Traoré Mariame, pdte de l`Ong Ada : “Gbagbo s`est auto-emprisonné…C`est un homme seul…”

Comme plusieurs autres inconditionnels du président Alassane Ouattara, Traoré Mariame, présidente de l'ONG Aide et développement en Afrique (Ada) est recluse à l'hôtel du Golf. Dans cette interview qu'elle nous a accordée au téléphone, elle soutient que l'ex-président est, aujourd'hui, un homme isolé.

Depuis deux mois, vous êtes recluse au Golf hôtel. Comment vivez-vous cette situation ?
Je ne suis pas seule ici ! Et surtout, il ne faut pas croire qu'ici, nous nous tournons les pouces. Le ''Golf'', aujourd'hui, c'est comme une ruche où chacun travaille sous la direction du Dr Alassane Dramane Ouattara, le président élu par les Ivoiriens. Nous travaillons également sous la direction du président Henri Konan Bédié et du Premier ministre Guillaume Soro. Vous pouvez me croire, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Le résultat de ce travail, vous l'avez vu à Bamako lors de la réunion de l'Uemoa, à Abuja pour la Cedeao et tout dernièrement à Addis-Abeba où l'Union Africaine vient de lever toute équivoque sur la reconnaissance de la victoire du candidat du Rhdp.

Malgré cela, on vous croit en prison puisque vous ne pouvez pas sortir.
C'est un point de vue. Honnêtement, de Gbagbo à nous, qui est le vrai prisonnier ? Les responsables du Rhdp sont en effet reclus ici au Golf mais, lui Gbagbo, où peut-il aller ? Il s'est auto-emprisonné et demeure cloîtré au palais sous la garde de mercenaires angolais et libériens. D'abord emprisonné par la situation qu'il a créée et qui fait de lui un homme seul qui n'a même pas confiance en son armée. Emprisonné ensuite par sa propre mégalomanie et sa perpétuelle palinodie qui le font dire et se dédire tous les jours. Emprisonné enfin par son entourage qui ne se rend pas encore compte que tout est terminé et qui, pour des intérêts personnels, le poussent chaque jour à s'enfoncer un peu plus. Le vrai prisonnier, c'est aussi ce peuple de Côte d'Ivoire dont on veut confisquer la victoire, ce peuple qui ne mange plus à sa faim, qui n'arrive plus à se soigner, ce peuple que les miliciens et les mercenaires de Gbagbo enlèvent et tuent tous les jours que Dieu fait. Ce peuple que la Rti empoisonne par des mensonges, des montages grossiers et des appels à la haine tribale, religieuse et contre l'Onuci et le président Compaoré. Véritablement, le vrai prisonnier, c'est Gbagbo et son clan de négateurs de la démocratie.

Que vous inspire le recrutement des miliciens et autres mercenaires dans cette crise ?
Ce n'est pas nouveau et cela montre le peu de respect que Gbagbo a vis-à-vis des Fds qui, à mon avis, doivent se sentir très mal à l'aise dans cette situation. Lorsqu'on a confiance à ses soldats, on ne recrute pas de mercenaires et on n'enrôle pas la jeunesse naïve de son pays pour en faire de la chair à canon. Et je crois savoir que ces pauvres jeunes gens pour la plupart ont été abusés ; c'est ce qui justifie leurs désertions massives que nous lisons dans les journaux. Ce qui est encore plus choquant, c'est que des mères de familles comme Simone Gbagbo et Géneviève Bro Grébé encouragent ce fait. Ces enrôlements forcés de jeunes dans les milices de Gbagbo devraient interpeller la Cour pénale internationale qui doit déterminer qui a fait quoi dans cette affaire pour pousser de jeunes innocents à commettre des crimes contre l'humanité pour sauver un régime liberticide et agonisant. Ces jeunes sont pour chaque famille un espoir. Ils n'attendent que du travail. Pourquoi les instrumentaliser pour détruire leur propre pays en tuant leurs frères ? Toutes les femmes du pays doivent combattre cela.

Malgré cela, Gbagbo semble toujours être aux commandes du pays !
C'est justement là qu'il faut faire attention. S'il dirigeait encore le pays, aurait-il eu besoin de piller la Bceao ? Etait-ce nécessaire d'envoyer des émissaires avec des procès-verbaux falsifiés pour tenter de se faire accepter par la communauté internationale ? Quel besoin a-t-il de pousser Blé Goudé à vilipender le président Compaoré à qui la Côte d'Ivoire doit, (grâce à l'Accord politique de Ouagadougou), la normalisation progressive qui nous a amenés à l'élection présidentielle ? Non ! Gbagbo ne gouverne plus rien du tout. C'est un usurpateur et un braqueur de banque, qu'il faut arrêter et mener au bagne. Et, ce sera pour bientôt.

Notamment avec l'arrivée du Panel de chefs d'Etat ?
Vous croyez que cela va changer quelque chose ? Ils seront enfarinés comme tous les médiateurs qui se sont succédé dans le pays. Ni l'Uemoa, ni la Cedeao encore moins l'Ua ne fera plier Gbagbo. Je suis convaincue qu'à ce rythme, le peuple ivoirien sera obligé de prendre ses responsabilités un jour ou l'autre. Parce qu'il sera excédé par cette situation, par la faim, les enlèvements et les meurtres. Et là, ce sera très grave, plus qu'en Tunisie, plus qu'au Mali lors du renversement de Moussa Traoré. C'est pour éviter cela que l'Ecomog doit faire vite. Les Casques verts n'ont pas eu besoin de toutes ces réunions pour délivrer la Sierra-Leone, le Liberia. Chaque jour de prolongation que l'on donne à Gbagbo oblige les populations au décompte macabre de ces victimes dont le nombre croît tous les jours. Ça ne peut plus durer, il faut y mettre fin.

Interview réalisée par téléphone par Ousmane Diallo