Les vertus se perdent dans l`intérêt comme les fleuves dans la mer ", disait un penseur français. Cette pensée vieille de plus de deux siècles illustre bien aujourd`hui les rapports qui existent entre le président du Burkina Faso et son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo. Au début de la crise ivoirienne en 2002, Blaise Compoaré, considéré comme le parrain attitré de la rébellion, était vu du côté de la Lagune Ebrié, comme l`incarnation personnifiée du diable. Une perception qui aura de lourdes conséquences sur les relations entre les deux pays. Mais, en 2007 à la faveur de l`accord de Ouagadougou signé entre Soro Guillaume et Laurent Gbagbo sous l`égide du président du Faso, les relations entre les deux pays vont considérablement s`améliorer, au point où la capitale du Burkina deviendra pendant près de 4 ans, le centre de la prise des grandes décisions sur l`avenir de la Côte d`Ivoire. Et les deux chefs d`Etat, Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, deviendront les meilleurs amis du monde, effectuant de part et d`autre, des visites d`Etat. C`est d`abord Laurent Gbagbo qui le premier effectuera une visite d`Etat de trois jours au Burkina, du 27 au 29 juillet 2008. Le dimanche 28 juillet, lors d`un diner organisé à son honneur par son homologue du pays des hommes intègres, il a été élevé à la dignité de Grand croix de l`ordre national. Devant tant d`honneur, Laurent Gbagbo, ému, a déclaré : " Pour la première fois, je viens en visite d`Etat, je suis choyé, sujet de toutes les attentions… " Et le président ivoirien de faire cette confidence : " Quand je n`étais rien et que je lui ai dit que j`allais être président, il (Blaise Compaoré, Ndlr), m`a cru et m`a aidé financièrement. Et mon éducation, a-t-il poursuivi, ne me permet pas d`oublier le bienfait… " Un an plus tard, ce fut le tour de Laurent Gbagbo de recevoir Blaise Compaoré en Côte d`Ivoire, du 15 au 18 septembre 2009. Comme ce fut le cas pour Gbagbo à Ouagadougou, Blaise fera un discours devant l`Assemblée nationale ivoirienne à Abidjan. Exit donc les anciennes rancœurs. Cerise sur le gâteau. Le président du Faso sera reçu en grandes pompes dans le village natal de Laurent Gbagbo, " Mama-la-belle ". Le parfait amour, quoi. Là, plusieurs discours seront lus, devant l`hôte de marque : " C`est vrai que Mama est le village natal du président Laurent Gbagbo. Mais Mama n`a pas souvent l`habitude de recevoir plusieurs chefs d`Etat. C`est pourquoi, votre visite, ce jour, nous comble de joie et de fierté… " dira, au nom des populations, Kadet Bertin, la main sur le cœur et le cœur bien accroché. Prenant la parole à son tour, le président Gbagbo a dit ces mots forts : " Aujourd`hui, je n`ai pas grand-chose à dire. Je suis venu vous présenter Blaise Compaoré qui fait l`amitié à la République de Côte d`Ivoire de venir en visite officielle et qui me fait aussi l`amitié de venir dans mon village. Monsieur le président, chez nous, on dit que lorsque tu es l`étranger du rat palmiste, tu ne manges que les graines palmistes, parce que c`est ce qu`il a. Ce n`est que le riz qu`on a. On mange le riz avec de la viande ; c`est pourquoi, on vous a donné quelques bœufs. On n`en a pas plus, sinon, on vous aurait donné plus. C`est ce que je voulais dire. Je suis vraiment content ". Oui, Laurent Gbagbo était content. Comment pouvait-il ne pas l`être ? Grâce à Blaise Compaoré et à l`accord de Ouagadougou, il avait réussi à se sortir de l`étau de la communauté internationale et des résolutions de l`Onu. L`accord de Ouagadougou a constitué un immense bol d`air frais. Et lui a permis de déclarer : " la guerre est finie ". Entre les deux chefs d`Etat, c`était donc le parfait amour. De " démon, Blaise était devenu un " ange ". Mais voilà ! Le deuxième tour de l`élection présidentielle est passé par là et Blaise Compoaré est redevenu le diable. On n`a plus besoin de lui, le territoire de la Côte d`Ivoire lui est interdit et il est de nouveau traité de tous les noms par Blé Goudé, qui n`est plus seulement chef de la galaxie patriotique mais aussi ministre dans le gouvernement nommé par Laurent Gbagbo. Les insultes contre le chef d`Etat burkinabé sont diffusées au journal de 20 heures de la RTI. Quel crime a-t-il bien pu commettre ? Rien du tout. On s`est juste souvenu de nouveau, comme le soutient Blé Goudé, que c`est au Burkina que la rébellion s`est entraînée pour venir attaquer le pouvoir de Laurent Gbagbo. Exit donc la reconnaissance. Exit la visite à Ziniaré (village natal de Blaise). Exit la visite à Mama. Le pouvoir de Laurent Gbagbo est en jeu. Plus rien ne compte. Même pas Blaise. Il n`est plus le bienvenu en Côte d`Ivoire. Ce samedi, on va bien le lui signifier. Il fait partie de " l`Afrique indigne ", comme on le dit à Lmp. Comme le disait un grand penseur : " Certains services sont si grands qu`on ne peut les payer que par l`ingratitude ".
Assalé Tiémoko
Assalé Tiémoko