Actuel porte-parole du gouvernement illégal et illégitime de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello quel`on pourrait considérer comme un "éléphant" du Fpi a fustigé puis dénoncé les dérives tribalo-Fescistes de la refondation durant plusieurs années. Ex-secrétaire général de " la renaissance ", Ahoua Don Mello et ses camarades de la gauche avaient franchi le pas en portant sur les fonts baptismaux la création de leur nouveau parti. Mais plusieurs années après, Don Mello qui mange à la soupe du champion de la refondation est rattrapé par ses propos. Lecture.
M. le Secrétaire général, comment doit-on appeler votre parti, est-ce le FPI-La Renaissance ou La Renaissance tout court ?
Quand nous étions à l`intérieur du Front Populaire Ivoirien, on s`exprimait à travers un courant qui était le FPI-La Renaissance. Maintenant que ce courant a décidé de créer un parti politique, il est devenu La Renaissance.
La Renaissance, c`est tout un projet, tout un programme. Qu`est-ce qui doit renaître?
Effectivement, La Renaissance, c`est tout un programme parce que ce qui a permis de signer le pacte du Front Populaire Ivoirien est d`inspiration socialiste et démocratique. Mais nous avons constaté, avec l`évolution du Front Populaire Ivoirien, que les valeurs socialistes et démocratiques se sont éclipsées pour faire place à la culture et à la pratique du parti unique, à savoir le libéralisme exacerbé. Ce que nous avons toujours combattu. Alors nous avons pris la décision de nous organiser pour faire renaître ces valeurs-là à l`intérieur du FPI. Malheureusement, la fascisation du FPI n`a pas permis d`atteindre un tel objectif. C`est pourquoi, nous avons décidé de créer un parti politique qui soit porteur.
Pouvez-vous être plus explicite lorsque vous parlez de fascisation. Vous aviez la possibilité de vous exprimer à l`intérieur de ce Parti?
Lorsque j`étais président du comité de contrôle, qui était chargé de veiller au respect des valeurs au service du FPI (nous avions eu à formuler des critiques quant à la marche du Front Populaire Ivoirien). Et ces critiques, au lieu d`être perçues au niveau des idées, ont permis à certains de tribaliser le débat à travers le fameux complot Akan. Cette forme de tribalisation a permis en fait de masquer le vrai débat idéologique qui est réel et qui devrait être la divergence entre la direction et le comité de contrôle. Progressivement, nous avons assisté à une forme de désinformation et aussi à des menaces de mort. Toute cette escalade de la violence, qui rappelle les pratiques du fascisme, n`a pas permis aux idées d`émerger à l`intérieur du Front Populaire Ivoirien.
Reconnaissez-vous, M. Don Mello, que c`est tout de même gênant la position dans laquelle vous vous trouvez. Ahoua Don Mello, Jacques Kacou, Franck Komenan. Alors, comment est-ce que vous vous êtes fait entourer des responsables plus ou moins du groupe Akan ! Reconnaissons que votre situation n`est pas très confortable au regard de la critique formulée ?
Il y a Jacques Kacou, Franck Komenan, mais il y a aussi Naho Jacques, Zahui Théodore, Michel Legré, Paul Arnaud, le couple Gbê... Je peux en citer énormément. Mais retenez que le désir de tribaliser le débat fait qu`on met toujours en avant ceux qui sont du même groupe ethnique que moi.
Vous êtes le chef de file, entouré de la garde rapprochée ?
Je suis le chef de file mais le numéro deux, c`est Naho Jacques, mon adjoint direct. Après lui, viennent Ogou Félix, Arouna Soumahoro, M. Gbê, Zahui Théodore. Bref, c`est un groupe hétérogène qui a cru à un moment donné aux valeurs que nous défendions à l`intérieur du Front Populaire Ivoirien.
Vous persistez et signez que ce n`est pas un complot Akan ?
Non pas du tout... pas du tout. Les idées que nous avons toujours défendues sont défendues aussi bien en Europe, aux Etats-Unis qu`en Amérique.
Justement à l`heure où le socialisme meurt, n`avez-vous pas peur de paraître vieux-jeux ! Puisqu`on a vu l`édulcoration du socialisme en Grande-Bretagne avec Tony Blair. Ce que vous reprochez au FPI à savoir mettre suffisamment d`aggiornamento dans le socialisme tel qu`il était, vécu, pur et dur, marxisant ?
Oui, mais on a vu M. Jospin aussi émerger en France.
Mais il y a une mutation importante...
Les idées de M. Jospin sont vraiment identiques sur le plan économique aux idées de La Renaissance puisque nous sommes pour un secteur stratégique qui dépend essentiellement de l`Etat, secteur stratégique que nous voulons non privatisable. A côté, il y a tout le secteur privé. Au contraire, nous sommes pour une économie mixte. Une économie mixte qui met l`accent sur le secteur public aussi bien que sur le secteur privé. C`est cette base qui est défendue aujourd`hui en France par M. Jospin. Mais le problème avec nos camarades, c`est qu`ils ont voulu nier le caractère stratégique des secteurs tels que l`eau, le téléphone, l`électricité pour les confier au secteur privé par le biais de la fameuse formule d`économie de marché. Nous estimons que pour les pays en voie de développement où l`équipement est encore à réaliser, ces secteurs doivent rester toujours entre les mains de l`Etat pour pouvoir équiper tout le pays.
Vous n`êtes donc pas fondamentalement contre l`économie de marché?
Non, nous ne sommes pas contre le secteur privé. Mais nous sommes pour qu`un certain nombre de secteurs soit entre les mains de l`Etat et les autres secteurs non stratégiques peuvent faire l`objet de privatisation. Sauf que nous sommes pour l`actionnariat populaire au lieu que cela soit bradé aux investisseurs étrangers.
Quand vous observez le mouvement mondial avec le socialisme pur et dur, édulcoré et battu en brèche, n`avez-vous pas l`impression de ramer à contre courant de l`histoire?
