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Politique Publié le samedi 15 janvier 2011 | L’Inter

Crise ivoirienne : Les vérités du prête GOA IBO Jean-Maurice

Le prête GOA IBO Jean-Maurice, professeur de Théologie Spirituelle à l'Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO), a dit sa part de vérité dans la crise post-électorale qui sécoue la Côte d'Ivoire. Il l'a fait au cours d'une conférence prononcée le mercredi 12 janvier 2011, au Sanctuaire Eucharistique St Paul de l'adoration du Plateau, sur le thème général : « L'Eglise face au défi de la construction de la paix dans le monde sur le socle de la justice », et le sous-thème : « l'Eglise et la question de la paix dans le monde et plus particulièrement en Afrique et singulièrement en Côte d'Ivoire »

Introduction

Chers frères et chers amis dans le Christ, que la grâce et la paix du Seigneur soient avec VOUS!. Nous vous remercions de la confiance placée en notre modeste personne pour animer cette causerie sur le thème suivant: « L'Eglise et la question de la paix dans le monde et plus particulièrement en Afrique et Singulièrement en Côte d'Ivoire». Connaissant l'importance d'une telle causerie, nous souhaiterions plutôt qu'elle soit transformée en débat ouvert et constructif. Ainsi donc, dans notre intervention, nous essayerons de poser seulement quelques jalons pour notre réflexion commune.

La promotion humaine de l'homme, son épanouissement intégral, le respect de sa dignité et ses droits, l'établissement de la justice et de la paix sont partie intégrante de la mission de l'Eglise.

L'Eglise en Afrique «ne peut se sentir dispensée d'un engagement actif dans les efforts de promotion humaine, de justice et de paix ».

Nombreuses ont été les actions entreprises en faveur de la promotion humaine dès le début de l'évangélisation de nos pays: écoles, dispensaires et hôpitaux, Caritas et instituts sociaux, actions pour le développement, etc. Nombreuses aussi sont les évêques et les conférences épiscopales qui ont courageusement pris position dans leurs lettres pastorales pour rappeler la doctrine sociale de l'Eglise aux gouvernants et à leurs peuples. Cependant, quand on jette un coup d'œil sur la situation actuelle de l'Afrique ou celle de la Côte d'Ivoire, on peut se demander si les déclarations épiscopales et les multiples activités sociales de l'Eglise ont donné le résultat escompté: celui du développement dans la paix et la paix dans la justice.

Voici les différents points de notre intervention: 1-, Bref rappel sur la situation politique de nos pays (africains), 2-, Que peut faire l'Eglise pour la paix et la justice en Afrique?, 3-, Les vraies armes de la paix pour le monde, l'Afrique et la Côte d'Ivoire, 4-. Les moyens à mettre en œuvre pour la paix et la justice

1 - Bref rappel sur la situation politique de nos pays (africains)

L'homme africain que les premiers missionnaires ont évangélisé, était un homme habitué à vivre en groupe, en dépendance étroite de ce groupe et de son chef. Cette dépendance se manifestait dans tous les domaines: on se devait de penser en harmonie avec le chef, d'agir comme lui et d'obéir à ses ordres. Lorsqu'une personnalité émergeait du groupe et s'affrontait à celle du chef, il n'y avait pour cet opposant qu'une seule solution: quitter le groupe avec quelques partisans et aller fonder un autre village. Dans le domaine que nous appelons la vie politique, on ne se sentait pas personnellement concerné ou responsable: il fallait penser comme tout le monde et être de l'avis du chef. Nous avons hérité de ces habitudes et avons bien du mal à nous en libérer. Le parti unique est venu aggraver les choses. Pendant les premières années des indépendances, la « dictature» du parti unique a imposé le silence à tous.

Cependant, depuis quelques décennies, en plusieurs domaines, des tendances se sont heureusement manifestées qui développent le sens de la responsabilisé personnelle: les acquis de la démocratie, la création d'associations, comme la Ligue des Droits de l'Homme et l'Action Chrétienne pour l'Abolition de la Torture(ACAT), etc. Ce sont des lueurs qui éclaircissent le tableau généralement sombre que peignent les politologues lorsqu'ils analysent la situation de nos pays africains. Nous sommes, cependant, à bon droit préoccupés, et nous pouvons nous poser la question: Que peut faire l'Eglise pour nos pays et surtout pour la paix?

