelle. C'est-à-dire cette vérité- là est celle qui va nous permettre de vivre durablement ensemble et de façon harmonieuse.
L'inter: Quelles sont, selon vous, les personnes habilitées à mener cette médiation interne?
PrU.A. : Il faut féliciter ceux qui se sont investis dans la médiation, notamment la Convention de la société civile, les rois et chefs traditionnels, le médiateur de la République, les religieux et les personnes qui, individuellement, y travaillent. A cette étape- ci du parcours, il importe qu'il y ait une sorte de rencontre, un forum, des regards croisés, qui puissent permettre de faire des recoupements sans que chacune des entités pense détenir la vérité infuse; il faut aller vers cela. Lorsqu'on aura eu ces éléments, il faut s'obliger à écouter également l'international. Mais pour l'heure, notre conviction, je dirai ma conviction est que seul celui qui crée sa plantation connaît les voies qui y mènent. C'est-à-dire aujourd'hui, si même il doit venir de partout un ensemble de médiateurs, seule notre vision de médiation doit pouvoir orienter ceux qui viennent d'ailleurs. Autrement dit, il faut même s'obliger à donner toute la puissance qu'il faut au médiateur de la République, pour qu'il coordonne toutes les actions des institutions et des structures que nous venons de citer. Pour l'heure, je crois que le médiateur de la République et son équipe sont à l'œuvre, dans la mesure où il a su mettre en route un collège d'experts chargés de faire beaucoup d'écoute et de suggestions et d'orienter les actions à venir. Reste que naturellement il faut pouvoir agir avec beaucoup de rigueur et d'impartialité.
L'inter: Pensez-vous qu'il existe suffisamment de personnes impartiales pour mener cette médiation?
Pr. U.A: Pour un universitaire, la vérité ne provient pas d'un seul endroit. Et puis, un collègue qui appartient à un parti politique peut dire la vérité de son parti politique; un autre peut dire la vérité d'un autre parti. Il appartient à l'observateur attentif, consciencieux, de repérer les non- dits qui permettent d'émettre des hypothèses pour aller vers une approche consensuelle. Nous sommes bien en médiation, cela veut dire qu'il faut faire en sorte que chacun lâche un tout petit peu du lest, pour aller vers un modus vivendi. Mais pour cela, il faut que ceux qui font la synthèse puissent se soumettre aux quatre vérités, mais aussi et surtout à la théorie de l'élégance langagière et de l'élégance comportementale. Nous pouvons tout obtenir, si nous désarmons nos discours et nos bouches.
L'inter: pensez-vous que la médiation aura assez de courage pour dire la vérité, lorsqu'il le faut, sans risquer de compromettre son travail?
Pr. U.A: La médiation à l'africaine a plusieurs niveaux. Lorsque le consensus est perçu par les sages qui écoutent, et le collège des femmes qui assistent aux séances; lorsque les vérités sont dites, on identifie à la fois le dit et la manière de dire. L'on interroge le comportement pour voir sur une longue durée les vérités cachées et les comportements désobligeants des uns et des autres. Parvenue à un niveau convenable, sur la place publique ou d'abord dans la case, la vérité est dite. Lorsque cette vérité est dite, on l'arrange pour ne pas choquer, pour la dire sur la place publique et inviter à la reconnaissance des faits et enfin à la réparation. Quand on est parvenu à la réparation, on arrive maintenant à la purification de l'environnement, si ce dernier a été souillé par le sang. Nous ne pensons pas que cette approche soit différente des approches modernes. Le tribunal moderne renverra plusieurs fois le procès pour enrichir le dossier, pour interroger l'environnement, l'inconscient des personnes en situation, jusqu'à ce qu'une vérité se dégage. Le juge, face à son Dieu, tranche le débat en tenant compte d'abord et avant tout de sa vérité intérieure, du respect qu'il a pour la vérité divine et pour l'engagement qu'il prend et les risques qu'il fait prendre à la cité dans laquelle il prononce son verdict. C'est là où nous sommes à l'aise, pour dire qu'en ce moment précis, en tant qu'universitaire, pas en tant que membre d'une équipe d'experts, il y a des hypothèses qui peuvent nous permettre de sortir de cette crise.