Quand on parle de socialisme pur et dur, il faut qu`on s`entende. Le socialisme pur et dur s`entend par la collectivisation sans limite. Cette forme de socialisme, nous la rejetons. Nous sommes pour que l`Etat ait des instruments de souveraineté dans le secteur économique à savoir l`eau, l`électricité, l`école, la santé, les routes etc. Pour nous, ce sont des secteurs qui doivent être entre les mains de l`Etat. A côté de ce secteur, il y a tout le secteur privé. Donc, je ne crois pas que nous soyons pour le socialisme pur et dur mais pour une économie mixte parce que nous estimons qu`aussi bien le système libéral tel qu`il s`est développé au 19e siècle a ses avantages sur le plan économique mais aussi ses inconvénients au plan social. Le 20e siècle a vu l`émergence du socialisme pur et dur qui, je le reconnais, a permis de résoudre certains problèmes sociaux. Il faut reconnaître également qu`il a freiné un peu le développement économique. Donc aujourd`hui, au 21ème siècle, le libéralisme n`est pas à rejeter, le socialisme non plus. Il faut plutôt faire une synthèse entre les deux systèmes. Dialectique oblige. C`est la ligne directrice de La Renaissance. Avec cette synthèse, nous sommes non seulement capables de faire face aux problèmes économiques mais aussi de résoudre les problèmes sociaux.
Revenons à un plan beaucoup plus politique. Vous disiez que vous étiez pour le gouvernement d`ouverture. Quelles en sont les motivations lorsque l`on sait que le projet de société du Président Henri Konan Bédié est fortement marqué du sceau du libéralisme et de la privatisation. N`y a-t-il pas là contradiction!
Il y a une nuance. Nous sommes pour un gouvernement de transition.
Pas pour le gouvernement d`ouverture?
Je ne sais pas encore ce que l`on met dans le gouvernement d`ouverture parce que les négociations n`ont pas encore abouti.
Il s`agit d`une ouverture à l`opposition, je précise.
Tout dépend de l`objectif visé en formant un gouvernement d`ouverture. Lorsqu`on parle de transition, cela veut dire que nous sommes sortis du parti unique où il y a eu fusion nette entre les partis et l`Etat.
Nous parlons de la période qui a suivi le multipartisme.
Après le multipartisme, le PDCI-RDA qui était " propriétaire " de l`Etat, a continué à régner en maître sur l`appareil d`Etat. Ce règne qui ressemble fort au parti-Etat dans le système du parti unique perdure ...
Disons, le parti dominant.
Le parti qui a infiltré tous les pores de l`appareil d`Etat perdure dans le processus multipartisan. Tant que cette confusion va perdurer, la concurrence politique, économique, sociale et culturelle sera déloyale. Donc, il faut qu`à un moment donné, toutes les forces significatives s`asseyent autour d`une même table gouvernementale pour redéfinir les textes qui régissent l`Etat de Côte d`Ivoire et restructurer les institutions qui dirigent le pays. C`est par un consensus, une recréation d`un nouveau consensus, ensemble que nous sommes capables de passer du multipartisme à la démocratie.
Le consensus, c`est pour la gestion du pays mais aussi pour éventuellement co-signer les règles du jeu politique.
Exactement!
Dans ce cas, le gouvernement d`ouverture sied !
Le gouvernement d`ouverture peut être un moyen pour réaliser les objectifs de la transition démocratique. Si le gouvernement d`ouverture est entendu dans ce sens, alors nous sommes partants.
Arrêtons-nous un instant sur le terme de "transition". Un parti, le PDCI-RDA qui gagne les élections de façon très nette, qui forme son gouvernement mais qui, pour des raisons d`optique, de démocratie apaisée, décide d`ouvrir le gouvernement à l`opposition jusqu`au terme prochain, l`an 2000. Je ne perçois pas bien votre idée de transition, M. Don Mello ?
Notre idée de transition est inscrite dans la volonté du PDCI-RDA lui-même de démocratiser la Côte d`Ivoire. Et nous pensons que si nous voulons la démocratie, il faut un consensus autour de tous les textes fondamentaux qui régissent la République. Voilà ce que nous disons.
Ce qui se réalise par le canal parlementaire, l`expression du peuple, n`est-ce pas?
Certes, ce que vous dites est vrai mais c`est le gouvernement qui réalise le projet et comme nous sommes dans un régime fortement présidentiel, le pouvoir est essentiellement concentré dans les structures de l`exécution et non du parlementaire. Nous estimons qu`il faut décider là où les grandes décisions se prennent à savoir au sein du gouvernement. Nous sommes pour un gouvernement qui permet à toutes les sensibilités politiques de s`asseoir autour de la table gouvernementale pour rétablir le consensus rompu en 1990.
M. Don Mello, aujourd`hui Secrétaire général de La Renaissance, un Parti de Gauche, appelé par le Premier ministre à entrer au gouvernement. Réaction.
Pour quoi faire?
Pour la co-gestion, évidemment!
Je demanderai par le biais de ce nouveau gouvernement qui va se mettre en place s`il est possible à terme de réaliser le consensus refondateur pour une Côte d`Ivoire démocratique.
Si c`est oui, alors je suis partant.
M. Don Mello, vous avez été reçu, à votre demande par le Directeur de Cabinet du Président de la République, M. Jean Noël Loucou. D`aucuns y ont vu un rapprochement ou un intéressement pour un strapontin gouvernemental.
Je précise que être reçu à la Présidence n`est pas un drame en soi puisque c`est là que tout se décide. Je tiens aussi à préciser que même si je peux à ma demande avoir accès à la Présidence, parce que citoyen de ce pays, mais dans ce cas précis, c`était par l`intermédiaire d`un émissaire qui prétendait me contacter au nom du Président de la République. J`avais émis des doutes sur la sincérité de cet émissaire, c`est pour cela que j`ai demandé à rencontrer une personnalité officielle, proche du Président Bédié pour avoir le cœur net et l`assurance que cette demande vient de lui.
Parlons de l`attentat. L`explication, comme dans l`affaire de l`observatoire, porte à croire que vous avez créé un événement pour légitimer tout ce qui est arrivé. Qu`avez-vous à répondre?
Je dirai que ce sont les nostalgiques du Parti unique qui réagissaient ainsi. Dans le parti unique, je prends le cas de Ernest Boka. Lorsqu`il est mort, les dirigeants du PDCI-RDA, ne voulant pas prendre la responsabilité, ont dit qu`il s`est suicidé. Pour ne pas prendre la responsabilité de toute la cabale qu`ils ont montée contre les comploteurs de 1963.
C`est vous qui le dites.
(Rire) ... La véritable cabale montée contre eux.
C`est votre thèse.
(Rire) ... C`est une culture du Parti unique d`être toujours irresponsable des crimes qu`on commet. Mais, est-ce nous-mêmes qui avons organisé les menaces contre nos propres militants? C`est nous qui avons organisé les agressions physiques, c`est nous qui avons organisé la désinformation contre le courant ? Est-ce nous qui avons organisé la thèse de l`akancratie ? Non! Je crois qu`il y a une logique de l`escalade de la violence qui a gagné le Front Populaire Ivoirien.
