Le président du Parti ivoirien des travailleurs revient dans cet entretien avec Rfi sur la crise post-électorale en Côte d'Ivoire. Pour lui, le vainqueur du scrutin s'appelle Alassane Ouattara.
Professeur Francis Wodié, bonjour.
Bonjour.
Selon vous, qui a gagné l'élection ?
Selon nous, c'est bien Alassane Dramane Ouattara. Sur la base des chiffres qui sont connus de tous. Le peuple de Côte d'Ivoire s'est prononcé, on ne peut plus clairement. Le Conseil constitutionnel n'avait pas ce pouvoir qu'il s'est attribué, au sens où il ne peut pas modifier les résultats, encore moins inversé les résultats au point de désigner un nouveau président de la République. Alors, quand l'un des candidats dit, c'est le Conseil constitutionnel qui nous a désigné, le Conseil ne désigne personne. C'est le peuple de Côte d'Ivoire qui désigne.
Alors depuis un mois, la Cedeao tente de convaincre Laurent Gbagbo de partir, mais en vain. Qu'est-ce qu'il faut faire ?
Il faut obtenir qu'il quitte le pouvoir pacifiquement. Nous espérons aujourd'hui encore que Gbagbo Laurent aura compris que l'intérêt du peuple commande qu'il prenne au plus tôt la décision de quitter le pouvoir présidentiel que le peuple vient de confier à un autre. C'est le jeu de la démocratie qui implique l'alternance.
Etes-vous pour ou contre une intervention militaire de la Cedeao ?
A priori non. Je ne suis pas favorable à une intervention militaire. Parce que les problèmes politiques, on les règle politiquement. L'intervention militaire doit être écartée, autant que possible. Il faut appuyer sur les discussions et les pressions pour amener Gbagbo à la raison. Pour dire que tout un pays est suspendu à la volonté d'un seul homme et de son clan.
Beaucoup disent que ce n'est pas à une puissance africaine et étrangère d'imposer un président à la Côte d'Ivoire ?
Bien sûr. Wodié, son parti et tous les autres n'accepteront jamais qu'un chef d'Etat étranger puisse imposer au peuple de Côte d'Ivoire son président. Mais le peuple de Côte d'Ivoire s'est prononcé clairement. Donc la communauté internationale ne fait que prendre acte de la décision prise par le peuple de Côte d'Ivoire.
En Afrique et dans la diaspora comme en France, un certain nombre d'intellectuels africains soutiennent Laurent Gbagbo parce qu'il dit non à la communauté internationale. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Mais on déplace le problème. Le problème, ce n'est pas de savoir si la communauté veut imposer sa volonté à la Côte d'Ivoire. Nous voulons voir la volonté du peuple de Côte d'Ivoire s'imposer à nous tous, en commençant par Gbagbo Laurent.
Alors ce débat Gbagbo-Ouattara traverse votre propre parti (le Pit). Un certain nombre de vos camarades ont rejoint le camp Laurent Gbagbo. Et pour eux, celui-ci est un révolutionnaire.
Vous savez le Pit et le Fpi, donc Wodié et Gbagbo formaient une coalition, une alliance dès la naissance des deux partis en 1990. Et puis, certaines pratiques ont commencé progressivement à établir une fosse entre nous. Et aujourd'hui, nous, nous considérons que la politique qui est conduite par le camp Gbagbo Laurent, la pratique sont aux antipodes de ce que doit être un parti de gauche, un parti respectueux de la volonté du peuple. C'est une politique clanique.
Au deuxième tour, beaucoup de personnes n'ont pas compris pourquoi le socialiste Wodié a appelé à soutenir le libéraliste Ouattara contre le socialiste Gbagbo. Et ils ont dit que vous tournez le dos à votre engagement politique ?
Oui. D'un certain point de vue, on peut le dire. Mais en l'espèce, on n'a pas en présence deux politiques, une politique libérale d'un côté et une politique socialiste de l'autre. Parce que ce qui aurait donné de voir à travers la pratique et la politique de Gbagbo Laurent, ce n'est pas du socialisme. C'est totalement opposé. Ce n'est pas le vrai exemple de gauche, qui repose sur le culte de la personnalité. Et nous pensons qu'avec Ouattara dont nous connaissons quand même la doctrine, il y aura un mouvement, les choses vont commencer à bouger un tout petit peu. C'est la reconstruction de la Côte d'Ivoire.
