Dédié à mon ami Venance Konan pour l'âpre et juste combat qu'il mène contre le régime criminel et impopulaire de Laurent Gbagbo.
Préambule
Voilà plus d'un mois que dure ce que je pourrais nommer ici, ''la crise des résultats'', prolongement de la grande crise ivoirienne que, tous, citoyens ordinaires ou administrateurs de la cité agissant à divers postes de responsabilités, nous nous sommes attelés à régler depuis une huitaine d'années. L'élection que nous avions attendue et espérée de tous nos vœux pour nous sortir des difficultés semble, au vu des faits actuels, nous enfoncer davantage dans la crise. Et pourtant, tout semblait appeler à l'optimisme: la discipline des électeurs, le besoin de paix que ressentaient les Ivoiriens, la réussite du premier tour de cette présidentielle qui se sera passé sans heurt majeur, le second tour sans non plus aucun incident grave à même de ressusciter le spectre de la belligérance; et, par-dessus tout, ce débat télévisé, en direct, entre les deux candidats, Ouattara et Gbagbo; un débat somme toute, élégant, promoteur. Notre pays s'était remis à croire à la sortie de crise.
Malheureusement, nous devions, tous, déchanter, juste une dizaine de jours après cette confrontation de toutes les espérances. Tous, nous savons d'où vient le mal: le refus du candidat Laurent Gbagbo de se soumettre au verdict officiel des urnes tel que donné par la Commission électorale indépendante. C'est, à l'examen, une rébellion qui ne décline pas son nom, et qui préfère se cacher derrière un artifice juridique: la décision, arbitraire et surprenante ( ?) du Conseil constitutionnel qui a invalidé les résultats de sept départements électoraux favorables au candidat du Rhdp, Alassane Ouattara ! Des juristes ivoiriens, de qualité (je songe au Professeur Francis Wodié), et d'autres d'ailleurs, ont déjà eu à donner leurs points de vue savants et pertinents sur la question. Je n'entrerai pas dans ce débat de spécialistes auquel je n'apporterai certainement pas grand-chose, du fait que ce n'est pas là mon intention ni même dans mes compétences professionnelles de le faire.
A l'instar de nombreux intellectuels de mon pays, et comme j'ai toujours tâché de le faire, je me sens, aujourd'hui plus qu'hier, dans le devoir d'apporter à mes concitoyens ma contribution aux efforts des uns et des autres à instruire au mieux les Ivoiriens sur ce qu'ils vivent en ce moment.
Au moment approprié, je reviendrai, au besoin, sur d'autres aspects de cette impasse que j'espère, provisoire. Pour l'heure, et dans la présente communication, je me bornerai à relever trois points cruciaux relatifs à la situation que nous vivons : la symbolique de l'acte (l'exclusion) posé par le président du Conseil constitutionnel; le refus de la démocratie par les leaders africains; le chantage de la guerre civile que brandit Gbagbo contre le peuple de Côte d'Ivoire pour s'accrocher au pouvoir. Pour clore ma communication, je ferai des propositions de sortie de crise.
I/ Exclusion et tribalisme : exacerbation de la crise
N'hésitons pas à le dire: c'est indiscutablement M. Yao-Ndré, le président de notre Conseil constitutionnel, qui porte la responsabilité de l'exacerbation de la crise ivoirienne. Au mépris de la volonté de la majorité des Ivoiriens, au mépris aussi de nos lois, cet homme s'est permis de choisir, à la place des électeurs, le président de la République de Côte d'Ivoire ! Nous ne pouvons pas nous permettre de dire qu'il a fait cela par méconnaissance de la loi - les témoignages concordent à dire de lui qu'il est un brillant juriste. Il l'a fait par acte de servilité et de reconnaissance à celui qui l'a placé à ce poste, l'ex-président Laurent Gbagbo. Et c'est là que le comportement de Yao-Ndré nous inquiète.
L'acte qu'il a posé est indiscutablement grave dans tous les sens - juridique, éthique, sociologique, politique, etc. Cet acte doit nous interpeller - il nous interpelle même - sur la question fondamentale de la responsabilité individuelle dans nos agir: le subalterne est-il obligé de tout faire (même ce qui n'est pas faisable et ne doit pas être fait) pour contenter le supérieur hiérarchique ? Quelle que soit l'immensité des pouvoirs, écrits ou non-écrits que l'on veut bien accorder au Conseil constitutionnel en tant qu'Institution juridique, procéder comme l'a fait M. Yao-Ndré (en invalidant les résultats décisifs que le candidat Ouattara a eus dans ses fiefs) était-il la démarche appropriée pour nous sortir de crise ? J'insiste sur cette question car c'est ce que nous attendions, tous, de cette élection, après celle de 2000 dont le caractère antidémocratique et litigieux nous a valu ce que nous connaissons: la négation de la légitimité du pouvoir de M. Gbagbo par son opposition. Aujourd'hui, comme hier, Laurent Gbagbo capture l'Exécutif par un coup de force. Il m'est difficile de percevoir la sagesse et le bons sens qui sous-tendent un tel comportement.
Que M. Laurent Gbagbo, hier président de la République, ait nommé Yao-Ndré, son ami, à la tête d'une institution aussi prestigieuse que le Conseil constitutionnel, et qu'il ait attendu de lui qu'il l'aide à gagner l'élection et à conserver le pouvoir, cela peut se concevoir. Mais vu le contexte politique que vit notre pays, vu les implications que pourrait avoir sur la vie du pays l'acte que le bienfaiteur attendait de lui qu'il pose, vu l'enjeu décisif de cette consultation électorale d'ampleur nationale et d'amplitude internationale (par la forte implication de la Communauté internationale), M. Yao-Ndré, adulte, responsable devant la loi et la morale, était-il obligé d'agir ainsi ? Une parole sage, chez les Baoulé, dit ceci: " Bé djran ndê si'n, bé djran man sran si'n ". Traduction : épouse une cause, ne suis pas un homme. A l'évidence, Yao-Ndré a choisi de suivre un homme, négligeant ainsi l'intérêt national du moment: aider le pays à sortir de la crise par la voie des urnes, à l'issue d'une élection libre, démocratique, transparente et ouverte à tous. Sur ces quatre points, cette élection aura tout de même tenu ses promesses malgré nos peurs et nonobstant quelques incidents qui, de l'avis de tous, ne pouvaient entacher la crédibilité de ce scrutin pour lequel la Communauté internationale s'est mobilisée par le biais du certificateur des Nations unies dont, tous, avons accepté le rôle décisif qu'il avait à jouer dans la certification et la proclamation des résultats ; toute chose que lui contestent aujourd'hui Gbagbo et ses partisans.
Entre la fidélité, temporelle, à un ami, et la reconnaissance éternelle que la nation ivoirienne lui aurait manifestée pour le faire passer, de manière positive, dans la postérité (s'il avait été à la hauteur des attentes de ce peuple), M. Yao-Ndré a choisi la première voie. Le peuple ou l'ami ?
Yao-Ndré choisit l'ami. Nous vivons les conséquences de cette option: outre l'immobilisme qui frappe aujourd'hui l'Exécutif ivoirien et toutes nos institutions, la recrudescence de la violence alentour; cette violence et son cortège de morts. Il importe donc d'imputer la responsabilité, toute la responsabilité de ces tueries à Yao-Ndré et non particulièrement au président sortant et sorti par la voie des urnes. Chaque Ivoirien, chaque habitant de ce pays tué dans le contexte de cette crise doit être considéré comme une victime de Yao-Ndré. Cela doit être compris ainsi afin que chaque acteur de cette crise assume sa part de responsabilités dans la tragédie qui nous frappe; cela doit être ainsi afin qu'aussi, chaque citoyen de ce pays apprenne à être responsable des actes qu'il pose: la conscience morale existe pour tous, et le chef, à lui seul, ne peut assumer toutes les responsabilités. Dans le cas d'espèce, rejeter toutes les fautes sur M. Gbagbo ne me semble pas tout à fait convenable, car ce serait ''dé-responsabiliser'' Yao-Ndré, le vrai coupable. Ce que je retiens de l'acte qu'il a posé, et qui heurte mon entendement de citoyen et d'électeur, c'est que nous sommes, là, en présence d'un homme qui s'est donné le droit de choisir le président de la République à la place de l'électeur que je suis. Cela revient à nous dire ceci: tant que M. Gbagbo sera vivant et qu'il sera candidat (et tant qu'il sera vivant, il le sera car je ne vois pas Gbagbo renoncer un jour au pouvoir), il pourra être rassuré de gagner toujours l'élection, puisqu'après la proclamation des résultats par la Commission électorale indépendante, le président du Conseil constitutionnel (et ce sera toujours Yao Ndré) invalidera les voix de l'adversaire et ''décrétera''
Gbagbo élu ! Magique !
