Y a-t-il des intouchables devant la loi ? L’histoire suivante relatant le conflit opposant l’homme d’affaires bukinabé, Ouédraogo Patounizambo (Pat.) à son associé ivoirien Assémien Pascal, est une belle illustration des souffrances que vivent des justiciables en Côte d’Ivoire.
Le 5 décembre 2008, M. Assémien Kouadio Pascal, cadre ivoirien, exténué par une affaire qui l’oppose depuis des années devant la justice à son associé Ouédraogo Patounizambo (Pat.), homme d’affaires bukinabé, s’adresse au président la République Laurent Gbagbo, dans un courrier dont voici un extrait : « Monsieur le président, je viens très respectueusement solliciter, par ce cri de cœur, à la fois votre statut de premier magistrat de ce pays et votre qualité d’homme épris de justice, pour le règlement d’un conflit purement commercial, auquel certaines personnes malveillantes lui ont donné malheureusement et à mon détriment, une teinture politique voire diplomatique ». Assémien Pascal est associé au tiers du capital de la société Cbo, créée en 1991 avec pour objet de distribuer les produits (boissons) issus d’une brasserie de la place. Pat. Ouédraogo détient les deux tiers des parts de cette société dont le siège était initialement à Issia avant d’être transféré à Abidjan. Concepteur et Directeur général de Cbo, Assémien Pascal met à profit le stock de 100 millions de Fcfa que le concédant a mis à la disposition de sa structure pour réaliser au terme du deuxième exercice, un chiffre d’affaires de 8 milliards. Le premier exercice, fait sur l’activité de 9 magasins implantés dans les principales villes de l’Ouest du pays, avec le travail de plus de 130 jeunes Ivoiriens (employés et commerçants), a réalisé 6 milliards de Fcfa. Fin 1992, une grave crise éclate entre les deux associés. Pat. Ouédraogo qui ne travaille pas à Cbo, outrepasse le Directeur général (Assémien) et utilise les recettes de leur société pour financer ses activités de négoce de café et de cacao. Une note d’encaissement des recettes adressée à un gérant Cbo, en date du 21 décembre 1992, est interceptée par Assémien Pascal. Qui exprime vivement son désaccord. Le 18 janvier 1993, au motif que le staff de Cbo a tenu une réunion de travail à Yamoussoukro plutôt qu’à Issia sous l’initiative d’Assémien Pascal, Pat. Ouédraogo lui adresse une lettre de suspension. Il change la serrure de son bureau et confisque dès lors tous ses biens et droits. Pat. Ouédraogo quitte Issia et revient une semaine plus tard, avec un nouveau Directeur général, de nationalité burkinabé qu’il impose sans passation de service. Celui-ci licencie la quasi-totalité des travailleurs ivoiriens et les remplace par des ressortissants burkinabé. Pat.
Ouédraogo dissout ensuite Cbo et la remplace par Central Trading Op. En juillet 1993, Assémien rencontre le Procureur général d’Abidjan. Qui met à sa disposition une avocate pour son assistance moyennant des honoraires à terme. Le lendemain, confiant, il remet à l’avocate, une pile de documents importants.
Ouédraogo Patounizambo est vraiment intouchable
Face à l’échec de toutes les médiations qu’il a initiées pour ramener Pat. Ouédraogo à la raison, il finit par saisir le tribunal de Daloa en 1994. A l’issue de la seconde audience, Pat. Ouédraogo initie des pourparlers pour une solution négociée. Son associé retire provisoirement sa plainte. Dans la même période, la Savac manque d’abattre Assémien. En février 1994, le Procureur général d’Abidjan et Pat. Ouédraogo sont surpris en tête-à-tête au restaurant du Motel Agip d’Issia. A une table voisine, se trouvent le Procureur du parquet de Daloa et une dame, assistante sociale, mère de trois filles de Pat. Ouédraogo. Pat oblige Assemien à déposer une copie de la lettre de suspension de sa plainte chez son conseil avant d’entamer les négociations. Le 10 mai 1994, c’est chose faite. La rencontre organisée entre les deux associés en juin 1994 n’aboutit pas. Difficile pour Assémien de rencontrer le Procureur de Daloa. Le Procureur général d’Abidjan est lui aussi inaccessible. Juin 1994, il décide de récupérer ses documents remis à l’avocate. Elle accepte à condition que la somme de 3 millions lui soit d’abord versée. Assemien parvient difficilement à verser la somme de 700 mille, mais n’aura pas les documents. Le 26 septembre 1994, vers 20h, Ouédraogo le fait arrêter devant les siens, à la Riviera Golf, par des gendarmes venus de Daloa.
