Quatre jours après être sorti de la brousse où il s`est réfugié pendant six semaines, Yves Bantoji reste sans nouvelles de sa femme et de son fils et contemple sa maison réduite en cendres lors des récentes violences à Toulepleu, dans l`Ouest ivoirien. "Venez voir, ce n`est pas juste ma maison, tout le village a brûlé. Mes parents sont encore dans la brousse, ils ont peur et n`osent pas rentrer. Il y a des milliers de personnes comme eux", explique à l`AFP ce père de famille d`une trentaine d`années.
Bastion du président ivoirien déchu Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril, Toulepleu a été dévastée par les exactions de miliciens locaux et de mercenaires venus du Liberia, à une quinzaine de kilomètres, puis par les combats lors de la prise de la ville le 6 mars par les Forces républicaines du chef d`Etat Alassane Ouattara. Autour du marché, aucune boutique n`a été épargnée par les pilleurs qui n`ont laissé que quelques documents et bouteilles vides. Dans l`air flotte une odeur persistante de cadavres.
"On a besoin d`aide, de médicaments, de nourriture pour sauver ce qu`il reste de Toulepleu. Il faut tout reprendre à zéro, refaire notre vie et panser nos blessures", souligne Yves Bantoji. Des associations humanitaires comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Médecins sans frontières (MSF) et des pères capucins font leur retour dans la zone dévastée. Pour les Forces républicaines qui occupent la ville, Laurent Gbagbo avait fait de Toulepleu une base arrière pour ses troupes, armant ses partisans au sein de l`ethnie guéré, y compris les adolescents.
"Toulepleu a été en grande partie détruite par ses fils, accompagnés de quelques mercenaires libériens. Ils ont tout pillé, incendié, détruit", affirme Yves Bantoji, lui-même guéré. Le 25 mars encore, bien après la prise de la ville par les Forces républicaines, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies faisait encore état de "mercenaires libériens qui pillent, qui violent, qui tuent". Miliciens et mercenaires ont aujourd`hui disparu: abandonnant leur équipement lourd pour ne conserver que leurs kalachnikov, ils ont franchi la frontière. Mais bien des maisons guéré ont brûlé après la prise de la ville, en forme de représailles. Et si Yves assure qu`il n`a "rien sur le cœur" et qu`il n`est l`ennemi de personne, il est l`un des rares de son ethnie à avoir osé revenir.
Autour de lui, quelques échoppes redonnent un peu de vie à la ville désolée, mais ce sont des dioula et des yacouba, ethnies majoritairement favorables à Alassane Ouattara, qui les tiennent. Yves préfère raconter comment, dans la brousse, les habitants en fuite ont trouvé refuge dans des campements de fortune, en proie à la faim et sans soins. "J`ai perdu mon deuxième fils de maladie dans la brousse, il avait 18 mois.
Ma cousine a accouché dans la brousse", explique-t-il sans ciller. "On avait nos greniers à riz en brousse, mais pas de sel ni de cubes Maggi. Comme on n`osait pas revenir en ville, il fallait aller se ravitailler clandestinement au Liberia".
"J`ai fait cinq fois la traversée. Je sortais vers 1H00 du matin, avec une lampe torche, je prenais des pistes, il y en avait pour deux heures trente de marche jusqu`au fleuve. Là, j`attendais le petit matin et on me faisait traverser la rivière en pirogue". "Je craignais de croiser quelqu`un qui me fasse du mal, Dieu merci je n`ai vu personne. C`est notre brousse, on maîtrise", dit-il avec fierté.
Yves est prêt à pardonner mais pas à oublier: "j`écris un livre pour raconter ce que nous avons vécu au jour le jour. J`en suis déjà à 109 pages..."
Par Thibauld MALTERRE
Bastion du président ivoirien déchu Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril, Toulepleu a été dévastée par les exactions de miliciens locaux et de mercenaires venus du Liberia, à une quinzaine de kilomètres, puis par les combats lors de la prise de la ville le 6 mars par les Forces républicaines du chef d`Etat Alassane Ouattara. Autour du marché, aucune boutique n`a été épargnée par les pilleurs qui n`ont laissé que quelques documents et bouteilles vides. Dans l`air flotte une odeur persistante de cadavres.
"On a besoin d`aide, de médicaments, de nourriture pour sauver ce qu`il reste de Toulepleu. Il faut tout reprendre à zéro, refaire notre vie et panser nos blessures", souligne Yves Bantoji. Des associations humanitaires comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Médecins sans frontières (MSF) et des pères capucins font leur retour dans la zone dévastée. Pour les Forces républicaines qui occupent la ville, Laurent Gbagbo avait fait de Toulepleu une base arrière pour ses troupes, armant ses partisans au sein de l`ethnie guéré, y compris les adolescents.
"Toulepleu a été en grande partie détruite par ses fils, accompagnés de quelques mercenaires libériens. Ils ont tout pillé, incendié, détruit", affirme Yves Bantoji, lui-même guéré. Le 25 mars encore, bien après la prise de la ville par les Forces républicaines, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies faisait encore état de "mercenaires libériens qui pillent, qui violent, qui tuent". Miliciens et mercenaires ont aujourd`hui disparu: abandonnant leur équipement lourd pour ne conserver que leurs kalachnikov, ils ont franchi la frontière. Mais bien des maisons guéré ont brûlé après la prise de la ville, en forme de représailles. Et si Yves assure qu`il n`a "rien sur le cœur" et qu`il n`est l`ennemi de personne, il est l`un des rares de son ethnie à avoir osé revenir.
Autour de lui, quelques échoppes redonnent un peu de vie à la ville désolée, mais ce sont des dioula et des yacouba, ethnies majoritairement favorables à Alassane Ouattara, qui les tiennent. Yves préfère raconter comment, dans la brousse, les habitants en fuite ont trouvé refuge dans des campements de fortune, en proie à la faim et sans soins. "J`ai perdu mon deuxième fils de maladie dans la brousse, il avait 18 mois.
Ma cousine a accouché dans la brousse", explique-t-il sans ciller. "On avait nos greniers à riz en brousse, mais pas de sel ni de cubes Maggi. Comme on n`osait pas revenir en ville, il fallait aller se ravitailler clandestinement au Liberia".
"J`ai fait cinq fois la traversée. Je sortais vers 1H00 du matin, avec une lampe torche, je prenais des pistes, il y en avait pour deux heures trente de marche jusqu`au fleuve. Là, j`attendais le petit matin et on me faisait traverser la rivière en pirogue". "Je craignais de croiser quelqu`un qui me fasse du mal, Dieu merci je n`ai vu personne. C`est notre brousse, on maîtrise", dit-il avec fierté.
Yves est prêt à pardonner mais pas à oublier: "j`écris un livre pour raconter ce que nous avons vécu au jour le jour. J`en suis déjà à 109 pages..."
Par Thibauld MALTERRE