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Politique Publié le lundi 24 janvier 2011 | Le Patriote

Conférence de presse/ Le Premier ministre Guillaume Soro : “L’argent de la Bceao a servi à acheter des armes”

© Le Patriote Par Emma
Selon la Haut commissaire aux droits de l`homme de l`ONU: les violences ont fait plus de 50 morts et 200 blessés ces trois derniers jours
Jeudi 16 décembre 2010. Abidjan, Cocody. La marche des militants du RHDP sur la maison de la télévision est réprimée dans le sang
Le Premier ministre, Guillaume soro, après la clôture du sommet des Chefs d`Etat et de gouvernement, s`est entretenu avec les journalistes à l`hôtel Amitié de Bamako. Au menu de cette rencontre, la situation en Côte d’Ivoire.

Propos liminaires

Je voudrais commencer par saluer nos amis du Mali, les ministres qui sont là, tous ceux de nos frères et sœurs qui ont bien voulu accepter de prendre part à cette rencontre et aussi de m’accompagner, de m’assister, à l’occasion de cette conférence de presse. Je voudrais tout particulièrement, au nom du Président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, saluer le fier et brave peuple du Mali. Je salue le peuple du Mali parce que nous partageons les mêmes valeurs, parce que nous partageons les mêmes vertus. Je le salue parce que je sais que ce peuple s’est mobilisé, et était très attentif à ce qui se passait en Côte d’Ivoire. Je salue les autorités du Mali pour l’hospitalité qu’elles nous ont réservée dans la capitale Bamako.

Comme vous le savez, le Président de la République m’a demandé de le représenter au sommet de la conférence des chefs de l’Uemoa. J’ai pris plaisir à participer à ce sommet, et surtout, à faire un tour dans la ville de Bamako que je connais depuis bien longtemps, depuis le mouvement étudiant, et je vois certains de mes amis de l’époque dans cette salle. A tous, je veux dire merci. Pour revenir très rapidement à la situation politique de la Côte d’Ivoire, sachez simplement que trois ans durant, dès que nous avons été nommé Premier ministre de la République de Côte d’Ivoire, sans relâche, nous avons travaillé pour faire en sorte de régler au moins trois problèmes. Le premier était la question de l’identification qui est la cause préjudicielle du conflit armé en Côte d’Ivoire. Le deuxième problème était la question de la démocratie dans notre pays, qui passait nécessairement par l’organisation d’une élection démocratique et transparente. Le troisième problème aussi à régler, était la question de l’armée de Côte d’Ivoire. Pendant trois ans nous avons travaillé, et nous étions heureux et satisfait d’avoir pu amener tous les Ivoiriens à une élection présidentielle. Je peux vous affirmer que cette élection a été une élection réussie. Les Ivoiriens ont répondu au-delà de nos attentes. C’est bien, mesdames et messieurs, 84% de taux de participation que nous avons enregistré au premier tour, 81% de taux de participation que nous avons enregistré au deuxième tour. Ce sont des taux exceptionnels. Ceci montre bien que le peuple de Côte d’Ivoire avait envie d’une élection. Le peuple de Côte d’Ivoire avait surtout soif de changement. Evidemment, nous aurions été heureux – peut-être aujourd’hui, nous aurions pris notre année sabbatique – si les acteurs politiques avaient eu l’honnêteté d’accepter le résultat et le verdict des urnes. Le deuxième tour s’est déroulé le 28 novembre 2010. Et je peux vous dire que le peuple de Côte d’Ivoire, a bel et bien élu Monsieur Alassane Dramane Ouattara comme Président de la République de Côte d’Ivoire.