L'inter: Ce règlement à l'africaine ferait- il fi des menaces de poursuites judiciaires que brandissent les organisations des droits de l'homme contre ceux qui se seraient rendus coupables de crimes contre l'humanité?
Pr. U.A: Nous ne voulons pas en arriver là. Mais d'abord et avant tout, notre souci en tant qu'universitaire, c'est de chercher la vérité scientifique. Cette vérité scientifique pour nous en tout cas, pourrait elle-même être perçue comme vérité universelle. Mais attention, nous sommes bien en situation de crise où nous sommes soumis à un régime d'exception, c'est-à-dire là où la loi, les institutions républicaines
doivent être respectées dans toute leur splendeur. Lorsque nous sommes soumis à un régime d'exception et de crise, alors tout change. Il y a alors une étape indispensable qui est celle de la communauté internationale que nous considérons comme une puissance incolore et inodore, une puissance qui peut même en certaines circonstances, être assimilée à un monstre rampant, mais qu'il faut savoir respecter. Car en fait, en même temps qu'on ne veut pas la reconnaître, en certaines circonstances, on lui fait appel. Nous croyons en l'état actuel des choses que nous ne sommes même pas au stade de la Cour pénale internationale. Nous sommes encore au stade du dépassement de soi et de la vérité scientifique. Comment en sommes nous arrivés à la communauté internationale? Tout simplement parce que nous n'avons pu résoudre nos problèmes ici, et parce que nous n'avons pas trouvé de solution interne. Nous avons fait tout le tour et on est revenu à l'idée qu'il fallait un dialogue direct. Mais dans un dialogue direct, il n'y a pas d'intermédiaire. Nous sommes passés par un intermédiaire. Le débat reste encore intact. Aujourd'hui, nous avons des puissances comme les rois et chefs traditionnels, la société civile, le patronat, le médiateur de la République qui doivent pouvoir amener les uns et les autres à conjuguer leurs efforts. Ils doivent aujourd'hui être le porte-flambeau d'une nouvelle approche de négociation à partir de la Côte d'Ivoire. Une fois que cette étape est franchie, normalement personne d'autre ne peut venir émettre d'autres hypothèses qui ne prennent appui sur les hypothèses émises par nous- mêmes. Mais lorsqu'il y a un vide, chacun vient et se fait tout puissant seigneur, expert en questions ivoiriennes. Donc désormais, il faut se battre pour que l'expertise ivoirienne en question, soit développée par les Ivoiriens ou par ceux qui sont sur le territoire ivoirien et qui connaissent les réalités ivoiriennes. Autrement dit, nous ne pensons pas que c'est la communauté internationale qu'il faut condamner. C'est peut -être notre comportement. Lorsque vous vous êtes mal comporté dans votre maison, que votre père vous a donné un conseil que vous n'avez pas écouté, que vous êtes allés dans la grande famille, que vous avez fait la même erreur, que vous êtes allés sur la place publique du village pour faire la même erreur, vous finissez par vous faire découvrir par tout le monde. Et comme tout le monde vous aura découvert, chacun essaie de tendre des pièges suffisamment subtiles pour que vous tombiez sous le coup de ce que vous croyez être votre unique intelligence. A partir de ce moment-là, lorsqu'un inconnu est reconnu d'une certaine façon par la communauté internationale, la prudence veut qu'on ne coure pas en premier lieu pour aller s'abriter derrière les institutions de la République. Toute la communauté internationale a fini par s'approprier la question ivoirienne. Reste que la dignité commande que chacun, honnêtement, puisse dire la vérité cachée, pour que nous arrivions à vivre de façon harmonieuse et durablement. Quelle est la réalité de cette communauté internationale? Nous pensons qu'aujourd'hui, aucun pays ne peut vivre en autarcie. Et donc, lorsque nous devons tenir un discours en direction de cette communauté internationale, nous devons être courtois. Toute personne ne peut s'autoriser à parler du chef de la communauté internationale qui est une autre instance. Nous devons nous obliger à être courtois, à être élégants et à faire en sorte que nous puissions aller vers les autres en n'ayant pas l'illusion que nous avons tellement de richesses que nous pouvons nous passer de la communauté internationale dans une logique de mondialisation. Ce serait un leurre.
