Bien évidemment, il avait des raisons de croire que sa mission connaitrait une moisson de succès. L’Envoyé de l’Union africaine s’était même hasardé à des déclarations à la presse. Selon Raila Odinga qui sortait tout fraichement d’une rencontre de deux heures 30 mn avec Laurent Gbagbo, lundi, il y avait « des progrès », car avait-il jugé, les discussions avec le dictateur ivoirien ont été « utiles ». Il aura fallu juste 24 heures, à l’Envoyé de l’UA et de la CEDEAO pour comprendre que Laurent Gbagbo n’a pas usurpé sa réputation de « boulanger » et de « Machiavel de la lagune Ebrié ». Le Premier ministre du Kenya prend donc son avion ce mercredi, après une rencontre tôt ce matin avec la presse. Il n’a pas réussi le miracle là où Obasanjo, Jean Ping et autres Yayi Boni se sont essayés, sans résultats probants, non plus.
Ce n’est pas faute d’avoir fait des propositions à l’ancien Chef de l’Etat, pourtant. Après un saut dans la capitale nigériane pour y harmoniser sa stratégie avec le patron en exercice de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, Odinga avait, dans son sac, de nouvelles propositions à faire à Laurent Gbagbo. « Nous avons proposé un calendrier de rencontres qui, nous l’espérons, vont commencer à partir de demain. Nous allons nous rendre à l’hôtel du Golf pour soumettre au Président Ouattara les points sur lesquels nous sommes tombés d’accord avec le camp du président Gbagbo », a-t-il dit à la presse, lundi matin. En effet, Raïla Ondiga avait prévu passer quelques cinq jours à Abidjan afin de retourner à Abuja avec un schéma de retrait de Laurent Gbagbo des affaires publiques. Pendant l’entretien qu’ils ont eu, tous les deux, en présence de nombreux représentants du corps diplomatique et les organisations ouest-africaines, Laurent Gbagbo a promis, fermement, mettre fin au blocus de l’hôtel du Golf dont l’instauration est un « non-sens », mais surtout une entrave à la liberté d’aller et de venir des certains citoyens, exerçant de hautes fonctions publiques. « Dès demain matin (mardi, ndlr) je donnerai des instructions aux forces de défense pour que le blocus soit levé », a promis Gbagbo. Il s’est dit, en outre, disposé à dialoguer avec Alassane Ouattara et a même rassuré son hôte de « rester tranquille », car, les Ivoiriens, précise-t-il, sauront trouver en eux, les ressources pour se parler et trouver une solution pacifique à la crise. Cette fois, dans son long exposé, l’ancien Chef d’Etat a abandonné ses propositions de recomptage des voix pour proposer un poste exécutif au président élu, en l’occurrence, la vice-présidence de la République. Raïla Odinga a certes pris note, mais il avait à cœur de convaincre Gbagbo de donner des signes de sa bonne foi, étant entendu que la position de l’UA sur l’élection de Ouattara reste non négociable. Le médiateur de l’Union Africaine y a vu une prédisposition du camp rebelle de la République, à accepter de rencontrer le chef de l’Etat. D’où son optimisme face à la presse.
Quelques heures plus tard, quand il s’est retrouvé face au Président de la République et son Premier ministre, Raïla Odinga a fait le compte rendu des échanges qu’il a eus avec Laurent Gbagbo. Bien évidemment, Alassane Ouattara qui connaît la personnalité de l’ancien chef de l’Etat, ne s’est pas laissé impressionner par cette offre du dialogue direct qu’il sait n’être qu’une manœuvre de diversion. En ce qui concerne la levée du blocus, le Président de la République aurait indiqué, selon une source proche de la réunion, qu’il s’agit juste d’un retour à la normale et que cela ne saurait constituer un préalable ou une quelconque preuve de bonne volonté de Laurent Gbagbo. A tout le moins, attendons de voir, a semblé dire Alassane Ouattara au Premier ministre Kenyan. Toutefois, le chef du gouvernement ivoirien et le chef de l’Etat n’ont pas manqué d’attirer l’attention de Raila Odinga sur l’inefficacité des ballets diplomatiques qui ont cours ici et là, aussi bien à Abidjan, que dans les capitales africaines ou au siège des Nations Unies. Pour eux, ces va-et-vient perturbent plutôt le jeu au lieu de contribuer à mettre fin à la souffrance des populations ivoiriennes. Tout en saluant les efforts de la communauté internationale, les deux chefs de l’Exécutif ivoirien ont fini par conclure qu’elle devrait pouvoir, dès maintenant, mettre fin à la politique de la carotte pour employer celle du bâton. Le chef de l’Etat, homme de dialogue et de paix, fidèle à la philosophie houphouétiste, n’a pas, du reste, fermé totalement, la porte à toute possibilité d’échanges avec Laurent Gbagbo. Le Président de la République trouve, cependant, un point non négociable : celui de la reconnaissance, par son ancien adversaire, des résultats du scrutin électoral du 28 novembre dernier. Sur cette base, il peut avoir des négociations sur les conditions de retrait de la junte au pouvoir et les garanties à accorder à son chef, Laurent Gbagbo qui devrait au préalable s’engager, par écrit, à définir un ordre du jour et des arguments solides motivant la rencontre directe sollicité.
