x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le lundi 14 février 2011 | Nord-Sud

Guillaume Soro, Premier ministre: “Le 21 février, c’est la révolution”

Le Premier ministre, Guillaume Soro était, samedi dernier, face à la presse. Au cours de la conférence qu'il a animée, le chef du gouvernement a annoncé que la délivrance des Ivoiriens est imminente. Et, selon lui, elle empruntera les mêmes sentiers que ceux intervenus en Tunisie et en Egypte.

Messieurs et mesdames les journalistes, je me trouve ce jour devant vous, avec mes collaborateurs militaires, après une absence du pays. J'étais en tournée dans la sous-région et au-delà, dans plusieurs pays d'Afrique. Le général Gueu Michel qui est là est le chef de cabinet militaire du Premier ministre. Vous savez que j'ai aussi le portefeuille du ministère de la Défense.

C'est ainsi que sont présents à mes côtés le colonel major Mian Gaston qui est le Directeur de cabinet du ministre de la Défense et le capitaine Alla Kouakou Léon que nous venons de nommer comme porte-parole du ministère de la Défense.

Nous sommes là pour aborder l'ensemble des questions politiques, diplomatiques, économiques et sécuritaires dans un tour d'horizon de l'actualité de notre pays.

Evidemment, depuis le 28 novembre 2010, le peuple de Côte d'Ivoire s'est exprimé dans les urnes, et le peuple de Côte d'Ivoire a porté son choix sur le candidat Alassane Dramane Ouattara pour diriger le pays. Mais nous sommes face à une forfaiture, du fait de généraux de notre armée qui sont allés faire allégeance au président sortant battu aux élections. Ceci a plongé la Côte d'ivoire dans une crise que vous savez.

Depuis le mois de décembre, il est apparu nécessaire, en ma qualité de Premier ministre qui a conduit le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire pendant un peu plus de trois ans, d'aller dans la sous-région et en Afrique, pour expliquer aux chefs d'Etat la réalité des faits et rétablir l'exactitude matérielle des faits. Parce qu'on assistait à beaucoup de propagandes, de mensonges, d'intoxications.

Cette tournée s'est bien déroulée. Elle a commencé par Ouagadougou. Nous sommes ensuite allés à Bamako où l'objectif était de clarifier la situation de la BCEAO. On avait un gouverneur qui jouait un double jeu, qui, le matin, disait qu'il reconnaissait le nouveau gouvernement mais, la nuit, n'appliquait pas les mesures que le Conseil des ministres de l'UEMOA avait prises. Comme vous avez pu le voir, le gouverneur lui-même s'en est rendu compte à Bamako et a rendu sa démission.

Depuis lors, la Bceao a un intérimaire et notre banque commune de la sous-région fonctionne.

Vous avez vu les suites qui ont été données. Après Bamako, nous sommes allés en Afrique centrale pour expliquer le problème ivoirien aux Chefs d'Etat, notamment les présidents Obiang de la Guinée Equatoriale et Sassou du Congo Brazzaville. Nous avons terminé notre tournée par l'Afrique du Sud après un passage en Zambie et nous sommes rentrés en Côte d'Ivoire depuis quelques jours.
Nous avons fait le point de cette tournée avec le Président de la République. Je pense qu'elle était nécessaire vu les quelques retombées. Vous notez avec moi la décision de l'Union Africaine qui, à l'unanimité des 50 Etats et plus qu'elle compte, a reconnu qu'il ne peut y avoir qu'un seul président de la République en Côte d'Ivoire et que ce président, c'est Alassane Dramane Ouattara, élu à la suite d'une élection démocratique et transparente, de leur point de vue. Tous ces Etats réunis ont tranché qu'il n'était pas nécessaire de revenir sur un recomptage et autres solutions. Pour eux, c'était terminé, l'élection était bonne. Il ne pouvait pas en être autrement d'autant plus que l'Union Africaine elle-même a envoyé des observateurs en Côte d'Ivoire comme je l'avais demandé. Ils sont venus, ils ont sillonné partout le territoire ivoirien pour observer les élections. Et leur rapport est sans appel. Ce sont des élections modèles, démocratiques et transparentes. Idem pour la CEDEAO.

M. Ouattara a été reconnu président de la République, c'est terminé. Au moins le peuple de Côte d'ivoire a une certitude. Aussi bien que la Cedeao, l'Union Africaine reconnaît qu'il y a un seul président en Côte d'Ivoire. Cette institution ne peut plus revenir là-dessus, c'est terminé. Je pense que ça c'est positif, c'est une bonne chose pour la Côte d'Ivoire. Pour nous personnellement, c'est une satisfaction parce qu'on se dit qu'on n'a pas travaillé toutes ces années-là inutilement, en vain.

Puisqu'au moins, tout le monde reconnaît que cette élection a été une bonne élection, qu'elle a été transparente.

Ensuite l'Union Africaine a mis en place un panel de cinq chefs d'Etat qui représentent les organisations sous-régionales et un groupe d'experts. Le groupe d'experts s'est rendu ici. Nous avons été la première personne à être rencontrée. Donc nous avons échangé. Ensuite j'étais présent à l'audience du président de la République avec le groupe d'experts, et cela s'est bien passé. Je crois que le groupe d'experts a fixé le cadre : « Nous sommes venus sur la base du communiqué du sommet des chefs d'Etat de l'Union Africaine. M. Ouattara est président. L'Union africaine veut une solution pacifique. Nous sommes venus pour vous écouter et prendre l'ensemble des informations que nous pouvons mettre à la disposition des chefs d'Etat africains.

Nous sommes venus vous écouter ». Evidemment nous avons donné le maximum d'informations.

Je suis plutôt confiant parce que les experts sont repartis confortés et renforcés dans la position évidente qu'il ne faut pas revenir sur des histoires de recomptage. Tous ceux qui pensaient à des recomptages en ont pour leurs frais.