L'inter: Pr, pour finir, pourriez- vous nous dévoiler les dix hypothèses que vous préconisez pour un règlement à l'ivoirienne de la crise Gbagbo- Ouattara?
Pr. U.A: Nous voudrions vous dire que la dimension d'impartialité va nous amener à émettre seulement des hypothèses. C'est-à-dire que le chercheur devrait pouvoir émettre des hypothèses pour attendre les retours. C'est dans cette optique et non en tant que moralisateur, que nous émettons dix hypothèses qui, bien observées, devraient presque immédiatement permettre de sortir de la crise. La première hypothèse, c'est de dessaisir M. Youssouf Bakayoko, le président de la CEI, du dossier électoral pour incompétence et manque de rigueur. Rappelez-vous la phrase: « il n'est pas encore minuit » alors qu'on était à quelques minutes de 0 heure. Rétrocéder le contrôle des élections aux professionnels de l'administration que sont les préfets et sous-préfets. Deuxième hypothèse: dessaisir M. Paul Yao Ndré, le président du Conseil constitutionnel pour les mêmes raisons, en ceci que, du niveau de juridiction où il se trouve, il aurait pu envisager de suggérer par exemple que la CEI bénéficie de 48 heures ou de 72 heures supplémentaires pour finaliser le travail qui était en cours et qui manifestement était en situation de blocage. L'ayant dessaisi, qu'il soit fait appel à candidature pour désigner le futur président du Conseil constitutionnel. Troisième hypothèse: faire retourner dans les casernes les militaires des Forces nouvelles qui sont au Golf Hôtel,de façon à libérer l'hôtel et à permettre aux autorités qui s'y trouvent de retourner chez elles. Quatrième hypothèse: adopter les résultats consolidés comme principes acquis. Dans les régions où il n'y a pas eu de débat, que les résultats consolidés dans les délais par la CEI soient adoptés. Cinquième hypothèse: faire reprendre dans un délai de trois à cinq mois,l'élection présidentielle dans les départements incriminés après y avoir opéré avec célérité et efficacité un désarmement systématique négocié et par consensus. Sixième hypothèse: maintenir en place le gouvernement d'avant l'élection présidentielle. Septième hypothèse: concevoir une diplomatie scientifique coutumière, religieuse, militaire en direction des institutions internationales, en commençant par la CEDEAO, l'UA et l'ONUCI. Huitième hypothèse: nous réconcilier avec nous- mêmes et avec la communauté internationale. Neuvième hypothèse: nous mettre au travail, nous Ivoiriens pour rattraper le temps perdu en nous obligeant d'être élégants, rigoureux et souples envers nous- mêmes et envers les autres. Dixième hypothèse: savoir pardonner et savoir demander pardon à nos frères d'Afrique, parce que la Côte d'Ivoire n'a pas toujours été innocente dans ce qui s'est passé dans les pays voisins et avec le monde, puisque nous sommes dans une logique de mondialisation. Nous pensons donc que ces hypothèses associées devraient pouvoir permettre à la Côte d'Ivoire de se repositionner pour que dans deux ou trois mois, nous puissions sortir la tête haute et envisager une nouvelle logique de miracle ivoirien.
L'inter: A qui allez-vous soumettre ces dix hypothèses?