Avec Alassane Ouattara qu’il a rencontré jusque tard dans la nuit de lundi, Raila Odinga n’a pas engagé de négociation. Car, la balle est toujours dans le camp de Laurent Gbagbo. La nuit portant conseil, il s’est dit qu’au regard des promesses qui lui ont été faites, il y avait des chances d’aller de l’avant. Lundi matin, Raila Odinga a attendu, attendu. Et rongé ses freins dans sa suite, dans un hôtel luxueux d’Abidjan. Au lieu de recevoir de Laurent Gbagbo, un retour aux recommandations à lui faites, le Premier ministre du Kenya a plutôt reçu la visite de l’ancien ambassadeur ivoirien aux Nations Unies accompagné du Chef d’Etat-major des armées. Alcide Djédjé et le Général Philippe Mangou sont allés dire à Odinga que la levée du blocus n’est pas d’actualité. « Le Président, ont-ils expliqué, nous charge de vous dire qu’il est impossible de lever le blocus. Il y a au Golf des centaines de rebelles des Forces Nouvelles lourdement armés. La résidence de Gbagbo est à quelques pas de là. Ce serait suicidaire de leur ouvrir la voie ». Raila Ondiga semblait tomber des nues. « Laurent Gbagbo n’avait-il pas cette information quand il me promettait, hier, de lever le blocus ? », a-t-il interrogé autour de lui. La réponse ne viendra pas. Pas plus que ne viendra la décision qu’il attendait de Laurent Gbagbo reconnaissant l’élection d’Alassane Ouattara.
Sur ces entrefaites, le Premier ministre du Kenya a compris la portée des mises en garde que l’ensemble de la communauté des chefs d’Etat lui avait faites, quand il s’est vu confier le dossier ivoirien. A savoir que, Laurent Gbagbo a la réputation de rouler ses interlocuteurs dans la farine et de ne jamais tenir d’engagements jusqu’au bout. « Que puis-je attendre d’autre, si ce n’est prendre mon avion et retourner rendre compte à mes mandants ?», a-t-il lâché, dépité. Odinga retourne donc poursuivre ses activités politiques au Kenya dans l’optique de la présidentielle de 2012. Bien avant, il se donne encore une marge. Il sera ce mercredi à Accra, puis Luanda avant de s’envoler pour Abuja, où il doit rendre compte de sa mission au président Goodluck.
"S'il y a une réponse claire aux propositions faites par M. Odinga, nous reverrons notre programme", a déclaré Salim Lone, porte-parole du Premier ministre kényan. Personne n’ose croire que Gbagbo soit en mesure de retrouver la sagesse.
Un autre échec pour la Communauté africaine qui, depuis hier, a fini par admettre que Laurent Gbagbo ne plaisante pas quand il dit à qui veut l’entendre, qu’il faudra passer sur son corps avant qu’il ne laisse le pouvoir.
Charles Sanga
Ce n’est pas faute d’avoir fait des propositions à l’ancien Chef de l’Etat, pourtant. Après un saut dans la capitale nigériane pour y harmoniser sa stratégie avec le patron en exercice de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, Odinga avait, dans son sac, de nouvelles propositions à faire à Laurent Gbagbo. « Nous avons proposé un calendrier de rencontres qui, nous l’espérons, vont commencer à partir de demain. Nous allons nous rendre à l’hôtel du Golf pour soumettre au Président Ouattara les points sur lesquels nous sommes tombés d’accord avec le camp du président Gbagbo », a-t-il dit à la presse, lundi matin. En effet, Raïla Ondiga avait prévu passer quelques cinq jours à Abidjan afin de retourner à Abuja avec un schéma de retrait de Laurent Gbagbo des affaires publiques. Pendant l’entretien qu’ils ont eu, tous les deux, en présence de nombreux représentants du corps diplomatique et les organisations ouest-africaines, Laurent Gbagbo a promis, fermement, mettre fin au blocus de l’hôtel du Golf dont l’instauration est un « non-sens », mais surtout une entrave à la liberté d’aller et de venir des certains citoyens, exerçant de hautes fonctions publiques. « Dès demain matin (mardi, ndlr) je donnerai des instructions aux forces de défense pour que le blocus soit levé », a promis Gbagbo. Il s’est dit, en outre, disposé à dialoguer avec Alassane Ouattara et a même rassuré son hôte de « rester tranquille », car, les Ivoiriens, précise-t-il, sauront trouver en eux, les ressources pour se parler et trouver une solution pacifique à la crise. Cette fois, dans son long exposé, l’ancien Chef d’Etat a abandonné ses propositions de recomptage des voix pour proposer un poste exécutif au président élu, en l’occurrence, la vice-présidence de la République. Raïla Odinga a certes pris note, mais il avait à cœur de convaincre Gbagbo de donner des signes de sa bonne foi, étant entendu que la position de l’UA sur l’élection de Ouattara reste non négociable. Le médiateur de l’Union Africaine y a vu une prédisposition du camp rebelle de la République, à accepter de rencontrer le chef de l’Etat. D’où son optimisme face à la presse.
