Dans sa livraison du jeudi 30 décembre 2010, Le Nouveau Réveil a commis un article « tendancieux » et désobligeant, à l`endroit du Commandant Pedro Pires, Président de la République du Cap Vert. Dans un souci d`équité et pour une appréciation correcte des réalités, nous livrons aux lecteurs deux types d`informations. D`abord, quelques éléments de biographie, afin que soit apprécié au mieux le style (sobriété et honnêteté), la démarche (consensus par le dialogue) et la posture (l`objectivité par l`impartialité) du Président Pedro Pires. Ensuite, quelques données sur la brillante réussite macro-économique et la remarquable stabilité politique (régime démocratique) de la jeune République du Cap Vert ; double succès universellement reconnu et qui constitue l`arrière-fond historique de l`implication diplomatique du Cap Vert dans la plus grande crise politique que traverse l`Afrique de l`Ouest depuis 50 ans, le Cap Vert dont la présence au sein de la délégation augmente, de facto, les chances de succès de la médiation en cours.
Pedro de Verona Rodrigues Pires est né le 29 avril 1934, à São Filipe, commune-capitale de l`île de Fogo, une des dix îles de l`archipel du Cap Vert, de parents aisés. Il se signale, à Lisbonne, comme étudiant en chimie, à la fin des années 1950, et, appelé sous le drapeau portugais, il y effectue son service militaire avec rang de sous-officier. Peu après, il déserte (1961), et avec d`autres indépendantistes, fuit la capitale de l`Empire pour rejoindre Amilcar Cabral dans les maquis de la Guinée-Bissau, et participer, ainsi, à la Guerre du peuple, que le grand politologue français Gérard Challiand a qualifié comme « la guerre la plus juste et la plus rationnelle du XXe siècle » et que Polybe eut qualifié de guerre humaniste[1]. Pedro Pires devient commandant de front, mais se fait surtout remarquer par ses qualités de grand diplomate et d`habile négociateur. Amilcar Cabral en tire aussitôt le meilleur usage pour la lutte, au plan diplomatique. Étudiant, militaire, puis « militant armé » (comme Cabral définissait les membres de son parti engagé au front) et diplomate, Pedro Pires foulera le sol ivoirien en 1963-1964, en mission clandestine à Abidjan et logera dans un hôtel situé sur l`actuel Bd Giscard d`Estaing non loin du Palais des Sports. C`est à lui que Cabral confiera la délicate tâche de préparer le déclenchement de la lutte armée dans les Îles du Cap Vert. Le projet ne vit pas le jour, en raison des conditions spécifiques de l`archipel. En tous les cas, au terme des succès militaires et diplomatiques du Paigc[2], il sera désigné chef de la délégation du Paigc habilité à aller conclure, avec la nouvelle deuxième République portugaise née du coup d`Etat du 25 avril 1974 (Révolution des Œillets), le fameux « Accord d`Alger » (26 août 1974) qui reconnaît l`Indépendance (de fait) de la Guinée-Bissau et l`Autodétermination du Cap Vert, sous l`égide exclusive du Paigc. Pedro Pires sera le « premier » Premier ministre du Cap Vert, de 1975 (proclamation de l`indépendance, le 5 juillet) à janvier 1991 (première alternance démocratique au Cap Vert en pleine Guerre du Golf) et deviendra alors membre de l`opposition, jusqu`à l’élection présidentielle de mars 2001 qui le désignera Président de la République, fonction qu`il occupe depuis et quittera bientôt (2011), après un second quinquennat (mandat).