Ce que je peux vous dire, je n’étais pas prévu pour être le Premier ministre du Président Alassane Ouattara. Il avait dit pendant sa campagne que le poste devait revenir, selon un accord politique qu’il avait avec Monsieur Bédié, à un responsable du Pdci. Mais lorsqu’au sortir d’un entretien avec M. Bédié, le président élu m’a proposé d’être Premier ministre, évidemment j’y ai réfléchi. Est-ce que je devais me refugier derrière une prétendue neutralité, alors qu’on est en train d’assassiner la démocratie et de voler le verdict des urnes ? Je pense que ma nature, ma conscience me l’auraient reproché. Bien que la perspective n’était pas évidente, et que je prenais le risque de m’engager dans une autre aventure, le devoir de vérité, mon éthique et ma conviction religieuse, m’ont commandé d’accepter d’être le Premier ministre du président élu. Je l’ai fait parce que je pense qu’il a gagné. Et le jour où je devais rendre ma démission au Président Alassane Ouattara, je l’ai fait en toute sincérité et en toute honnêteté. Je me réjouis donc que le monde entier ait choisi la voie de la vérité, à commencer par la Cedeao, l’Union africaine, l’Union européenne et l’Onu. Je pense que c’est une bonne chose. Le combat qui est engagé en Côte d’Ivoire, c’est de dire non aux présidences à vie. Parce que, si un petit Conseil constitutionnel peut autoriser à supprimer le vote de millions de citoyens, c’est un recul grave et dangereux pour l’Afrique. L’enjeu en Côte d’Ivoire dépasse la Côte d’Ivoire. Ce dont il est question en Côte d’Ivoire, c’est de savoir si on s’inscrit résolument dans la voie de la démocratie et elle s’enracine dans le pays, ou on accepte de se soumettre à l’arbitraire, et c’est le recul aux présidences à vie. C’est le même enjeu qu’en 1990 quand il y a eu le basculement de tous nos Etats pour le multipartisme, abandonnant le parti unique.

Aujourd’hui, c’est l’enjeu de la démocratie. Ou la démocratie sera en Côte d’Ivoire, ou elle ne sera pas. Donc je pense que cela interpelle tous les démocrates du monde entier, au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire. Pour que nous nous donnions la main, pour que la démocratie survive dans notre pays. C’est ce message que je suis venu donner à nos amis du Mali. Et bien entendu, j’ai partagé cette conviction profonde avec tous ceux que j’ai croisés. Et je souhaite que nos frères du Mali puissent soutenir cette cause, et faire en sorte que la démocratie soit une réalité en Côte d’Ivoire mais aussi sur tout le continent. C’est à ce prix seulement que nous réussirons à combattre la pauvreté, et à engager chacun de nos Etats dans la voie du développement. Merci.

Question : Vous avez été premier ministre de Laurent Gbagbo, vous n’y êtes pas parvenu. En ce moment avec Alassane Ouattara, les choses se compliquent. N’avez-vous pas l’impression d’être passé à côté du combat pour le nord du pays, qui au second tour, a vu les voix de sept départements supprimés. Comment vous sentez-vous quand les initiatives que vous prenez, ne fonctionnent pas ?

Guillaume Soro : Pour la première question, je n’ai pas surtout ce sentiment (d’échec). J’ai plutôt l’âme d’un combattant qui est convaincu qu’il a engagé une lutte, qui bien entendu, espère voir le dénouement de ce combat, de cette lutte. Ce serait très égoïste de ramener ça à ma personne.

Nous nous sommes battus dans ce pays pour régler la question de l’identité. Je pense aujourd’hui qu’en Côte d’Ivoire, cette question a été, en tout cas de mon point de vue, réglée. Puisque ceux qui devraient avoir leur carte d’identité, l’ont. Nous sommes en train de nous battre pour la démocratie.

Ce n’est pas l’élection qui est en cause en Côte d’Ivoire. Puisque l’élection s’est déroulée devant tout le monde. Elle est achevée le 28 novembre. Tous ceux qui le désiraient sont allés voter.

L’élection a été démocratique, transparente. Ce n’est pas le Premier ministre Guillaume Soro qui le dit. Ce sont les observateurs de la Cedeao qui y étaient, qui ont suivi de bout en bout l’élection, qui l’ont affirmé. Ce sont ceux de l’Union africaine, qui le disent, eux qui ont suivi sur l’ensemble du territoire, le déroulement des élections. Leurs déclarations sont sur internet. C’est l’Union européenne qui a envoyé deux groupes d’observateurs en Côte d’Ivoire, qui affirme que l’élection s’est déroulée dans la transparence, et quelle était démocratique. C’est l’Onu qui a une représentation en Côte d’Ivoire, qui a suivi sur l’ensemble du territoire – puisqu’elle avait déployé ses troupes sur l’ensemble du territoire – qui le dit. Le centre Jimmy Carter qui a suivi l’élection – son rapport est sur internet – dit que l’élection s’est passée de la façon la plus démocratique possible, pour un pays de sortie de crise, et cela ne peut que constituer un modèle et un exemple.