2 - Que peut faire l'Eglise pour la paix et la justice en Afrique ?

L'Eglise peut avoir une influence considérable, non seulement par son enseignement dans les écoles et dans les exhortations ou évangélisations, mais aussi par ses œuvres diverses et les contacts personnels qu'ont les milliers de prêtres, religieuses, catéchistes et autres agents pastoraux. Parmi les objectifs nous en proposons trois, qui nous semblent essentiels à l'établissement de la justice et la paix.

D'abord, Eveiller le sens de la responsabilité personnelle. Le chrétien africain doit se sentir fort de la force même du Christ ressuscité; il doit se sentir responsable de sa propre vie (matérielle et spirituelle) comme celle de ses frères quelles que soient les difficultés.

Ensuite, Rappeler le sens de la responsabilité professionnelle. En général dans nos pays, on n'a plus le sens du devoir, plus de conscience professionnelle. Or l'honnêteté et la conscience professionnelle sont à la base de tout vrai développement. Hélas! elles nous font actuellement grand défaut. Il me semble qu'il revient aux chrétiens de commencer à créer un contre courant, à proclamer ouvertement que ce n'est pas parce que tout le monde agit de cette façon qu'il faut faire de même; que l'essentiel de la vie n'est pas d'accumuler de l'argent mais de poursuivre d'autres valeurs morales, spirituelles qui seront à la base du redressement moral de nos pays et de leur développement.

Enfin, Donner à tous le sens du bien commun. Dans nos pays africains, chacun pense « famille »ou « ethnie» avant de se préoccuper du bien de la nation. On tient à ce qu'un membre de son ethnie soit au pouvoir, même s'il n'a pas les qualités requises; surtout, on s'oppose violemment à l'élection d'un autre. Il en résulte des divisions et des luttes armées dont notre continent souffre si cruellement.

Sens de sa propre responsabilité, conscience professionnelle, recherche du bien commun et conscience nationale semblent des objectifs prioritaires pour l'établissement de la justice et de la paix en Afrique actuellement.

3 - Les vraies armes de la paix pour le monde, l'Afrique et la Côte d'Ivoire

Il nous parait utile de faire ici référence à quelques grands documents de l'Eglise sur la paix. Par exemple, «Pacem in terris », de «Gaudium et Spes» de Vatican II, les numéros 77 -78, 79-83. Il y a aussi« Ecclesia in Africa », n0105-114

Le service que l'Eglise et les consacrés peuvent rendre à la cause de la paix et contre les violences dans le monde consiste justement dans la pédagogie du pardon, car l'homme qui pardonne ou qui demande pardon comprend qu'il y a une Vérité plus grande que lui, et qu'en l'accueillant il peut se dépasser lui- même. Il faut donc aujourd'hui lancer un vibrant appel aux autorités religieuses. La délicate situation internationale et celle de la Côte d'Ivoire invite à souligner une fois encore avec force combien il est urgent d'apporter une solution à tous les conflits dans le monde, en particulier au conflit ivoirien, qui dure depuis des années, avec des alternances de phases plus ou moins aiguës. Le recours continuel à des actes de violence ou de guerre, qui aggravent la situation pour tous et qui assombrissent les perspectives, doit enfin céder le pas à une négociation qui résolve les problèmes. Les droits et les exigences de chacun ne pourront être dûment pris en compte et pondérées de manière équitable que dans la mesure où prévaudra chez tous la volonté de paix, de justice et de réconciliation, c'est-à-dire s'engager dans une nouvelle ère de respect mutuel et d'accord constructif. Il faut aujourd'hui, partout où sévit la guerre, la violence rechercher les vraies armes de la paix.

A notre avis, la paix est possible, elle est impérative, elle est nécessaire. Une conviction ferme et décisive est en train de pénétrer dans la conscience des peuples. On ne peut construire quelque chose d'efficace et de durable pour le bien de l'homme que dans la concorde mutuelle, le respect des droits réciproques, le patient effort pour établir des dialogues constructifs et des négociations justes et loyales. Voilà les vraies armes de la paix qui, bien que difficilement et lentement, font leur chemin et progressent dans les cœurs des hommes éclairés par la lumière de Dieu.

Nous pensons que rien ne doit être négligé pour tenter de résoudre les différends, surmonter les difficultés, promouvoir le progrès humain et social, particulièrement là où les besoins sont plus grands, les difficultés plus pressantes.

