Monsieur le président,
Avec tout le respect dû à votre fonction, nous nous permettons de vous écrire pour vous exprimer d’une part, notre indignation concernant les prises de position de votre administration pour encourager L. Gbagbo à quitter le pouvoir. D’autre part, pour vous interpeller sur les éventuelles conséquences des propositions qui lui sont faites par votre administration, certes, pour débloquer de manière « diplomatique », l’imbroglio ivoirien.
Nous sommes conscients que votre implication personnelle a permis de mener à terme le processus électoral en Côte d’Ivoire, en dépit de tous les obstacles mis en œuvre par l’ancien président ivoirien depuis 2005 pour se soustraire au verdict du suffrage universel. Nous savons que cette élection ivoirienne représente pour vous à titre personnel et pour votre administration, un enjeu considérable pour la démocratie ainsi que les libertés individuelles et collectives dans toute l’Afrique. Vous avez exprimé lors de votre discours d’Accra, votre souhait de voir « des institutions fortes et non des hommes forts » sur ce continent. Pour vous et votre administration, l’instabilité et le non-respect des règles de droit en Afrique constituent une sérieuse menace dans votre politique de lutte contre le terrorisme et pour la stabilité dans le monde. De ce fait depuis votre arrivée au pouvoir, votre administration a davantage renforcé ses liens diplomatiques avec toutes les instituons africaines et régionales dans l’objectif qu’elles jouent un rôle très important sur le continent à travers leurs prérogatives respectives.
Suite au refus de l’ancien président ivoirien de reconnaître sa défaite et de quitter le pouvoir, la Côte d’Ivoire se retrouve à nouveau dans une impasse politique. Vous l’avez appelé à trois reprises. A chaque fois, il a refusé de vous prendre au téléphone. Il a également eu la même attitude avec le président Sarkozy comme avec tant d’autres chefs d’Etat et autres personnalités importantes africaines. Il refuse de rencontrer votre ambassadeur en Côte d’ivoire ainsi que certains de ses proches qui lui demandent de partir dans la dignité. Vous le savez, plusieurs médiations officielles et officieuses ont été mises en œuvre afin de trouver une issue pacifique depuis plus d’un mois maintenant. Les médiations de la CEDEAO ont été toutes des échecs. Plusieurs sanctions ont été mises en place contre lui et ses proches pour l’inciter à partir. Elles n’ont pas eu le moindre effet sur sa position initiale. Au contraire, elles renforcent sa détermination. Votre administration a également participé à ces sanctions et appelé l’ancien président à laisser la place au président élu démocratiquement. En vain. Vous avez même proposé à L. Gbagbo de le recevoir à la Maison-Blanche afin de voir avec lui, « quel rôle il pourrait jouer en Afrique » après son départ.
La notion de démocratie et de liberté n’a pas le même sens en Afrique qu’en occident
Alors Monsieur le Président, permettez nous de nous indigner face à la suggestion de votre administration qui propose d’accueillir l’ancien président ivoirien dans votre pays en dépit de plusieurs plaintes pour crime contre l’humanité par le Conseil de sécurité des Droits de l’Homme. Le fait de lui proposer un poste d’enseignant dans une université américaine, tout en ayant la certitude qu’il déclinera cette offre nous apparaît aussi complètement ahurissant. Nous avons cru halluciner d’apprendre que les médiateurs de la CEDEAO ont proposé à Gbagbo « d'accepter de céder le pouvoir en contrepartie d’une impunité et de compensations financières ». Comment expliquer toutes ces largesses aux familles de toutes les victimes de la barbarie et de la dictature de Gbagbo au mépris du Droit, totalement bafoué. Qu’est ce qui permet de justifier cette impunité face à celui qui est considéré comme coupable de crimes contre l’humanité ? Des crimes qui sont instruits par des juridictions pénales internationales. Comment peut-on Monsieur le président, vous qui êtes juriste et démocrate, reprocher ces crimes d’une gravité extrême à L. Gbagbo et s’engager à lui promettre une telle impunité, tout en ayant des doutes qu’il les accepte. Monsieur le président, tous ceux comme nous qui avions porté votre candidature avec force et détermination en créant de fait une dynamique et une espérance mondiale se retrouvent complètement déboussolés par votre mauvaise appréciation de la politique africaine et en particulier ivoirienne. La notion de démocratie et de liberté n’a pas le même sens en Afrique qu’en occident et cela vous le savez. Vous l’aviez évoqué dans votre discours d’Accra. Sans le savoir, Monsieur le président, vous venez d’ouvrir une « fenêtre » très dangereuse à tous nos dictateurs qui ne manqueront pas de l’exploiter. Alors que le peuple africain était fier d’avoir un de ses fils à la tête de la plus grande démocratie du monde et espérait votre aide pour instaurer la démocratie ainsi que les libertés individuelles et collectives sur notre continent, voilà que le coup de grâce vient de vous. Comment voulez-vous que ces peuples, qui espèrent depuis les indépendances de nos Etats, comprennent ces langages contradictoires et anxiogènes, sous le couvert de la Diplomatie ? Comment tous ceux qui ont bravé la peur, les menaces, les brimades et même la mort pour aller voter pour que leur pays retrouve enfin le chemin de la liberté, de la démocratie et de l’Etat de Droit, croient désormais au suffrage universel ? Comment voulez-vous qu’ils comprennent, Monsieur le Président, que toute la communauté internationale reconnaisse la victoire du président élu, A. D. Ouattara et demande le départ de L . Gbagbo qui la défie avec insolence et arrogance, et que ce soit vous qui lui propose de le dispenser de la Cour pénale internationale. Mieux encore, lui faire bénéficier de compensations financières s’il accepte de quitter le pouvoir, avec en prime un poste d’enseignant auprès de sa famille à Atlanta. Monsieur le Président vous avez dénoncé avec d’autres dirigeants occidentaux ainsi que vos institutions internationales, la corruption sur notre continent et prôné la bonne gouvernance. Alors pourquoi vous compromettre ainsi dans de telles considérations Diplomatiques dont on savait déjà qu’elles seraient un échec. Lui proposer une compensation financière pourrait être interprétée comme une forme de « corruption légitimée ».
