1- Lors de sa 270ème réunion tenue le 5 avril 2011, le Conseil a examiné la situation en Côte d’Ivoire. Dans le communiqué de presse adopté à l’issue de cette réunion, le Conseil a notamment réaffirmé ses décisions antérieures sur la situation en Côte d’Ivoire et a instamment demandé à M. Laurent Gbagbo de céder immédiatement le pouvoir au Président Alassane Dramane Ouattara, pour abréger les souffrances des Ivoiriens. Le Conseil s’est félicité de la résolution adoptée par la 39ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenue à Abuja, le 24 mars 2011, et a réaffirmé sa détermination à œuvrer, en étroite coopération avec l’ensemble des acteurs ivoiriens concernés et la CEDEAO, avec l’appui des Nations unies et d’autres partenaires, à la consolidation de la paix et à une réconciliation nationale véritable entre les Ivoiriens. Le Conseil s’est, en outre, félicité de l’adoption, le 30 mars 2011, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de la résolution 1975(2011). Enfin, le Conseil m’a demandé, en étroite coopération avec la Commission de la CEDEAO et avec le soutien des Nations unies, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour identifier les actions urgentes que l’UA pourrait entreprendre pour accompagner les autorités ivoiriennes dans la promotion de la réconciliation nationale, à l’approfondissement de la démocratie et à la consolidation de la paix.
2- Le présent rapport fait le point de l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire. Il se conclut par des observations sur la marche à suivre, y compris l’appui au processus de réconciliation, de consolidation de la paix et de relèvement socio‐économique, ainsi que la levée de la mesure de suspension qui frappe la Côte d’Ivoire.
II. RAPPEL
1- Mis en place par la 259ème réunion du Conseil, tenue le 28 janvier 2011, le Groupe de haut niveau de l’Union africaine pour le règlement de la crise en Côte d’Ivoire a présenté son rapport à la 265ème réunion du Conseil, tenue à Addis Abéba, le 10 mars 2011, au niveau des chefs d’Etat et de Gouvernement. Son mandat était d’évaluer la situation et de formuler, sur la base des décisions pertinentes de l’UA et de la CEDEAO, une solution politique d’ensemble.
2- Dans ses propositions, le Groupe de haut niveau a réaffirmé la victoire de M. Alassane Dramane Ouattara au scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 ; et demandé que M. Laurent Gbagbo se retire dans l’intérêt supérieur du peuple ivoirien, que les parties ivoiriennes en prennent acte et qu’elles demandent au Conseil constitutionnel d’investir M. Alassane Dramane Ouattara comme Président de la République. Le Groupe de haut niveau a formulé d’autres propositions relatives notamment à la mise en place d’un Gouvernement d’union et de réconciliation nationale, à la mise en œuvre des aspects pendants de l’Accord politique de Ouagadougou (APO) et d’autres réformes connexes, à des mesures d’apaisement et de confiance, ainsi qu’à l’accompagnement et à l’appui de l’UA, de la CEDEAO et de la communauté internationale. La 265ème réunion du Conseil a entériné les propositions du Groupe de haut niveau et demandé au Président de la Commission de l’UA de nommer un Haut Représentant chargé notamment de la mise en œuvre de cette solution politique d’ensemble.
1- Invités à participer aux réunions du Groupe de haut niveau et du Conseil du 10 mars 2011, le Président élu, M. Alassane Dramane Ouattara, a effectué le déplacement d’Addis Abéba ; il a accepté la solution proposée. Pour sa part, le Président sortant, M. Laurent Gbagbo, a dépêché une délégation conduite par M. Pascal Affi N’Guessan, Président du Front patriotique ivoirien (FPI), qui a rejeté la solution proposée. Le Président du Conseil constitutionnel, qui avait été invité à Addis Abéba, n’a pas fait le déplacement.
2- Le 26 mars 2011, j’ai nommé M. José Brito, ancien Ministre des Affaires étrangères du Cap Vert, comme Haut Représentant de l’UA pour la Côte d’Ivoire, mais ce dernier a été récusé par le Président Alassane Ouattara. Par la suite, j’ai adressé, le 29 mars 2011, des courriers au Président Alassane Ouattara et à M. Laurent Gbagbo, les invitant à dépêcher des délégations de haut niveau à Addis Abéba en vue de négociations entre les deux parties, du 4 au 6 avril 2011, sous l’égide de l’UA et de la CEDEAO. Entretemps, la campagne militaire pour démettre le Président sortant et restaurer la légalité avait déjà commencé.