Donc je pense que j’ai réussi mon combat qui était de faire une bonne élection. Ce dont vous parlez, qui fonde la crise actuelle, est lié au déni de la démocratie. Et ça, on le voit partout. Ce n’est pas en Côte d’Ivoire seulement. Quelqu’un est élu, et il y a un président sortant qui n’accepte pas de quitter le pouvoir. M. Laurent Gbagbo sait bel et bien qu’il a perdu les élections, puisque je le lui ai dit. Je me suis rendu à sa résidence, et je pense que je suis l’un des rares Ivoiriens, dans une circonstance exceptionnelle, sécuritaire dangereuse, à m’être rendu chez lui – c’était le 1er décembre 2010 – accompagné de mes collaborateurs, pour le lui dire. Puisque j’avais les tendances. J’avais les résultats. Je le lui ai dit. Il ne peut pas dire qu’il ne sait pas qu’il a perdu l’élection. Mais enfin ! Même si on n’est pas un spécialiste de la politique, mais pour peu qu’on ait du bon sens, on sait qu’en Côte d’Ivoire, il y a trois forces politiques. Il y a M. Bédié qui représente une force politique. Il y a M. Gbagbo qui représente une force politique. Il y a M. Ouattara qui représente une force politique. Mais, nous tous, on sait calculer. Il y a trois forces politiques, si deux se mettent ensemble, elles ne peuvent que gagner. Il y a trois forces. A supposé même qu’on donne un tiers à chacun. Si les deux autres mettent leur un tiers ensemble, ça fait deux tiers et ils gagnent l’élection. On n’a même pas besoin de l’Onu pour le savoir. Je l’ai dit au président sortant, on n’est pas un grand homme parce qu’on est président de la République. Laurent Gbagbo, s’il avait accepté de passer pacifiquement le pouvoir en Côte d’Ivoire, aurait pu être le père de la démocratie en Côte d’Ivoire. On l’aurait honoré, lui, l’homme de gauche. Mais s’accrocher à un pouvoir et occasionner aujourd’hui, plus de trois cents morts, plus de 20.000 réfugiés à l’extérieur, crouler sous le poids des condamnations et sanctions, qu’est-ce qu’il laisse en héritage à ses enfants ? Des sanctions, lui, l’historien ? Donc, arrêtons la manœuvre. Il sait qu’il a perdu l’élection. Maintenant, qu’il se laisse convaincre par un groupe de demeurer dans la confiscation du pouvoir, je pense qu’il a tort de le faire. M. Alassane Ouattara a gagné les élections. Gbagbo aurait pu être grand comme Kérékou qui est parti, qui est revenu. Comme Diouf qui est parti, qui n’est pas revenu. Quel délice y a-t-il à être un président reclus dans son palais, condamné partout ? On lui dit, ‘’vous ne pouvez pas voyager’’. Il dit ‘’je ne voyageais pas avant’’. Mais, et tes enfants qui étaient étudiants aux Etats-Unis ? Et tous ses compagnons qu’il fait sanctionner ? Donc, arrêtons. Je ne suis pas un plaisantin. J’ai organisé ces élections. Je sais qui a gagné. La communauté internationale a organisé, l’Afrique de l’ouest a suivi. Donc qu’on arrête les mensonges. Il n’y a qu’un seul vainqueur à ces élections, c’est Monsieur Ouattara.

Q : La conférence des Chefs d’Etat de l’Uemoa vient de prendre des décisions importantes.

Premièrement, le Gouverneur de la Bceao, Henri-Philippe Dakoury-Tabley n’est plus à sa place.

Deuxièmement, il est demandé au président Alassane Ouattara, de désigner son remplaçant. Quel sentiment avez-vous face ces décisions? Mais bien que cette décision ait été prise, cela ne cache pas la réalité encore volatile sur le terrain en Côte d’Ivoire. Des Ivoiriens souffrent à l’intérieur, dont les droits sont bafoués. Il y a aussi des Ivoiriens qui se trouvent à l’extérieur parce que contraints de quitter le pays. Nous en avons aperçu dans la salle, tel Al Moustapha ancien soutien de Laurent Gbagbo. Quelles sont les actions que vous allez entreprendre pour que la situation s’améliore pour que ceux qui sont à l’intérieur vivent normalement, et pour que ceux qui sont à l’extérieur, rentrent au pays ?

