Jean-Philippe ne connaît pas la crise. Les clients affluent au "Grand Bao", sa buvette à Abidjan. Mais ce semblant de normalité ne dissipe pas sa crainte car le pays est plongé dans la tourmente et comme beaucoup en Côte d`Ivoire, il vit désormais "au jour le jour".
"Le chiffre d`affaires n`a pas baissé", se réjouit ce patron de "maquis",
l`un des modestes bars-restaurants de plein air qui fourmillent à Abidjan,
situé dans le quartier de Marcory (sud).
A l`ombre de deux grands arbres et au rythme saccadé du zouglou ivoirien
craché par une sono poussée à fond, des jeunes calés dans des chaises en
plastique mangent un morceau en buvant des bières à l`heure du déjeuner.
A une table, on débat bruyamment de l`impasse politique et des deux hommes
qui se disputent la présidence depuis l`élection du 28 novembre, le chef de
l`Etat sortant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu par la communauté
internationale.
La capitale économique a été secouée par des violences qui à travers le
pays ont fait au total autour de 200 morts, selon les Nations unies. Et les
efforts de médiation patinent, laissant planer la menace d`un conflit armé.
Jean-Philippe se sait chanceux car d`autres secteurs d`activités pâtissent
du blocage actuel. "Avec les boissons, les gens se disent qu`ils peuvent
oublier les soucis", lâche-t-il.
Mais "on ne sait pas ce que l`avenir nous réserve. On est obligé de vivre
au jour le jour. Je ne mets pas mon argent à la banque en ce moment. Mon
argent est sur moi, on ne sait jamais", confie-t-il.
Partout à Abidjan, après des semaines en état d`apesanteur, la vie reprend
petit à petit son cours, les marchés sont pleins, mais dans certains métiers
on fait grise mine.
Jean-Baptiste, agent immobilier de 30 ans, traîne au maquis car "au bureau
les clients se font rares". L`heure n`est pas à la souscription d`emprunts à
long terme.
"Mon souhait le plus ardent, c`est que les deux (rivaux), on les écarte et
qu`on mette quelqu`un de neutre, un technocrate", dit-il.
"C`est le peuple qui paie les pots cassés, eux ils s`en +foutent+",
accuse-t-il d`un ton exaspéré.
A la table voisine, le chargeur de son fusil posé près d`une bouteille de
bière, un soldat en uniforme, visiblement irrité, lance à une journaliste de
l`AFP: "vous n`avez pas besoin d`interroger les gens pour savoir que ça ne va
pas!"
Juste à côté du maquis, Isabelle guette les clients à l`entrée de sa
boutique de bombonnes de gaz.
Faute d`approvisionnement régulier pour cause de désorganisation du pays
pendant de longues semaines, elle a vu ses revenus chuter. "Mais ça va un
peu", assure-t-elle en prenant la monnaie d`un jeune homme qui vient de lui
acheter une cigarette. Elle en vend à l`unité comme les chewing-gums posés sur
son petit étal en bois.
"Tout a repris, l`activité économique a repris, mais intérieurement on sait
que ça ne va pas. Ca n`est pas ce qu`on a l`habitude de vivre", dit la jeune
femme, se disant "stressée" pour elle et sa famille.
Le long d`un grand axe menant au quartier de Marcory, les visages souriants
de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara s`affichent encore sur les panneaux
électoraux datant de l`entre-deux tours. Vestiges d`une époque où de nombreux
Ivoiriens croyaient que le scrutin, historique, les sortirait d`une décennie
de tourments comme d`un mauvais rêve.
Par Sophie MONGALVY
"Le chiffre d`affaires n`a pas baissé", se réjouit ce patron de "maquis",
l`un des modestes bars-restaurants de plein air qui fourmillent à Abidjan,
situé dans le quartier de Marcory (sud).
A l`ombre de deux grands arbres et au rythme saccadé du zouglou ivoirien
craché par une sono poussée à fond, des jeunes calés dans des chaises en
plastique mangent un morceau en buvant des bières à l`heure du déjeuner.
A une table, on débat bruyamment de l`impasse politique et des deux hommes
qui se disputent la présidence depuis l`élection du 28 novembre, le chef de
l`Etat sortant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu par la communauté
internationale.
La capitale économique a été secouée par des violences qui à travers le
pays ont fait au total autour de 200 morts, selon les Nations unies. Et les
efforts de médiation patinent, laissant planer la menace d`un conflit armé.
Jean-Philippe se sait chanceux car d`autres secteurs d`activités pâtissent
du blocage actuel. "Avec les boissons, les gens se disent qu`ils peuvent
oublier les soucis", lâche-t-il.
Mais "on ne sait pas ce que l`avenir nous réserve. On est obligé de vivre
au jour le jour. Je ne mets pas mon argent à la banque en ce moment. Mon
argent est sur moi, on ne sait jamais", confie-t-il.
Partout à Abidjan, après des semaines en état d`apesanteur, la vie reprend
petit à petit son cours, les marchés sont pleins, mais dans certains métiers
on fait grise mine.
Jean-Baptiste, agent immobilier de 30 ans, traîne au maquis car "au bureau
les clients se font rares". L`heure n`est pas à la souscription d`emprunts à
long terme.
"Mon souhait le plus ardent, c`est que les deux (rivaux), on les écarte et
qu`on mette quelqu`un de neutre, un technocrate", dit-il.
"C`est le peuple qui paie les pots cassés, eux ils s`en +foutent+",
accuse-t-il d`un ton exaspéré.
A la table voisine, le chargeur de son fusil posé près d`une bouteille de
bière, un soldat en uniforme, visiblement irrité, lance à une journaliste de
l`AFP: "vous n`avez pas besoin d`interroger les gens pour savoir que ça ne va
pas!"
Juste à côté du maquis, Isabelle guette les clients à l`entrée de sa
boutique de bombonnes de gaz.
Faute d`approvisionnement régulier pour cause de désorganisation du pays
pendant de longues semaines, elle a vu ses revenus chuter. "Mais ça va un
peu", assure-t-elle en prenant la monnaie d`un jeune homme qui vient de lui
acheter une cigarette. Elle en vend à l`unité comme les chewing-gums posés sur
son petit étal en bois.
"Tout a repris, l`activité économique a repris, mais intérieurement on sait
que ça ne va pas. Ca n`est pas ce qu`on a l`habitude de vivre", dit la jeune
femme, se disant "stressée" pour elle et sa famille.
Le long d`un grand axe menant au quartier de Marcory, les visages souriants
de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara s`affichent encore sur les panneaux
électoraux datant de l`entre-deux tours. Vestiges d`une époque où de nombreux
Ivoiriens croyaient que le scrutin, historique, les sortirait d`une décennie
de tourments comme d`un mauvais rêve.
Par Sophie MONGALVY