III. CAMPAGNE MILITAIRE
POUR DEMETTRE LE PRESIDENT SORTANT
7. Convaincu que le Président sortant ne cèderait jamais volontairement et pacifiquement le pouvoir et que toutes les démarches politiques et diplomatiques ne lui servaient qu’à gagner du temps, le Gouvernement du Président Ouattara entreprit de le faire partir par la force. Dans cette perspective, le Président de la République créa, par ordonnance datée du 17 mars 2011, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), composées des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN). Celles‐ci entreprirent une campagne aux fins, selon les propres termes du Président Ouattara, de « protéger les populations civiles, pacifier le pays et rétablir la légalité ».
8. Les combats, qui opposaient les FRCI aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et aux miliciens pro‐Gbagbo, se déroulèrent d’abord, en mars 2011, à l’Ouest, avec la prise par les FRCI de quelques localités, notamment Bin‐Houyé, Zouan Hounien, Toulépleu, Doké et Bloléquin. Ensuite, à partir du 28 mars 2011, trois fronts furent ouverts en même temps à l’Ouest, au Centre et à l’Est, depuis les villes de Duékoué, Daloa et Bondoukou. La campagne militaire fut brève, les villes tombèrent les unes après les autres aux mains des FRCI, au point qu’en 4 jours seulement, les troupes des FRCI étaient aux portes d’Abidjan. Il convient de noter que, dans la plupart des cas, les FDS n’ont pas combattu, préférant se retirer avant l’arrivée des FRCI.
9. La bataille d’Abidjan a commencé dans la soirée du 31 mars 2011, mais le gros des troupes des FRCI, resté aux portes de la ville, a attaqué le 4 avril. Parallèlement, les hélicoptères de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et de la Force Licorne qui l’appuie détruisaient les armes lourdes du camp pro‐Gbagbo en application de la résolution 1975(2011) du Conseil de sécurité des Nations unies. Les cibles principales de leurs frappes se trouvaient à la résidence et au palais présidentiels, à la Radio‐télévision ivoirienne (RTI), ainsi qu’aux camps militaires d’Akouedo et d’Agban. La RTI, qui servit d’instrument de propagande et de mobilisation du camp Gbagbo pendant les 4 mois de crise postélectorale, fut l’objet d’âpres combats entre les deux parties, durant la bataille d’Abidjan, tantôt prise par les FRCI, tantôt reprise par les combattants pro‐Gbagbo ; tantôt émettant, tantôt n’émettant plus.
10. Finalement, c’est le 11 avril 2011 que l’assaut final, précédé par de nouvelles frappes contre les armes lourdes du camp Gbagbo, fut lancé sur la résidence du Président sortant, Laurent Gbagbo. Ce dernier alors fut arrêté par les FRCI et conduit à l’hôtel du Golf, avant d’être transféré plus tard vers le Nord du pays, où il est gardé en résidence surveillée sous la protection de l’ONUCI.
IV. SITUATION HUMANITAIRE
11. La ville d’Abidjan a connu des violences depuis le mois de février 2011, particulièrement dans les communes d’Abobo et d’Anyama, violences qui se sont étendues progressivement
uuuuuuuuuu
à d’autres communes (Attécoubé, Adjamé, Williamsville, Yopougon, etc..). A l’origine, il s’agissait de la répression des manifestations des militants du Rassemblement des Houphétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) par les forces fidèles au Président sortant, Laurent Gbagbo. Par la suite, un groupe armé, connu sous le nom de « commando invisible », est venu au secours des populations d’Abobo en s’attaquant aux forces pro‐Gbagbo qui n’hésitaient pas à utiliser des armes lourdes contre les populations civiles. La confrontation a gagné en intensité au point qu’à l’arrivée des FRCI à Abidjan, à la fin du mois de mars 2011, les forces pro‐Gbagbo avaient déjà perdu le contrôle d’Abobo et d’Anyama. Il convient de relever les nombreuses pertes en vies humaines, les destructions de biens publics et privés et un déplacement massif des populations fuyant Abidjan pour se réfugier à l’intérieur du pays et à l’étranger, dans des conditions souvent périlleuses.