Beaucoup l`ignorent, mais au 18e siècle, l`autorité ecclésiale du Cap Vert s`étendait jusqu`en Côte d`Ivoire. Les relations entre les deux pays sont donc anciennes. Elles se développeront, par la suite, avec l`immigration capverdienne des années 1940 en Côte d`Ivoire, avec l`arrivée d`une première vague d`artisans capverdiens. Mais c`est surtout la lutte armée de libération nationale de Cabral qui renforcera les liens entre l`archipel du Cap Vert et la Côte d`Ivoire, qui aidera financièrement et diplomatiquement la lutte d`indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap Vert. En s`impliquant donc, Pedro Pires paie une dette ancienne au pays d`Houphouët-Boigny. Et le Cap Vert, qui se range parmi les pays les moins intéressés à la déstabilisation de la Côte d`Ivoire, le fait avec le sérieux et la neutralité de sa diplomatie qui sied à sa tradition républicaine dans la conduite de ce difficile dossier. Le Nouveau Réveil ne fait pas dans la nuance, mais par simple ignorance des faits. Un exemple : la composition de la délégation capverdienne en Cote d`Ivoire. Tout observateur attentif aura remarqué que le ministre des Affaires étrangères, José Brito, un Capverdien qui - comme moi-même a grandi en Côte d`Ivoire - n`en faisait partie. Cela justement pour anticiper tout malentendu, tant la crise ivoirienne a rendu facile les accusations publiques. Pour qui sait lire ou est instruit des usages diplomatiques, c`est un grand signal de neutralité envoyé par le Cap Vert. Si tous les pays africains pouvaient s`inspirer de tels exemples. Ce seul indice devrait donc suffire. Mais Le Nouveau Réveil ne sait pas lire les nuances, aussi voudrais-je apporter quelques données macro-économiques et sur la vie démocratique au Cap Vert, pour indiquer que c`est un démocrate qui vient à Abidjan. En 2008, sortant du statut des Pays les moins avancés (Pma), l`Organisation des Nations unies à classé le Cap Vert comme Pays à revenu intermédiaire (Pri), au regard de ses performances macro-économiques qui sont le résultat d`une stabilité politique et d`un plan de développement cohérent. En effet, depuis l`Indépendance (1975), le Pib a été multiplié par quatre, la pauvreté a reculé de 70% à 25%, la scolarisation a atteint un niveau très élevé. Pour toutes ces données, les lecteurs peuvent se reporter au Document de stratégie-pays 2009-2012 Bad, République du Cap Vert[3]. Cette ascension historique repose sur un ressort particulier : la constante recherche du consensus national[4] de la classe politique capverdienne, qui fait que lors des deux dernières présidentielles Pedro Pires l`a remporté sur son adversaire Carlos Veiga, en 2001, avec 12 (douze) voix d`écart, et, en 2006, avec 3200 (trois mille deux-cents) voix, sans que les Institutions de la République n`en soit affectées.
Bien plus que la Convention de Vienne qui édicte la nature des rapports entre les nations, ou de la Chartre de l`Union africaine, c`est riche d`une expérience personnelle tout à fait exceptionnelle, d`une grande tradition militante, porteur de brillants résultats macro-économiques et à la tête du pouvoir politique le plus démocratique et le plus stable d`Afrique de l`Ouest que Pedro Pires vient à Abidjan aider, du mieux qu`il le pourra, un pays frère qui, hier, apporta tant au Cap Vert dans le soutien pour son accession à l`indépendance. C`est pourquoi, les leaders de l`opposition capverdienne du Mpd[5] eussent adopté pratiquement la même démarche, s`ils étaient actuellement aux affaires.
Méditons ! En règle générale, ceux qui allument le feu ne savent pas l`éteindre. Mais si celui qui a été militaire, militant armé, signataire de deux accords d`indépendance, qui dirige l`un des pays les moins corrompus au monde[6], si celui-là conseille d`éviter la guerre et qu`il n`est pas écouté, alors c`est la guerre. Et même là, mieux que d`autres, il saura donner des conseils. L`heure élue peut beaucoup, affirme Hölderlin. Et Cabral disait, en Afrique on n`a pas besoin d`être révolutionnaire, il suffit d`être honnête. Pedro de Verona Rodrigues Pires est l`un des dirigeants les plus auréolés d`Afrique. Il est objectif parce qu`impartial. Il est sobre, parce qu`honnête. Il prêchera le consensus national par le dialogue, comme il le pratique chez lui. Et si l`exemple ne suffit pas, c`est que certains veulent détruire la Côte d`Ivoire. Lors de mon premier séjour au Burundi, je fis la question suivante à un ami, Hussein Radjabu (Cndd Fdd) : « Mais Hussein comment se fait-il qu`après 10 années de guerre civile, Bujumbura ne porte pas de traces de destruction et très peu d`impact d`obus dans les murs ? Pierre, me répondit-il, nous avions la certitude de gagner la guerre, pourquoi donc détruire la capitale que nous entendions diriger ? ». D`autres capitales africaines ont un fait, un choix différent. Depuis, elles ne se sont pas relevées. Alors, qui donc est le meilleur disciple d`Houphouët-Boigny, Pedro Pires ou les incendiaires ? Le Nouveau Réveil devrait faire amende honorable. Son Directeur gagnerait à aller saluer Pedro Pires, en formulant un grand « akwaba ». Au reste, pour Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, et plus encore pour « notre » chère Côte d`Ivoire, cette présence est plus qu`une chance. Mais, pour le comprendre, encore faut-il que les paroles sublimes du haut chant ivoirien, l`Abidjanaise, inspire chacun des protagonistes et des médiateurs. En effet, si dans la paix la liberté a été ramenée, comment la démocratie, qui en est le corollaire, pourrait-elle s`ériger autrement que sur les fondements de la Paix ? Jadis mon visage s`élargissait, quand je regardais Abidjan.