Comme vous le savez Monsieur le président, plus d’une quinzaine d’élections doivent se tenir en 2011 sur le continent africain. Si l’Etat de Droit n’est pas respecté en Côte d’ivoire, que la communauté internationale s’attende alors à revivre de telles crises post-électorales partout sur le continent. Et peut être même dans d’autres dictatures dans le monde. Peut-être êtes-vous prêt Monsieur le Président à recevoir désormais, à chaque fois, tous ceux qui refuseront de quitter le pouvoir après avoir été battus démocratiquement dans une élection présidentielle. Peut-être que votre administration ou une autre dans un pays occidental sera-t-elle prête à proposer des postes prestigieux et des compensations financières pour laisser le pouvoir au nouveau président élu. Voilà de quoi encourager et même faire naître davantage de nombreuses crises post-électorales et légitimer ainsi des dictateurs qui seront sans scrupules et qui ne manqueront pas de faire monter encore plus haut les enchères dans leur folie de pouvoir absolu.
Macaire DAGRY
Avec tout le respect dû à votre fonction, nous nous permettons de vous écrire pour vous exprimer d’une part, notre indignation concernant les prises de position de votre administration pour encourager L. Gbagbo à quitter le pouvoir. D’autre part, pour vous interpeller sur les éventuelles conséquences des propositions qui lui sont faites par votre administration, certes, pour débloquer de manière « diplomatique », l’imbroglio ivoirien.
Nous sommes conscients que votre implication personnelle a permis de mener à terme le processus électoral en Côte d’Ivoire, en dépit de tous les obstacles mis en œuvre par l’ancien président ivoirien depuis 2005 pour se soustraire au verdict du suffrage universel. Nous savons que cette élection ivoirienne représente pour vous à titre personnel et pour votre administration, un enjeu considérable pour la démocratie ainsi que les libertés individuelles et collectives dans toute l’Afrique. Vous avez exprimé lors de votre discours d’Accra, votre souhait de voir « des institutions fortes et non des hommes forts » sur ce continent. Pour vous et votre administration, l’instabilité et le non-respect des règles de droit en Afrique constituent une sérieuse menace dans votre politique de lutte contre le terrorisme et pour la stabilité dans le monde. De ce fait depuis votre arrivée au pouvoir, votre administration a davantage renforcé ses liens diplomatiques avec toutes les instituons africaines et régionales dans l’objectif qu’elles jouent un rôle très important sur le continent à travers leurs prérogatives respectives.
Suite au refus de l’ancien président ivoirien de reconnaître sa défaite et de quitter le pouvoir, la Côte d’Ivoire se retrouve à nouveau dans une impasse politique. Vous l’avez appelé à trois reprises. A chaque fois, il a refusé de vous prendre au téléphone. Il a également eu la même attitude avec le président Sarkozy comme avec tant d’autres chefs d’Etat et autres personnalités importantes africaines. Il refuse de rencontrer votre ambassadeur en Côte d’ivoire ainsi que certains de ses proches qui lui demandent de partir dans la dignité. Vous le savez, plusieurs médiations officielles et officieuses ont été mises en œuvre afin de trouver une issue pacifique depuis plus d’un mois maintenant. Les médiations de la CEDEAO ont été toutes des échecs. Plusieurs sanctions ont été mises en place contre lui et ses proches pour l’inciter à partir. Elles n’ont pas eu le moindre effet sur sa position initiale. Au contraire, elles renforcent sa détermination. Votre administration a également participé à ces sanctions et appelé l’ancien président à laisser la place au président élu démocratiquement. En vain. Vous avez même proposé à L. Gbagbo de le recevoir à la Maison-Blanche afin de voir avec lui, « quel rôle il pourrait jouer en Afrique » après son départ.