Par ailleurs nous voulons aussi lancer un appel pressant à tous et à chacun pour dire que tous nous sommes responsables de la paix, tous nous sommes appelés à collaborer à la paix en apportant dans notre milieu, dans notre profession, dans nos rapports quotidiens, notre contribution personnelle à l'édification d'une société fondée sur l'amour. Tous nous sommes appelés à combattre avec les armes puissantes de l'amour et de la fraternité pour établir, protéger, étendre la paix autour de nous. Que chacun commence par soi-même, et le nombre s'accroîtra d'une façon incommensurable. Cette tâche pour la recherche et la réalisation de la paix incombe à tous.

Cependant, sachons qu'il n'y a pas de paix sans justice, il n'y a pas de justice sans pardon. Tel est le message que nous voudrions adresser aux croyants et aux non-croyants, aux hommes et aux femmes de bonne volonté, qui ont à cœur le bien de la famille humaine et son avenir. Tel est le message que nous voudrions adresser à ceux qui ont entre leurs mains le sort des communautés humaines, afin qu'ils se laissent toujours guider, dans les choix graves et difficiles qu'ils doivent faire, par la lumière du bien véritable de l'homme, dans la perspective du bien commun. Tel est le message d'avertissement que nous voudrions adresser à ceux qui, pour un motif ou un autre, nourrissent en eux la haine, des désirs de vengeance, des instincts destructeurs.

4 - Les moyens à mettre en œuvre pour la paix et la justice

Ces moyens sont multiples. Le premier moyen réside dans L'éducation du sens social. Dans leur désarroi face à la dégradation de la société, nos populations tournent leur regard vers l'Eglise, comme vers l'arbre où elles trouveront refuge; elles font confiance aux consacrés, aux évêques à condition qu'ils restent libres à l'égard des pouvoirs publics et des partis politiques. Ils n'ont pas le droit de les décevoir. Même si les marges de liberté sont réduites, et si cela doit entraîner des risques ou accusations et interprétations malveillantes, nos églises, dynamiques ont le devoir de répondre à leurs attentes et de leur annoncer l'évangile intégral, en les renvoyant à leur tâche dans la société. Il y va de la crédibilité de l'Eglise.

Le second moyen réside dans l'expression « Médecin, guéris-toi toi-même».

«L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres; ou s'ils écoutent les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins ». (Paul VI, Annoncer l'Evangile, n° 41). L'apôtre Paul dit ceci: «Malheur à moi si je n'annonce pas l'évangile ». On peut alors s'interroger pour savoir si nos communautés chrétiennes, diocèses, paroisses, mouvements et congrégations religieuses ne souffrent-ils pas des mêmes maux et limites qu'à juste titre, parce que c'est notre devoir, nous dénonçons dans nos sociétés? En effet, certaines Eglises d'Afrique ont aussi reconnu qu'en leur propre sein, la justice n'est pas toujours respectée à l'égard de ceux et celles qui sont à leur service. Si l'Eglise doit témoigner de la justice, elle reconnaît que quiconque ose parler aux hommes de justice doit aussi s'efforcer d'être juste à leurs yeux. Il faut donc examiner avec soin les procédures, la possession et le style de la vie de I/Eglise (cf. Message du synode, nn031-43).

C'est à la condition d'être témoin que l'Eglise sera crédible et rappellera qu'elle est au service des hommes. C'est en toute humilité qu'elle portera alors au monde le message de Jésus-Christ, message de justice et de paix, gages d/une vraie démocratie.

La paix et la justice dont nous parlons ne sont pas un mythe inaccessible'est pas l'absence de débats, voire de confrontations, mais le respect absolu de l'interlocuteur parce qu'il est comme nous, enfant du même Dieu, notre Père à tous. La paix, sur le plan national, n'est pas le ralliement de tous à une même bannière politique, mais la volonté commune de permettre aux plus « menacés par notre système social et économique» de vivre, encore et encore. De même sur le plan international, ni le totalitarisme, ni la croisade, ni l'exploitation n'apporteront la paix.

Pour parvenir à remporter la victoire de la paix et de la justice, il faut à notre avis comme dans le sport, Le respect de certaines règles; L'entraide dans l'exercice pour réussir; Le désir d'atteindre un objectif; La recherche d'un équilibre de vie, et Le recours aux compétences d'anciens.