Laurent Gbagbo et vous, vous avez été longtemps des camarades socialistes. Pour vous, la majorité des voix considère que c'est l'avant-garde révolutionnaire ?
C'est ce que nous pensions. Mais si on veut faire la révolution, on renonce à organiser les élections. L'élection a ses règles. Si on doit aller aux élections pour ne pas respecter le verdict du peuple, autant ne pas y aller. C'est une tendance qui menace toute l'Afrique. On a le sentiment que certains pensent que l'élection n'est pas la décision prise par le peuple. C'est un moyen pour négocier la conquête de la conservation du pouvoir. Alors, où va-t-on dans ces conditions-là ?
Lors du débat télévisé Gbagbo-Ouattara, le 25 novembre, Laurent Gbagbo a déclaré:" je résiste, je ne fuis pas ". Est-ce que cela n'était pas prémonitaire ?
Oui, l'adversité n'est pas rapportée à soi. C'est l'adversité du peuple. Et quand le peuple est dans l'adversité, le minimum que chacun doit faire, c'est de respecter la volonté du peuple. Autrement, on expose la Côte d'Ivoire à la violence, peut-être à une nouvelle guerre.
Et si demain des soldats arrivent pour déloger Laurent Gbagbo, pensez-vous que celui-ci résistera ?
Je pense qu'il va résister. Il a amené à considérer la Côte d'Ivoire comme coïncidant avec sa propre personne. Et on retrouve les relents des régimes monarchisants et autocratiques.
Ces partisans disent que ce n'est pas le monarque qui s'identifie à son pays mais le militant qui s'identifie avec le combat pour la libération de la Côte d'Ivoire ?
La libération de la Côte d'Ivoire, nous la voulons tous. Mais ce sont les Ivoiriens qui prennent la décision. Personne ne viendra donner aux Ivoiriens cette liberté qui serait tombée du ciel. Donc la liberté ne pourra jamais exister que si on reconnaît celle des autres en commençant par celle du peuple de Côte d'Ivoire.
Propos recueillis sur Rfi par Jules Claver Aka
Professeur Francis Wodié, bonjour.
Bonjour.
Selon vous, qui a gagné l'élection ?
Selon nous, c'est bien Alassane Dramane Ouattara. Sur la base des chiffres qui sont connus de tous. Le peuple de Côte d'Ivoire s'est prononcé, on ne peut plus clairement. Le Conseil constitutionnel n'avait pas ce pouvoir qu'il s'est attribué, au sens où il ne peut pas modifier les résultats, encore moins inversé les résultats au point de désigner un nouveau président de la République. Alors, quand l'un des candidats dit, c'est le Conseil constitutionnel qui nous a désigné, le Conseil ne désigne personne. C'est le peuple de Côte d'Ivoire qui désigne.
Alors depuis un mois, la Cedeao tente de convaincre Laurent Gbagbo de partir, mais en vain. Qu'est-ce qu'il faut faire ?
Il faut obtenir qu'il quitte le pouvoir pacifiquement. Nous espérons aujourd'hui encore que Gbagbo Laurent aura compris que l'intérêt du peuple commande qu'il prenne au plus tôt la décision de quitter le pouvoir présidentiel que le peuple vient de confier à un autre. C'est le jeu de la démocratie qui implique l'alternance.
Etes-vous pour ou contre une intervention militaire de la Cedeao ?
A priori non. Je ne suis pas favorable à une intervention militaire. Parce que les problèmes politiques, on les règle politiquement. L'intervention militaire doit être écartée, autant que possible. Il faut appuyer sur les discussions et les pressions pour amener Gbagbo à la raison. Pour dire que tout un pays est suspendu à la volonté d'un seul homme et de son clan.
Beaucoup disent que ce n'est pas à une puissance africaine et étrangère d'imposer un président à la Côte d'Ivoire ?
Bien sûr. Wodié, son parti et tous les autres n'accepteront jamais qu'un chef d'Etat étranger puisse imposer au peuple de Côte d'Ivoire son président. Mais le peuple de Côte d'Ivoire s'est prononcé clairement. Donc la communauté internationale ne fait que prendre acte de la décision prise par le peuple de Côte d'Ivoire.