Dr Pierre Franklin Tavares
Pedro de Verona Rodrigues Pires est né le 29 avril 1934, à São Filipe, commune-capitale de l`île de Fogo, une des dix îles de l`archipel du Cap Vert, de parents aisés. Il se signale, à Lisbonne, comme étudiant en chimie, à la fin des années 1950, et, appelé sous le drapeau portugais, il y effectue son service militaire avec rang de sous-officier. Peu après, il déserte (1961), et avec d`autres indépendantistes, fuit la capitale de l`Empire pour rejoindre Amilcar Cabral dans les maquis de la Guinée-Bissau, et participer, ainsi, à la Guerre du peuple, que le grand politologue français Gérard Challiand a qualifié comme « la guerre la plus juste et la plus rationnelle du XXe siècle » et que Polybe eut qualifié de guerre humaniste[1]. Pedro Pires devient commandant de front, mais se fait surtout remarquer par ses qualités de grand diplomate et d`habile négociateur. Amilcar Cabral en tire aussitôt le meilleur usage pour la lutte, au plan diplomatique. Étudiant, militaire, puis « militant armé » (comme Cabral définissait les membres de son parti engagé au front) et diplomate, Pedro Pires foulera le sol ivoirien en 1963-1964, en mission clandestine à Abidjan et logera dans un hôtel situé sur l`actuel Bd Giscard d`Estaing non loin du Palais des Sports. C`est à lui que Cabral confiera la délicate tâche de préparer le déclenchement de la lutte armée dans les Îles du Cap Vert. Le projet ne vit pas le jour, en raison des conditions spécifiques de l`archipel. En tous les cas, au terme des succès militaires et diplomatiques du Paigc[2], il sera désigné chef de la délégation du Paigc habilité à aller conclure, avec la nouvelle deuxième République portugaise née du coup d`Etat du 25 avril 1974 (Révolution des Œillets), le fameux « Accord d`Alger » (26 août 1974) qui reconnaît l`Indépendance (de fait) de la Guinée-Bissau et l`Autodétermination du Cap Vert, sous l`égide exclusive du Paigc. Pedro Pires sera le « premier » Premier ministre du Cap Vert, de 1975 (proclamation de l`indépendance, le 5 juillet) à janvier 1991 (première alternance démocratique au Cap Vert en pleine Guerre du Golf) et deviendra alors membre de l`opposition, jusqu`à l’élection présidentielle de mars 2001 qui le désignera Président de la République, fonction qu`il occupe depuis et quittera bientôt (2011), après un second quinquennat (mandat).
Beaucoup l`ignorent, mais au 18e siècle, l`autorité ecclésiale du Cap Vert s`étendait jusqu`en Côte d`Ivoire. Les relations entre les deux pays sont donc anciennes. Elles se développeront, par la suite, avec l`immigration capverdienne des années 1940 en Côte d`Ivoire, avec l`arrivée d`une première vague d`artisans capverdiens. Mais c`est surtout la lutte armée de libération nationale de Cabral qui renforcera les liens entre l`archipel du Cap Vert et la Côte d`Ivoire, qui aidera financièrement et diplomatiquement la lutte d`indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap Vert. En s`impliquant donc, Pedro Pires paie une dette ancienne au pays d`Houphouët-Boigny. Et le Cap Vert, qui se range parmi les pays les moins intéressés à la déstabilisation de la Côte d`Ivoire, le fait avec le sérieux et la neutralité de sa diplomatie qui sied à sa tradition républicaine dans la conduite de ce difficile dossier. Le Nouveau Réveil ne fait pas dans la nuance, mais par simple ignorance des faits. Un exemple : la composition de la délégation capverdienne en Cote d`Ivoire. Tout observateur attentif aura remarqué que le ministre des Affaires étrangères, José Brito, un Capverdien qui - comme moi-même a grandi en Côte d`Ivoire - n`en faisait partie. Cela justement pour anticiper tout malentendu, tant la crise ivoirienne a rendu facile les accusations publiques. Pour qui sait lire ou est instruit des usages diplomatiques, c`est un grand signal de neutralité envoyé par le Cap Vert. Si tous les pays africains pouvaient s`inspirer de tels exemples. Ce seul indice devrait donc suffire. Mais Le Nouveau Réveil ne sait pas lire les nuances, aussi