12. La bataille d’Abidjan a duré un peu plus d’une dizaine de jours; elle a considérablement aggravé le sort des populations, avec notamment l’arrêt de l’alimentation en eau et en électricité, auquel s’est ajoutée la pénurie de nourriture et de médicaments. Plusieurs personnes ont trouvé la mort du fait des combats. Certaines des populations étrangères qui le pouvaient, dont des diplomates, ont dû recourir à l’ONUCI et à la Licorne pour se faire évacuer à l’étranger ou à Bouaké. Après l’arrestation du Président sortant, M. Laurent Gbagbo, les combats ont cédé la place aux pillages des commerces et des ménages par des gens armés de tous bords. Tous les quartiers, à des degrés divers, ont été touchés.
13. L’Ouest de la Côte d’Ivoire a également payé un lourd tribut à la crise postélectorale. Certaines localités, notamment Duékoué, ont d’abord été le théâtre d’affrontements interethniques avant de subir les affres de la guerre lors de l’offensive des FRCI. Le CICR, l’ONUCI et des ONG parlent de massacres de populations dont les victimes se comptent par centaines. Selon un plan d’action d’urgence humanitaire élaboré par des ONG et les agences des Nations Unies, environ 2 millions de personnes, dont 800.000 déplacés, ont besoin d’une aide humanitaire urgente en Côte d’Ivoire.
V. EFFORTS DES AUTORITES IVOIRIENNES EN VUE
DE LA STABILISATION DE
LA SITUATION
14. Le Président Alassane Dramane Ouattara a adressé des messages à la Nation (le 6 avril 2011, alors que M. Laurent Gbagbo était toujours retranché dans la résidence présidentielle, et le 12 avril, après son arrestation) et tenu une conférence de presse, le 13 avril, qui clarifient sa vision de l’avenir proche, notamment sur les urgences suivantes :
-Sécurité : Il a demandé à la police nationale, à la gendarmerie nationale, ainisi qu’aux forces républicaines et aux forces impartiales, de veiller à la sécurisation des personnes et des biens à Abidjan et sur toutes les parties du territoire.
-Reprise de l’activité économique : Il a demandé que des réparations rapides soient effectuées sur les réseaux d’eau et d’électricité; saisi le Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour la réouverture de ses agences en Côte d’Ivoire en vue d’assurer la reprise des opérations de toutes les banques; demandé (et obtenu) que les sanctions de l’Union européenne (UE) sur les ports d’Abidjan et de San Pedro et sur certaines entités publiques soient levées; et instruit le Ministère de l’Energie et des Mines de prendre les mesures requises pour la remise en route de la raffinerie SIR en vue de l’approvisionnement en gaz butane et en carburant. Il convient de noter que la France va mettre en place un crédit de 400 millions d’euros pour aider la Côte d’Ivoire à faire face aux dépenses urgentes (salaires, et fonctionnement de l’Administration), cependant que l’UE est également disposée à octroyer une aide de 200 millions d’euros.
-Unité et réconciliation : Il a réitéré sa volonté de mettre en place une Commission vérité et réconciliation pour faire la lumière sur tous les massacres, crimes et autres violations des droits de l’homme, tout en invitant les Ivoiriens à s’abstenir de tout acte de vengeance ou de représailles, ainsi que de violence.
-Justice : Il a annoncé que des poursuites judiciaires seront menées à l’encontre de l’ancien Président Laurent Gbagbo et certains de ses collaborateurs, qu’une Commission nationale d’enquête est créée pour enquêter sur les crimes perpétrés pendant la crise et collaborer avec les juridictions internationales et les organisations des droits de l’homme.
-Politique : Il estime que quelques mois seront encore nécessaires pour sécuriser le pays avec le Gouvernement actuel et que, par la suite, tous ses engagements relatifs à la composition du Gouvernement seront mis en œuvre. De même, son investiture interviendra en temps opportun après la résolution des questions urgentes.