En principe les cinq chefs d'Etats sont attendus à Abidjan le 21 février. Ils devraient avoir au préalable une rencontre à Nouakchott le 20 février et le 21, ils devraient venir à Abidjan. Donc nous les attendons pour finaliser le processus avec eux. Evidemment mon point de vue reste le même. Je pense que l'Union Africaine veut la voie pacifique, je l'encourage. Mais pour nous qui connaissons le terrain, qui avons pratiqué le président sortant, nous savons qu'il n'acceptera pas le postulat de l'Union Africaine. Mais il faut laisser l'Union Africaine faire sa propre expérience.

Vous savez, quand vous êtes assis sur votre propre expérience et vous savez très bien ce qu'il en est, quelque fois, vous avez du mal à communiquer votre foi aux autres. Il faut laisser chacun faire son expérience…Nous, nous connaissons l'homme. Mais des chefs d'Etat qui sont à sept heures de vol d'Abidjan, n'ont pas forcément la même connaissance des réalités que nous. Donc, il ne faut pas les empêcher de faire leur propre expérience. Il faut les laisser faire leur propre expérience et puis on conclura. Voici, mesdames et messieurs les journalistes l'introduction que je voulais faire. Evidemment, je suis totalement à votre disposition pour répondre à l'ensemble des préoccupations qui peuvent être les vôtres et ceux des Ivoiriens.

POLITIQUE & SECURITE

Vous avez dit que M. Laurent Gbagbo ne va pas accepter les conclusions du panel des chefs d'Etat. Sommes-nous donc partis pour nous installer dans la durée pour la résolution de la crise ivoirienne ? Est-ce qu'après, des médiations d'autres chefs d'Etat ne seront pas lancées pour prolonger ainsi la souffrance des Ivoiriens ?

Je pense qu'il ne faut pas se faire d'illusion. Je l'ai dit aux Ivoiriens, il y a des constances qu'il faut avoir à l'esprit. Premièrement, je n'ai pas encore vu des dictateurs qui partent par la négociation. Je l'ai dit depuis le mois de décembre. Il ne faut pas se faire d'illusion. Je trouve que les Ivoiriens aiment trop fonder leur espoir dans la communauté internationale. Pourquoi voulez-vous que la communauté internationale vienne régler notre problème à notre place. C'est aux Ivoiriens de prendre leur responsabilité. Qu'est-ce que vous attendez de l'Union Africaine ? Qu'elle vienne prendre Gbagbo à votre place ? Est-ce que c'est l'Union Africaine qui est allée chercher Moubarak ou Ben Ali ? Arrêtons de nous morfondre et de nous plaindre. C'est aux Ivoiriens de se mobiliser.

Chaque peuple trace son histoire, écrit son histoire, fait son histoire. Les autres chefs d'Etat ont leurs problèmes à gérer dans leurs pays. Ils ont beau vous soutenir, vous aimer, ils aiment d'abord leur propre pouvoir. Pourquoi voulez-vous qu'ils laissent leur propre pouvoir pour venir prendre un autre pouvoir pour vous le donner, parce qu'ils vous aiment. Pourquoi vous voulez que l'Union Africaine se substitue au peuple de Côte d'Ivoire?

Je pense que l'Union Africaine a fait le maximum. Le fait même que les Chefs d'Etat, malgré les relations qu'ils peuvent avoir avec le président sortant, s'engagent clairement pour dire à la face du monde entier que c'est M. Ouattara qui a gagné, pour moi, l'Union Africaine a fait son travail.

Une façon pour l'Union Africaine de dire aux Ivoiriens, c'est Ouattara qui est votre président, c'est vous-même qui l'avez élu, c'est à vous maintenant de l'installer au Palais. C'est comme ça que je lis le communiqué de l'Union Africaine. Je pense qu'il faut avoir cela en tête. Aujourd'hui les Ivoiriens ont le soutien de la Cedeao, le soutien de l'Union Africaine, celui de l'Union européenne et de l'Onu pour aller installer Alassane au palais. Les Ivoiriens doivent être contents de cela. Le peuple égyptien n'a même pas eu le vote d'une résolution des Nations Unies. Le peuple tunisien n'a même pas eu le vote des pays du Maghreb. Nous, nous avons tout cela. On a la Cedeao, On a Union Africaine, on a Union Européenne, on a Onu. Eux tous disent « Ivoiriens, on vous encourage, allez installer votre président ». Vraiment pour moi, on ne peut pas régler le problème de la Côte d'Ivoire en dehors du peuple de Côte d'Ivoire. C'est pourquoi il ne faut pas attendre que l'Union Africaine soit plus royaliste que le roi. Les cinq chefs d'Etat arrivent ici le 21 février. Pour nous, c'est une bonne chose. Mais c'est au peuple de Côte d'Ivoire, à partir du 21, de faire sa révolution. Comme les égyptiens et les tunisiens ont fait les leurs. Et Dieu sait si bien faire les choses qu'il nous montre des exemples palpables.

Le terreau est fertile et favorable pour la révolution. Donc c'est chacun d'entre nous, chacun des Ivoiriens chez lui qui doit réfléchir, comment je fais moi, à mon niveau, dans ma maison pour contribuer à la révolution du peuple de Côte d'Ivoire. Je pense que c'est nous. Considérons que c'est la dernière initiative du continent. A partir du 21 février, le peuple de Côte d'Ivoire doit faire sa révolution. Et cette révolution sera d'autant plus légitime que Gbagbo va humilier les cinq chefs d'Etat de l'Union Africaine qui vont venir. Des chefs d'Etat humiliés, cela ne peut qu'être encore un soutien massif au peuple de Côte d'Ivoire pour faire sa révolution. Il ne faut pas que les gens restent dans leurs salons et disent que l'Union Africaine viendra faire quelque chose. Ce n'est pas cela. C'est le peuple de Côte d'Ivoire qui fait sa révolution. Et l'Union Africaine applaudit.