GS : Sur la question de la Bceao, la situation est volatile en Côte d’Ivoire, je pense que les mesures qui ont été prises, sont de bonnes mesures. Parce que le gouvernement légitime de Côte d’Ivoire ne peut pas non plus accepter que quelqu’un qui confisque le pouvoir, continue de soutirer les sous des comptes de l’Etat de Côte d’Ivoire, logés à la Bceao, pour s’acheter des armes. Donc, les chefs d’Etat ont pris la décision de faire un pas en avant et le Gouverneur de la Bceao est parti. Le président Alassane Ouattara proposera très rapidement le nouveau gouverneur. Pour l’heure, l’intérim est assuré. Et le gouvernement légitime va accroître son travail avec l’intérimaire pour s’assurer de la parfaite maîtrise des finances de la République de Côte d’Ivoire. Donc je suis satisfait. Vous m’avez dit que des Ivoiriens sont en exil, quelles sont les actions que nous entreprenons ? Sans faire de polémique ni entrer dans les détails, ce que je peux vous dire, c’est que nous allons continuer de parler avec les organisations continentales et sous-régionales, parce que c’est une solution d’ensemble et globale que nous devons trouver. Il s’agit de faire triompher le verdict des urnes en Côte d’Ivoire. Vous avez vu, je passe de capitale en capitale. J’ai de bons entretiens avec les chefs d’Etat. Et je pense que très bientôt la normalisation va se faire dans notre pays. A savoir que M. Ouattara soit au Palais.

Q : Vous avez lancé des mots d’ordre de désobéissance civile en Côte d’Ivoire. Quels commentaires?

- Aujourd’hui, il n’y a pas mal de décisions qui sont prises à l’encontre des ports d’Abidjan et de San-Pedro (…). Votre gouvernement a aussi décidé d’exonérer les transporteurs du paiement de la vignette. Ne pensez-vous pas que les conséquences de ces décisions peuvent affecter à l’avenir les caisses de l’Etat ?

- Le Rhdp est un ensemble de partis politiques. Depuis votre nomination à la tête du gouvernement, à l’exception du Dr Albert Mabri Toikeusse ici à vos côtés, on n’entend plus parler des leaders comme les Anaky Kobenan, Gnamien Konan, Djédjé Mady et autres. Qu’en est-il ? Par ailleurs, comment expliquez-vous l’allégeance des responsables de l’armée à Laurent Gbagbo ? Je veux parler de Philippe Mangou, Tiapé Kassaraté et autres ?

- Le sommet de l’Uemoa, a-t-il débattu de l’intervention militaire en Côte d’Ivoire, réclamée par le président Alassane Ouattara, et envisagée par la Cedeao ? Que devient cette option quand on sait que de plus en plus, il y a des hésitations ?

GS : Je commencerai par la fin. L’intervention militaire est perçue par la Cedeao comme étant la dernière solution à entreprendre pour instaurer la démocratie en Côte d’Ivoire. Ils ont appelé cela, la force légitime. J’étais moi-même, il y a 48 heures, à Abuja pour voir le président en exercice de la Cedeao. C’est une question que nous avons passée en revue. Cette option fait son chemin. Le sommet de l’Uemoa n’a pas traité de cette question. C’était des questions de finances publiques.

Nous avons plutôt eu à l’ordre jour, la situation financière et la crise électorale en Côte d’Ivoire. Et vous connaissez le résultat auquel a abouti ce sommet. Je pense que tous les médiateurs que nous avons reçu en Côte d’Ivoire, à commencer par la délégation des chefs d’Etat de la Cedeao, le président Obasanjo et le premier ministre Odinga, tous ont pu prendre le pouls de la situation.