15. Au‐delà de ces déclarations, on observe effectivement une normalisation progressive de la situation, les principaux chefs des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire, ainsi que d’autres chefs d’institutions, ont prêté allégeance au Président Alassane Dramane Ouattara, des patrouilles mixtes (police, gendarmerie, FRCI et forces impartiales) opèrent quasiment dans toutes les communes d’Abidjan, les pillages ont diminué, l’eau et l’électricité ont été rétablies, les marchés et les commerces rouvrent petit à petit et l’administration devrait reprendre le travail bientôt. Le plus grand défi en perspective pour l’unité et la démocratie en Côte d’Ivoire sera la reprise des activités politiques des deux principales forces qui se sont affrontées aux élections et sur le champ de bataille, avec la mise en place annoncée, aussi rapidement que possible, d’un Gouvernement d’unité et de réconciliation nationale.
VI. OBSERVATIONS
16. Après plusieurs mois de crise due au refus du Président sortant, Laurent Gbagbo, d’accepter sa défaite à l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire a maintenant retrouvé une situation institutionnelle normale, avec la restauration de la légalité sur l’ensemble du territoire national. Le Conseil, qui a joué un rôle actif dans les efforts de règlement de la crise ivoirienne, se doit de se féliciter de cette évolution.
17. Une nouvelle page s’ouvre dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, qui doit être mise à profit pour consolider la paix retrouvée, promouvoir et approfondir la réconciliation et faciliter le relèvement socio‐économique de ce pays. Le Président Alassane Ouattara a clairement affirmé sa volonté et celle de son Gouvernement à ne ménager aucun effort pour la réalisation de ces objectifs. L’UA, qui s’est activement mobilisée en vue du règlement de la crise ivoirienne, se doit, de concert avec la CEDEAO et les partenaires internationaux, de jouer pleinement le rôle qui lui revient dans la consolidation de la paix en Côte d’Ivoire. La Commission se propose, dans le prolongement de la demande faite par le Conseil dans son communiqué du 5 avril 2011, de prendre toutes les initiatives requises à cet égard.
18. Le Conseil se souviendra que, dans le communiqué adopté à l’issue de sa 252ème réunion, tenue le 9 décembre 2010, il avait décidé, sur la base des instruments pertinents de l’UA, de suspendre la participation de la Côte d’Ivoire à toutes les activités de l’UA jusqu'à ce que le Président démocratiquement élu, Alassane Dramane Ouattara, assume effectivement le pouvoir d’Etat. Maintenant que le Président Ouattara assume effectivement le pouvoir d’Etat, il importe de lever la mesure de suspension qui avait été prise à l’encontre de la Côte d’Ivoire. Une telle décision confortera l’évolution positive enregistrée en Côte d’Ivoire, tout en permettant à ce pays d’apporter la contribution qui est la sienne à la réalisation des idéaux de notre Union.
2- Le présent rapport fait le point de l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire. Il se conclut par des observations sur la marche à suivre, y compris l’appui au processus de réconciliation, de consolidation de la paix et de relèvement socio‐économique, ainsi que la levée de la mesure de suspension qui frappe la Côte d’Ivoire.
II. RAPPEL
1- Mis en place par la 259ème réunion du Conseil, tenue le 28 janvier 2011, le Groupe de haut niveau de l’Union africaine pour le règlement de la crise en Côte d’Ivoire a présenté son rapport à la 265ème réunion du Conseil, tenue à Addis Abéba, le 10 mars 2011, au niveau des chefs d’Etat et de Gouvernement. Son mandat était d’évaluer la situation et de formuler, sur la base des décisions pertinentes de l’UA et de la CEDEAO, une solution politique d’ensemble.
2- Dans ses propositions, le Groupe de haut niveau a réaffirmé la victoire de M. Alassane Dramane Ouattara au scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 ; et demandé que M. Laurent Gbagbo se retire dans l’intérêt supérieur du peuple ivoirien, que les parties ivoiriennes en prennent acte et qu’elles demandent au Conseil constitutionnel d’investir M. Alassane Dramane Ouattara comme Président de la République. Le Groupe de haut niveau a formulé d’autres propositions relatives notamment à la mise en place d’un Gouvernement d’union et de réconciliation nationale, à la mise en œuvre des aspects pendants de l’Accord politique de Ouagadougou (APO) et d’autres réformes connexes, à des mesures d’apaisement et de confiance, ainsi qu’à l’accompagnement et à l’appui de l’UA, de la CEDEAO et de la communauté internationale. La 265ème réunion du Conseil a entériné les propositions du Groupe de haut niveau et demandé au Président de la Commission de l’UA de nommer un Haut Représentant chargé notamment de la mise en œuvre de cette solution politique d’ensemble.