Menottes aux poignets, il est envoyé la nuit même à Daloa. Mais il ne fera pas la prison grâce à un juge bien éclairé et vigilant. Fin 1994, Assémien saisit la police économique contre Ouédraogo Pat, Cbo et Central Trading Op. Le 4 juillet 1995, dans le cadre de cette plainte, une confrontation entre les deux hommes a lieu. Ouédraogo Pat est accusé d’abus de biens sociaux. Il est gardé à vue et n’a été libéré que tard la nuit. Les 5 et 6 juillet suivants, N’Da Malan, ex-gérant de la Sgbci Issia débauché par Pat pour gérer sa société Capa, se présente en médiateur exclusif entre Assémien et Pat. Les négociations aboutissent à un compromis le 10 juillet : 150 millions de Fcfa doivent être versés à Assémien dont 30 à la signature. Le premier versement a été effectué le 14 juillet 1995 dans le bureau de Assémien. Ce, en présence de Atté Camille, collaborateur et ami de N’Da Malan, lui aussi débauché par Pat et leur collègue Chauvin-Buteau Thibaut, national français, qui apposent leurs signatures comme témoins. Mais Ouédraogo Pat ne paie pas le reliquat de 120 millions. De 1996 à ce jour, Assémien a vainement initié plusieurs actions contre lui pour recouvrer son dû. En 1999, en pleine audience, Ouédraogo Pat nie même l’existence du protocole d’accord et le versement de l’acompte de 30 millions. En 2005, suite à une assignation en paiement initiée par Assémien, Ouédraogo Pat se souvient enfin qu’il y a eu signature d’un protocole d’accord.
Seulement, il brandit un nouveau papier de 30 millions pour solde de tout compte qui porte les mêmes signatures que le premier de 150 millions. Assémien qui n’a jamais signé un tel document saisit le Parquet pour faux et usage de faux. L’enquête de la police économique (expertise graphologique) accuse Ouédraogo Pat et N’Da Malan d’avoir fait du faux. Le 24 août 2006, le Parquet recommande l’interpellation de Ouédraogo Pat qui s’est aussitôt enfui de la Côte d’Ivoire pour le Burkina Faso. Le jeudi 6 mars 2008, malgré son passeport diplomatique de conseiller de Youssouf Bakayoko, alors ministre des Affaires étrangères, il est arrêté à l’Aéroport Félix Houphouët-Boigny par la police. Il est interné au violon jusqu’à 19h. D’où vient le libérer une haute autorité de la police nationale. Le Procureur s’y oppose. Mais à 4h du matin, l’autorité en question réussit à libérer Ouédraogo qui avait tenté de verser un acompte de 50 millions à Assémien. Ce dernier n’aura rien de cette somme. Le 7 mars 2008, le Procureur accède à la demande de Ouédraogo Pat de régler ce contentieux. Du parquet, il est reçu par le Doyen des juges d’instruction. On ne l’a plus revu. L’on l’aurait aidé à sortir du pays, sous prétexte qu’il ne faut pas mettre à mal l’Accord politique de Ouagadougou. Un jour, Assémien réussit à rencontrer une autorité de la police qui le comprend et lui explique qu’à part le Président de la République, personne, même pas la justice, ne peut inquiéter Ouédraogo Pat. Le 22 octobre 2009, le tribunal de 1ere instance d’Abidjan a rendu son verdict en s’appuyant sur l’expertise graphologique pour donner tort à Assémien. Qui décide de faire appel. Mais le président du Tribunal rend la décision indisponible. Malgré plusieurs tentatives, l’expédition demeure indisponible. Que peut faire à présent M. Assémien Pascal ? Saisir sa tête et pleurer à chaudes larmes ? Que faire surtout que Ouédraogo Pat a regagné
son pays ?