Reconnaissons quand même qu`entre l`attentat et la décision de suspension des activités du FPI, il s`est passé tout au plus 24 heures ?
La décision de suspension...
Elle était concomitante à l`annonce ?!
C`était une mesure conservatoire parce que ce même soir, on avait une rencontre avec le comité de contrôle du Front Populaire Ivoirien. On ne pouvait pas, dans l`état de choc dans lequel on se trouvait, aller participer à une rencontre avec le comité de contrôle qui exigeait ma présence.
Par rapport à la création de La Renaissance, n`auriez-vous pas pu attendre les résultats d`une enquête policière pour situer les responsabilités avant d`aviser ?
Nous disons que la désinformation, les menaces constituent une part de responsabilité. Attendre encore ...
En clair, vous mettez en cause le FPI ?
Je dis que le FPI, par ses méthodes tribalo-fascistes, possède une part de responsabilité. Ces méthodes et ses pratiques constituent une certaine complicité dans l`acte qui a été posé. Par conséquent, attendre plus, c`est peut-être attendre la mort. Or je n`ai jamais vu les morts militer. Je veux bien militer.
Avant la création de La Renaissance, vous aviez tenu plusieurs réunions. Certains de vos camarades n`étaient pas d`accord que vous vous retiriez du F.P.I. Vous auriez même été contesté au sein du courant. Est-ce que tout le monde est enfin d`accord?
Au niveau de la direction du F.P.I, depuis que l`on nous a refusé le siège du parti pour nos réunions, il s`est dégagé un fort courant de séparatistes. C`est tout à fait normal lorsque le domicile commun est refusé à une partie de la famille, celle-ci cherche à se loger ailleurs. C`était une réaction normale. Et la pratique a démontré que ceux qui voulaient partir avaient raison de partir. Une escalade de violences avait commencé à régner à l`intérieur du F.P.I. Aujourd`hui, lorsqu`on prenait la décision, c`était la majorité. C`est donc à l`unanimité que tous les membres du courant ont pris non seulement la décision de claquer la porte mais aussi et surtout de créer La Renaissance à l`unanimité. Je précise bien à l`unanimité.
Avez-vous connaissance d`autres courants au sein du F.P.I ?
Non, je n`en connais pas encore.
Il n`y a que le courant présidentiel ?
Eux, ils resteront. Je veux dire que les idées du courant n`ont pas gagné uniquement nos membres, mais plusieurs militants du F.P.I qui pourront toujours utiliser le cadre du courant que nous avons créé pour continuer la diffusion de ces idées. Le courant n`a pas été dissout en tant que tel. Mais la majorité partie.
La gestion du F.P.I est-elle une question opaque? Ce qui est certain ... on nous parle de sous l`apatam?
Je ne rentrerai plus dans ces détails puisque je ne suis plus là-bas. Mais ce que je peux dire, c`est que la gestion du F.P.I n`a pas été démocratique au strict respect des textes. Il y a eu un sous courant tribalo-fasciste qui a vraiment gangrené le parti.
Tribalo-fasciste, qu`est-ce à dire ?
Ce sont les initiateurs du complot Akan, de la désinformation, des différentes formes de menaces que nous avons subis.
Vous diriez que c`est une composante Bété ?
Je n`utiliserai pas ce mot puisque, il y a tout le monde dedans. Mais je veux vous dire que c`est d`inspiration tribalo-fasciste. Toutes les thèses qu`ils véhiculaient étaient tribalistes. Toutes les méthodes de débat étaient la délation, les menaces, les agressions.
Comme l`a titré un confrère, La Renaissance est le 90e parti politique. De quel poids pèsera-t-il?
Ce sera le poids du prix du travail des membres de La Renaissance. Et notre ligne directrice de combat, c`est l`union de la gauche. Donc ça aura le poids de la gauche ivoirienne. On rentrera en négociation avec tous les partis de gauche.
Avez-vous informé Gbagbo que vous allez créer un parti?
On a informé l`opinion publique nationale.
Je précise bien Laurent Gbagbo?
Non, il n`était pas là quand on avait pris la décision de créer un parti politique.
Par rapport à cette fascisation du F.P.I, comment expliquez-vous le discours kabilisant de votre ami Laurent Gbagbo ?
Je prends toutes les menaces au sérieux! Parce que si celui qui menace n`est pas l`auteur de l`action de violence, d`autres personnes peuvent en tirer profit. Donc pour moi, il faut bannir du discours politique toutes les formes de menaces. Toute menace a une force créatrice qui peut engendrer des actions dans le sens de la vie. C`est ce que j`ai vécu. Supposons un seul instant que ce ne soient pas ceux qui nous menacent qui ont tiré, n`empêche que la personne qui a tiré a utilisé le contexte psychologique qui avait été créé par les menaces. La preuve est que le papier que j`ai trouvé sur la voiture se prêtait à cela.
Pouvez-vous nous parler un peu de ce courant qui veut épurer?
C`est ce que j`appelle le courant tribalo-fasciste.
En clair, vous vous désolidarisez de votre ami lorsqu`il appelle des Kabila en Côte d`Ivoire ?
Toute menace balancée dans l`opinion publique peut armer des bras. Et ceux-ci peuvent agir dans le sens de la menace. C`est ce que j`ai vécu personnellement. J`avoue qu`avant cette expérience malheureuse, je ne prenais pas au sérieux les menaces. Mais ce qui m`est arrivé, montre qu`il faut faire attention quand on balance des mots dans l`opinion publique. Parce que même si vous n`êtes pas l`auteur, d`autres peuvent être armés pour agir.
Aujourd`hui, vous condamnez les menaces. Et pourtant par le passé, vous étiez solidaire de tous ces actes de vandalisme. Le 18 février par exemple ?
J`avoue que nous avons tous été complices de ce qui est arrivé. C`est pourquoi je condamne aujourd`hui toutes les formes de violences.
Le boycott actif aussi ?
Sincèrement, je le regrette. Je le regrette parce qu`il faut bannir la violence du discours et du jeu politique. Je dis bien toutes les formes de violences. Il faut œuvrer véritablement pour une transition démocratique mais d`une manière pacifique. Il n`y a que par le seul biais qu`on peut sauvegarder les acquis.
Vous reconnaissez qu`il y a des acquis en Côte d`Ivoire?