Le troisième moyen réside dans la définition ou la juste compréhension de ce que la paix est véritablement. Dans la bible Jésus dit : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne» (.Jn.14, 27). Qu'est-ce que la paix? Avec le prêtre Eudiste Jean-Marie Houezo, nous retenons que ...

« La paix est fragile comme un œuf

La paix est une flamme éclatante qui s'éteint facilement au contact
de la haine légère

La paix est une guerre contre soi-même, contre toute la négation de notre moi La paix me reçoit et me donne comme don aux hommes

La paix a des yeux et me voit comme le positif en I/autre.

La paix est comme la beauté à la jeunesse, elle réclame toujours des soins. La paix n'a pas la versalité du caméléon mais la démarche de la tortue.

La paix est comme un bébé à la naissance, elle ne connaît personne,

Elle ne refuse personne.

La paix a besoin d'un entraîneur, la paix a besoin d'un défenseur. La paix ne se tait jamais.

La paix cherche des pacifiques.

La paix est un style, elle doit être constamment à la mode.

La paix n'est pas pessimiste, elle est espoir et espérance de Dieu entre les mains humaines.

La paix soit avec vous et vous aussi soyez avec la paix ».

Jésus dit, ma paix, appartient à ceux qui sont doux et humbles de cœur. Ce n'est qu'au prix d'une grande patience qu'on pourra acquérir sa paix. Si on écoute et on obéit à sa voix, celle de Dieu, on jouira d'une paix profonde dans l'unité et la justice. La vraie paix, la vraie justice et l'unité parfaite tirent leur source et leur finalité de Dieu seul, source de toute existence heureuse.

Le quatrième moyen le changement de mentalité pour construire la paix et la justice, facteurs de développement. Aujourd'hui, selon l'expression de Franz Fanon, nous sommes devenus des orphelins, des damnés sur notre propre terre. Nous sommes souvent ridiculisés, banalisés, méprisés par les peuples d'ailleurs, qui, avec condescendance et dédain nous regardent d'en haut, nous donnent des leçons, nous traumatisent, nous angoissent, nous peuples souverains, avec des menaces de sevrage économique brutal et avec la politique du ventre et du bas ventre.

Tout cela arrive, pour notre honte, en grande partie par nos propres comportements et agissements individuels et collectifs inconscients et irresponsables, non civiques. Et ces comportements négatifs sont nombreux aussi bien chez les adultes que chez les jeunes, chez les politiques que chez les intellectuels. Au nom de l'Evangile, de vérité, de justice, il nous faut ici et maintenant un changement qualificatif et concret de mentalité et de comportement susceptible d'aider à construire une Côte d'Ivoire nouvelle avec des hommes et des femmes capables de courage, d'audace, d'honnêteté, impossible à décourager, à intimider et à corrompre, décidés à vivre autrement, et qui soient l'émergence, les accoucheurs de la Côte d'Ivoire et de l'Afrique nouvelle.

Conclusion

Nous voudrions terminer en disant que c'est à chaque communauté de croyants, chaque Église qu'incombe la tâche d'analyser les situations et d'élaborer des directives précises d'actions pour l'avènement d'une démocratie authentique en Afrique ou en Côte d'Ivoire. Il convient de faire remarquer que la démocratie et le multipartisme ne sont pas des « produits» à importer ni même à exporter. Le plus urgent pour nos peuples, c'est la moralisation de la vie politique. Il s'ensuit que loin de s'exclure, les communautés politiques et l'Eglise sont deux entités qu'il faut savoir apprécier à leur juste valeur. Le but de la foi, n'est pas seulement d'apporter aux hommes le message d'un Dieu ou de Dieu, mais aussi de pénétrer et de parfaire, par l'esprit d'amour, l'ordre temporel (cf. a; Décret sur l'apostolat des laïcs «Apostolicam actuositatem» n° 5). En ces temps tumultueux, que la famille humaine puisse trouver grâce à Dieu la paix véritable et durable, cette paix qui peut naître seulement de la rencontre entre la justice et la miséricorde! JE VOUS REMERCIE!

Abbé GOA IBO Jean-Maurice
Vice- Président de l'UCAOIUUA - Prof. de Théologie Spirituelle UCAOIUUA
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