Jean Marc Devan
Le 5 décembre 2008, M. Assémien Kouadio Pascal, cadre ivoirien, exténué par une affaire qui l’oppose depuis des années devant la justice à son associé Ouédraogo Patounizambo (Pat.), homme d’affaires bukinabé, s’adresse au président la République Laurent Gbagbo, dans un courrier dont voici un extrait : « Monsieur le président, je viens très respectueusement solliciter, par ce cri de cœur, à la fois votre statut de premier magistrat de ce pays et votre qualité d’homme épris de justice, pour le règlement d’un conflit purement commercial, auquel certaines personnes malveillantes lui ont donné malheureusement et à mon détriment, une teinture politique voire diplomatique ». Assémien Pascal est associé au tiers du capital de la société Cbo, créée en 1991 avec pour objet de distribuer les produits (boissons) issus d’une brasserie de la place. Pat. Ouédraogo détient les deux tiers des parts de cette société dont le siège était initialement à Issia avant d’être transféré à Abidjan. Concepteur et Directeur général de Cbo, Assémien Pascal met à profit le stock de 100 millions de Fcfa que le concédant a mis à la disposition de sa structure pour réaliser au terme du deuxième exercice, un chiffre d’affaires de 8 milliards. Le premier exercice, fait sur l’activité de 9 magasins implantés dans les principales villes de l’Ouest du pays, avec le travail de plus de 130 jeunes Ivoiriens (employés et commerçants), a réalisé 6 milliards de Fcfa. Fin 1992, une grave crise éclate entre les deux associés. Pat. Ouédraogo qui ne travaille pas à Cbo, outrepasse le Directeur général (Assémien) et utilise les recettes de leur société pour financer ses activités de négoce de café et de cacao. Une note d’encaissement des recettes adressée à un gérant Cbo, en date du 21 décembre 1992, est interceptée par Assémien Pascal. Qui exprime vivement son désaccord. Le 18 janvier 1993, au motif que le staff de Cbo a tenu une réunion de travail à Yamoussoukro plutôt qu’à Issia sous l’initiative d’Assémien Pascal, Pat. Ouédraogo lui adresse une lettre de suspension. Il change la serrure de son bureau et confisque dès lors tous ses biens et droits. Pat. Ouédraogo quitte Issia et revient une semaine plus tard, avec un nouveau Directeur général, de nationalité burkinabé qu’il impose sans passation de service. Celui-ci licencie la quasi-totalité des travailleurs ivoiriens et les remplace par des ressortissants burkinabé. Pat.
Ouédraogo dissout ensuite Cbo et la remplace par Central Trading Op. En juillet 1993, Assémien rencontre le Procureur général d’Abidjan. Qui met à sa disposition une avocate pour son assistance moyennant des honoraires à terme. Le lendemain, confiant, il remet à l’avocate, une pile de documents importants.
Ouédraogo Patounizambo est vraiment intouchable
Face à l’échec de toutes les médiations qu’il a initiées pour ramener Pat. Ouédraogo à la raison, il finit par saisir le tribunal de Daloa en 1994. A l’issue de la seconde audience, Pat. Ouédraogo initie des pourparlers pour une solution négociée. Son associé retire provisoirement sa plainte. Dans la même période, la Savac manque d’abattre Assémien. En février 1994, le Procureur général d’Abidjan et Pat. Ouédraogo sont surpris en tête-à-tête au restaurant du Motel Agip d’Issia. A une table voisine, se trouvent le Procureur du parquet de Daloa et une dame, assistante sociale, mère de trois filles de Pat. Ouédraogo. Pat oblige Assemien à déposer une copie de la lettre de suspension de sa plainte chez son conseil avant d’entamer les négociations. Le 10 mai 1994, c’est chose faite. La rencontre organisée entre les deux associés en juin 1994 n’aboutit pas. Difficile pour Assémien de rencontrer le Procureur de Daloa. Le Procureur général d’Abidjan est lui aussi inaccessible. Juin 1994, il décide de récupérer ses documents remis à l’avocate. Elle accepte à condition que la somme de 3 millions lui soit d’abord versée. Assemien parvient difficilement à verser la somme de 700 mille, mais n’aura pas les documents. Le 26 septembre 1994, vers 20h, Ouédraogo le fait arrêter devant les siens, à la Riviera Golf, par des gendarmes venus de Daloa.