1- Invités à participer aux réunions du Groupe de haut niveau et du Conseil du 10 mars 2011, le Président élu, M. Alassane Dramane Ouattara, a effectué le déplacement d’Addis Abéba ; il a accepté la solution proposée. Pour sa part, le Président sortant, M. Laurent Gbagbo, a dépêché une délégation conduite par M. Pascal Affi N’Guessan, Président du Front patriotique ivoirien (FPI), qui a rejeté la solution proposée. Le Président du Conseil constitutionnel, qui avait été invité à Addis Abéba, n’a pas fait le déplacement.
2- Le 26 mars 2011, j’ai nommé M. José Brito, ancien Ministre des Affaires étrangères du Cap Vert, comme Haut Représentant de l’UA pour la Côte d’Ivoire, mais ce dernier a été récusé par le Président Alassane Ouattara. Par la suite, j’ai adressé, le 29 mars 2011, des courriers au Président Alassane Ouattara et à M. Laurent Gbagbo, les invitant à dépêcher des délégations de haut niveau à Addis Abéba en vue de négociations entre les deux parties, du 4 au 6 avril 2011, sous l’égide de l’UA et de la CEDEAO. Entretemps, la campagne militaire pour démettre le Président sortant et restaurer la légalité avait déjà commencé.
III. CAMPAGNE MILITAIRE
POUR DEMETTRE LE PRESIDENT SORTANT
7. Convaincu que le Président sortant ne cèderait jamais volontairement et pacifiquement le pouvoir et que toutes les démarches politiques et diplomatiques ne lui servaient qu’à gagner du temps, le Gouvernement du Président Ouattara entreprit de le faire partir par la force. Dans cette perspective, le Président de la République créa, par ordonnance datée du 17 mars 2011, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), composées des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN). Celles‐ci entreprirent une campagne aux fins, selon les propres termes du Président Ouattara, de « protéger les populations civiles, pacifier le pays et rétablir la légalité ».
8. Les combats, qui opposaient les FRCI aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et aux miliciens pro‐Gbagbo, se déroulèrent d’abord, en mars 2011, à l’Ouest, avec la prise par les FRCI de quelques localités, notamment Bin‐Houyé, Zouan Hounien, Toulépleu, Doké et Bloléquin. Ensuite, à partir du 28 mars 2011, trois fronts furent ouverts en même temps à l’Ouest, au Centre et à l’Est, depuis les villes de Duékoué, Daloa et Bondoukou. La campagne militaire fut brève, les villes tombèrent les unes après les autres aux mains des FRCI, au point qu’en 4 jours seulement, les troupes des FRCI étaient aux portes d’Abidjan. Il convient de noter que, dans la plupart des cas, les FDS n’ont pas combattu, préférant se retirer avant l’arrivée des FRCI.
9. La bataille d’Abidjan a commencé dans la soirée du 31 mars 2011, mais le gros des troupes des FRCI, resté aux portes de la ville, a attaqué le 4 avril. Parallèlement, les hélicoptères de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et de la Force Licorne qui l’appuie détruisaient les armes lourdes du camp pro‐Gbagbo en application de la résolution 1975(2011) du Conseil de sécurité des Nations unies. Les cibles principales de leurs frappes se trouvaient à la résidence et au palais présidentiels, à la Radio‐télévision ivoirienne (RTI), ainsi qu’aux camps militaires d’Akouedo et d’Agban. La RTI, qui servit d’instrument de propagande et de mobilisation du camp Gbagbo pendant les 4 mois de crise postélectorale, fut l’objet d’âpres combats entre les deux parties, durant la bataille d’Abidjan, tantôt prise par les FRCI, tantôt reprise par les combattants pro‐Gbagbo ; tantôt émettant, tantôt n’émettant plus.