M. le premier ministre, vous semblez bien confiant en ce qui concerne les résultats du panel. Des décisions des chefs d'Etat, est-ce que vous ne vous attendez pas à des surprises ?

Avant le sommet de L'UA, les Ivoiriens étaient confiants quand à la fin heureuse de cette crise. Mais à l'issue de ce sommet, la population ne sait plus à quel saint se vouer. Que pouvez-vous dire à cette population ?

Vous n'arrêtez pas de dire que tout rentrera dans l'ordre. On nous parle d'un panel des chefs d'Etat africains qui vont travailler pendant un mois. Face à un éventuel échec, à quoi devrions-nous nous attendre de la part de votre gouvernement ?

Moi, je suis confiant pour une seule chose. Le peuple de Côte d'Ivoire a voté. Si le peuple ivoirien n'avait pas voté alors, ça serait autre chose. Quelles que soient les circonvolutions, les turpitudes, on revient à un point fixe : Le peuple de Côte d'Ivoire a choisi un Président. Or le principe, le socle de la démocratie, c'est le peuple qui décide. C'est cela la démocratie. Donc, je ne vois pas comment on viendra dire un jour que le peuple que nous avons vu aller aux urnes, ne s'est rendu aux urnes. Quels que soient les cas de figures, le peuple de Côte d'Ivoire a voté. Son choix est connu. Nous avons des certitudes. La première, c'est que Monsieur Ouattara est président de la République. Tout le monde l'a reconnu. Il n'existe aucune organisation qui ne reconnaît pas Monsieur Ouattara comme étant le président. Même l'Organisation de la conférence islamique (Oci) reconnaît Monsieur Ouattara. Donc, cela est une certitude, un acquis. C'est terminé. Ensuite, l'Union africaine et la Cedeao ont clairement dit qu'elles ne rentreront pas dans un « power sharing » comme au Kenya, au Zimbabwe. Il s'agit de faire prévaloir le verdict des urnes et le choix démocratique du peuple de Côte d'Ivoire. Moi, je reste confiant. Donc, notre postulat est simple :

Monsieur Ouattara a été élu. Il faut qu'il aille au Palais. Et après, tout le reste est possible. Si l'Union africaine se donne les moyens pour que Monsieur Ouattara soit au Palais, alors tout le reste est possible. Mais pour l'heure je demeure confiant. Je ne pense pas que les chefs d'Etat puissent aller dans le sens contraire à la volonté du peuple. La surprise serait que les chefs d'Etat africains viennent dire qu’Alassane n'est plus élu. Or, cela est impossible. Maintenant, le reste ce sont des variantes de ce qu'on peut offrir au perdant. Parce qu'il y a les bons perdants et les mauvais perdants. Quand Abdou Diouf perd les élections à Dakar et qu'il est le premier à prendre son téléphone pour appeler le président Wade, c'est un bon perdant. Pour Diouf, on n'a pas besoin de voter une loi d'amnistie. Mais le mauvais perdant, celui qui confisque le pouvoir et qui tue 300 à 500 personnes, c'est un problème. Mais le postulat, c'est d'abord d'installer Monsieur Ouattara.

La révolution est l'affaire de tous. Et nous allons faire notre révolution en Côte d'Ivoire. On ne peut pas avoir autant d'atouts et d'ingrédients réunis et puis ne pas réussir notre révolution. Donc, nous allons réussir cette révolution. Nous laissons l'union africaine faire son expérience par elle-même de ce qu'on peut négocier avec Gbagbo. Quand tout le monde sera d'accord sur ce fait, en ce moment-là, le peuple de Côte d'Ivoire aura toute la liberté de faire sa révolution.

Vous avez dit que nous allons faire notre révolution. La révolution est un acte spontané. Les Tunisiens et les Egyptiens ont pris leur responsabilité. On pense que le peuple ivoirien tarde à réagir. Elle reste dans la léthargie. Vous avez lancé la révolution pour le 21 février. Et si à cette date on demeure encore dans cette léthargie du peuple. Et-ce que ce ne sera pas encore un autre revers?

On peut avoir plusieurs définitions de la révolution. Elle peut être préparée tout comme elle peut être spontanée. Je crois que la révolution est la mise en place d'un certain nombre de facteurs pour amener le peuple dans une orientation afin d'obtenir un changement. Elle peut être pacifique ou violente. Donc, moi, je ne crois pas que le peuple de Cote d'Ivoire est dans la léthargie. Je pense que le peuple ivoirien est un peuple mobilisé et mobilisable. Mais toutes les dictatures ne sont pas les mêmes. C'est cela la différence. Sinon le 16 décembre quand on a demandé au peuple de sortir, il a répondu à notre appel. Il y a eu des tirs et des morts. On a tiré sur la population. Dans le cadre de mes activités, j'ai réuni quelques officiers pour leur demander pourquoi en Tunisie et en Egypte où Moubarak est un général d'armée, l'armée n'a pas tiré sur le peuple et qu'ici cela a été fait. Un officier m'a donné la réponse suivante qui m'a paru brillante : « Monsieur le Premier ministre ne faites pas de comparaison. Ce n'est pas le même gabarit ». Cet officier a eu la chance de faire des études en stratégie militaire en Egypte. Il m'a dit que les officiers tunisiens et égyptiens ne sont pas du même gabarit que nos gens d'ici, dans la formation, dans la philosophie et dans la qualité. Le chef d'état-major tunisien n'a rien à voir avec Mangou.

C'est donc ça notre problème. Le niveau de l'armée tunisienne ou égyptienne est nettement au-dessus de celle que nous avons actuellement. Je pense que pour nommer quelqu'un comme chef d'état-major des armées, il doit avoir un sens élevé du devoir et de la responsabilité… C'est ce qui explique qu'il y a des armées qui tirent sur la population et d'autres ne le font pas. Sinon, je considère que la population ivoirienne est brave.