En Afrique et dans la diaspora comme en France, un certain nombre d'intellectuels africains soutiennent Laurent Gbagbo parce qu'il dit non à la communauté internationale. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Mais on déplace le problème. Le problème, ce n'est pas de savoir si la communauté veut imposer sa volonté à la Côte d'Ivoire. Nous voulons voir la volonté du peuple de Côte d'Ivoire s'imposer à nous tous, en commençant par Gbagbo Laurent.
Alors ce débat Gbagbo-Ouattara traverse votre propre parti (le Pit). Un certain nombre de vos camarades ont rejoint le camp Laurent Gbagbo. Et pour eux, celui-ci est un révolutionnaire.
Vous savez le Pit et le Fpi, donc Wodié et Gbagbo formaient une coalition, une alliance dès la naissance des deux partis en 1990. Et puis, certaines pratiques ont commencé progressivement à établir une fosse entre nous. Et aujourd'hui, nous, nous considérons que la politique qui est conduite par le camp Gbagbo Laurent, la pratique sont aux antipodes de ce que doit être un parti de gauche, un parti respectueux de la volonté du peuple. C'est une politique clanique.
Au deuxième tour, beaucoup de personnes n'ont pas compris pourquoi le socialiste Wodié a appelé à soutenir le libéraliste Ouattara contre le socialiste Gbagbo. Et ils ont dit que vous tournez le dos à votre engagement politique ?
Oui. D'un certain point de vue, on peut le dire. Mais en l'espèce, on n'a pas en présence deux politiques, une politique libérale d'un côté et une politique socialiste de l'autre. Parce que ce qui aurait donné de voir à travers la pratique et la politique de Gbagbo Laurent, ce n'est pas du socialisme. C'est totalement opposé. Ce n'est pas le vrai exemple de gauche, qui repose sur le culte de la personnalité. Et nous pensons qu'avec Ouattara dont nous connaissons quand même la doctrine, il y aura un mouvement, les choses vont commencer à bouger un tout petit peu. C'est la reconstruction de la Côte d'Ivoire.
Laurent Gbagbo et vous, vous avez été longtemps des camarades socialistes. Pour vous, la majorité des voix considère que c'est l'avant-garde révolutionnaire ?
C'est ce que nous pensions. Mais si on veut faire la révolution, on renonce à organiser les élections. L'élection a ses règles. Si on doit aller aux élections pour ne pas respecter le verdict du peuple, autant ne pas y aller. C'est une tendance qui menace toute l'Afrique. On a le sentiment que certains pensent que l'élection n'est pas la décision prise par le peuple. C'est un moyen pour négocier la conquête de la conservation du pouvoir. Alors, où va-t-on dans ces conditions-là ?
Lors du débat télévisé Gbagbo-Ouattara, le 25 novembre, Laurent Gbagbo a déclaré:" je résiste, je ne fuis pas ". Est-ce que cela n'était pas prémonitaire ?
Oui, l'adversité n'est pas rapportée à soi. C'est l'adversité du peuple. Et quand le peuple est dans l'adversité, le minimum que chacun doit faire, c'est de respecter la volonté du peuple. Autrement, on expose la Côte d'Ivoire à la violence, peut-être à une nouvelle guerre.
Et si demain des soldats arrivent pour déloger Laurent Gbagbo, pensez-vous que celui-ci résistera ?
Je pense qu'il va résister. Il a amené à considérer la Côte d'Ivoire comme coïncidant avec sa propre personne. Et on retrouve les relents des régimes monarchisants et autocratiques.
Ces partisans disent que ce n'est pas le monarque qui s'identifie à son pays mais le militant qui s'identifie avec le combat pour la libération de la Côte d'Ivoire ?
La libération de la Côte d'Ivoire, nous la voulons tous. Mais ce sont les Ivoiriens qui prennent la décision. Personne ne viendra donner aux Ivoiriens cette liberté qui serait tombée du ciel. Donc la liberté ne pourra jamais exister que si on reconnaît celle des autres en commençant par celle du peuple de Côte d'Ivoire.
Propos recueillis sur Rfi par Jules Claver Aka