Oui, magie, sorcellerie et prestidigitation ! Il y a, assurément, un peu de tout cela dans cet acte d'une audace insensée et imprudente - quand l'on sait la précarité de la paix relative que connaissait le pays et ce, pour les raisons que nous savons: l'élection douteuse et calamiteuse de Laurent Gbagbo en 2000. Le porter au pouvoir en 2010 par (encore) un coup de force juridique alors qu'il a été battu démocratiquement, dans les urnes, relève donc d'un de ces actes inouïs et absurdes que seuls peuvent poser des sorciers. Oui, il fallait être un magicien ou un initié aux choses cabalistiques pour procéder comme l'a fait Yao-Ndré. Comme cela me paraît facile, trop facile ! Non, le président du Conseil constitutionnel et, à travers lui, toute la noble institution qu'il représente, n'ont pas pour rôle de choisir le président de la République à la place des électeurs.
L'invalidation, surdimensionnée, des voix des régions favorables au candidat du Rhdp est un acte dangereux d'exclusion, un acte de négation de la citoyenneté de milliers d'Ivoiriens.
Ce danger est d'autant plus fort et menaçant que cette exclusion frappe deux communautés ethniques de forte densité démographique: celles du Centre et du Nord à dominante baoulé et ''dioulas'' (comme on appelle communément ces derniers). Ces zones, on le sait, sont des bastions du Rhdp. Toutes les élections (Conseils généraux, municipales, législatives) antérieures à la rébellion de septembre 2002 indiquent que ce sont des zones électorales défavorables à M. Gbagbo. On comprend dès lors pourquoi Yao-Ndré n'a pas jugé bon de dire le droit ivoirien qui, en l'occurrence ici, indiquait la reprise du scrutin dans les zones qualifiées (sans preuves véritables) de litigieuses: on pourrait, en effet, y reprendre mille et une fois le scrutin, sous la surveillance du Monde entier, que le candidat du Rhdp l'emportait à chaque fois ! Voilà la vérité des faits. Laurent Gbagbo n'avait et n'a aucune chance de le remporter dans ces zones presque entièrement acquises à la cause des ''houphouétistes''. Les résultats du premier tour furent sans équivoque sur cette question: Gbagbo a été royalement battu dans toutes ces zones et, sensiblement, sur le même score qu'au second tour.
Accepter la décision injuste de Yao-Ndré reviendrait donc à accepter l'exclusion des populations du Centre et du Nord de la vie politique du pays; c'est du tribalisme. Accepter cela, c'est répondre ''oui'' au déni de citoyenneté à ces populations ; c'est leur refuser le statut d'Ivoirien. C'est grave !
L'acte qu'a posé Yao-Ndré n'est donc pas qu'injuste, il est inquiétant quand l'on sait le poids démographique, sociologique, économique et politique de ces communautés. L'on ne compte plus les maltraitances que ces dernières subissent dans de nombreuses régions de l'ouest qui constituent les bastions de Laurent Gbagbo: expropriations des terres, violences physiques aboutissant souvent à des morts d'hommes, etc. La récente élection y a même enregistré des actes de tueries perpétrés par des militants du camp présidentiel, au contraire des régions du Centre et du Nord où il n'y a eu aucun mort. Si, à ces situations déjà déplorables, l'on doit ajouter l'exclusion de ces communautés du Centre et du Nord de la vie politique nationale, l'on ouvre assurément la voie à des situations conflictuelles dont aucun d'entre nous ne peut prévoir l'ampleur. C'est pourquoi, il me paraît dangereux et impossible d'accepter la décision arbitraire et excessivement partisane de Yao-Ndré.
Gbagbo ne peut pas diriger la Côte d'Ivoire sur la base de l'exclusion des communautés du Centre et du Nord qu'en réalité, il n'a jamais cessé de considérer comme rebelles à son pouvoir. Or ces deux communautés réunies constituent au moins la moitié de la population ivoirienne. Tout candidat qui n'a pas leur soutien ne peut prétendre gagner une présidentielle, à plus forte raison, diriger le pays en les déconsidérant. Chers compatriotes, posons-nous simplement la question suivante: à quoi sert-il donc d'investir des centaines de milliards (que nous aurions pu consacrer à la réalisation d'œuvres sociales pour le bien-être de nos populations) dans l'organisation d'élections si, en fin de compte, c'est un président de Conseil constitutionnel qui doit, contre notre volonté, choisir le président de la République à notre place ?
II/ Les Africains et la démocratie: une fausse cohabitation
Au cours des 30 premières années de leurs indépendances, les pays africains, dans l'ensemble, ont opté pour le parti unique. Ce choix, quoique sévèrement critiqué par les intellectuels et autres idéologues du continent, nous paraît aujourd'hui, au regard de toutes ces déconvenues que connait le continent, justifié. Oui, il nous fallait mobiliser les énergies, toutes les énergies productives du pays, pour la réalisation d'un grand rêve collectif: la construction d'Etats forts et, surtout, de nations viables, en faisant de la poussière d'ethnies qui constituait nos pays, un seul et même peuple visité et agi par un idéal de grande envergure. C'est à cette vision notre pays, sous l'éclairage de Félix Houphouët-Boigny, doit ses performances économiques et son sens du ''vivre ensemble'' qui firent sa légende. Oui, le parti unique, malgré ses tares, nous aura mis à l'abri des déchirements de grande ampleur que connait aujourd'hui le continent dans son ensemble. Les années 1990 nous ont appelés à un autre rendez-vous historique, au moment où les partis uniques semblaient s'essouffler par manque d'idées nouvelles pour les redynamiser: le multipartisme et ses promesses de démocratie. Le président Félix Houphouët-Boigny, en visionnaire, nous aura en vain prévenus: nos peuples, selon lui, n'étaient pas encore mûrs pour le multipartisme. Le sont-ils même aujourd'hui, 20 ans après ? On peut en douter…
Interviewé en juin 2008 par France 24, à Paris, Charles Konan Banny n'avait pas hésité à interpeller, à cette occasion, l'intelligentsia africaine et les classes politiques du continent sur notre incapacité ou notre refus apparent d'intégrer le multipartisme et la démocratie à nos comportements quotidiens. Aujourd'hui, je réalise qu'il avait de bonnes raisons de le faire: en effet, au cours de cette année-là (2008), Kibaki, au Kenya, venait de refuser le verdict des urnes en confisquant le pouvoir d'Etat, au mépris de la volonté du peuple; au Zimbabwe, Robert Mugabe en avait fait de même; au Niger, Tandja s'attelait à contourner les dispositions constitutionnelles pour conserver le pouvoir d'Etat, malgré les menaces de l'opposition et les appels à la raison de la Cédéao. On sait comment se sont terminées ces expériences dont la moins tragique a été celle du Niger ; et ce, grâce à un salutaire coup de force mené par des Officiers patriotes et avisés, qui a fait éviter au pays une révolte populaire qui aurait, inévitablement, débouché sur un bain de sang causé par l'Armée et les miliciens du régime - comme on en voit presque partout en Afrique, et comme le régime de Gbagbo nous donne la triste occasion d'en vivre, régulièrement. On peut donc, de manière avisée, se demander si les Africains veulent vraiment la démocratie. Question subséquente: s'ils la veulent, en ont-ils compris les enjeux et exigences ? Et s'ils les ont compris, sont-ils prêts à les appliquer ?