Quelques heures plus tard, quand il s’est retrouvé face au Président de la République et son Premier ministre, Raïla Odinga a fait le compte rendu des échanges qu’il a eus avec Laurent Gbagbo. Bien évidemment, Alassane Ouattara qui connaît la personnalité de l’ancien chef de l’Etat, ne s’est pas laissé impressionner par cette offre du dialogue direct qu’il sait n’être qu’une manœuvre de diversion. En ce qui concerne la levée du blocus, le Président de la République aurait indiqué, selon une source proche de la réunion, qu’il s’agit juste d’un retour à la normale et que cela ne saurait constituer un préalable ou une quelconque preuve de bonne volonté de Laurent Gbagbo. A tout le moins, attendons de voir, a semblé dire Alassane Ouattara au Premier ministre Kenyan. Toutefois, le chef du gouvernement ivoirien et le chef de l’Etat n’ont pas manqué d’attirer l’attention de Raila Odinga sur l’inefficacité des ballets diplomatiques qui ont cours ici et là, aussi bien à Abidjan, que dans les capitales africaines ou au siège des Nations Unies. Pour eux, ces va-et-vient perturbent plutôt le jeu au lieu de contribuer à mettre fin à la souffrance des populations ivoiriennes. Tout en saluant les efforts de la communauté internationale, les deux chefs de l’Exécutif ivoirien ont fini par conclure qu’elle devrait pouvoir, dès maintenant, mettre fin à la politique de la carotte pour employer celle du bâton. Le chef de l’Etat, homme de dialogue et de paix, fidèle à la philosophie houphouétiste, n’a pas, du reste, fermé totalement, la porte à toute possibilité d’échanges avec Laurent Gbagbo. Le Président de la République trouve, cependant, un point non négociable : celui de la reconnaissance, par son ancien adversaire, des résultats du scrutin électoral du 28 novembre dernier. Sur cette base, il peut avoir des négociations sur les conditions de retrait de la junte au pouvoir et les garanties à accorder à son chef, Laurent Gbagbo qui devrait au préalable s’engager, par écrit, à définir un ordre du jour et des arguments solides motivant la rencontre directe sollicité.
Avec Alassane Ouattara qu’il a rencontré jusque tard dans la nuit de lundi, Raila Odinga n’a pas engagé de négociation. Car, la balle est toujours dans le camp de Laurent Gbagbo. La nuit portant conseil, il s’est dit qu’au regard des promesses qui lui ont été faites, il y avait des chances d’aller de l’avant. Lundi matin, Raila Odinga a attendu, attendu. Et rongé ses freins dans sa suite, dans un hôtel luxueux d’Abidjan. Au lieu de recevoir de Laurent Gbagbo, un retour aux recommandations à lui faites, le Premier ministre du Kenya a plutôt reçu la visite de l’ancien ambassadeur ivoirien aux Nations Unies accompagné du Chef d’Etat-major des armées. Alcide Djédjé et le Général Philippe Mangou sont allés dire à Odinga que la levée du blocus n’est pas d’actualité. « Le Président, ont-ils expliqué, nous charge de vous dire qu’il est impossible de lever le blocus. Il y a au Golf des centaines de rebelles des Forces Nouvelles lourdement armés. La résidence de Gbagbo est à quelques pas de là. Ce serait suicidaire de leur ouvrir la voie ». Raila Ondiga semblait tomber des nues. « Laurent Gbagbo n’avait-il pas cette information quand il me promettait, hier, de lever le blocus ? », a-t-il interrogé autour de lui. La réponse ne viendra pas. Pas plus que ne viendra la décision qu’il attendait de Laurent Gbagbo reconnaissant l’élection d’Alassane Ouattara.
Sur ces entrefaites, le Premier ministre du Kenya a compris la portée des mises en garde que l’ensemble de la communauté des chefs d’Etat lui avait faites, quand il s’est vu confier le dossier ivoirien. A savoir que, Laurent Gbagbo a la réputation de rouler ses interlocuteurs dans la farine et de ne jamais tenir d’engagements jusqu’au bout. « Que puis-je attendre d’autre, si ce n’est prendre mon avion et retourner rendre compte à mes mandants ?», a-t-il lâché, dépité. Odinga retourne donc poursuivre ses activités politiques au Kenya dans l’optique de la présidentielle de 2012. Bien avant, il se donne encore une marge. Il sera ce mercredi à Accra, puis Luanda avant de s’envoler pour Abuja, où il doit rendre compte de sa mission au président Goodluck.
"S'il y a une réponse claire aux propositions faites par M. Odinga, nous reverrons notre programme", a déclaré Salim Lone, porte-parole du Premier ministre kényan. Personne n’ose croire que Gbagbo soit en mesure de retrouver la sagesse.
Un autre échec pour la Communauté africaine qui, depuis hier, a fini par admettre que Laurent Gbagbo ne plaisante pas quand il dit à qui veut l’entendre, qu’il faudra passer sur son corps avant qu’il ne laisse le pouvoir.
Charles Sanga