voudrais-je apporter quelques données macro-économiques et sur la vie démocratique au Cap Vert, pour indiquer que c`est un démocrate qui vient à Abidjan. En 2008, sortant du statut des Pays les moins avancés (Pma), l`Organisation des Nations unies à classé le Cap Vert comme Pays à revenu intermédiaire (Pri), au regard de ses performances macro-économiques qui sont le résultat d`une stabilité politique et d`un plan de développement cohérent. En effet, depuis l`Indépendance (1975), le Pib a été multiplié par quatre, la pauvreté a reculé de 70% à 25%, la scolarisation a atteint un niveau très élevé. Pour toutes ces données, les lecteurs peuvent se reporter au Document de stratégie-pays 2009-2012 Bad, République du Cap Vert[3]. Cette ascension historique repose sur un ressort particulier : la constante recherche du consensus national[4] de la classe politique capverdienne, qui fait que lors des deux dernières présidentielles Pedro Pires l`a remporté sur son adversaire Carlos Veiga, en 2001, avec 12 (douze) voix d`écart, et, en 2006, avec 3200 (trois mille deux-cents) voix, sans que les Institutions de la République n`en soit affectées.
Bien plus que la Convention de Vienne qui édicte la nature des rapports entre les nations, ou de la Chartre de l`Union africaine, c`est riche d`une expérience personnelle tout à fait exceptionnelle, d`une grande tradition militante, porteur de brillants résultats macro-économiques et à la tête du pouvoir politique le plus démocratique et le plus stable d`Afrique de l`Ouest que Pedro Pires vient à Abidjan aider, du mieux qu`il le pourra, un pays frère qui, hier, apporta tant au Cap Vert dans le soutien pour son accession à l`indépendance. C`est pourquoi, les leaders de l`opposition capverdienne du Mpd[5] eussent adopté pratiquement la même démarche, s`ils étaient actuellement aux affaires.
Méditons ! En règle générale, ceux qui allument le feu ne savent pas l`éteindre. Mais si celui qui a été militaire, militant armé, signataire de deux accords d`indépendance, qui dirige l`un des pays les moins corrompus au monde[6], si celui-là conseille d`éviter la guerre et qu`il n`est pas écouté, alors c`est la guerre. Et même là, mieux que d`autres, il saura donner des conseils. L`heure élue peut beaucoup, affirme Hölderlin. Et Cabral disait, en Afrique on n`a pas besoin d`être révolutionnaire, il suffit d`être honnête. Pedro de Verona Rodrigues Pires est l`un des dirigeants les plus auréolés d`Afrique. Il est objectif parce qu`impartial. Il est sobre, parce qu`honnête. Il prêchera le consensus national par le dialogue, comme il le pratique chez lui. Et si l`exemple ne suffit pas, c`est que certains veulent détruire la Côte d`Ivoire. Lors de mon premier séjour au Burundi, je fis la question suivante à un ami, Hussein Radjabu (Cndd Fdd) : « Mais Hussein comment se fait-il qu`après 10 années de guerre civile, Bujumbura ne porte pas de traces de destruction et très peu d`impact d`obus dans les murs ? Pierre, me répondit-il, nous avions la certitude de gagner la guerre, pourquoi donc détruire la capitale que nous entendions diriger ? ». D`autres capitales africaines ont un fait, un choix différent. Depuis, elles ne se sont pas relevées. Alors, qui donc est le meilleur disciple d`Houphouët-Boigny, Pedro Pires ou les incendiaires ? Le Nouveau Réveil devrait faire amende honorable. Son Directeur gagnerait à aller saluer Pedro Pires, en formulant un grand « akwaba ». Au reste, pour Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, et plus encore pour « notre » chère Côte d`Ivoire, cette présence est plus qu`une chance. Mais, pour le comprendre, encore faut-il que les paroles sublimes du haut chant ivoirien, l`Abidjanaise, inspire chacun des protagonistes et des médiateurs. En effet, si dans la paix la liberté a été ramenée, comment la démocratie, qui en est le corollaire, pourrait-elle s`ériger autrement que sur les fondements de la Paix ? Jadis mon visage s`élargissait, quand je regardais Abidjan.
Dr Pierre Franklin Tavares