La révolution doit s'adapter à la nature de l'adversité et de la force en face. Tant que les égyptiens avaient des soldats formés et disciplinés qui ont une haute opinion de leur métier de soldat qui est plutôt de défendre le citoyen que de l'abattre, ils ont pu marcher face à une armée neutre. Etudiez bien les révolutions tunisienne et égyptienne, vous verrez le gabarit de l'armée.

Pour revenir à la Côte d'Ivoire, en 2000 et en 2004, l'armée a tiré. Et c'est l'impunité qui forge ce type de comportement. Nous avons préparé un rapport sur les droits de l'Homme et situé les responsabilités de chaque officier. Quand on a répondu à un ordre illégal et quand on a commis des crimes, 5 ans, 10 ans plus tard, cela rattrape. J'invite chacun à voir le film « la traque des Nazis ». On y voit comment après 30 ans de traque, des Nazis ont été rattrapés. Et on y voit un Nazi, au moment où il est pris, tenter d'inspirer de la pitié. Or, quand il commettait les faits, il se croyait invincible. J'invite les militaires à avoir à l'esprit la traque des Nazis dans l'exercice de leur fonction. Tous ceux qui vous encouragent à tuer en leur nom ne feront rien pour vous demain. Un chef d'Etat dit que quand on t'envoie, il faut savoir s'envoyer. Quand on te dit d'aller tuer, il faut savoir tuer car votre responsabilité est engagée.

Concernant le panel des chefs d'Etat, il y a un problème de confiance pour certains. Est-ce que vous avez confiance à tous les composants de ce panel ? Quel est votre regard ?

Pour le panel des 5 chefs d'Etat, moi je fais confiance en l'union africaine et aux 5 chefs d'Etat. Vous dites que certains sont récusés. Mais on n'a demandé à personne son avis. Gbagbo n'est plus président. Il n'était même pas au sommet des chefs d'Etat. Qui lui a demandé son avis pour désigner les 5 chefs d'Etat? Il ne faut pas se ridiculiser. quand on n'a pas demandé ton avis, tu te tais.

Le recours à la force légitime est une option qui est toujours sur la table. A supposer que les 5 chefs d'Etat viennent et qu'ils sont humiliés et repartent, que sera la prochaine étape pour l'union africaine?

La Cedeao, à juste titre, a recommandé la force légitime. Et nous, nous sommes totalement d'accord pour utiliser la force légitime. Ce ne sera pas la première foi. La Cedeao a utilisé la même force en Sierra Leone. Aujourd'hui, le peuple sierraleonais vit la démocratie. Je ne cherche pas une armée contre les Ivoiriens, mais plutôt contre celui qui confisque le pouvoir. C'est Gbagbo qui a pris l'argent du contribuable pour acheter des Sukkoi, des Mi-24 pour tirer à Bouaké sur la population civile. Il héberge des mercenaires à Abidjan, payés avec l'argent du contribuable, et ceux-ci ont tué 500 Ivoiriens.

Le souci que nous avons est d'éviter une guerre généralisée. Je comprends que les gens soient fatigués mais nous donnons la chance à la paix et nous avons un horizon raisonnable. Les deux forces ont travaillé ensemble pendant 3 ans. Des liens se sont noués. Il faut trouver le moyen de régler les comptes de ceux qui confisquent le pouvoir sans mettre à mal les liens dans l'armée de Côte d'Ivoire. Nous sommes en train d'y réfléchir. C'est pourquoi je suis entouré de militaires issus aussi bien des forces nouvelles que des Fds-ci. Il ne faut pas considérer qu'il y a une armée des Fds-ci et une autre des Fafn. Il y a une armée républicaine d'une part, et, d'autre part, des mercenaires et une garde républicaine qui confisquent le pouvoir.

Dans l'armée, les lignes bougent. Il commence à y avoir des arrestations. Pour un pouvoir volé, vous voulez empêcher des militaires de le dénoncer. Quand ils le font, vous les accusez de fomenter des coups d'Etat. L'armée grogne et ça bouge dans l'armée. De la même façon qu'on a tiré sur des populations civiles à Abobo, dans l'armée, on veut arrêter des militaires et tirer sur eux. L'armée n'est pas unanime. Des militaires des Fanci m'ont appelé, ils m'ont même envoyé des messages de menaces terribles venant de la milice de Gbagbo au sein de l'armée. Des messages leur disant qu'ils seront abattus. Quand on est dans le faux, on est obligé de menacer et d'arrêter des militaires. On ne peut pas maintenir toute une armée dans le mensonge tout le temps. L'armée grogne et cela est important. Je ne veux pas que les Fafn affrontent la frange saine de notre armée. Les deux doivent plutôt se donner la main. C'est le signal fort que je lance. Le porte-parole du ministère de la défense, le capitaine Alla, bientôt, va s'adresser à ses frères d'armes. Le capitaine Alla n'est pas issu des Fafn et il n'est pas à la retraite. Il est des Fanci. C'est le sous-préfet militaire de Zouan-Hounien. Vous verrez de nouvelles personnes des Fanci nous rejoindre.

Soyez rassurés. L'armée n'acceptera pas la forfaiture. Au sein de notre armée, il y a des militaires aussi valables que ceux qui sont en Egypte et en Tunisie. Cela ne tardera pas.

Aujourd'hui, on ne parle plus de recompter les voix, mais plutôt de reprendre les élections. Quel est votre avis ? Après leur réunion à Bamako, les chefs d'état-major de la Cedeao ont dit que plus rien n'entrave les préparatifs de l'Ecomog. Qu'en est-il ? Par ailleurs, de retour d'une tournée africaine, vous avez tenu un conseil militaire avec vos hommes. Quelles en sont les résolutions ?