Mon avis sur ces questions est que les Africains ne veulent pas de la démocratie ou, du moins, ils ne veulent pas de la démocratie telle que conçue par l'Occident; c'est-à-dire, un système politique qui fonctionne sur le principe (admis par tous) de la soumission de la minorité à la décision de la majorité. Il découle de cette observation que les chefs d'Etat africains embouchent la trompette de la démocratie pour ''faire bien'' et paraître modernes aux yeux des Occidentaux, sans être véritablement acquis aux vertus de ce système qu'en réalité ils réprouvent du fond d'eux-mêmes.
Monarchistes ou royalistes, nous le sommes restés, du plus lointain de notre vision de la gestion de la cité, jusqu'à ces époques modernes. Le village n'a jamais cédé la place à la Cité, dans notre psyché. Dans leurs conceptions du pouvoir, Idi Amine, Mugabe, Kibaki, Mobutu, Hailé Sélassié, Bokassa, Moussa Traoré, Tandja, Dadis Camara et Gbagbo ne diffèrent guère du roi du Monomotapa ou de Chaka zulu ou d'un pharaon de l'Egypte ancienne, ou bien même d'un insolite chef d'un village africain de… 100 habitants: ce sont des êtres infaillibles, forts, très forts, inamovibles et cruels au besoin, n'hésitant pas à sacrifier des vies humaines pour leur propre avènement. Ce ne sont pas des chefs d'Etats, ni des citoyens, mais des demi-dieux, des êtres redoutables, prompts à transgresser la loi juridique et éthique, en s'adossant à la force militaire d'essence brutale et répressive, ou en abusant de la naïveté des masses populaires qu'ils manipulent à souhait. Telle est la vision politique qui alimente le cerveau de ces chefs africains et qui guide le comportement politique de l'ex-chef d'Etat ivoirien, Laurent Gbagbo. Comme eux, Gbagbo est tout, sauf un démocrate; et c'est pourquoi, comme les autres chefs (d'Etat) africains, Gbagbo, aime tant le régime de type présidentialiste: il donne plein pouvoir, tous les pouvoirs, au chef ! Le résultat donne des dictateurs, des tyrans au pire des cas, des dirigeants assoiffés de pouvoir, des antidémocrates, des chefs qui méprisent leurs peuples et les briment avec, très souvent, le silence des autres Etats africains alentour, ou/et avec la complicité de quelques politiciens véreux d'Occident grassement payés sur les fonds publics générés par le contribuable africain...
Charles Konan Banny avait noté un fait, loin d'être anodin, au cours de cette interview: c'est surtout au sein de la deuxième génération de chefs d'Etats africains que nous enregistrons ce type de comportements antidémocratiques - le refus de respecter la loi, de se soumettre au verdict des urnes, en usant, pour se maintenir au pouvoir (contre la volonté du peuple), de l'Institution militaire que l'on a pris soin d'instrumentaliser en lui ôtant tout caractère républicain. Et Laurent Gbagbo appartient à cette catégorie de chefs d'Etat africains. Les études universitaires qu'il a faites en… France (cette France qui l'a formé et qui a abrité son exil) nous avaient amenés à croire qu'il avait été acquis aux vertus de la démocratie. A l'expérience du pouvoir, l'homme s'est avéré antidémocrate, dictateur à la limite de la tyrannie. En dix années d'exercice de l'Exécutif, il s'est signalé outre son incapacité à conduire les affaires de l'Etat, par une culture intolérable de la violence et du mépris de la vie humaine; par une altération sinon une déstructuration de l'embryon de nation que nous étions en train de constituer au bout de quatre décennies d'efforts de construction nationale.
C'est le lieu pour moi d'interpeller tous ces gens en armes (sont-ils réellement des éléments des Forces de défense et de Sécurité nationale ?) qui massacrent nos populations pour la survie du régime de M. Gbagbo, sous le prétexte de la défense de la République. Le Monde d'aujourd'hui est une maison de verre où tout se sait (par la presse), se voit (par les satellites et les caméras dissimulés), se constate (par la présence de nombreux espions et observateurs dans les Etats).
Chaque crime que vous commettez est enregistré, comptabilisé et mis sur le compte des violations des droits de l'homme, à la Cour pénale internationale. Aucun crime, je dis bien, aucun, ne restera impuni. Vous serez tous jugés demain, exécuteurs aussi bien que commanditaires, pour tous ces assassinats. Je vous demande donc de mettre fin, pendant qu'il est encore temps de le faire, à cette effroyable tradition du crime que vous avez instaurée et qui ruine le pays. Chaque famille endeuillée est une poudrière de haine et de vengeance qu'il sera difficile d'éteindre, demain.
III/ La menace de guerre civile
Aux appels des uns et des autres lui demandant d'avoir la sagesse de se retirer, l'ex-chef d'Etat de Côte d'Ivoire répond froidement: " Si je pars, ce sera la guerre civile ". Autrement dit: si je ne suis pas président, je détruis tout. Tel est le vrai fond de cette réflexion effroyable, mais qui ne me surprend guère, connaissant l'attachement presque mystique et pathologique de Laurent Gbagbo au pouvoir. L'homme brandit donc le spectre de la guerre pour accaparer le pouvoir. C'est un horrible chantage que nous ne pouvons pas accepter, et que je ne peux personnellement pas accepter. Il sied donc que je lui oppose ma réponse: non, Gbagbo Laurent, la guerre que tu nous proposes comme seule réponse à ton départ de l'Exécutif ivoirien est inacceptable et inadmissible.
On ne peut pas avoir été chef d'Etat et laisser une alternative aussi pauvre et misérable à son peuple.
Peu de temps avant l'élection, M. Laurent Gbagbo, en pleine campagne électorale dans l'ouest du pays, n'a pas hésité à lancer à l'endroit des Officiers de notre armée nationale : " Si je tombe, vous tombez. " Variante de ce discours d'antidémocrate avéré : vous devez tout faire pour que je reste au pouvoir. Le résultat de ce chantage est là: nos braves Officiers embarrassés et pris dans l'étau d'un verrouillage en règle de l'armée; un pays figé, un pays au destin contrarié par la soif de pouvoir d'un homme, d'un seul homme et d'un homme désormais seul, face au refus d'un peuple las de ses turpitudes et violences. Oui, le peuple de Côte d'Ivoire a dit ''non'' à Gbagbo, et cela, dès le premier tour de cette élection où le score réalisé par le Rhdp (près de 62% contre 38% pour le président sortant) signifiait clairement qu'il avait perdu le pouvoir. Sous nos tropiques, il n'est pas coutume de voir une opposition réunir tant de suffrages et réaliser un tel score contre le président sortant.
Pendant dix années de règne, M. Gbagbo et son régime ont monopolisé et bâillonné les médias d'Etat (journal, radio, télévision). M. Gbagbo et son régime ont abondamment puisé dans les fonds publics pour acheter des consciences en déversant des milliards de francs dans des régions qu'ils se sont acharnés à conquérir à coups de matraquage médiatique et de chantage - c'est le cas des planteurs baoulé de l'ouest à qui l'homme et son régime ont promis la rétrocession des plantations à eux arrachés, en contrepartie de leur vote en faveur de Gbagbo. Combien a couté cette élection du côté du camp présidentiel ? Nul le ne saura. Conseillers en Communication (des Français), maison de sondages truqués (animés par des Français) et, aujourd'hui, des avocats français pour défendre l'indéfendable cause d'un chef déchu qui refuse de partir, etc. Malgré tous ces moyens déployés, Gbagbo Laurent n'a pu obtenir que 38% des suffrages du peuple contre 62% réalisés par l'opposition !