Evidemment qu`il y a des acquis.
Et ils sont nombreux et visibles?
Oui, ils sont nombreux comme vous le dites mais je ne vois pas ce que vous y entendez. (Rire...)
Au cours de votre conférence de presse, citant ceux qui pourraient attenter à votre vie, vous avez fait allusion au PDCI-RDA. A votre avis, quel intérêt ce parti aurait à vouloir vous supprimer?
Vous savez, la politique est un jeu complexe. Il peut avoir des intérêts particuliers à l`intérieur d`un parti. Des intérêts vraiment individuels. C`est pour cela aucune hypothèse n`est à écarter. Cependant, ce que je peux identifier de manière nette et claire, ce sont les complicités: à savoir toutes les menaces de mort dont on a été l`objet. Celui qui a dû exploiter les conditions psychologiques créées, il peut venir de partout d`un intérêt individuel à un intérêt de parti ou d`un groupe donné.
Au niveau de la gauche, il existe sur le terrain le Front Républicain. Quelle sera la position de La Renaissance vis-à-vis du F.R ?
Le Front Républicain est un mélange hétérogène de partis de gauche et droite. Nous ne souscrivons pas à cette forme d`alliance. Nous sommes fondamentalement pour le rassemblement des forces de gauche. Dans l`action que nous menons, nous pouvons, de temps en temps, associer des forces démocratiques qui ne sont pas forcément de gauche. Mais pour gouverner la Côte d`Ivoire, il faut une alliance des partis de gauche.
Vous excluez aujourd`hui comme demain une alliance le PDCI-RDA ?
Je considère que si nous sommes prêts à œuvrer pour la démocratie ensemble, une alliance est possible parce que la transition démocratique est l`affaire de tous les Ivoiriens. Que vous soyez de gauche ou de droite, vous avez forcément besoin de démocratie. Si aujourd`hui, il y a des forces démocratiques qui émergent à l`intérieur du parti au pouvoir, du RDR et de n`importe quel parti, du centre ou de droite, nous sommes prêts à conjuguer nos efforts pour opérer la transition démocratique.
Dois-je vous rappeler que le PDCI-RDA est le parti démocratique de Côte d`Ivoire?
Ce sont des mots qui cachent des réalités contraires. J`ai vu le PDCI-RDA opter pour le parti unique pendant 30 ans. Je ne considère pas du tout qu`il soit un parti démocratique.
Sans qu`il ait fermé la porte?
Oui, mais on a vu tous ceux qui voulaient exprimer un certain droit à la différence subir toute la cabale du parti unique.
Ça, c`est votre point de vue. C`est votre responsabilité?
Oui, je le dis parce que l`expérience historique est là pour le confirmer. Je veux dire qu`à un moment donné, le PDCI-RDA a nié le droit à la différence sous quelques prétextes que ce soit. Ce n`est qu`à partir de 1990 qu`une rupture s`est opérée entre les anciennes et les nouvelles pratiques. Vous savez, souvent, les mots cachent des réalités contraires.
Vous étiez un homme assez bouillant au début du multipartisme. Sept ans plus tard, vous paraissez assagi, plus concret et responsable. Que s`est-il passé?
Je dirai qu`il n`y a pas plus forte matière que l`expérience. Pendant sept ans, j`avoue que j`ai vu et entendu beaucoup de choses. Ce qui fait que l`enthousiasme de 1990 et l`élan des débuts ont été abandonnés. Il y a des forces et des intérêts en présence. Et souvent la logique politique n`a rien à voir avec ses forces et ses intérêts.
Vous affirmez ne pas avoir été d`accord avec le boycott actif et pourtant vous n`avez pas marqué votre différence par rapport à cet événement?
Discipline du parti oblige. Mais notre rapport du congrès de 1996 a condamné toutes formes de violences.
C`est ce qui a donc valu votre expulsion du comité de contrôle ?
Non! J`avais retiré ma candidature du comité de contrôle, parce que j`avais estimé que tel que ce comité avait été conçu par le dernier congrès, il perdait tous les pouvoirs de contrôle car toute décision prise n`est pas exécutoire. C`était simplement une chambre d`enregistrement. Ce que nous avons toujours combattu. Mes camarades et moi avons simplement retiré notre candidature pour ne pas être complices.
M. Don Mello, avez-vous des regrets aujourd`hui d`avoir rencontré sur votre chemin, un certain Laurent Gbagbo ou d`avoir adhéré au Front Populaire Ivoirien et d`avoir cru à son idéal ?
Non, je n`ai pas de regrets parce que notre rencontre a été enrichissante. Il faut cependant reconnaître qu`en 1982, nous étions sur des positions purement marxisantes. L`idée de démocratie était pour nous un totem. Cette rencontre nous a permis de dégager en commun la nécessité de la transition démocratique. Je pense que cela a été très enrichissant pour moi personnellement. Au cours du temps, je me suis enrichi de l`expérience à l`intérieur du F.P.I. Même si après 1992, j`ai constaté que les idées forces sur lesquelles le FPI a été fondé ont commencé à s`éclipser. N`empêche que jusqu`en 1992, l`expérience fut enrichissante et je veux la capitaliser dans La Renaissance.
Doit-on en déduire que le FPI va, pour utiliser un langage populaire, se casser la gueule?
Aucun parti de gauche ne peut actuellement réussir seul à transformer la Côte d`Ivoire ni dans le sens démocratique, ni dans le sens de la conquête du pouvoir. Que ce soit le FPI, le PIT, l`USD, La Renaissance, le MFA, le RDR etc., aucun parti ne peut tout seul espérer réussir à transformer notre pays.
Donc le R.D.R est un parti de gauche. C`est votre allié?
Non. Le RDR est un parti du centre droit. Ce n`est pas notre allié. C`est une relation politique qui permet la lutte démocratique lorsqu`elle est nécessaire. Aucun parti, même de l`opposition, ne peut espérer conquérir le pouvoir.
Parce que le PDCI-RDA est fort. Il occupe tout le terrain.
La force du PDCI-RDA réside dans la faiblesse de l`opposition. Si la gauche est unie avec une stratégie forte, le PDCI-RDA risque d`avoir d`énormes problèmes sur le terrain.
Laurent Gbagbo déclarait récemment, à propos du courant FPI-La Renaissance, qu`il était composé d`incultes. Avez-vous le sentiment d`avoir créé vraiment un parti d`incultes?