Quel est votre avis sur la présence d'un navire sud-africain au port d'Abidjan?

Concernant la première question, je vous assure que Lmp ne cessera jamais de me surprendre. Ils ont l'imagination fertile. Recomptage, reprise des élections, etc. Que ne feront-ils pas pour gagner une semaine de plus ? Ils avaient la possibilité de faire reprendre les élections par le Conseil constitutionnel. Ils n'en n'ont rien fait. S'ils parlent de reprise, c'est un recul. Mais c'est déjà tard. Il y a eu un vainqueur de l'élection. J'ai dit aux Africains de faire attention. Aucune institution n'est au-dessus du peuple. Les institutions sont au service du peuple. Quand une institution commence à oppresser le peuple, la révolte du peuple est de droit.

Imaginons qu'on dise que c'est le Conseil constitutionnel qui nomme le président en Côte d'Ivoire.

On n'a pas besoin de créer un vaste conseil de 13 membres pour dépenser l'argent des Ivoiriens. On peut faire un conseil de 3 membres. Deux analphabètes qu'on fait venir du village et son propre cousin. Les Ivoiriens votent et autour d'un repas à midi, tu leur dis qui est président et c'est fini.

Arrêtons cela. Sinon pourquoi se donner tant de mal pour organiser une élection ? Si ce conseil se trompe pour nommer quelqu'un qui n'était pas candidat au second tour, doit-on l'accepter parce que la loi aurait dit que quand le conseil nomme quelqu'un, il devient président? On met en danger nos Républiques. C'est tout le fondement du raisonnement Lmp.

L'enjeu de ce qui se passe en Côte d'Ivoire, c'est, est-ce que la communauté internationale et les Ivoiriens eux-mêmes trouveront la solution ? Le peuple de Côte d'Ivoire, qui a voté Alassane Ouattara à 54%, se donne-t-il les moyens de s'organiser dans les quartiers et les villes pour faire respecter son vote ? Pour moi, c'est cela la révolution que nous allons commencer à préparer.

Cela peut prendre une semaine, 10 jours ou un mois. Mais, tant qu'on n'aura pas commencé, il n'y aura pas de révolution. Il faut qu'un jour, on s'asseye et qu'on mette l'Union africaine et les autres de côté. Et nous qui avons choisi le président, on part l'installer. Dans le village, le campement, la ville, on y réfléchit. Ensuite, ça grandit : c'est cela la révolution. Si on l'organise bien, elle va marcher. Il faut que les Ivoiriens fassent leur révolution. Et nous allons faire notre révolution.

Les dernières dix années nous on montré que face à des dictatures féroces, cette organisation a renversé des régimes militaires : au Kossovo, en Serbie, en Pologne. C'est cette organisation que nous allons préparer maintenant. Je dis qu'il faut que les Ivoiriens fassent leur révolution. Nous allons la faire. La reprise des élections, c'est un débat suranné. On est maintenant à la révolution.

Laissons l'Ecomog et faisons la révolution. En Egypte, il n'y a pas eu d'Ecomog. Faisons la révolution. Laissons les cinq chefs d'Etat venir le 21 février. Et faisons la révolution. C'est efficace. Nos officiers sont en contact avec les autres (Ecomog). Quand j'étais à Abuja (Nigéria, ndlr), j'ai rencontré le président Jonathan Goodluck, le général Peterine de la force de l'Ecomog.

Nous gardons le contact. Ils ont fait trois réunions dont deux à Abuja et une autre rencontre à Bamako (Mali). Le général Gueu Michel qui a participé aux différentes réunions, nous a fait le point de la situation. Selon son compte-rendu, ils ont rencontré les militaires qui doivent former la troupe d'intervention. Les militaires disent que le plan d'attaque et la stratégie sont prêts. Ils attendent l'ordre de leurs chefs. Les militaires vont vite et ils n'ont pas besoin de faire vingt réunions.

A propos du conseil militaire…

Nous nous sommes organisés. L'une des résolutions, c'est la nomination d'un porte-parole. Donc, je n'aurai plus besoin de parler aux militaires. Lui (le capitaine Alla Kouakou Léon, ndlr), va le faire.

C'est un visage connu dans l'armée de Côte d'Ivoire. Il a eu correctement ses diplômes. C'est un soldat d'honneur et de valeur. Je vous signale que mon directeur de cabinet a fait deux écoles de guerre : Aux Etats-Unis et en France (Paris). Dans les jours à venir, les choses font ce savoir.
A propos du navire sud-africain,…

Nous avons eu l'information. J'ai rencontré hier l'ambassadeur d'Afrique du Sud. Nous avons parlé. Je vous rassure que ce n'est nullement un soutien à Gbagbo. Vous savez, quand on est naufragé on s'agrippe à tout. Le plus petit navire devient une bouée de sauvetage. L'Afrique du Sud a démenti. Ne vous inquiétez pas. Ce navire n'a rien à voir avec Gbagbo. C'est un navire sud-africain pour l'Afrique du Sud. Je ne m'hasarde même pas à vous donner le nombre de navires dans nos eaux. Vous êtes journalistes et je sais que vous trouverez qu'il y a plusieurs autres navires. Ce navire est venu pour le président sud-africain et le personnel de l'ambassade. Quand le président doit arriver, ils mettent en place un dispositif sécuritaire impressionnant. C'était le cas lorsque l'ancien président sud-africain, Thabo M'Beki devait venir à Bouaké. Il y avait des chars sud-africains un peu partout car on considère que la Côte d'Ivoire est un pays en guerre. Donc, ils prennent des dispositions spéciales.