10. Finalement, c’est le 11 avril 2011 que l’assaut final, précédé par de nouvelles frappes contre les armes lourdes du camp Gbagbo, fut lancé sur la résidence du Président sortant, Laurent Gbagbo. Ce dernier alors fut arrêté par les FRCI et conduit à l’hôtel du Golf, avant d’être transféré plus tard vers le Nord du pays, où il est gardé en résidence surveillée sous la protection de l’ONUCI.
IV. SITUATION HUMANITAIRE
11. La ville d’Abidjan a connu des violences depuis le mois de février 2011, particulièrement dans les communes d’Abobo et d’Anyama, violences qui se sont étendues progressivement
uuuuuuuuuu
à d’autres communes (Attécoubé, Adjamé, Williamsville, Yopougon, etc..). A l’origine, il s’agissait de la répression des manifestations des militants du Rassemblement des Houphétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) par les forces fidèles au Président sortant, Laurent Gbagbo. Par la suite, un groupe armé, connu sous le nom de « commando invisible », est venu au secours des populations d’Abobo en s’attaquant aux forces pro‐Gbagbo qui n’hésitaient pas à utiliser des armes lourdes contre les populations civiles. La confrontation a gagné en intensité au point qu’à l’arrivée des FRCI à Abidjan, à la fin du mois de mars 2011, les forces pro‐Gbagbo avaient déjà perdu le contrôle d’Abobo et d’Anyama. Il convient de relever les nombreuses pertes en vies humaines, les destructions de biens publics et privés et un déplacement massif des populations fuyant Abidjan pour se réfugier à l’intérieur du pays et à l’étranger, dans des conditions souvent périlleuses.
12. La bataille d’Abidjan a duré un peu plus d’une dizaine de jours; elle a considérablement aggravé le sort des populations, avec notamment l’arrêt de l’alimentation en eau et en électricité, auquel s’est ajoutée la pénurie de nourriture et de médicaments. Plusieurs personnes ont trouvé la mort du fait des combats. Certaines des populations étrangères qui le pouvaient, dont des diplomates, ont dû recourir à l’ONUCI et à la Licorne pour se faire évacuer à l’étranger ou à Bouaké. Après l’arrestation du Président sortant, M. Laurent Gbagbo, les combats ont cédé la place aux pillages des commerces et des ménages par des gens armés de tous bords. Tous les quartiers, à des degrés divers, ont été touchés.
13. L’Ouest de la Côte d’Ivoire a également payé un lourd tribut à la crise postélectorale. Certaines localités, notamment Duékoué, ont d’abord été le théâtre d’affrontements interethniques avant de subir les affres de la guerre lors de l’offensive des FRCI. Le CICR, l’ONUCI et des ONG parlent de massacres de populations dont les victimes se comptent par centaines. Selon un plan d’action d’urgence humanitaire élaboré par des ONG et les agences des Nations Unies, environ 2 millions de personnes, dont 800.000 déplacés, ont besoin d’une aide humanitaire urgente en Côte d’Ivoire.
V. EFFORTS DES AUTORITES IVOIRIENNES EN VUE
DE LA STABILISATION DE
LA SITUATION
14. Le Président Alassane Dramane Ouattara a adressé des messages à la Nation (le 6 avril 2011, alors que M. Laurent Gbagbo était toujours retranché dans la résidence présidentielle, et le 12 avril, après son arrestation) et tenu une conférence de presse, le 13 avril, qui clarifient sa vision de l’avenir proche, notamment sur les urgences suivantes :
-Sécurité : Il a demandé à la police nationale, à la gendarmerie nationale, ainisi qu’aux forces républicaines et aux forces impartiales, de veiller à la sécurisation des personnes et des biens à Abidjan et sur toutes les parties du territoire.
-Reprise de l’activité économique : Il a demandé que des réparations rapides soient effectuées sur les réseaux d’eau et d’électricité; saisi le Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour la réouverture de ses agences en Côte d’Ivoire en vue d’assurer la reprise des opérations de toutes les banques; demandé (et obtenu) que les sanctions de l’Union européenne (UE) sur les ports d’Abidjan et de San Pedro et sur certaines entités publiques soient levées; et instruit le Ministère de l’Energie et des Mines de prendre les mesures requises pour la remise en route de la raffinerie SIR en vue de l’approvisionnement en gaz butane et en carburant. Il convient de noter que la France va mettre en place un crédit de 400 millions d’euros pour aider la Côte d’Ivoire à faire face aux dépenses urgentes (salaires, et fonctionnement de l’Administration), cependant que l’UE est également disposée à octroyer une aide de 200 millions d’euros.