L'apothéose aura été la région de Yamoussoukro où les populations baoulé, pour la mémoire d'Houphouët-Boigny, ont humilié le candidat président sortant par un score expressif. Ils l'ont fait non seulement par conviction, mais aussi, pour laver l'offense que cet homme, Gbagbo, n'a eu de cesse de faire au père fondateur de ce pays qu'il avait traité de tous les noms dans des campagnes aussi injurieuses que mensongères. Le message de ces populations baoulé (de Yamoussoukro, Dimbokro, Mbahiakro, Botro, Soubré, Bouaké, etc.) à l'endroit de ce chef d'Etat singulier qui n'a pas hésité à déclarer à ses compatriotes qu'il pouvait tout acheter avec sa fortune, était clair: " M. Gbagbo, vous pouvez tout acheter, sauf la volonté et la conscience des Baoulé ! " Dès lors, l'issue du deuxième tour de ce scrutin était très claire: face aux héritiers d'Houphouët réconciliés et unis pour la même cause (accéder à l'Exécutif) afin de restaurer et réhabiliter la Mémoire souillée (par Gbagbo) d'Houphouët, le candidat de Lmp ne pouvait que perdre. Et c'est ce qui a été fait. Face à une telle évidence, que vaut le choix arbitraire, partisan et peu républicain d'un président de Conseil constitutionnel ? Rien, absolument rien.
Il urge donc de dire à M. Gbagbo que la Côte d'Ivoire n'ira jamais en guerre pour sa personne.
Donnons, comme le fait le président Alassane Ouattara, notre confiance à l'armée nationale, à nos braves Officiers et soldats, pour la sauvegarde de la paix. La paix, ce mot qui n'est pas vain ; la paix, ce trésor précieux dont nous sommes à la recherche depuis une décennie et que M. Gbagbo veut confisquer pour des ambitions aussi personnelles que mesquines. Disons-lui haut et fort: " Non à la guerre qu'il veut nous imposer. Non à cet inacceptable et irresponsable chantage ". Et je veux parier qu'aucun vrai soldat républicain et patriote ivoirien ne s'en irait aller au massacre de populations civiles pour protéger la folie meurtrière d'un chef qui a achevé de nous prouver qu'il n'aimait que lui-même et le fauteuil présidentiel, et non ce peuple qui lui aura pourtant tout donné.
Hommes des armes de ce pays, refusez le chantage de la guerre civile que vous propose Gbagbo. Vous n'avez pas été formés sur les fonds du contribuable ivoirien pour tirer sur les enfants de ce pays. Il n'est pas encore tard pour vous ressaisir et vous comporter en soldats républicains en servant l'Etat, et non en vous comportant en supporters farouches d'un chef fini.
Oui, Gbagbo Laurent, c'est fini. Bel et bien fini.
Conclusion: des propositions de solutions
Il va d'abord sans dire qu'il n'est pas question, pour la majorité des Ivoiriens, de remettre en cause l'élection du candidat du Rhdp. Alassane Ouattara a bel et bien gagné, dans les urnes, l'élection présidentielle de 2010, au deuxième tour du scrutin. D'ailleurs le camp présidentiel (dont fait partie le président du Conseil constitutionnel) n'a jamais réfuté le score réalisé par le candidat du Rhdp.
M. Yao Ndré, on le sait, a porté son candidat, Gbagbo, au pouvoir en retirant carrément à Ouattara le bénéfice des voix acquises par ce dernier dans sept départements électoraux !!! Effarant ! C'est un choix trop arbitraire et trop dangereux (pour les raisons que j'ai déjà évoquées) pour que nous l'entérinions. Je le répète, accepter cela reviendrait à ouvrir la Côte d'Ivoire à des violences politiques incontrôlables qui, pis, gagneront en recrudescence jusqu'à la destruction de notre pays. Nous ne pouvons pas souhaiter cela à la Côte d'Ivoire. Alassane Ouattara est donc le président de la Côte d'Ivoire depuis le 03 décembre 2010. C'est sur cette base-là, non négociable, qu'il faut entreprendre toutes démarches en vue d'une résolution de la crise. Aller à l'encontre du verdict des urnes, c'est mépriser la volonté du peuple, et ce serait, du coup, rendre inutile tout effort d'organiser des élections en Afrique; car le cas de la Côte d'Ivoire fera forcément tache d'huile dans le bon sens (faire triompher la démocratie) ou le mauvais sens (promouvoir la dictature et céder à l'arbitraire folie de dirigeants peu sages).
La Communauté internationale n'a jamais cessé de nous apporter son soutien, depuis le déclenchement de cette crise jusqu'au point d'exacerbation où elle est arrivée. Mais elle ne peut, à elle seule, tout faire; elle ne peut trouver les solutions, moins encore la Solution ultime à notre place. Après tout, c'est de notre destin qu'il s'agit et non de celui de la Communauté internationale (dont nous faisons d'ailleurs partie) qui, elle, peut vivre sans la Côte d'Ivoire. La Sierra Leone s'est détruite pendant une décennie sans que cela n'entrave la marche des autres Etats du Monde; pendant que le Liberia se déchirait, la Côte d'Ivoire, pays frontalier, se construisait. La succession des coups d'Etats dans la Haute-Volta et le Burkina voisins (de 1963 à 1987) n'a pas empêché la Côte d'Ivoire de se construire, etc. Les tourments actuels que vit notre pays empêchent encore moins les autres, alentour, de se réaliser; bien au contraire, nos querelles favorisent leurs essors économiques et sociaux. Il n'y a qu'à voir les réalisations qui ont cours dans ces pays pour se convaincre de ce que je dis ici. Il est donc clair que la Côte d'Ivoire accuse chaque jour un retard considérable sur les autres pays, du fait de cette crise qui l'ankylose. On ne peut pas se prévaloir du titre de patriote, et maintenir le pays dans cette situation. Si la Côte d'Ivoire devient une gangrène pour les Etats alentour, eh bien, chers compatriotes, l'on se passera de nous. Est-ce cela qu'il faut nous souhaiter ? Nous devons donc sortir de cette crise qui n'a que trop duré.
Houphouétiste, je décline mon refus de la guerre. Non, je ne suis pas favorable à une action militaire pour faire plier Laurent Gbagbo. Les conséquences de cette option sont imprévisibles. La voie de la diplomatie qu'a empruntée le président de la République Alassane Ouattara me paraît sage et appropriée ; certes, elle met du temps à se concrétiser, mais elle demeure la meilleure et la plus conforme à l'éducation politique de type ''houphouétien'' qui fait la différence entre ses héritiers (rassemblés au sein du Rhdp) et leurs opposants regroupés et unis, quant à eux, au sein de Lmp, par le culte terrifiant de la violence verbale et physique. Ivoiriens, songeons à mettre en place et l'organiser, une structure de réflexion, composée des meilleurs des nôtres choisis parmi les citoyens dont les noms ne suscitent ni rejet ni méfiance de la part de leurs compatriotes, afin de trouver, par nous-mêmes et dans le délai le plus bref, une issue pacifique à cette crise.
Pour moi, ainsi que pour la majorité des Ivoiriens qui ont donné leur suffrage à Ouattara le candidat des ''houphouétistes'', la donne est simple: Alassane Ouattara est le président de la République de Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo, candidat malheureux, lui conteste cette victoire et accapare l'Exécutif en usant illégalement et illégitimement de la force dissuasive des armes pour intimider et terroriser la population. C'est donc une situation de rébellion et de belligérance comme il en a connu, lui, durant son règne (2002-2010). S'il est vrai que nous sommes réellement, tous, des produits de Félix Houphouët-Boigny, nous devons pouvoir trouver, par nous-mêmes, sans ingérence étrangère excessive, la voie de sortie de crise. (....)
(1). " Pour la Côte d'Ivoire ". Cette belle expression est le titre d'un essai d'Ernest Kakou Tigori.