Ce sont les mêmes incultes qui ont créé le Front Populaire Ivoirien. Si défendre les valeurs démocratiques et le socialisme, c`est être incultes alors nous assumons notre inculture. Je fais remarquer que ce sont ces incultes qui ont fait le FPI.
IN LE DEMOCRATE N°319
DU MARDI 22 JUILLET 1997
M. le Secrétaire général, comment doit-on appeler votre parti, est-ce le FPI-La Renaissance ou La Renaissance tout court ?
Quand nous étions à l`intérieur du Front Populaire Ivoirien, on s`exprimait à travers un courant qui était le FPI-La Renaissance. Maintenant que ce courant a décidé de créer un parti politique, il est devenu La Renaissance.
La Renaissance, c`est tout un projet, tout un programme. Qu`est-ce qui doit renaître?
Effectivement, La Renaissance, c`est tout un programme parce que ce qui a permis de signer le pacte du Front Populaire Ivoirien est d`inspiration socialiste et démocratique. Mais nous avons constaté, avec l`évolution du Front Populaire Ivoirien, que les valeurs socialistes et démocratiques se sont éclipsées pour faire place à la culture et à la pratique du parti unique, à savoir le libéralisme exacerbé. Ce que nous avons toujours combattu. Alors nous avons pris la décision de nous organiser pour faire renaître ces valeurs-là à l`intérieur du FPI. Malheureusement, la fascisation du FPI n`a pas permis d`atteindre un tel objectif. C`est pourquoi, nous avons décidé de créer un parti politique qui soit porteur.
Pouvez-vous être plus explicite lorsque vous parlez de fascisation. Vous aviez la possibilité de vous exprimer à l`intérieur de ce Parti?
Lorsque j`étais président du comité de contrôle, qui était chargé de veiller au respect des valeurs au service du FPI (nous avions eu à formuler des critiques quant à la marche du Front Populaire Ivoirien). Et ces critiques, au lieu d`être perçues au niveau des idées, ont permis à certains de tribaliser le débat à travers le fameux complot Akan. Cette forme de tribalisation a permis en fait de masquer le vrai débat idéologique qui est réel et qui devrait être la divergence entre la direction et le comité de contrôle. Progressivement, nous avons assisté à une forme de désinformation et aussi à des menaces de mort. Toute cette escalade de la violence, qui rappelle les pratiques du fascisme, n`a pas permis aux idées d`émerger à l`intérieur du Front Populaire Ivoirien.
Reconnaissez-vous, M. Don Mello, que c`est tout de même gênant la position dans laquelle vous vous trouvez. Ahoua Don Mello, Jacques Kacou, Franck Komenan. Alors, comment est-ce que vous vous êtes fait entourer des responsables plus ou moins du groupe Akan ! Reconnaissons que votre situation n`est pas très confortable au regard de la critique formulée ?
Il y a Jacques Kacou, Franck Komenan, mais il y a aussi Naho Jacques, Zahui Théodore, Michel Legré, Paul Arnaud, le couple Gbê... Je peux en citer énormément. Mais retenez que le désir de tribaliser le débat fait qu`on met toujours en avant ceux qui sont du même groupe ethnique que moi.
Vous êtes le chef de file, entouré de la garde rapprochée ?
Je suis le chef de file mais le numéro deux, c`est Naho Jacques, mon adjoint direct. Après lui, viennent Ogou Félix, Arouna Soumahoro, M. Gbê, Zahui Théodore. Bref, c`est un groupe hétérogène qui a cru à un moment donné aux valeurs que nous défendions à l`intérieur du Front Populaire Ivoirien.
Vous persistez et signez que ce n`est pas un complot Akan ?
Non pas du tout... pas du tout. Les idées que nous avons toujours défendues sont défendues aussi bien en Europe, aux Etats-Unis qu`en Amérique.
Justement à l`heure où le socialisme meurt, n`avez-vous pas peur de paraître vieux-jeux ! Puisqu`on a vu l`édulcoration du socialisme en Grande-Bretagne avec Tony Blair. Ce que vous reprochez au FPI à savoir mettre suffisamment d`aggiornamento dans le socialisme tel qu`il était, vécu, pur et dur, marxisant ?
Oui, mais on a vu M. Jospin aussi émerger en France.
Mais il y a une mutation importante...
Les idées de M. Jospin sont vraiment identiques sur le plan économique aux idées de La Renaissance puisque nous sommes pour un secteur stratégique qui dépend essentiellement de l`Etat, secteur stratégique que nous voulons non privatisable. A côté, il y a tout le secteur privé. Au contraire, nous sommes pour une économie mixte. Une économie mixte qui met l`accent sur le secteur public aussi bien que sur le secteur privé. C`est cette base qui est défendue aujourd`hui en France par M. Jospin. Mais le problème avec nos camarades, c`est qu`ils ont voulu nier le caractère stratégique des secteurs tels que l`eau, le téléphone, l`électricité pour les confier au secteur privé par le biais de la fameuse formule d`économie de marché. Nous estimons que pour les pays en voie de développement où l`équipement est encore à réaliser, ces secteurs doivent rester toujours entre les mains de l`Etat pour pouvoir équiper tout le pays.
Vous n`êtes donc pas fondamentalement contre l`économie de marché?
Non, nous ne sommes pas contre le secteur privé. Mais nous sommes pour qu`un certain nombre de secteurs soit entre les mains de l`Etat et les autres secteurs non stratégiques peuvent faire l`objet de privatisation. Sauf que nous sommes pour l`actionnariat populaire au lieu que cela soit bradé aux investisseurs étrangers.
Quand vous observez le mouvement mondial avec le socialisme pur et dur, édulcoré et battu en brèche, n`avez-vous pas l`impression de ramer à contre courant de l`histoire?
Quand on parle de socialisme pur et dur, il faut qu`on s`entende. Le socialisme pur et dur s`entend par la collectivisation sans limite. Cette forme de socialisme, nous la rejetons. Nous sommes pour que l`Etat ait des instruments de souveraineté dans le secteur économique à savoir l`eau, l`électricité, l`école, la santé, les routes etc. Pour nous, ce sont des secteurs qui doivent être entre les mains de l`Etat. A côté de ce secteur, il y a tout le secteur privé. Donc, je ne crois pas que nous soyons pour le socialisme pur et dur mais pour une économie mixte parce que nous estimons qu`aussi bien le système libéral tel qu`il s`est développé au 19e siècle a ses avantages sur le plan économique mais aussi ses inconvénients au plan social. Le 20e siècle a vu l`émergence du socialisme pur et dur qui, je le reconnais, a permis de résoudre certains problèmes sociaux. Il faut reconnaître également qu`il a freiné un peu le développement économique. Donc aujourd`hui, au 21ème siècle, le libéralisme n`est pas à rejeter, le socialisme non plus. Il faut plutôt faire une synthèse entre les deux systèmes. Dialectique oblige. C`est la ligne directrice de La Renaissance. Avec cette synthèse, nous sommes non seulement capables de faire face aux problèmes économiques mais aussi de résoudre les problèmes sociaux.