-Unité et réconciliation : Il a réitéré sa volonté de mettre en place une Commission vérité et réconciliation pour faire la lumière sur tous les massacres, crimes et autres violations des droits de l’homme, tout en invitant les Ivoiriens à s’abstenir de tout acte de vengeance ou de représailles, ainsi que de violence.
-Justice : Il a annoncé que des poursuites judiciaires seront menées à l’encontre de l’ancien Président Laurent Gbagbo et certains de ses collaborateurs, qu’une Commission nationale d’enquête est créée pour enquêter sur les crimes perpétrés pendant la crise et collaborer avec les juridictions internationales et les organisations des droits de l’homme.
-Politique : Il estime que quelques mois seront encore nécessaires pour sécuriser le pays avec le Gouvernement actuel et que, par la suite, tous ses engagements relatifs à la composition du Gouvernement seront mis en œuvre. De même, son investiture interviendra en temps opportun après la résolution des questions urgentes.
15. Au‐delà de ces déclarations, on observe effectivement une normalisation progressive de la situation, les principaux chefs des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire, ainsi que d’autres chefs d’institutions, ont prêté allégeance au Président Alassane Dramane Ouattara, des patrouilles mixtes (police, gendarmerie, FRCI et forces impartiales) opèrent quasiment dans toutes les communes d’Abidjan, les pillages ont diminué, l’eau et l’électricité ont été rétablies, les marchés et les commerces rouvrent petit à petit et l’administration devrait reprendre le travail bientôt. Le plus grand défi en perspective pour l’unité et la démocratie en Côte d’Ivoire sera la reprise des activités politiques des deux principales forces qui se sont affrontées aux élections et sur le champ de bataille, avec la mise en place annoncée, aussi rapidement que possible, d’un Gouvernement d’unité et de réconciliation nationale.
VI. OBSERVATIONS
16. Après plusieurs mois de crise due au refus du Président sortant, Laurent Gbagbo, d’accepter sa défaite à l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire a maintenant retrouvé une situation institutionnelle normale, avec la restauration de la légalité sur l’ensemble du territoire national. Le Conseil, qui a joué un rôle actif dans les efforts de règlement de la crise ivoirienne, se doit de se féliciter de cette évolution.
17. Une nouvelle page s’ouvre dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, qui doit être mise à profit pour consolider la paix retrouvée, promouvoir et approfondir la réconciliation et faciliter le relèvement socio‐économique de ce pays. Le Président Alassane Ouattara a clairement affirmé sa volonté et celle de son Gouvernement à ne ménager aucun effort pour la réalisation de ces objectifs. L’UA, qui s’est activement mobilisée en vue du règlement de la crise ivoirienne, se doit, de concert avec la CEDEAO et les partenaires internationaux, de jouer pleinement le rôle qui lui revient dans la consolidation de la paix en Côte d’Ivoire. La Commission se propose, dans le prolongement de la demande faite par le Conseil dans son communiqué du 5 avril 2011, de prendre toutes les initiatives requises à cet égard.
18. Le Conseil se souviendra que, dans le communiqué adopté à l’issue de sa 252ème réunion, tenue le 9 décembre 2010, il avait décidé, sur la base des instruments pertinents de l’UA, de suspendre la participation de la Côte d’Ivoire à toutes les activités de l’UA jusqu'à ce que le Président démocratiquement élu, Alassane Dramane Ouattara, assume effectivement le pouvoir d’Etat. Maintenant que le Président Ouattara assume effectivement le pouvoir d’Etat, il importe de lever la mesure de suspension qui avait été prise à l’encontre de la Côte d’Ivoire. Une telle décision confortera l’évolution positive enregistrée en Côte d’Ivoire, tout en permettant à ce pays d’apporter la contribution qui est la sienne à la réalisation des idéaux de notre Union.