Tiburce Koffi
Journaliste-écrivain
Préambule
Voilà plus d'un mois que dure ce que je pourrais nommer ici, ''la crise des résultats'', prolongement de la grande crise ivoirienne que, tous, citoyens ordinaires ou administrateurs de la cité agissant à divers postes de responsabilités, nous nous sommes attelés à régler depuis une huitaine d'années. L'élection que nous avions attendue et espérée de tous nos vœux pour nous sortir des difficultés semble, au vu des faits actuels, nous enfoncer davantage dans la crise. Et pourtant, tout semblait appeler à l'optimisme: la discipline des électeurs, le besoin de paix que ressentaient les Ivoiriens, la réussite du premier tour de cette présidentielle qui se sera passé sans heurt majeur, le second tour sans non plus aucun incident grave à même de ressusciter le spectre de la belligérance; et, par-dessus tout, ce débat télévisé, en direct, entre les deux candidats, Ouattara et Gbagbo; un débat somme toute, élégant, promoteur. Notre pays s'était remis à croire à la sortie de crise.
Malheureusement, nous devions, tous, déchanter, juste une dizaine de jours après cette confrontation de toutes les espérances. Tous, nous savons d'où vient le mal: le refus du candidat Laurent Gbagbo de se soumettre au verdict officiel des urnes tel que donné par la Commission électorale indépendante. C'est, à l'examen, une rébellion qui ne décline pas son nom, et qui préfère se cacher derrière un artifice juridique: la décision, arbitraire et surprenante ( ?) du Conseil constitutionnel qui a invalidé les résultats de sept départements électoraux favorables au candidat du Rhdp, Alassane Ouattara ! Des juristes ivoiriens, de qualité (je songe au Professeur Francis Wodié), et d'autres d'ailleurs, ont déjà eu à donner leurs points de vue savants et pertinents sur la question. Je n'entrerai pas dans ce débat de spécialistes auquel je n'apporterai certainement pas grand-chose, du fait que ce n'est pas là mon intention ni même dans mes compétences professionnelles de le faire.
A l'instar de nombreux intellectuels de mon pays, et comme j'ai toujours tâché de le faire, je me sens, aujourd'hui plus qu'hier, dans le devoir d'apporter à mes concitoyens ma contribution aux efforts des uns et des autres à instruire au mieux les Ivoiriens sur ce qu'ils vivent en ce moment.
Au moment approprié, je reviendrai, au besoin, sur d'autres aspects de cette impasse que j'espère, provisoire. Pour l'heure, et dans la présente communication, je me bornerai à relever trois points cruciaux relatifs à la situation que nous vivons : la symbolique de l'acte (l'exclusion) posé par le président du Conseil constitutionnel; le refus de la démocratie par les leaders africains; le chantage de la guerre civile que brandit Gbagbo contre le peuple de Côte d'Ivoire pour s'accrocher au pouvoir. Pour clore ma communication, je ferai des propositions de sortie de crise.
I/ Exclusion et tribalisme : exacerbation de la crise
N'hésitons pas à le dire: c'est indiscutablement M. Yao-Ndré, le président de notre Conseil constitutionnel, qui porte la responsabilité de l'exacerbation de la crise ivoirienne. Au mépris de la volonté de la majorité des Ivoiriens, au mépris aussi de nos lois, cet homme s'est permis de choisir, à la place des électeurs, le président de la République de Côte d'Ivoire ! Nous ne pouvons pas nous permettre de dire qu'il a fait cela par méconnaissance de la loi - les témoignages concordent à dire de lui qu'il est un brillant juriste. Il l'a fait par acte de servilité et de reconnaissance à celui qui l'a placé à ce poste, l'ex-président Laurent Gbagbo. Et c'est là que le comportement de Yao-Ndré nous inquiète.
L'acte qu'il a posé est indiscutablement grave dans tous les sens - juridique, éthique, sociologique, politique, etc. Cet acte doit nous interpeller - il nous interpelle même - sur la question fondamentale de la responsabilité individuelle dans nos agir: le subalterne est-il obligé de tout faire (même ce qui n'est pas faisable et ne doit pas être fait) pour contenter le supérieur hiérarchique ? Quelle que soit l'immensité des pouvoirs, écrits ou non-écrits que l'on veut bien accorder au Conseil constitutionnel en tant qu'Institution juridique, procéder comme l'a fait M. Yao-Ndré (en invalidant les résultats décisifs que le candidat Ouattara a eus dans ses fiefs) était-il la démarche appropriée pour nous sortir de crise ? J'insiste sur cette question car c'est ce que nous attendions, tous, de cette élection, après celle de 2000 dont le caractère antidémocratique et litigieux nous a valu ce que nous connaissons: la négation de la légitimité du pouvoir de M. Gbagbo par son opposition. Aujourd'hui, comme hier, Laurent Gbagbo capture l'Exécutif par un coup de force. Il m'est difficile de percevoir la sagesse et le bons sens qui sous-tendent un tel comportement.
Que M. Laurent Gbagbo, hier président de la République, ait nommé Yao-Ndré, son ami, à la tête d'une institution aussi prestigieuse que le Conseil constitutionnel, et qu'il ait attendu de lui qu'il l'aide à gagner l'élection et à conserver le pouvoir, cela peut se concevoir. Mais vu le contexte politique que vit notre pays, vu les implications que pourrait avoir sur la vie du pays l'acte que le bienfaiteur attendait de lui qu'il pose, vu l'enjeu décisif de cette consultation électorale d'ampleur nationale et d'amplitude internationale (par la forte implication de la Communauté internationale), M. Yao-Ndré, adulte, responsable devant la loi et la morale, était-il obligé d'agir ainsi ? Une parole sage, chez les Baoulé, dit ceci: " Bé djran ndê si'n, bé djran man sran si'n ". Traduction : épouse une cause, ne suis pas un homme. A l'évidence, Yao-Ndré a choisi de suivre un homme, négligeant ainsi l'intérêt national du moment: aider le pays à sortir de la crise par la voie des urnes, à l'issue d'une élection libre, démocratique, transparente et ouverte à tous. Sur ces quatre points, cette élection aura tout de même tenu ses promesses malgré nos peurs et nonobstant quelques incidents qui, de l'avis de tous, ne pouvaient entacher la crédibilité de ce scrutin pour lequel la Communauté internationale s'est mobilisée par le biais du certificateur des Nations unies dont, tous, avons accepté le rôle décisif qu'il avait à jouer dans la certification et la proclamation des résultats ; toute chose que lui contestent aujourd'hui Gbagbo et ses partisans.
Entre la fidélité, temporelle, à un ami, et la reconnaissance éternelle que la nation ivoirienne lui aurait manifestée pour le faire passer, de manière positive, dans la postérité (s'il avait été à la hauteur des attentes de ce peuple), M. Yao-Ndré a choisi la première voie. Le peuple ou l'ami ?
Yao-Ndré choisit l'ami. Nous vivons les conséquences de cette option: outre l'immobilisme qui frappe aujourd'hui l'Exécutif ivoirien et toutes nos institutions, la recrudescence de la violence alentour; cette violence et son cortège de morts. Il importe donc d'imputer la responsabilité, toute la responsabilité de ces tueries à Yao-Ndré et non particulièrement au président sortant et sorti par la voie des urnes. Chaque Ivoirien, chaque habitant de ce pays tué dans le contexte de cette crise doit être considéré comme une victime de Yao-Ndré. Cela doit être compris ainsi afin que chaque acteur de cette crise assume sa part de responsabilités dans la tragédie qui nous frappe; cela doit être ainsi afin qu'aussi, chaque citoyen de ce pays apprenne à être responsable des actes qu'il pose: la conscience morale existe pour tous, et le chef, à lui seul, ne peut assumer toutes les responsabilités. Dans le cas d'espèce, rejeter toutes les fautes sur M. Gbagbo ne me semble pas tout à fait convenable, car ce serait ''dé-responsabiliser'' Yao-Ndré, le vrai coupable. Ce que je retiens de l'acte qu'il a posé, et qui heurte mon entendement de citoyen et d'électeur, c'est que nous sommes, là, en présence d'un homme qui s'est donné le droit de choisir le président de la République à la place de l'électeur que je suis. Cela revient à nous dire ceci: tant que M. Gbagbo sera vivant et qu'il sera candidat (et tant qu'il sera vivant, il le sera car je ne vois pas Gbagbo renoncer un jour au pouvoir), il pourra être rassuré de gagner toujours l'élection, puisqu'après la proclamation des résultats par la Commission électorale indépendante, le président du Conseil constitutionnel (et ce sera toujours Yao Ndré) invalidera les voix de l'adversaire et ''décrétera''
Gbagbo élu ! Magique !