Pr. U.A: Nous autres chercheurs, qui sommes-nous? Nous les soumettrons à la Nation et au peuple et chacun devrait pouvoir nous interpeller, parce que nous n'avons pas la vérité, nous ne croyons pas avoir la vérité, c'est pourquoi nous n'émettons que des hypothèses. Dans les instances où nous serons invités à prendre la parole, nous défendrons les thèses que nous émettons.
Interview réalisée par Charles d'Almeida
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L'inter: La Côte d'Ivoire connaît une crise post- électorale qui dure depuis un mois. La CEDEAO et l'Union Africaine ont entrepris des négociations, mais jusque- là, il n' y a pas encore de médiation interne. Est- ce bien ce que vous entreprenez actuellement?
Pr Urbain Amoa : Depuis 2002, nous faisons de petites apparitions pour apporter notre contribution à la résolution des problèmes qui se posent en Côte d'Ivoire et en Afrique. Nous sommes partis de la célèbre lettre ( NDLR: adressée à l'ambassadeur de France M. Renaud Vignal), que nous avons écrite en son temps par rapport à une certaine vision. A la mise en place du Festival international de la route des reines et des rois comme un instrument de cohésion sociale, ce qui nous a amené à aller dans les différentes zones. Aujourd'hui, depuis le début de cette crise, on voit le défilé d'un certain nombre d'universitaires d'Afrique et du monde; mais on se demande où se trouvent les universitaires nationaux! Nous croyons que la réponse est bien nette. Nombre d'universitaires de renom prennent position à partir de leur parti politique. Ce qu'il faut émettre aujourd'hui comme hypothèse, c'est d'envisager d'avoir des universitaires qui ne se réclament d'aucune obédience politique pour apporter un jugement qui prenne en compte un certain nombre de vérités, d'où la théorie des quatre vérités que nous avons énoncée ( ndlr: in Frat Mat du 4 janvier 2011).
L'inter: Justement, quel est le message que voulez-vous faire passer dans cette contribution qui est parue dans Fraternité Matin du mardi 4 janvier 2011et dont le titre est: « Culture africaine, médiation et sortie de crise en Côte d'Ivoire »?
Pr U.A.: Dans le cadre de la série de médiations, la société civile intervient tout comme les religieux. Le médiateur de la République, M. Mathieu Ekra, a commis une équipe d'experts pour réfléchir sur les stratégies et les dispositions pratiques à prendre pour que le médiateur de la République qu'il est, puisse apporter une contribution à la résolution de cette crise. Il faut dire que M. le médiateur de la République est un homme de tradition, qui parle très peu pour beaucoup de raisons. Il n'est donc pas absent de ce que nous vivons. Nous invitant à participer à ce collège des experts près le médiateur de la République, nous avons été invités à faire une conférence d'orientation sur le thème que vous venez d'évoquer. Ce qui revient à capitaliser tout ce que nous avons fait lors du Festival de la route des reines et des rois pour énoncer les grandes théories africaines en ce qui concerne les techniques de médiation et pour suggérer à partir de ces principes, des portes de sortie en nous inspirant naturellement des pratiques en vigueur dans nos villages. Tel est le sens de la contribution que nous avons faite.
L'inter: Dans votre contribution, vous préconisiez « la voie de la médiation interne fortement inspirée des valeurs et civilisations africaines et enrichies des performances des grandes nations modernes ». Concrètement, comment allez- vous y prendre pour concilier les deux cultures?