Le surarmement et révolution armée…

Les révolutions sont fonction des régimes et des réalités du pays et du moment. La révolution tunisienne était différente de la révolution égyptienne. Parce que la résistance en Tunisie était différente de la résistance en Egypte. Donc la révolution ivoirienne sera différente des révolutions tunisienne et égyptienne. Une révolution peut être plus ou moins pacifique. Elle peut être plus ou moins violente, si on impose les conditions de sa mise en œuvre. Une révolution implique forcément le peuple, elle ne peut se faire en dehors du peuple. Et ce qui doit être central dans une révolution, c'est le peuple. Une révolte peut se muer en révolution comme une organisation pratique sur le terrain peut occasionner la révolution. Mais je dis encore que le peuple de Côte d'Ivoire fera sa révolution. Le peuple de Côte d'Ivoire se donnera les moyens de sa révolution, de la même façon qu'à Abobo ils se sont donné les moyens de leur résistance. Je l'ai expliqué, au début c'était des casseroles. On a continué à entrer dans les maisons et à les tuer. Ils ont fini par arracher deux kalachnikovs à des policiers. Et avec ces deux kalachnikovs, ils se débrouillent. Si le peuple de Côte d'Ivoire se donne les moyens de sa révolution, il fera sa révolution. Mais ce que je suis en train de dire aux Ivoiriens, c'est qu'il est faux de se coucher dans son lit, dans sa chambre climatisée et dire on ne voit même pas l'Union africaine ou bien l'Ecomog en train d'enlever Gbagbo du pouvoir. Je dis qu'en Egypte il n'y avait pas d'Ecomog. En Tunisie, il n'y avait pas l'Union africaine. Tant qu'on va déléguer aux autres notre responsabilité et qu'on va vouloir faire une révolution par procuration, on a un problème. On n'a pas le choix, Gbagbo est suicidaire mais nous sommes déterminés. C'est un face-à-face, je ne dirai pas mortel, mais terrible. Donc le peuple doit faire sa révolution, j'insiste là-dessus. Maintenant qu'on sait que Gbagbo ne tient que par l'armée, par trois généraux, nous avons déterminé avec précision où est le problème. La résistance de Gbagbo, ce n'est pas l'argent ni le peuple parce qu'il n'arrive pas à mobiliser le peuple. Quand sur une capitale de cinq millions de personnes vous avez réussi à en mobiliser cinq mille je ne sais pas quel pourcentage cela représente. Donc, il ne tient encore sur rien d'autre qu'une frange de notre armée. Nous avons bien détecté cela. Et c'est cela le problème, donc le peuple fera sa révolution.

Je voudrais profiter pour saluer M. Eugène Dié Kacou. Quand j'étais étudiant, il faisait une émission ''5 fois 3''. J'étais dans la clandestinité et on lui avait interdit de m'interroger. Eugène Dié Kacou s'est débrouillé avec son équipe pour venir me retrouver dans ma clandestinité et réaliser son émission. Après cela, l'émission a disparu. Je sais qu'Eugène Dié Kacou est un homme engagé. Je l'ai appelé pour le saluer. Nous, nous considérons ces mesures-là nulles et de nul effet. Si le ridicule pouvait tuer. On dit qu'on a arraché des fréquences à Onuci-Fm. J'ai vu M. Choi aujourd'hui. Il m'a dit : « C'est un gouvernement illégal, aucune fréquence n'est arraché. Est-ce que vous confirmez les fréquences ? » Je lui ai répondu par l'affirmative. Il dit : «Bon, nous on continue. » Est-ce que tout cela n'est pas humiliant ? Ils disent : «On ne veut plus de tel ambassadeur. » Ce dernier répond : «Non je reste.» Et puis, il est là, ils ne font rien. Ça devient ubuesque.

Par contre, ce qui est dramatique, c'est le cas de journalistes qu'on torture. Il y a deux journalistes qui venaient pour travailler à Abidjan et qui ont été arrêtés. J'étais Premier ministre quand la loi sur la presse et la communication audio-visuelle a été initiée. Comme le régime est plein de contradictions ! Nous avons tous dit qu'on ne met pas de journaliste en prison. Et voilà que depuis plusieurs jours, deux journalistes ont été arrêtés, cela n'est pas acceptable. Mais comme je l'ai dit, nous sommes dans une dictature où le respect des règles de la société n'est plus de mise et on assiste à ce genre de drame. Donc c'est avec horreur que nous le dénonçons. Et nous nous insurgeons contre. Tous ceux qui jouent au brigand leur place c'est la prison. Les hors-la-loi finissent toujours par être rattrapés par la police. Il ne faut pas croire qu'on peut faire toutes ces choses-là dans l'impunité.

La révolution que vous prônez ne sera-t-elle pas un autre échec comme le changement par la voie pacifique ?

C'est la théorie des deux contraires. C'est parce qu'on a fait la voie pacifique qu'il est clairement perceptible qu'une révolution s'impose. Les Egyptiens ont vécu 30 ans pour faire une révolution. Il n'est jamais trop tard. Si on n'avait pas fait la marche du 16 décembre, on n'aurait pas vu le problème et la communauté internationale ne nous aurait pas suivis. Et tout le monde n'aurait pas perçu la nature du régime auquel nous étions confrontés. Il y a des personnes qui me demandent :
« Soro, comment tu as fais pour organiser des élections avec ce monsieur ? » Je leur réponds en disant c'est aujourd'hui que vous découvrez ce monsieur. Moi je le connais depuis longtemps.

Comprenez qu'il y a du mérite à travailler avec ce monsieur pendant trois ans et l'amener à une élection, ce n'était pas de l'amusement.