Oui, magie, sorcellerie et prestidigitation ! Il y a, assurément, un peu de tout cela dans cet acte d'une audace insensée et imprudente - quand l'on sait la précarité de la paix relative que connaissait le pays et ce, pour les raisons que nous savons: l'élection douteuse et calamiteuse de Laurent Gbagbo en 2000. Le porter au pouvoir en 2010 par (encore) un coup de force juridique alors qu'il a été battu démocratiquement, dans les urnes, relève donc d'un de ces actes inouïs et absurdes que seuls peuvent poser des sorciers. Oui, il fallait être un magicien ou un initié aux choses cabalistiques pour procéder comme l'a fait Yao-Ndré. Comme cela me paraît facile, trop facile ! Non, le président du Conseil constitutionnel et, à travers lui, toute la noble institution qu'il représente, n'ont pas pour rôle de choisir le président de la République à la place des électeurs.
L'invalidation, surdimensionnée, des voix des régions favorables au candidat du Rhdp est un acte dangereux d'exclusion, un acte de négation de la citoyenneté de milliers d'Ivoiriens.
Ce danger est d'autant plus fort et menaçant que cette exclusion frappe deux communautés ethniques de forte densité démographique: celles du Centre et du Nord à dominante baoulé et ''dioulas'' (comme on appelle communément ces derniers). Ces zones, on le sait, sont des bastions du Rhdp. Toutes les élections (Conseils généraux, municipales, législatives) antérieures à la rébellion de septembre 2002 indiquent que ce sont des zones électorales défavorables à M. Gbagbo. On comprend dès lors pourquoi Yao-Ndré n'a pas jugé bon de dire le droit ivoirien qui, en l'occurrence ici, indiquait la reprise du scrutin dans les zones qualifiées (sans preuves véritables) de litigieuses: on pourrait, en effet, y reprendre mille et une fois le scrutin, sous la surveillance du Monde entier, que le candidat du Rhdp l'emportait à chaque fois ! Voilà la vérité des faits. Laurent Gbagbo n'avait et n'a aucune chance de le remporter dans ces zones presque entièrement acquises à la cause des ''houphouétistes''. Les résultats du premier tour furent sans équivoque sur cette question: Gbagbo a été royalement battu dans toutes ces zones et, sensiblement, sur le même score qu'au second tour.
Accepter la décision injuste de Yao-Ndré reviendrait donc à accepter l'exclusion des populations du Centre et du Nord de la vie politique du pays; c'est du tribalisme. Accepter cela, c'est répondre ''oui'' au déni de citoyenneté à ces populations ; c'est leur refuser le statut d'Ivoirien. C'est grave !
L'acte qu'a posé Yao-Ndré n'est donc pas qu'injuste, il est inquiétant quand l'on sait le poids démographique, sociologique, économique et politique de ces communautés. L'on ne compte plus les maltraitances que ces dernières subissent dans de nombreuses régions de l'ouest qui constituent les bastions de Laurent Gbagbo: expropriations des terres, violences physiques aboutissant souvent à des morts d'hommes, etc. La récente élection y a même enregistré des actes de tueries perpétrés par des militants du camp présidentiel, au contraire des régions du Centre et du Nord où il n'y a eu aucun mort. Si, à ces situations déjà déplorables, l'on doit ajouter l'exclusion de ces communautés du Centre et du Nord de la vie politique nationale, l'on ouvre assurément la voie à des situations conflictuelles dont aucun d'entre nous ne peut prévoir l'ampleur. C'est pourquoi, il me paraît dangereux et impossible d'accepter la décision arbitraire et excessivement partisane de Yao-Ndré.
Gbagbo ne peut pas diriger la Côte d'Ivoire sur la base de l'exclusion des communautés du Centre et du Nord qu'en réalité, il n'a jamais cessé de considérer comme rebelles à son pouvoir. Or ces deux communautés réunies constituent au moins la moitié de la population ivoirienne. Tout candidat qui n'a pas leur soutien ne peut prétendre gagner une présidentielle, à plus forte raison, diriger le pays en les déconsidérant. Chers compatriotes, posons-nous simplement la question suivante: à quoi sert-il donc d'investir des centaines de milliards (que nous aurions pu consacrer à la réalisation d'œuvres sociales pour le bien-être de nos populations) dans l'organisation d'élections si, en fin de compte, c'est un président de Conseil constitutionnel qui doit, contre notre volonté, choisir le président de la République à notre place ?
II/ Les Africains et la démocratie: une fausse cohabitation
Au cours des 30 premières années de leurs indépendances, les pays africains, dans l'ensemble, ont opté pour le parti unique. Ce choix, quoique sévèrement critiqué par les intellectuels et autres idéologues du continent, nous paraît aujourd'hui, au regard de toutes ces déconvenues que connait le continent, justifié. Oui, il nous fallait mobiliser les énergies, toutes les énergies productives du pays, pour la réalisation d'un grand rêve collectif: la construction d'Etats forts et, surtout, de nations viables, en faisant de la poussière d'ethnies qui constituait nos pays, un seul et même peuple visité et agi par un idéal de grande envergure. C'est à cette vision notre pays, sous l'éclairage de Félix Houphouët-Boigny, doit ses performances économiques et son sens du ''vivre ensemble'' qui firent sa légende. Oui, le parti unique, malgré ses tares, nous aura mis à l'abri des déchirements de grande ampleur que connait aujourd'hui le continent dans son ensemble. Les années 1990 nous ont appelés à un autre rendez-vous historique, au moment où les partis uniques semblaient s'essouffler par manque d'idées nouvelles pour les redynamiser: le multipartisme et ses promesses de démocratie. Le président Félix Houphouët-Boigny, en visionnaire, nous aura en vain prévenus: nos peuples, selon lui, n'étaient pas encore mûrs pour le multipartisme. Le sont-ils même aujourd'hui, 20 ans après ? On peut en douter…
Interviewé en juin 2008 par France 24, à Paris, Charles Konan Banny n'avait pas hésité à interpeller, à cette occasion, l'intelligentsia africaine et les classes politiques du continent sur notre incapacité ou notre refus apparent d'intégrer le multipartisme et la démocratie à nos comportements quotidiens. Aujourd'hui, je réalise qu'il avait de bonnes raisons de le faire: en effet, au cours de cette année-là (2008), Kibaki, au Kenya, venait de refuser le verdict des urnes en confisquant le pouvoir d'Etat, au mépris de la volonté du peuple; au Zimbabwe, Robert Mugabe en avait fait de même; au Niger, Tandja s'attelait à contourner les dispositions constitutionnelles pour conserver le pouvoir d'Etat, malgré les menaces de l'opposition et les appels à la raison de la Cédéao. On sait comment se sont terminées ces expériences dont la moins tragique a été celle du Niger ; et ce, grâce à un salutaire coup de force mené par des Officiers patriotes et avisés, qui a fait éviter au pays une révolte populaire qui aurait, inévitablement, débouché sur un bain de sang causé par l'Armée et les miliciens du régime - comme on en voit presque partout en Afrique, et comme le régime de Gbagbo nous donne la triste occasion d'en vivre, régulièrement. On peut donc, de manière avisée, se demander si les Africains veulent vraiment la démocratie. Question subséquente: s'ils la veulent, en ont-ils compris les enjeux et exigences ? Et s'ils les ont compris, sont-ils prêts à les appliquer ?