Chacun a pu aboutir à une conclusion. Et de mon point de vue, je pense qu’évidemment, chacun a pu réaliser la détermination de chaque camp, à faire en sorte que sa position domine. Toutes ces médiations feront un compte-rendu, et nos instances décideront. Le président de la République a toujours affirmé qu’il est avant tout, un homme de paix. Donc, il ne souhaite pas venir au pouvoir dans un bain de sang. Mais en même temps, pour la pratique qu’il a de l’homme Gbagbo, il est évident pour lui, que tant qu’il n’y aura pas une opération militaire organisée, Gbagbo ne quittera pas le pouvoir. Nous tous en sommes convaincus. Mais laissons une chance à la paix de se faire en Côte d’Ivoire. Tous ceux qui brandiront le spectre de la guerre civile et de tueries de civils en Côte d’Ivoire quand on évoque l’option militaire, se trompent. L’option militaire en Sierra Leone, a mis fin aux exécutions sommaires, aux amputations de bras et bien d’autres. C’est parce qu’il y avait les pieds et les bras coupés en Sierra Leone, que l’option militaire est venue. Elle a mis fin à cela, et a donné une réelle perspective démocratique à ce pays qui connaît depuis lors, un président démocratiquement élu, qui connaît une paix. Et c’est un pays qui est résolument engagé dans la démocratie. C’était la même chose en Yougoslavie, quand l’Otan a dû intervenir pour arrêter les charniers et autres, qui étaient commis. Donc une intervention militaire en cohérence avec le droit et la légalité internationale, met fin au chaos. Ceux qui ne savent pas que dans un pays quand on a plus de 100, 200, 300 morts, c’est la guerre, doivent se réveiller. Parce qu’en Côte d’Ivoire, on a plus de 300 morts. Et que chaque jour qui passe, des citoyens sont exécutés. C’est à cela qu’il faut mettre fin. Et j’exhorte la Cedeao à aller rapidement à la mise en œuvre d’une opération militaire, au nom du droit d’ingérence et de la sauvegarde de la démocratie. Je disais à des journalistes que s’il y avait eu une intervention militaire au Rwanda dès le départ, on n’aurait pas eu un million de morts, ni de génocide. Donc, il ne faut pas non plus tromper les Ivoiriens. On est revenu sur les questions financières.

Mme de « L’Inter » a parlé de la sanction des deux ports, et a parlé de l’asphyxie financière en Côte d’Ivoire. Evidemment, il n’est pas question pour nous, de laisser des ressources importantes aux mains du président sortant, qui les utilise non pas à des fins de développement, mais à payer le salaire de mercenaires, et à l’achat d’armes. Est-ce que vous savez que c’est cet argent qui a servi à acheter des armes en Tchécoslovaquie. Ce n’était pas de l’argent pour nourrir les Ivoiriens. Nous, nous avons envisagé une série de mesures. Entre l’asphyxie financière, la diplomatie qui est menée et l’option militaire, évidemment Gbagbo sait bien que ses jours sont comptés.

On a parlé du Rhdp. Moi je ne peux que parler du gouvernement. Est-ce que ça va au Rhdp ? Je suis Premier ministre de la République de Côte d’Ivoire. Comme je n’ai pas encore entendu de mots suspects, il n’y a pas de raison…

Q : Le Gouverneur de la Bceao a indiqué qu’il lui a été demandé de démissionner. Est-ce vous ou les chefs d’Etat qui lui ont demandé cela ? Par ailleurs, pourquoi Alassane Ouattara lui-même ne s’est pas rendu à ce sommet ?

GS : Alors, vous pensez que quand je suis là, c’est faible ? Non, je vous chahute. Sur la démission du Gouverneur, je le laisse expliquer la situation parce ce que c’est un huis clos des chefs d’Etat. Et ce n’est pas à moi de dévoiler les délibérations d’un huis clos de chefs d’Etat. Les conclusions qui ont été présentées, sont claires. Le Gouverneur a démissionné, le président Alassane Ouattara va proposer un nouveau candidat au poste de Gouverneur. Pour le symbole, il est vrai que c’aurait été une bonne chose que le Président de la République lui-même soit là. Mais vous savez ce qui a cours en Côte d’Ivoire. Nous sommes sous blocus. Un ancien président et un président élu sont confinés dans un hôtel. Ce qui est inacceptable ! Dans des pays, même l’opposition, ne peut pas être assignée à résidence. Or en Côte d’Ivoire, on a déployé des chars pour faire un blocus autour du Golf hôtel. Donc nous le dénonçons vivement. Nous trouvons que c’est une situation totalement inacceptable. C’est la même position qu’ont adopté les Nations unies.

Et je crois savoir que c’est une situation à laquelle on doit pouvoir mettre fin assez rapidement. Donc, le Président de la République aurait bien voulu être là. Malheureusement, il est dans cette situation. Evidemment, il m’a chargé de venir le représenter. C’est ce que j’ai fait.

Q : Vous parliez d’intervention militaire. Le président sud africain, Jacob Zuma, vient d’indiquer qu’il ne fallait pas demander à aucune des parties en Côte d’Ivoire, de partir, qu’il fallait considérer les requêtes faites par rapport à l’élection, et que la conférence des chefs d’Etat de l’Union africaine, va être saisie de l’affaire, le 1er février. Donc, c’est le président de la Sadec qui a parlé.