Je pense que la révolution se justifie aujourd'hui. Au vu de la réalité du terrain, toutes les actions du passé ont eu leur utilité. Parce que de plus en plus les gens, même ceux qui n'étaient pas d'accord avec la rébellion le sont aujourd'hui. Quelquefois, les gens mettent du temps à comprendre. J'ai reçu certaines personnes ces temps-ci qui viennent me dire : « Monsieur le Premier ministre, c'est maintenant que nous vous comprenons. » Je leur demande comment ? Ils me répondent : « Le 19 septembre 2002, vous n'avez pas fait la rébellion pour vous-même. Vous l'avez fait pour nous. C'est nous que vous avez sauvés. » Je leur demande d'expliquer. Et ils me disent que si je n'avais pas fait la rébellion en 2002, Laurent Gbagbo allait s'enraciner en Côte d'Ivoire, et nous sérions foutus. Nous avons échappé à un grand complot. Parce qu'il n'allait pas faire 10 ans comme le demandait la Constitution c'est-à-dire un mandat une seule fois renouvelable. Il était parti pour enraciner une dictature en Côte d'Ivoire. J'ai entendu des choses insoutenables dans des milieux. On disait par exemple que Houphouet-Boigny et les Baoulé ont fait 40 ans, pourquoi nous ne changeons pas la Constitution pour faire 30 ans aussi. Tant que nous ne ferons pas 30 ans, nous ne laisserons pas ce pouvoir. Vous comprenez pourquoi les choses perdurent.

Vous croyez encore que le Fpi avait des vertus démocratiques de gauche ? Ne vous trompez pas. Heureusement que les gens ont compris les raisons de 2002. Beaucoup ne nous auraient pas compris. Mais à partir de maintenant, les gens nous comprendront. La Côte d'Ivoire a échappé à un vaste et profond complot, et c'est aujourd'hui mieux qu'hier que les gens viennent me voir pour me dire merci d'avoir fait la rébellion le 19 septembre 2002. L'histoire des jeunes patriotes se préparait depuis 2000/2001 pour changer la Constitution en 2005 et enlever la close de limitation des mandats. Ils allaient mobiliser 500.000, 1.000.000 personnes à Abidjan pour dire de changer la Constitution. J'ai été Premier ministre pendant 3 ans et croyez en ce que je dis. Ce n'était pas la démocratie. Je suis même gêné d'avoir eu raison trop tôt. Je dis aux Ivoiriens c'est maintenant que vous devez faire votre révolution sinon vous subirez. Et nous la ferons, cette révolution en Côte d'Ivoire.

ECONOMIE

A propos de l'étranglement économique et le bilan des mesures…

Pour préserver le tissu économique de la Côte d'Ivoire, notre gouvernement a été amené à prendre des mesures. Nous voulons protéger les ressources de l'économie et les finances de l'Etat.

Les mesures économiques…

Nos sociétés ont évolué. Aujourd'hui, nous sommes dans un système dans lequel quand la majorité désigne quelqu'un, c'est lui qui gouverne. C'est le système démocratique. Donc comme M. Gbagbo sait que de toutes les façons, il a rompu le système démocratique, il est alors obligé de se maintenir par la force y compris en détournant les ressources financières de l'Etat de leurs destinations premières. Qui est de construire des écoles, des centres de santé, des hôpitaux, des routes. Nous nous sommes dit : mais si on lui laisse tout cet argent, il le prend pour recruter des mercenaires, pour acheter des armes. Et le peuple souffrira deux fois plus, vivra dans une situation politique pénible, mais même des ressources destinées à son bien-être sont destinées à des achats d'armes. Il valait mieux prendre des mesures pour mettre ces ressources hors de sa portée. Si Gbagbo n'a pas accès à ces ressources, c'est autant de ressources qui vont être cumulées et qui pourront servir à un gouvernement légitime, légal pour soulager les populations de ses souffrances passées. Il faut que les Ivoiriens comprennent qu'en réalité, les mesures que nous prenons sont des mesures de sauvegarde des ressources pour le gouvernement légitime.

C'est le même principe qui guide les grandes nations démocratiques. Les Etats-Unis gèlent leur coopération lorsqu'il y a rupture de l'ordre constitutionnel dans un pays. Par exemple, après le coup d'Etat du 24 décembre 1999, les Etats-Unis ont gelé la coopération avec la Côte d'Ivoire.

Mais, quand ils gèlent le financement du sida, ce n'est pas parce qu'ils n'aiment pas les malades du sida de Côte d'Ivoire, ou parce que ces malades-là ont fait un coup d'Etat. Quand ils coupent les ressources pour le riz, l'eau etc, ce n'est pas parce que les cultivateurs sont fautifs. Mais c'est parce que le principe qui a guidé l'Etat de Côte d'Ivoire et qui a guidé les grandes nations démocratiques a été rompu. Si nous ne coupons pas ces ressources, nous faisons envoyer de l'argent à ce gouvernement illégitime qui va les détourner pour en faire autre chose. Nous bloquons l'argent qu'il devait avoir du cacao et autres pour ne pas qu'il achète des armes et s'offre des mercenaires. Le fait de détourner cet argent qui ne va pas à un paysan est un problème, mais mieux, Gbagbo va acheter la balle qui peut tuer l'enfant du paysan. Cela fera deux souffrances pour le paysan. Or, si on bloque l'argent, évidemment le paysan peut souffrir. Mais au moins, il aura l'avantage que s'il vit, les ressources sont là pour lui, demain. Mieux, comme le régime n'aura pas d'argent pour acheter la balle du mercenaire, il aura au moins son enfant vivant, à la maison. J'explique cela pour que vous compreniez la philosophie qui guide les mesures économiques que nous prenons.

Pour nous, les résultats de ces mesures sont palpables. Vous-mêmes, journalistes, vous les vivez. Vous entendez dire que dans telle banque, il est difficile de retirer des ressources. Ce sont donc des actes visibles. On voit bien que Gbagbo commence à solliciter de l'argent de l'Angola à qui il a demandé un prêt d'un milliard de dollar. Evidemment, jamais personne ne lui fera un prêt d'un milliard de dollar. Si le chef de l'Etat angolais prête un milliard de dollar, son peuple va se révolter.

J'ai été Premier ministre et il y a eu des moments où le ministre Diby et moi nous nous sommes déplacés pour aller chercher soixante quinze milliards de Cfa, nous ne les avons pas eus. A plus forte raison un milliard de dollar à avoir auprès d'un pays africain. Bon, bonne chance !