Revenons à un plan beaucoup plus politique. Vous disiez que vous étiez pour le gouvernement d`ouverture. Quelles en sont les motivations lorsque l`on sait que le projet de société du Président Henri Konan Bédié est fortement marqué du sceau du libéralisme et de la privatisation. N`y a-t-il pas là contradiction!
Il y a une nuance. Nous sommes pour un gouvernement de transition.
Pas pour le gouvernement d`ouverture?
Je ne sais pas encore ce que l`on met dans le gouvernement d`ouverture parce que les négociations n`ont pas encore abouti.
Il s`agit d`une ouverture à l`opposition, je précise.
Tout dépend de l`objectif visé en formant un gouvernement d`ouverture. Lorsqu`on parle de transition, cela veut dire que nous sommes sortis du parti unique où il y a eu fusion nette entre les partis et l`Etat.
Nous parlons de la période qui a suivi le multipartisme.
Après le multipartisme, le PDCI-RDA qui était " propriétaire " de l`Etat, a continué à régner en maître sur l`appareil d`Etat. Ce règne qui ressemble fort au parti-Etat dans le système du parti unique perdure ...
Disons, le parti dominant.
Le parti qui a infiltré tous les pores de l`appareil d`Etat perdure dans le processus multipartisan. Tant que cette confusion va perdurer, la concurrence politique, économique, sociale et culturelle sera déloyale. Donc, il faut qu`à un moment donné, toutes les forces significatives s`asseyent autour d`une même table gouvernementale pour redéfinir les textes qui régissent l`Etat de Côte d`Ivoire et restructurer les institutions qui dirigent le pays. C`est par un consensus, une recréation d`un nouveau consensus, ensemble que nous sommes capables de passer du multipartisme à la démocratie.
Le consensus, c`est pour la gestion du pays mais aussi pour éventuellement co-signer les règles du jeu politique.
Exactement!
Dans ce cas, le gouvernement d`ouverture sied !
Le gouvernement d`ouverture peut être un moyen pour réaliser les objectifs de la transition démocratique. Si le gouvernement d`ouverture est entendu dans ce sens, alors nous sommes partants.
Arrêtons-nous un instant sur le terme de "transition". Un parti, le PDCI-RDA qui gagne les élections de façon très nette, qui forme son gouvernement mais qui, pour des raisons d`optique, de démocratie apaisée, décide d`ouvrir le gouvernement à l`opposition jusqu`au terme prochain, l`an 2000. Je ne perçois pas bien votre idée de transition, M. Don Mello ?
Notre idée de transition est inscrite dans la volonté du PDCI-RDA lui-même de démocratiser la Côte d`Ivoire. Et nous pensons que si nous voulons la démocratie, il faut un consensus autour de tous les textes fondamentaux qui régissent la République. Voilà ce que nous disons.
Ce qui se réalise par le canal parlementaire, l`expression du peuple, n`est-ce pas?
Certes, ce que vous dites est vrai mais c`est le gouvernement qui réalise le projet et comme nous sommes dans un régime fortement présidentiel, le pouvoir est essentiellement concentré dans les structures de l`exécution et non du parlementaire. Nous estimons qu`il faut décider là où les grandes décisions se prennent à savoir au sein du gouvernement. Nous sommes pour un gouvernement qui permet à toutes les sensibilités politiques de s`asseoir autour de la table gouvernementale pour rétablir le consensus rompu en 1990.
M. Don Mello, aujourd`hui Secrétaire général de La Renaissance, un Parti de Gauche, appelé par le Premier ministre à entrer au gouvernement. Réaction.
Pour quoi faire?
Pour la co-gestion, évidemment!
Je demanderai par le biais de ce nouveau gouvernement qui va se mettre en place s`il est possible à terme de réaliser le consensus refondateur pour une Côte d`Ivoire démocratique.
Si c`est oui, alors je suis partant.
M. Don Mello, vous avez été reçu, à votre demande par le Directeur de Cabinet du Président de la République, M. Jean Noël Loucou. D`aucuns y ont vu un rapprochement ou un intéressement pour un strapontin gouvernemental.
Je précise que être reçu à la Présidence n`est pas un drame en soi puisque c`est là que tout se décide. Je tiens aussi à préciser que même si je peux à ma demande avoir accès à la Présidence, parce que citoyen de ce pays, mais dans ce cas précis, c`était par l`intermédiaire d`un émissaire qui prétendait me contacter au nom du Président de la République. J`avais émis des doutes sur la sincérité de cet émissaire, c`est pour cela que j`ai demandé à rencontrer une personnalité officielle, proche du Président Bédié pour avoir le cœur net et l`assurance que cette demande vient de lui.
Parlons de l`attentat. L`explication, comme dans l`affaire de l`observatoire, porte à croire que vous avez créé un événement pour légitimer tout ce qui est arrivé. Qu`avez-vous à répondre?
Je dirai que ce sont les nostalgiques du Parti unique qui réagissaient ainsi. Dans le parti unique, je prends le cas de Ernest Boka. Lorsqu`il est mort, les dirigeants du PDCI-RDA, ne voulant pas prendre la responsabilité, ont dit qu`il s`est suicidé. Pour ne pas prendre la responsabilité de toute la cabale qu`ils ont montée contre les comploteurs de 1963.
C`est vous qui le dites.
(Rire) ... La véritable cabale montée contre eux.
C`est votre thèse.
(Rire) ... C`est une culture du Parti unique d`être toujours irresponsable des crimes qu`on commet. Mais, est-ce nous-mêmes qui avons organisé les menaces contre nos propres militants? C`est nous qui avons organisé les agressions physiques, c`est nous qui avons organisé la désinformation contre le courant ? Est-ce nous qui avons organisé la thèse de l`akancratie ? Non! Je crois qu`il y a une logique de l`escalade de la violence qui a gagné le Front Populaire Ivoirien.
Reconnaissons quand même qu`entre l`attentat et la décision de suspension des activités du FPI, il s`est passé tout au plus 24 heures ?