Pr U.A.: Il s'agit pour nous de voir ce que nous avons comme capital culturel et d'interroger les modes de gestion des conflits dans les systèmes modernes. Cette étape étant franchie, nous devrions nous imposer de voir ce qui est à prendre de part et d'autre pour aller vers une résolution durable, j'allais dire définitive de la crise qui se veut désormais une crise à répétition en Côte d'Ivoire et en Afrique. D'où vient en Afrique par exemple, qu'au Soudan, en Angola, au Rwanda, que chaque fois que ces crises surviennent, nous n'arrivions pas à nous en sortir, nous les Africains? C'est peut- être parce que nous avons hérité d'un mode de gouvernance qu'on appelle la démocratie, qui est plus exclusionniste que notre mode de gestion par consensus. Car en fait, lorsqu'on a fait un calcul des voix, lors d'une élection, le calcul ici nous amène à donner une vérité, mais la vérité consensuelle en Afrique ancienne n'est pas celle- là! C'est de faire des approches, des recoupements, des écoutes jusqu'à ce que l'on arrive à déterminer une vérité qui mette les frères, les sœurs et les parents ensemble. Quel est le sens de l'action des réflexions que nous tentons de conduire? Autrement dit, nous inspirer des valeurs anciennes, pour avancer vers le nouveau monde et ensemencer ce nouveau monde de nos valeurs.
L'inter: Il y a eu des élections en Côte d'Ivoire qui ont donné des résultats qui sont aujourd'hui contestés de part et d'autre. Mais lorsque vous parlez de consensus ou de règlement à l'africaine, que comptez vous faire pour concilier les deux positions?
Pr U.A.: Nous pensons qu'il y a même plus que deux positions et c'est ce qui nous fait énoncer la théorie des quatre vérités. La vérité intérieure, chacun de nous sait, lorsqu'il dit une chose à un autre, ce qui est dit de vrai et de faux, il appartient donc à chacun d'interroger son for intérieur; c'est l'univers de la conscience. La deuxième vérité, c'est la vérité scientifique. C'est celle qui consiste à dire, 2+2 = 4. Scientifiquement, c'est observable. Dans le cas d'espèce, la crise ivoirienne est fondamentalement ancrée dans l'univers de la vérité scientifique, parce que juridique. On dirait ici donc que la vérité à acquérir ici, relève de la vérité juridique, puisqu'en fait, il s'agit de textes, il s'agit de la CEI du Conseil constitutionnel; il s'agit d'une décision importante prise par une haute juridiction nationale. Cette vérité-là relève de la mathématicité des relations. Mais lorsque nous en arrivons à la troisième, Dieu Tout-puissant dans sa splendeur, nous observe. Nous avons une troisième vérité qui est la vérité divine, celle qui commande que si Dieu avait été là, sans doute aurait-il suggéré une approche de solution. Mais comme Dieu est inaccessible, tout en étant en nous, alors il faut passer à une quatrième vérité qui est celle que nous appelons la vérité consensuelle ou la vérité situationnelle, que certains peuvent appeler la vérité politique. C'est-à-dire que lorsqu'on arrive à ce niveau, il faut aller vers une résolution par des voies politiques. Pour atteindre ces vérités, nous devons nous imposer beaucoup de choses. La première, c'est beaucoup d'écoute, la deuxième, c'est la gestion de la parole, car vous savez que la parole aurait été l'arme la plus mal utilisée en cette période de crise. Lorsque nous aurons eu suffisamment d'écoute, lorsque nous aurons fait des analyses en nous inspirant des deux valeurs, les civilisations de chez nous et les civilisations modernes; lorsque nous aurons étudié le contexte de l'environnement né des étouffements individuels et collectifs, alors nous pourrions, comme c'est le cas maintenant, n'émettre que des hypothèses. Nous allons les emettre jusqu'à ce que ces hypothèses soient combattues, revues par toutes les couches sociales, de façon que nous parvenions à une vérité consensuelle. C'est-à-dire cette vérité- là est celle qui va nous permettre de vivre durablement ensemble et de façon harmonieuse.
L'inter: Quelles sont, selon vous, les personnes habilitées à mener cette médiation interne?