La notion de démocratie et de liberté n’a pas le même sens en Afrique qu’en occident
Alors Monsieur le Président, permettez nous de nous indigner face à la suggestion de votre administration qui propose d’accueillir l’ancien président ivoirien dans votre pays en dépit de plusieurs plaintes pour crime contre l’humanité par le Conseil de sécurité des Droits de l’Homme. Le fait de lui proposer un poste d’enseignant dans une université américaine, tout en ayant la certitude qu’il déclinera cette offre nous apparaît aussi complètement ahurissant. Nous avons cru halluciner d’apprendre que les médiateurs de la CEDEAO ont proposé à Gbagbo « d'accepter de céder le pouvoir en contrepartie d’une impunité et de compensations financières ». Comment expliquer toutes ces largesses aux familles de toutes les victimes de la barbarie et de la dictature de Gbagbo au mépris du Droit, totalement bafoué. Qu’est ce qui permet de justifier cette impunité face à celui qui est considéré comme coupable de crimes contre l’humanité ? Des crimes qui sont instruits par des juridictions pénales internationales. Comment peut-on Monsieur le président, vous qui êtes juriste et démocrate, reprocher ces crimes d’une gravité extrême à L. Gbagbo et s’engager à lui promettre une telle impunité, tout en ayant des doutes qu’il les accepte. Monsieur le président, tous ceux comme nous qui avions porté votre candidature avec force et détermination en créant de fait une dynamique et une espérance mondiale se retrouvent complètement déboussolés par votre mauvaise appréciation de la politique africaine et en particulier ivoirienne. La notion de démocratie et de liberté n’a pas le même sens en Afrique qu’en occident et cela vous le savez. Vous l’aviez évoqué dans votre discours d’Accra. Sans le savoir, Monsieur le président, vous venez d’ouvrir une « fenêtre » très dangereuse à tous nos dictateurs qui ne manqueront pas de l’exploiter. Alors que le peuple africain était fier d’avoir un de ses fils à la tête de la plus grande démocratie du monde et espérait votre aide pour instaurer la démocratie ainsi que les libertés individuelles et collectives sur notre continent, voilà que le coup de grâce vient de vous. Comment voulez-vous que ces peuples, qui espèrent depuis les indépendances de nos Etats, comprennent ces langages contradictoires et anxiogènes, sous le couvert de la Diplomatie ? Comment tous ceux qui ont bravé la peur, les menaces, les brimades et même la mort pour aller voter pour que leur pays retrouve enfin le chemin de la liberté, de la démocratie et de l’Etat de Droit, croient désormais au suffrage universel ? Comment voulez-vous qu’ils comprennent, Monsieur le Président, que toute la communauté internationale reconnaisse la victoire du président élu, A. D. Ouattara et demande le départ de L . Gbagbo qui la défie avec insolence et arrogance, et que ce soit vous qui lui propose de le dispenser de la Cour pénale internationale. Mieux encore, lui faire bénéficier de compensations financières s’il accepte de quitter le pouvoir, avec en prime un poste d’enseignant auprès de sa famille à Atlanta. Monsieur le Président vous avez dénoncé avec d’autres dirigeants occidentaux ainsi que vos institutions internationales, la corruption sur notre continent et prôné la bonne gouvernance. Alors pourquoi vous compromettre ainsi dans de telles considérations Diplomatiques dont on savait déjà qu’elles seraient un échec. Lui proposer une compensation financière pourrait être interprétée comme une forme de « corruption légitimée ».
Comme vous le savez Monsieur le président, plus d’une quinzaine d’élections doivent se tenir en 2011 sur le continent africain. Si l’Etat de Droit n’est pas respecté en Côte d’ivoire, que la communauté internationale s’attende alors à revivre de telles crises post-électorales partout sur le continent. Et peut être même dans d’autres dictatures dans le monde. Peut-être êtes-vous prêt Monsieur le Président à recevoir désormais, à chaque fois, tous ceux qui refuseront de quitter le pouvoir après avoir été battus démocratiquement dans une élection présidentielle. Peut-être que votre administration ou une autre dans un pays occidental sera-t-elle prête à proposer des postes prestigieux et des compensations financières pour laisser le pouvoir au nouveau président élu. Voilà de quoi encourager et même faire naître davantage de nombreuses crises post-électorales et légitimer ainsi des dictateurs qui seront sans scrupules et qui ne manqueront pas de faire monter encore plus haut les enchères dans leur folie de pouvoir absolu.
Macaire DAGRY