Menottes aux poignets, il est envoyé la nuit même à Daloa. Mais il ne fera pas la prison grâce à un juge bien éclairé et vigilant. Fin 1994, Assémien saisit la police économique contre Ouédraogo Pat, Cbo et Central Trading Op. Le 4 juillet 1995, dans le cadre de cette plainte, une confrontation entre les deux hommes a lieu. Ouédraogo Pat est accusé d’abus de biens sociaux. Il est gardé à vue et n’a été libéré que tard la nuit. Les 5 et 6 juillet suivants, N’Da Malan, ex-gérant de la Sgbci Issia débauché par Pat pour gérer sa société Capa, se présente en médiateur exclusif entre Assémien et Pat. Les négociations aboutissent à un compromis le 10 juillet : 150 millions de Fcfa doivent être versés à Assémien dont 30 à la signature. Le premier versement a été effectué le 14 juillet 1995 dans le bureau de Assémien. Ce, en présence de Atté Camille, collaborateur et ami de N’Da Malan, lui aussi débauché par Pat et leur collègue Chauvin-Buteau Thibaut, national français, qui apposent leurs signatures comme témoins. Mais Ouédraogo Pat ne paie pas le reliquat de 120 millions. De 1996 à ce jour, Assémien a vainement initié plusieurs actions contre lui pour recouvrer son dû. En 1999, en pleine audience, Ouédraogo Pat nie même l’existence du protocole d’accord et le versement de l’acompte de 30 millions. En 2005, suite à une assignation en paiement initiée par Assémien, Ouédraogo Pat se souvient enfin qu’il y a eu signature d’un protocole d’accord.
Seulement, il brandit un nouveau papier de 30 millions pour solde de tout compte qui porte les mêmes signatures que le premier de 150 millions. Assémien qui n’a jamais signé un tel document saisit le Parquet pour faux et usage de faux. L’enquête de la police économique (expertise graphologique) accuse Ouédraogo Pat et N’Da Malan d’avoir fait du faux. Le 24 août 2006, le Parquet recommande l’interpellation de Ouédraogo Pat qui s’est aussitôt enfui de la Côte d’Ivoire pour le Burkina Faso. Le jeudi 6 mars 2008, malgré son passeport diplomatique de conseiller de Youssouf Bakayoko, alors ministre des Affaires étrangères, il est arrêté à l’Aéroport Félix Houphouët-Boigny par la police. Il est interné au violon jusqu’à 19h. D’où vient le libérer une haute autorité de la police nationale. Le Procureur s’y oppose. Mais à 4h du matin, l’autorité en question réussit à libérer Ouédraogo qui avait tenté de verser un acompte de 50 millions à Assémien. Ce dernier n’aura rien de cette somme. Le 7 mars 2008, le Procureur accède à la demande de Ouédraogo Pat de régler ce contentieux. Du parquet, il est reçu par le Doyen des juges d’instruction. On ne l’a plus revu. L’on l’aurait aidé à sortir du pays, sous prétexte qu’il ne faut pas mettre à mal l’Accord politique de Ouagadougou. Un jour, Assémien réussit à rencontrer une autorité de la police qui le comprend et lui explique qu’à part le Président de la République, personne, même pas la justice, ne peut inquiéter Ouédraogo Pat. Le 22 octobre 2009, le tribunal de 1ere instance d’Abidjan a rendu son verdict en s’appuyant sur l’expertise graphologique pour donner tort à Assémien. Qui décide de faire appel. Mais le président du Tribunal rend la décision indisponible. Malgré plusieurs tentatives, l’expédition demeure indisponible. Que peut faire à présent M. Assémien Pascal ? Saisir sa tête et pleurer à chaudes larmes ? Que faire surtout que Ouédraogo Pat a regagné
son pays ?
Jean Marc Devan