PrU.A. : Il faut féliciter ceux qui se sont investis dans la médiation, notamment la Convention de la société civile, les rois et chefs traditionnels, le médiateur de la République, les religieux et les personnes qui, individuellement, y travaillent. A cette étape- ci du parcours, il importe qu'il y ait une sorte de rencontre, un forum, des regards croisés, qui puissent permettre de faire des recoupements sans que chacune des entités pense détenir la vérité infuse; il faut aller vers cela. Lorsqu'on aura eu ces éléments, il faut s'obliger à écouter également l'international. Mais pour l'heure, notre conviction, je dirai ma conviction est que seul celui qui crée sa plantation connaît les voies qui y mènent. C'est-à-dire aujourd'hui, si même il doit venir de partout un ensemble de médiateurs, seule notre vision de médiation doit pouvoir orienter ceux qui viennent d'ailleurs. Autrement dit, il faut même s'obliger à donner toute la puissance qu'il faut au médiateur de la République, pour qu'il coordonne toutes les actions des institutions et des structures que nous venons de citer. Pour l'heure, je crois que le médiateur de la République et son équipe sont à l'œuvre, dans la mesure où il a su mettre en route un collège d'experts chargés de faire beaucoup d'écoute et de suggestions et d'orienter les actions à venir. Reste que naturellement il faut pouvoir agir avec beaucoup de rigueur et d'impartialité.
L'inter: Pensez-vous qu'il existe suffisamment de personnes impartiales pour mener cette médiation?
Pr. U.A: Pour un universitaire, la vérité ne provient pas d'un seul endroit. Et puis, un collègue qui appartient à un parti politique peut dire la vérité de son parti politique; un autre peut dire la vérité d'un autre parti. Il appartient à l'observateur attentif, consciencieux, de repérer les non- dits qui permettent d'émettre des hypothèses pour aller vers une approche consensuelle. Nous sommes bien en médiation, cela veut dire qu'il faut faire en sorte que chacun lâche un tout petit peu du lest, pour aller vers un modus vivendi. Mais pour cela, il faut que ceux qui font la synthèse puissent se soumettre aux quatre vérités, mais aussi et surtout à la théorie de l'élégance langagière et de l'élégance comportementale. Nous pouvons tout obtenir, si nous désarmons nos discours et nos bouches.
L'inter: pensez-vous que la médiation aura assez de courage pour dire la vérité, lorsqu'il le faut, sans risquer de compromettre son travail?
Pr. U.A: La médiation à l'africaine a plusieurs niveaux. Lorsque le consensus est perçu par les sages qui écoutent, et le collège des femmes qui assistent aux séances; lorsque les vérités sont dites, on identifie à la fois le dit et la manière de dire. L'on interroge le comportement pour voir sur une longue durée les vérités cachées et les comportements désobligeants des uns et des autres. Parvenue à un niveau convenable, sur la place publique ou d'abord dans la case, la vérité est dite. Lorsque cette vérité est dite, on l'arrange pour ne pas choquer, pour la dire sur la place publique et inviter à la reconnaissance des faits et enfin à la réparation. Quand on est parvenu à la réparation, on arrive maintenant à la purification de l'environnement, si ce dernier a été souillé par le sang. Nous ne pensons pas que cette approche soit différente des approches modernes. Le tribunal moderne renverra plusieurs fois le procès pour enrichir le dossier, pour interroger l'environnement, l'inconscient des personnes en situation, jusqu'à ce qu'une vérité se dégage. Le juge, face à son Dieu, tranche le débat en tenant compte d'abord et avant tout de sa vérité intérieure, du respect qu'il a pour la vérité divine et pour l'engagement qu'il prend et les risques qu'il fait prendre à la cité dans laquelle il prononce son verdict. C'est là où nous sommes à l'aise, pour dire qu'en ce moment précis, en tant qu'universitaire, pas en tant que membre d'une équipe d'experts, il y a des hypothèses qui peuvent nous permettre de sortir de cette crise.
L'inter: Ce règlement à l'africaine ferait- il fi des menaces de poursuites judiciaires que brandissent les organisations des droits de l'homme contre ceux qui se seraient rendus coupables de crimes contre l'humanité?