La décision de suspension...
Elle était concomitante à l`annonce ?!
C`était une mesure conservatoire parce que ce même soir, on avait une rencontre avec le comité de contrôle du Front Populaire Ivoirien. On ne pouvait pas, dans l`état de choc dans lequel on se trouvait, aller participer à une rencontre avec le comité de contrôle qui exigeait ma présence.
Par rapport à la création de La Renaissance, n`auriez-vous pas pu attendre les résultats d`une enquête policière pour situer les responsabilités avant d`aviser ?
Nous disons que la désinformation, les menaces constituent une part de responsabilité. Attendre encore ...
En clair, vous mettez en cause le FPI ?
Je dis que le FPI, par ses méthodes tribalo-fascistes, possède une part de responsabilité. Ces méthodes et ses pratiques constituent une certaine complicité dans l`acte qui a été posé. Par conséquent, attendre plus, c`est peut-être attendre la mort. Or je n`ai jamais vu les morts militer. Je veux bien militer.
Avant la création de La Renaissance, vous aviez tenu plusieurs réunions. Certains de vos camarades n`étaient pas d`accord que vous vous retiriez du F.P.I. Vous auriez même été contesté au sein du courant. Est-ce que tout le monde est enfin d`accord?
Au niveau de la direction du F.P.I, depuis que l`on nous a refusé le siège du parti pour nos réunions, il s`est dégagé un fort courant de séparatistes. C`est tout à fait normal lorsque le domicile commun est refusé à une partie de la famille, celle-ci cherche à se loger ailleurs. C`était une réaction normale. Et la pratique a démontré que ceux qui voulaient partir avaient raison de partir. Une escalade de violences avait commencé à régner à l`intérieur du F.P.I. Aujourd`hui, lorsqu`on prenait la décision, c`était la majorité. C`est donc à l`unanimité que tous les membres du courant ont pris non seulement la décision de claquer la porte mais aussi et surtout de créer La Renaissance à l`unanimité. Je précise bien à l`unanimité.
Avez-vous connaissance d`autres courants au sein du F.P.I ?
Non, je n`en connais pas encore.
Il n`y a que le courant présidentiel ?
Eux, ils resteront. Je veux dire que les idées du courant n`ont pas gagné uniquement nos membres, mais plusieurs militants du F.P.I qui pourront toujours utiliser le cadre du courant que nous avons créé pour continuer la diffusion de ces idées. Le courant n`a pas été dissout en tant que tel. Mais la majorité partie.
La gestion du F.P.I est-elle une question opaque? Ce qui est certain ... on nous parle de sous l`apatam?
Je ne rentrerai plus dans ces détails puisque je ne suis plus là-bas. Mais ce que je peux dire, c`est que la gestion du F.P.I n`a pas été démocratique au strict respect des textes. Il y a eu un sous courant tribalo-fasciste qui a vraiment gangrené le parti.
Tribalo-fasciste, qu`est-ce à dire ?
Ce sont les initiateurs du complot Akan, de la désinformation, des différentes formes de menaces que nous avons subis.
Vous diriez que c`est une composante Bété ?
Je n`utiliserai pas ce mot puisque, il y a tout le monde dedans. Mais je veux vous dire que c`est d`inspiration tribalo-fasciste. Toutes les thèses qu`ils véhiculaient étaient tribalistes. Toutes les méthodes de débat étaient la délation, les menaces, les agressions.
Comme l`a titré un confrère, La Renaissance est le 90e parti politique. De quel poids pèsera-t-il?
Ce sera le poids du prix du travail des membres de La Renaissance. Et notre ligne directrice de combat, c`est l`union de la gauche. Donc ça aura le poids de la gauche ivoirienne. On rentrera en négociation avec tous les partis de gauche.
Avez-vous informé Gbagbo que vous allez créer un parti?
On a informé l`opinion publique nationale.
Je précise bien Laurent Gbagbo?
Non, il n`était pas là quand on avait pris la décision de créer un parti politique.
Par rapport à cette fascisation du F.P.I, comment expliquez-vous le discours kabilisant de votre ami Laurent Gbagbo ?
Je prends toutes les menaces au sérieux! Parce que si celui qui menace n`est pas l`auteur de l`action de violence, d`autres personnes peuvent en tirer profit. Donc pour moi, il faut bannir du discours politique toutes les formes de menaces. Toute menace a une force créatrice qui peut engendrer des actions dans le sens de la vie. C`est ce que j`ai vécu. Supposons un seul instant que ce ne soient pas ceux qui nous menacent qui ont tiré, n`empêche que la personne qui a tiré a utilisé le contexte psychologique qui avait été créé par les menaces. La preuve est que le papier que j`ai trouvé sur la voiture se prêtait à cela.
Pouvez-vous nous parler un peu de ce courant qui veut épurer?
C`est ce que j`appelle le courant tribalo-fasciste.
En clair, vous vous désolidarisez de votre ami lorsqu`il appelle des Kabila en Côte d`Ivoire ?
Toute menace balancée dans l`opinion publique peut armer des bras. Et ceux-ci peuvent agir dans le sens de la menace. C`est ce que j`ai vécu personnellement. J`avoue qu`avant cette expérience malheureuse, je ne prenais pas au sérieux les menaces. Mais ce qui m`est arrivé, montre qu`il faut faire attention quand on balance des mots dans l`opinion publique. Parce que même si vous n`êtes pas l`auteur, d`autres peuvent être armés pour agir.
Aujourd`hui, vous condamnez les menaces. Et pourtant par le passé, vous étiez solidaire de tous ces actes de vandalisme. Le 18 février par exemple ?
J`avoue que nous avons tous été complices de ce qui est arrivé. C`est pourquoi je condamne aujourd`hui toutes les formes de violences.
Le boycott actif aussi ?
Sincèrement, je le regrette. Je le regrette parce qu`il faut bannir la violence du discours et du jeu politique. Je dis bien toutes les formes de violences. Il faut œuvrer véritablement pour une transition démocratique mais d`une manière pacifique. Il n`y a que par le seul biais qu`on peut sauvegarder les acquis.
Vous reconnaissez qu`il y a des acquis en Côte d`Ivoire?
Evidemment qu`il y a des acquis.
Et ils sont nombreux et visibles?
Oui, ils sont nombreux comme vous le dites mais je ne vois pas ce que vous y entendez. (Rire...)