Mon avis sur ces questions est que les Africains ne veulent pas de la démocratie ou, du moins, ils ne veulent pas de la démocratie telle que conçue par l'Occident; c'est-à-dire, un système politique qui fonctionne sur le principe (admis par tous) de la soumission de la minorité à la décision de la majorité. Il découle de cette observation que les chefs d'Etat africains embouchent la trompette de la démocratie pour ''faire bien'' et paraître modernes aux yeux des Occidentaux, sans être véritablement acquis aux vertus de ce système qu'en réalité ils réprouvent du fond d'eux-mêmes.
Monarchistes ou royalistes, nous le sommes restés, du plus lointain de notre vision de la gestion de la cité, jusqu'à ces époques modernes. Le village n'a jamais cédé la place à la Cité, dans notre psyché. Dans leurs conceptions du pouvoir, Idi Amine, Mugabe, Kibaki, Mobutu, Hailé Sélassié, Bokassa, Moussa Traoré, Tandja, Dadis Camara et Gbagbo ne diffèrent guère du roi du Monomotapa ou de Chaka zulu ou d'un pharaon de l'Egypte ancienne, ou bien même d'un insolite chef d'un village africain de… 100 habitants: ce sont des êtres infaillibles, forts, très forts, inamovibles et cruels au besoin, n'hésitant pas à sacrifier des vies humaines pour leur propre avènement. Ce ne sont pas des chefs d'Etats, ni des citoyens, mais des demi-dieux, des êtres redoutables, prompts à transgresser la loi juridique et éthique, en s'adossant à la force militaire d'essence brutale et répressive, ou en abusant de la naïveté des masses populaires qu'ils manipulent à souhait. Telle est la vision politique qui alimente le cerveau de ces chefs africains et qui guide le comportement politique de l'ex-chef d'Etat ivoirien, Laurent Gbagbo. Comme eux, Gbagbo est tout, sauf un démocrate; et c'est pourquoi, comme les autres chefs (d'Etat) africains, Gbagbo, aime tant le régime de type présidentialiste: il donne plein pouvoir, tous les pouvoirs, au chef ! Le résultat donne des dictateurs, des tyrans au pire des cas, des dirigeants assoiffés de pouvoir, des antidémocrates, des chefs qui méprisent leurs peuples et les briment avec, très souvent, le silence des autres Etats africains alentour, ou/et avec la complicité de quelques politiciens véreux d'Occident grassement payés sur les fonds publics générés par le contribuable africain...
Charles Konan Banny avait noté un fait, loin d'être anodin, au cours de cette interview: c'est surtout au sein de la deuxième génération de chefs d'Etats africains que nous enregistrons ce type de comportements antidémocratiques - le refus de respecter la loi, de se soumettre au verdict des urnes, en usant, pour se maintenir au pouvoir (contre la volonté du peuple), de l'Institution militaire que l'on a pris soin d'instrumentaliser en lui ôtant tout caractère républicain. Et Laurent Gbagbo appartient à cette catégorie de chefs d'Etat africains. Les études universitaires qu'il a faites en… France (cette France qui l'a formé et qui a abrité son exil) nous avaient amenés à croire qu'il avait été acquis aux vertus de la démocratie. A l'expérience du pouvoir, l'homme s'est avéré antidémocrate, dictateur à la limite de la tyrannie. En dix années d'exercice de l'Exécutif, il s'est signalé outre son incapacité à conduire les affaires de l'Etat, par une culture intolérable de la violence et du mépris de la vie humaine; par une altération sinon une déstructuration de l'embryon de nation que nous étions en train de constituer au bout de quatre décennies d'efforts de construction nationale.
C'est le lieu pour moi d'interpeller tous ces gens en armes (sont-ils réellement des éléments des Forces de défense et de Sécurité nationale ?) qui massacrent nos populations pour la survie du régime de M. Gbagbo, sous le prétexte de la défense de la République. Le Monde d'aujourd'hui est une maison de verre où tout se sait (par la presse), se voit (par les satellites et les caméras dissimulés), se constate (par la présence de nombreux espions et observateurs dans les Etats).
Chaque crime que vous commettez est enregistré, comptabilisé et mis sur le compte des violations des droits de l'homme, à la Cour pénale internationale. Aucun crime, je dis bien, aucun, ne restera impuni. Vous serez tous jugés demain, exécuteurs aussi bien que commanditaires, pour tous ces assassinats. Je vous demande donc de mettre fin, pendant qu'il est encore temps de le faire, à cette effroyable tradition du crime que vous avez instaurée et qui ruine le pays. Chaque famille endeuillée est une poudrière de haine et de vengeance qu'il sera difficile d'éteindre, demain.
III/ La menace de guerre civile
Aux appels des uns et des autres lui demandant d'avoir la sagesse de se retirer, l'ex-chef d'Etat de Côte d'Ivoire répond froidement: " Si je pars, ce sera la guerre civile ". Autrement dit: si je ne suis pas président, je détruis tout. Tel est le vrai fond de cette réflexion effroyable, mais qui ne me surprend guère, connaissant l'attachement presque mystique et pathologique de Laurent Gbagbo au pouvoir. L'homme brandit donc le spectre de la guerre pour accaparer le pouvoir. C'est un horrible chantage que nous ne pouvons pas accepter, et que je ne peux personnellement pas accepter. Il sied donc que je lui oppose ma réponse: non, Gbagbo Laurent, la guerre que tu nous proposes comme seule réponse à ton départ de l'Exécutif ivoirien est inacceptable et inadmissible.
On ne peut pas avoir été chef d'Etat et laisser une alternative aussi pauvre et misérable à son peuple.
Peu de temps avant l'élection, M. Laurent Gbagbo, en pleine campagne électorale dans l'ouest du pays, n'a pas hésité à lancer à l'endroit des Officiers de notre armée nationale : " Si je tombe, vous tombez. " Variante de ce discours d'antidémocrate avéré : vous devez tout faire pour que je reste au pouvoir. Le résultat de ce chantage est là: nos braves Officiers embarrassés et pris dans l'étau d'un verrouillage en règle de l'armée; un pays figé, un pays au destin contrarié par la soif de pouvoir d'un homme, d'un seul homme et d'un homme désormais seul, face au refus d'un peuple las de ses turpitudes et violences. Oui, le peuple de Côte d'Ivoire a dit ''non'' à Gbagbo, et cela, dès le premier tour de cette élection où le score réalisé par le Rhdp (près de 62% contre 38% pour le président sortant) signifiait clairement qu'il avait perdu le pouvoir. Sous nos tropiques, il n'est pas coutume de voir une opposition réunir tant de suffrages et réaliser un tel score contre le président sortant.
Pendant dix années de règne, M. Gbagbo et son régime ont monopolisé et bâillonné les médias d'Etat (journal, radio, télévision). M. Gbagbo et son régime ont abondamment puisé dans les fonds publics pour acheter des consciences en déversant des milliards de francs dans des régions qu'ils se sont acharnés à conquérir à coups de matraquage médiatique et de chantage - c'est le cas des planteurs baoulé de l'ouest à qui l'homme et son régime ont promis la rétrocession des plantations à eux arrachés, en contrepartie de leur vote en faveur de Gbagbo. Combien a couté cette élection du côté du camp présidentiel ? Nul le ne saura. Conseillers en Communication (des Français), maison de sondages truqués (animés par des Français) et, aujourd'hui, des avocats français pour défendre l'indéfendable cause d'un chef déchu qui refuse de partir, etc. Malgré tous ces moyens déployés, Gbagbo Laurent n'a pu obtenir que 38% des suffrages du peuple contre 62% réalisés par l'opposition !