Pr. U.A: Nous ne voulons pas en arriver là. Mais d'abord et avant tout, notre souci en tant qu'universitaire, c'est de chercher la vérité scientifique. Cette vérité scientifique pour nous en tout cas, pourrait elle-même être perçue comme vérité universelle. Mais attention, nous sommes bien en situation de crise où nous sommes soumis à un régime d'exception, c'est-à-dire là où la loi, les institutions républicaines
doivent être respectées dans toute leur splendeur. Lorsque nous sommes soumis à un régime d'exception et de crise, alors tout change. Il y a alors une étape indispensable qui est celle de la communauté internationale que nous considérons comme une puissance incolore et inodore, une puissance qui peut même en certaines circonstances, être assimilée à un monstre rampant, mais qu'il faut savoir respecter. Car en fait, en même temps qu'on ne veut pas la reconnaître, en certaines circonstances, on lui fait appel. Nous croyons en l'état actuel des choses que nous ne sommes même pas au stade de la Cour pénale internationale. Nous sommes encore au stade du dépassement de soi et de la vérité scientifique. Comment en sommes nous arrivés à la communauté internationale? Tout simplement parce que nous n'avons pu résoudre nos problèmes ici, et parce que nous n'avons pas trouvé de solution interne. Nous avons fait tout le tour et on est revenu à l'idée qu'il fallait un dialogue direct. Mais dans un dialogue direct, il n'y a pas d'intermédiaire. Nous sommes passés par un intermédiaire. Le débat reste encore intact. Aujourd'hui, nous avons des puissances comme les rois et chefs traditionnels, la société civile, le patronat, le médiateur de la République qui doivent pouvoir amener les uns et les autres à conjuguer leurs efforts. Ils doivent aujourd'hui être le porte-flambeau d'une nouvelle approche de négociation à partir de la Côte d'Ivoire. Une fois que cette étape est franchie, normalement personne d'autre ne peut venir émettre d'autres hypothèses qui ne prennent appui sur les hypothèses émises par nous- mêmes. Mais lorsqu'il y a un vide, chacun vient et se fait tout puissant seigneur, expert en questions ivoiriennes. Donc désormais, il faut se battre pour que l'expertise ivoirienne en question, soit développée par les Ivoiriens ou par ceux qui sont sur le territoire ivoirien et qui connaissent les réalités ivoiriennes. Autrement dit, nous ne pensons pas que c'est la communauté internationale qu'il faut condamner. C'est peut -être notre comportement. Lorsque vous vous êtes mal comporté dans votre maison, que votre père vous a donné un conseil que vous n'avez pas écouté, que vous êtes allés dans la grande famille, que vous avez fait la même erreur, que vous êtes allés sur la place publique du village pour faire la même erreur, vous finissez par vous faire découvrir par tout le monde. Et comme tout le monde vous aura découvert, chacun essaie de tendre des pièges suffisamment subtiles pour que vous tombiez sous le coup de ce que vous croyez être votre unique intelligence. A partir de ce moment-là, lorsqu'un inconnu est reconnu d'une certaine façon par la communauté internationale, la prudence veut qu'on ne coure pas en premier lieu pour aller s'abriter derrière les institutions de la République. Toute la communauté internationale a fini par s'approprier la question ivoirienne. Reste que la dignité commande que chacun, honnêtement, puisse dire la vérité cachée, pour que nous arrivions à vivre de façon harmonieuse et durablement. Quelle est la réalité de cette communauté internationale? Nous pensons qu'aujourd'hui, aucun pays ne peut vivre en autarcie. Et donc, lorsque nous devons tenir un discours en direction de cette communauté internationale, nous devons être courtois. Toute personne ne peut s'autoriser à parler du chef de la communauté internationale qui est une autre instance. Nous devons nous obliger à être courtois, à être élégants et à faire en sorte que nous puissions aller vers les autres en n'ayant pas l'illusion que nous avons tellement de richesses que nous pouvons nous passer de la communauté internationale dans une logique de mondialisation. Ce serait un leurre.