Au cours de votre conférence de presse, citant ceux qui pourraient attenter à votre vie, vous avez fait allusion au PDCI-RDA. A votre avis, quel intérêt ce parti aurait à vouloir vous supprimer?
Vous savez, la politique est un jeu complexe. Il peut avoir des intérêts particuliers à l`intérieur d`un parti. Des intérêts vraiment individuels. C`est pour cela aucune hypothèse n`est à écarter. Cependant, ce que je peux identifier de manière nette et claire, ce sont les complicités: à savoir toutes les menaces de mort dont on a été l`objet. Celui qui a dû exploiter les conditions psychologiques créées, il peut venir de partout d`un intérêt individuel à un intérêt de parti ou d`un groupe donné.
Au niveau de la gauche, il existe sur le terrain le Front Républicain. Quelle sera la position de La Renaissance vis-à-vis du F.R ?
Le Front Républicain est un mélange hétérogène de partis de gauche et droite. Nous ne souscrivons pas à cette forme d`alliance. Nous sommes fondamentalement pour le rassemblement des forces de gauche. Dans l`action que nous menons, nous pouvons, de temps en temps, associer des forces démocratiques qui ne sont pas forcément de gauche. Mais pour gouverner la Côte d`Ivoire, il faut une alliance des partis de gauche.
Vous excluez aujourd`hui comme demain une alliance le PDCI-RDA ?
Je considère que si nous sommes prêts à œuvrer pour la démocratie ensemble, une alliance est possible parce que la transition démocratique est l`affaire de tous les Ivoiriens. Que vous soyez de gauche ou de droite, vous avez forcément besoin de démocratie. Si aujourd`hui, il y a des forces démocratiques qui émergent à l`intérieur du parti au pouvoir, du RDR et de n`importe quel parti, du centre ou de droite, nous sommes prêts à conjuguer nos efforts pour opérer la transition démocratique.
Dois-je vous rappeler que le PDCI-RDA est le parti démocratique de Côte d`Ivoire?
Ce sont des mots qui cachent des réalités contraires. J`ai vu le PDCI-RDA opter pour le parti unique pendant 30 ans. Je ne considère pas du tout qu`il soit un parti démocratique.
Sans qu`il ait fermé la porte?
Oui, mais on a vu tous ceux qui voulaient exprimer un certain droit à la différence subir toute la cabale du parti unique.
Ça, c`est votre point de vue. C`est votre responsabilité?
Oui, je le dis parce que l`expérience historique est là pour le confirmer. Je veux dire qu`à un moment donné, le PDCI-RDA a nié le droit à la différence sous quelques prétextes que ce soit. Ce n`est qu`à partir de 1990 qu`une rupture s`est opérée entre les anciennes et les nouvelles pratiques. Vous savez, souvent, les mots cachent des réalités contraires.
Vous étiez un homme assez bouillant au début du multipartisme. Sept ans plus tard, vous paraissez assagi, plus concret et responsable. Que s`est-il passé?
Je dirai qu`il n`y a pas plus forte matière que l`expérience. Pendant sept ans, j`avoue que j`ai vu et entendu beaucoup de choses. Ce qui fait que l`enthousiasme de 1990 et l`élan des débuts ont été abandonnés. Il y a des forces et des intérêts en présence. Et souvent la logique politique n`a rien à voir avec ses forces et ses intérêts.
Vous affirmez ne pas avoir été d`accord avec le boycott actif et pourtant vous n`avez pas marqué votre différence par rapport à cet événement?
Discipline du parti oblige. Mais notre rapport du congrès de 1996 a condamné toutes formes de violences.
C`est ce qui a donc valu votre expulsion du comité de contrôle ?
Non! J`avais retiré ma candidature du comité de contrôle, parce que j`avais estimé que tel que ce comité avait été conçu par le dernier congrès, il perdait tous les pouvoirs de contrôle car toute décision prise n`est pas exécutoire. C`était simplement une chambre d`enregistrement. Ce que nous avons toujours combattu. Mes camarades et moi avons simplement retiré notre candidature pour ne pas être complices.
M. Don Mello, avez-vous des regrets aujourd`hui d`avoir rencontré sur votre chemin, un certain Laurent Gbagbo ou d`avoir adhéré au Front Populaire Ivoirien et d`avoir cru à son idéal ?
Non, je n`ai pas de regrets parce que notre rencontre a été enrichissante. Il faut cependant reconnaître qu`en 1982, nous étions sur des positions purement marxisantes. L`idée de démocratie était pour nous un totem. Cette rencontre nous a permis de dégager en commun la nécessité de la transition démocratique. Je pense que cela a été très enrichissant pour moi personnellement. Au cours du temps, je me suis enrichi de l`expérience à l`intérieur du F.P.I. Même si après 1992, j`ai constaté que les idées forces sur lesquelles le FPI a été fondé ont commencé à s`éclipser. N`empêche que jusqu`en 1992, l`expérience fut enrichissante et je veux la capitaliser dans La Renaissance.
Doit-on en déduire que le FPI va, pour utiliser un langage populaire, se casser la gueule?
Aucun parti de gauche ne peut actuellement réussir seul à transformer la Côte d`Ivoire ni dans le sens démocratique, ni dans le sens de la conquête du pouvoir. Que ce soit le FPI, le PIT, l`USD, La Renaissance, le MFA, le RDR etc., aucun parti ne peut tout seul espérer réussir à transformer notre pays.
Donc le R.D.R est un parti de gauche. C`est votre allié?
Non. Le RDR est un parti du centre droit. Ce n`est pas notre allié. C`est une relation politique qui permet la lutte démocratique lorsqu`elle est nécessaire. Aucun parti, même de l`opposition, ne peut espérer conquérir le pouvoir.
Parce que le PDCI-RDA est fort. Il occupe tout le terrain.
La force du PDCI-RDA réside dans la faiblesse de l`opposition. Si la gauche est unie avec une stratégie forte, le PDCI-RDA risque d`avoir d`énormes problèmes sur le terrain.
Laurent Gbagbo déclarait récemment, à propos du courant FPI-La Renaissance, qu`il était composé d`incultes. Avez-vous le sentiment d`avoir créé vraiment un parti d`incultes?
Ce sont les mêmes incultes qui ont créé le Front Populaire Ivoirien. Si défendre les valeurs démocratiques et le socialisme, c`est être incultes alors nous assumons notre inculture. Je fais remarquer que ce sont ces incultes qui ont fait le FPI.
IN LE DEMOCRATE N°319
DU MARDI 22 JUILLET 1997