Donc, c'est que pour nous, ces mesures-là sont des mesures de sauvegarde afin que des ressources de l'Etat soient disponibles pour le peuple.

Ils disent qu'ils payent les salaires. La masse salariale de façon globale est autour de soixante quinze milliards de Fcfa. Evidemment, quand on a dix à trente milliards et qu'on a pu payer une frange de la Fonction publique, on dit qu'on a payé les fonctionnaires. Mais, c'est dans le long terme que les gens vont comprendre ce que c'est que payer les fonctionnaires. Les ambassades et bien d'autres services sont asphyxiés financièrement. Les mesures que nous avons prises à ce niveau-là vont avoir un rôle de goulot d'étranglement progressif. Et j'avoue que je ne comprends pas au nom de quoi Gbagbo résiste toujours. Il faudra qu'on étudie cela quand on va sortir de la crise. Au nom de quoi tu résistes, si ce n'est la philosophie de la terre brûlée. Il se dit : «comme je ne suis pas président, alors qu'on détruise tout». Mais si Houphouet avait tout détruit, toi Gbagbo tu pouvais être président en Côte d'Ivoire ? Il est prêt à aller à la déstructuration de l'économie du pays pour un pouvoir de combien de temps ? Un mandant de cinq ans.

La monnaie ivoirienne

En tout cas, c'est téméraire mais c'est utopique. Pour longtemps encore, à moins de soumettre les Ivoiriens à acheter des brouettes pour convoyer leur argent. Avec une monnaie inflationniste, je ne vois pas comment cela est faisable en Côte d'Ivoire. Le mécanisme financier en Côte d'Ivoire est tellement avancé dans sa structuration que cela va casser le pays. Ce sera la dernière bêtise qu'on nous imposerait avant de partir, mais je crois que la révolution se fera avant.

DIPLOMATIE

La nomination de diplomates…

Vous dites qu'on a vu des changements à Paris, à Genève, à New York, mais on n'en voit pas en Afrique. C'est juste, mais c'est nous qui avons pris ces dispositions-là. Quand le gouvernement a été nommé le 5 décembre 2010, comme le dossier de la Côte d'Ivoire se débattait au Conseil de sécurité des Nations Unies, le reflexe que nous avons eu a été de nommer rapidement des ambassadeurs dans les cinq pays qui sont membres permanents du Conseil de sécurité. Ce sont les cinq premiers qui ont été reconnus, ensuite nous avons nommé les autres. Nous avons déjà désigné des ambassadeurs pour l'Afrique. Il n'y a aucun problème à ce niveau. Je me souviens que pendant ma tournée, des présidents m'ont demandé quand est-ce que nous leur envoyons des ambassadeurs. C'est parce qu'en décembre dernier, il était extrêmement urgent de nommer des ambassadeurs dans les cinq pays membres du Conseil de sécurité. En Chine, nous avons gardé l'ambassadeur Koffi Nicaise qui reconnaît Alassane Ouattara comme président. A Paris, c'est Ally Coulibaly, celui de Genève c'est Kouakou Adjoumani. Nous avons envoyé quelqu'un à Bruxelles, pareil en Grande Bretagne et en Russie. Pour la sous-région, nous avons déjà proposé des noms, les reconnaissances des pays africains se feront de façon cadencée.

Mesdames et messieurs les journalistes, au moment où s'achèvent notre conférence de presse, le voudrais vous remercier pour le travail. Votre métier n'est pas aisé et je fais partie de tous ceux qui vous critiquent quand vous nous attaquez dans les journaux et qui vous félicitent quand vous nous encensez un peu. C'est un métier qui a le mérite de faire avancer les choses dans la contradiction. Je voudrais vous dire de garder la sérénité. Le régime de Gbagbo est fini. Tout ce que vous voyez aujourd'hui sont les spasmes d'un régime fini. Et ce n'est pas parce qu'il est fini qu'il n'est pas dangereux. Parfois, c'est parce qu'il est fini qu'il est dangereux. Ne cédez surtout pas à la fatigue, car je vois certaines personnes dire que la crise est trop longue. Mettez-vous à la place des autres. Laurent Gbagbo est plus fatigué que vous. Voilà quelqu'un qui est président et qui nous a mis dans un blocus. Mais il est lui-même bloqué chez lui. Quand j'étais étudiant, on nous mettait en prison, j'aimais dire aux étudiants que le vrai prisonnier, ce n'est pas celui qui est à la Maca. C'est celui qui est obligé de réfléchir pour trouver les moyens pour nous libérer. A la Maca, on se promène dans la cour, on lit. Mais celui qui t'a envoyé là-bas est obligé de te surveiller et de réfléchir pour te libérer. C'est-à-dire lui-même, il créé une raison qui justifie ta libération. Une façon pour dire de ne pas céder au découragement. Il faut s'armer de courage et de détermination. Ce régime est fini, il faut se donner les moyens d'organiser le départ de Gbagbo et c'est la révolution.

Sinon Gbagbo n'est pas plus fort que Moubarak. Et il est parti. Tous ces changements doivent vous donner espoir. Gbagbo partira et il partira. Il partira comme Ben Ali est parti, comme Moubarak est parti. Plus il va résister plus, il va mal partir. Vous (journalistes) avez cette certitude que Gbagbo partira. Adossez-vous à cela et organisons-nous. Comment ? Depuis les villages jusqu'aux villes. Organisons-nous pour le faire partir. Nous allons accueillir et écouter les émissaires de l'Ua. Et Gbagbo va les humilier. Je le connais, c'est ce qu'il fera. Et lorsque cela arrivera, vous direz Soro a eu raison. Il ne faut pas que les Ivoiriens perdent leur temps, qu'ils préparent la révolution.
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