L'apothéose aura été la région de Yamoussoukro où les populations baoulé, pour la mémoire d'Houphouët-Boigny, ont humilié le candidat président sortant par un score expressif. Ils l'ont fait non seulement par conviction, mais aussi, pour laver l'offense que cet homme, Gbagbo, n'a eu de cesse de faire au père fondateur de ce pays qu'il avait traité de tous les noms dans des campagnes aussi injurieuses que mensongères. Le message de ces populations baoulé (de Yamoussoukro, Dimbokro, Mbahiakro, Botro, Soubré, Bouaké, etc.) à l'endroit de ce chef d'Etat singulier qui n'a pas hésité à déclarer à ses compatriotes qu'il pouvait tout acheter avec sa fortune, était clair: " M. Gbagbo, vous pouvez tout acheter, sauf la volonté et la conscience des Baoulé ! " Dès lors, l'issue du deuxième tour de ce scrutin était très claire: face aux héritiers d'Houphouët réconciliés et unis pour la même cause (accéder à l'Exécutif) afin de restaurer et réhabiliter la Mémoire souillée (par Gbagbo) d'Houphouët, le candidat de Lmp ne pouvait que perdre. Et c'est ce qui a été fait. Face à une telle évidence, que vaut le choix arbitraire, partisan et peu républicain d'un président de Conseil constitutionnel ? Rien, absolument rien.
Il urge donc de dire à M. Gbagbo que la Côte d'Ivoire n'ira jamais en guerre pour sa personne.
Donnons, comme le fait le président Alassane Ouattara, notre confiance à l'armée nationale, à nos braves Officiers et soldats, pour la sauvegarde de la paix. La paix, ce mot qui n'est pas vain ; la paix, ce trésor précieux dont nous sommes à la recherche depuis une décennie et que M. Gbagbo veut confisquer pour des ambitions aussi personnelles que mesquines. Disons-lui haut et fort: " Non à la guerre qu'il veut nous imposer. Non à cet inacceptable et irresponsable chantage ". Et je veux parier qu'aucun vrai soldat républicain et patriote ivoirien ne s'en irait aller au massacre de populations civiles pour protéger la folie meurtrière d'un chef qui a achevé de nous prouver qu'il n'aimait que lui-même et le fauteuil présidentiel, et non ce peuple qui lui aura pourtant tout donné.
Hommes des armes de ce pays, refusez le chantage de la guerre civile que vous propose Gbagbo. Vous n'avez pas été formés sur les fonds du contribuable ivoirien pour tirer sur les enfants de ce pays. Il n'est pas encore tard pour vous ressaisir et vous comporter en soldats républicains en servant l'Etat, et non en vous comportant en supporters farouches d'un chef fini.
Oui, Gbagbo Laurent, c'est fini. Bel et bien fini.
Conclusion: des propositions de solutions
Il va d'abord sans dire qu'il n'est pas question, pour la majorité des Ivoiriens, de remettre en cause l'élection du candidat du Rhdp. Alassane Ouattara a bel et bien gagné, dans les urnes, l'élection présidentielle de 2010, au deuxième tour du scrutin. D'ailleurs le camp présidentiel (dont fait partie le président du Conseil constitutionnel) n'a jamais réfuté le score réalisé par le candidat du Rhdp.
M. Yao Ndré, on le sait, a porté son candidat, Gbagbo, au pouvoir en retirant carrément à Ouattara le bénéfice des voix acquises par ce dernier dans sept départements électoraux !!! Effarant ! C'est un choix trop arbitraire et trop dangereux (pour les raisons que j'ai déjà évoquées) pour que nous l'entérinions. Je le répète, accepter cela reviendrait à ouvrir la Côte d'Ivoire à des violences politiques incontrôlables qui, pis, gagneront en recrudescence jusqu'à la destruction de notre pays. Nous ne pouvons pas souhaiter cela à la Côte d'Ivoire. Alassane Ouattara est donc le président de la Côte d'Ivoire depuis le 03 décembre 2010. C'est sur cette base-là, non négociable, qu'il faut entreprendre toutes démarches en vue d'une résolution de la crise. Aller à l'encontre du verdict des urnes, c'est mépriser la volonté du peuple, et ce serait, du coup, rendre inutile tout effort d'organiser des élections en Afrique; car le cas de la Côte d'Ivoire fera forcément tache d'huile dans le bon sens (faire triompher la démocratie) ou le mauvais sens (promouvoir la dictature et céder à l'arbitraire folie de dirigeants peu sages).
La Communauté internationale n'a jamais cessé de nous apporter son soutien, depuis le déclenchement de cette crise jusqu'au point d'exacerbation où elle est arrivée. Mais elle ne peut, à elle seule, tout faire; elle ne peut trouver les solutions, moins encore la Solution ultime à notre place. Après tout, c'est de notre destin qu'il s'agit et non de celui de la Communauté internationale (dont nous faisons d'ailleurs partie) qui, elle, peut vivre sans la Côte d'Ivoire. La Sierra Leone s'est détruite pendant une décennie sans que cela n'entrave la marche des autres Etats du Monde; pendant que le Liberia se déchirait, la Côte d'Ivoire, pays frontalier, se construisait. La succession des coups d'Etats dans la Haute-Volta et le Burkina voisins (de 1963 à 1987) n'a pas empêché la Côte d'Ivoire de se construire, etc. Les tourments actuels que vit notre pays empêchent encore moins les autres, alentour, de se réaliser; bien au contraire, nos querelles favorisent leurs essors économiques et sociaux. Il n'y a qu'à voir les réalisations qui ont cours dans ces pays pour se convaincre de ce que je dis ici. Il est donc clair que la Côte d'Ivoire accuse chaque jour un retard considérable sur les autres pays, du fait de cette crise qui l'ankylose. On ne peut pas se prévaloir du titre de patriote, et maintenir le pays dans cette situation. Si la Côte d'Ivoire devient une gangrène pour les Etats alentour, eh bien, chers compatriotes, l'on se passera de nous. Est-ce cela qu'il faut nous souhaiter ? Nous devons donc sortir de cette crise qui n'a que trop duré.
Houphouétiste, je décline mon refus de la guerre. Non, je ne suis pas favorable à une action militaire pour faire plier Laurent Gbagbo. Les conséquences de cette option sont imprévisibles. La voie de la diplomatie qu'a empruntée le président de la République Alassane Ouattara me paraît sage et appropriée ; certes, elle met du temps à se concrétiser, mais elle demeure la meilleure et la plus conforme à l'éducation politique de type ''houphouétien'' qui fait la différence entre ses héritiers (rassemblés au sein du Rhdp) et leurs opposants regroupés et unis, quant à eux, au sein de Lmp, par le culte terrifiant de la violence verbale et physique. Ivoiriens, songeons à mettre en place et l'organiser, une structure de réflexion, composée des meilleurs des nôtres choisis parmi les citoyens dont les noms ne suscitent ni rejet ni méfiance de la part de leurs compatriotes, afin de trouver, par nous-mêmes et dans le délai le plus bref, une issue pacifique à cette crise.
Pour moi, ainsi que pour la majorité des Ivoiriens qui ont donné leur suffrage à Ouattara le candidat des ''houphouétistes'', la donne est simple: Alassane Ouattara est le président de la République de Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo, candidat malheureux, lui conteste cette victoire et accapare l'Exécutif en usant illégalement et illégitimement de la force dissuasive des armes pour intimider et terroriser la population. C'est donc une situation de rébellion et de belligérance comme il en a connu, lui, durant son règne (2002-2010). S'il est vrai que nous sommes réellement, tous, des produits de Félix Houphouët-Boigny, nous devons pouvoir trouver, par nous-mêmes, sans ingérence étrangère excessive, la voie de sortie de crise. (....)
(1). " Pour la Côte d'Ivoire ". Cette belle expression est le titre d'un essai d'Ernest Kakou Tigori.
Tiburce Koffi
Journaliste-écrivain