L'inter: Pr, pour finir, pourriez- vous nous dévoiler les dix hypothèses que vous préconisez pour un règlement à l'ivoirienne de la crise Gbagbo- Ouattara?
Pr. U.A: Nous voudrions vous dire que la dimension d'impartialité va nous amener à émettre seulement des hypothèses. C'est-à-dire que le chercheur devrait pouvoir émettre des hypothèses pour attendre les retours. C'est dans cette optique et non en tant que moralisateur, que nous émettons dix hypothèses qui, bien observées, devraient presque immédiatement permettre de sortir de la crise. La première hypothèse, c'est de dessaisir M. Youssouf Bakayoko, le président de la CEI, du dossier électoral pour incompétence et manque de rigueur. Rappelez-vous la phrase: « il n'est pas encore minuit » alors qu'on était à quelques minutes de 0 heure. Rétrocéder le contrôle des élections aux professionnels de l'administration que sont les préfets et sous-préfets. Deuxième hypothèse: dessaisir M. Paul Yao Ndré, le président du Conseil constitutionnel pour les mêmes raisons, en ceci que, du niveau de juridiction où il se trouve, il aurait pu envisager de suggérer par exemple que la CEI bénéficie de 48 heures ou de 72 heures supplémentaires pour finaliser le travail qui était en cours et qui manifestement était en situation de blocage. L'ayant dessaisi, qu'il soit fait appel à candidature pour désigner le futur président du Conseil constitutionnel. Troisième hypothèse: faire retourner dans les casernes les militaires des Forces nouvelles qui sont au Golf Hôtel,de façon à libérer l'hôtel et à permettre aux autorités qui s'y trouvent de retourner chez elles. Quatrième hypothèse: adopter les résultats consolidés comme principes acquis. Dans les régions où il n'y a pas eu de débat, que les résultats consolidés dans les délais par la CEI soient adoptés. Cinquième hypothèse: faire reprendre dans un délai de trois à cinq mois,l'élection présidentielle dans les départements incriminés après y avoir opéré avec célérité et efficacité un désarmement systématique négocié et par consensus. Sixième hypothèse: maintenir en place le gouvernement d'avant l'élection présidentielle. Septième hypothèse: concevoir une diplomatie scientifique coutumière, religieuse, militaire en direction des institutions internationales, en commençant par la CEDEAO, l'UA et l'ONUCI. Huitième hypothèse: nous réconcilier avec nous- mêmes et avec la communauté internationale. Neuvième hypothèse: nous mettre au travail, nous Ivoiriens pour rattraper le temps perdu en nous obligeant d'être élégants, rigoureux et souples envers nous- mêmes et envers les autres. Dixième hypothèse: savoir pardonner et savoir demander pardon à nos frères d'Afrique, parce que la Côte d'Ivoire n'a pas toujours été innocente dans ce qui s'est passé dans les pays voisins et avec le monde, puisque nous sommes dans une logique de mondialisation. Nous pensons donc que ces hypothèses associées devraient pouvoir permettre à la Côte d'Ivoire de se repositionner pour que dans deux ou trois mois, nous puissions sortir la tête haute et envisager une nouvelle logique de miracle ivoirien.
L'inter: A qui allez-vous soumettre ces dix hypothèses?
Pr. U.A: Nous autres chercheurs, qui sommes-nous? Nous les soumettrons à la Nation et au peuple et chacun devrait pouvoir nous interpeller, parce que nous n'avons pas la vérité, nous ne croyons pas avoir la vérité, c'est pourquoi nous n'émettons que des hypothèses. Dans les instances où nous serons invités à prendre la parole, nous défendrons les thèses que nous émettons.
Interview réalisée par Charles d'Almeida
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