Une intervention militaire de la Cedeao, peut-elle aller sans mandat de l’Union africaine ?
GS : Quand je parle de droit international et de légalité internationale, il faut qu’on se comprenne bien. Est-ce qu’il est dans les prérogatives de la Cedeao, de recourir à la force légitime ? Je réponds oui. Le traité de la Cedeao, sauf erreur, en son article 56, dit bien que notre communauté peut recourir à la force légitime militaire quand la stabilité de la sous-région, est menacée, ou quand encore, il y a des violations massives de droits de l’homme. Il y a une série de critères.

Avant que le gouvernement fasse la demande à la Cedeao, vous imaginez bien qu’on a pris le soin de regarder et de savoir si ça rentrait dans le champ de compétence de la Cedeao. Monsieur, je vous réponds oui. Donc la Cedeao n’a pas besoin de qui que ce soit pour mener une action militaire en Côte d’Ivoire. De la même façon que les chefs d’Etat de la Cedeao prennent leurs décisions à partir de textes qui régissent notre région, de la même façon, l’Afrique australe a certainement d’autres textes. Je dois avouer ma méconnaissance des textes qui régissent la Sadec. La Sadec a ses textes, l’Union africaine a ses textes. Donc la Cedeao peut intervenir au regard de ses textes. Elle est déjà intervenue militairement en Sierra Leone, il y a une jurisprudence. Parallélisme des formes donc, rien ne s’y oppose. Maintenant je peux comprendre que des gens, pour des raisons qui leur sont propres, peuvent être inquiets. Mais pour les Ivoiriens qui, depuis 10 ans, souffrent du déni de démocratie, surtout pour les familles qui ont perdu à la fois leur fils, leur père, quand je parle ainsi, ils comprennent la justification de ce que je dis. C’est pourquoi, je pense que dans mon pays, ce que nous cherchons, ce n’est pas de faire la guerre parce que tout vaut mieux qu’une guerre. Je le répète, tout vaut mieux qu’une guerre. Parce que si la Cedeao n’intervient pas, croyez-vous que tous ces Ivoiriens vont accepter l’arbitraire ?

Hier, ils ne l’ont pas acceptés dans d’autres pays africains, aujourd’hui, ils ne l’accepteront pas en Côte d’Ivoire. Une opération militaire ciblée ne peut qu’abréger et faire l’économie de vies humaines en Côte d’Ivoire. Pour conclure, je voudrais terminer par des mots de gratitude et de reconnaissance à l’endroit des autorités du Mali, à l’endroit du peuple frère malien. Ce pays qui a une forte communauté en Côte d’Ivoire, qui du fait de la nationalité et de l’origine, est aussi victime.

En Côte d’Ivoire, c’est comme si c’est un péché d’avoir une autre nationalité. Et je suis triste de voir à la télévision nationale, chaque fois, qu’on vienne menacer des gouvernements parce qu’ils ont des ressortissants en Côte d’Ivoire. Le Panafricanisme, ce n’est pas cela. Le Panafricanisme, c’est d’abord l’intégration, c’est d’abord la fraternité entre les peuples, l’amitié entre les Etats, a fortiori les pays de la sous-région. Notre histoire commune, notre géographie commune, nos traditions et nos cultures communes devraient nous amener à nous rapprocher, et à embraser l’intégration.

Donc je suis malheureux et triste de voir dans mon pays la Côte d’Ivoire, des communautés qui sont prises en otage, qui sont traitées du fait de leur origine. Ce n’est pas acceptable. Je suis aussi triste de voir à la télévision nationale, toute cette haine qui est véhiculée, des méchancetés qui sont dites. Cela ne reflète pas l’image de la Côte d’Ivoire, une terre de diversité, d’hospitalité. Je suis de ceux qui croient que la diversité, au lieu d’être un handicap, est une richesse. C’est pourquoi, il faut que la démocratie s’instaure dans notre pays, que le peuple souverain de Côte d’Ivoire soit restauré et rétabli dans sa vérité, pour que le gouvernement en place puisse entamer la réconciliation entre les fils et filles de ce pays, pour que la Côte d’Ivoire soit une terre de rassemblement. C’est ce que je souhaite pour mon pays. Je souhaite que les relations avec les pays voisins, se raffermissent, et que la sous-région ne constitue qu’un vrai et même peuple pétri des valeurs du vrai panafricanisme.

Jean Eric ADINGRA (Envoyé spécial à Bamako)
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