Le colonel Kadio Miézou (ancien sous-chef d`état-major des Fanci) : “Niablé est la porte d`entrée des armes”

Sous-chef d'état-major du général Mathias Doué, le Colonel Kadio Miézou, depuis la crise post-électorale, s'est investi au côté de sa majesté Nanan Boa Kouassi III et du président Edjampan pour ramener la paix dans l'Indenié et ramener la confiance entre les frères d'armes des FRCI, basés dans le Moyen-Comoé. Le mercredi 20 avril, à l'appatam de la douane de Niablé, le Colonel Miézou s'est adressé à ses frères d'armes qui ont choisi de retourner au pays après leur fuite vers le Ghana. Ce, en présence du commandant de compagnie, de l'adjoint au préfet de police d'Abengourou, du maire de Koun Fao, commandant de douane de son état, du premier responsable du poste de douane frontalière de Niablé , des autorités administratives et communales de ladite localité ainsi que des autorités militaires du Ghana. Ci-dessous de larges extraits de son intervention.
Pourquoi je ne
suis pas au Golf ?
(…) C'est un homme heureux qui se retrouve devant vous aujourd'hui parce que j'étais dans la même situation que vous en 2002. J'étais allé donner des cours aux élèves qui se préparaient à aller à l'école de guerre, quand la guerre est survenue. Je n'ai eu mon salut qu'en me cachant dans une buse .Je me retrouve aujourd'hui devant vous, après avoir géré la guerre pendant près de deux ans. Cela fait six ans que je suis en réserve de la République. Je ne travaille pas. Je n'ai aucun bureau .Ce qui justifie ma présence dans ma région ici (ndlr Abengourou) et non au Golf. Mais ne vous y méprenez pas. Le militaire est toujours en service et c'est ce que je voudrais que vous reteniez. Je suis un homme heureux parce que beaucoup de choses se sont dites dans cette Côte d'Ivoire au point d'amener des fractures au sein de la population. La Côte d'Ivoire était N'zassa, mais aujourd'hui elle est en lambeaux. En bon français, la Côte d'Ivoire est une mosaïque de populations avec près de 60 ethnies qui se sont retrouvées sur une aire pour former une nation, la nation ivoirienne, la République de Côte d'Ivoire. Dans tout pays, il y a un certain nombre de processus qui commence et qui se termine. Pour ce qui nous concerne, ce sont les élections présidentielles qui ont eu lieu à partir du mois d'octobre et qui se sont achevées à la fin du mois de novembre. Celui qui a gagné les élections, s'appelle Monsieur Alassane Dramane Ouattara. Je voudrais que tout un chacun de nous ici le comprenne. Aujourd'hui, le président de la République de Côte d'Ivoire s'appelle Alassane Dramane Ouattara, son Premier ministre est Monsieur Soro Kigbafori Guillaume, ministre de la Défense. Je l'ai dit tantôt, sans être mandaté par eux, je parle en leurs noms.
Le concept de FDS et aujourd'hui FRCI
Au nom de l'ordonnance formant l'armée en une seule entité, les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), j'ai présenté les différents éléments dans leur différente générique, non pas pour faire un distinguo, mais pour que à la fin, chacun comprenne qu'à partir d'aujourd'hui, nous sommes sous la même entité. Le concept de FDS à été inventé par moi qui vous parle avec le commandant Mian, directeur de cabinet du ministre de la Défense. C'est nous, quand la guerre est survenue en 2002, étions en train de travailler avec toutes les composantes de l'armée .Et il fallait faire des notes pour distinguer les corps. Nous avons réfléchi pour trouver quelque chose qui nous rassemble. De cette réflexion, il est ressorti Force de Défense et de Sécurité. Les aspects stratégiques de ce concept je ne vous le développe pas ici. Tout comme le concept, de Force Républicaines de Côte d'Ivoire présage ce que notre outil de Défense et de Sécurité sera demain. Les mots ont leur sens et quand on dit Forces Républicaines, cela suppose que tous les Ivoiriens sont logés à la même enseigne, il y a que la nation qui compte. Les hommes pour la servir on peut en trouver partout, on peut en trouver au Nord, au Sud, à l'Est, à l'Ouest, au Centre. Il n'y a pas de distinction à faire. Donc, je suis un homme heureux de pouvoir parler à mes frères qui pour des raisons diverses se sont écartés. Ces mêmes raisons je les ai vécues moi aussi à Bouaké quand la guerre a éclaté le 19 septembre 2002. Je suis rentré deux jours après à Abidjan pour pouvoir jouer mon rôle.
Je m'inscris dans la logique du prési Ouattara
Donc je vous comprends et je vous remercie d'avoir affranchi la peur du parachutiste qui se présente au bord de l'avion pour sauter dans l'inconnu. La peur du douanier qui doit aller derrière un trafiquant, la peur de l'agent des Eaux et forêts qui doit aller traquer un braconnier, la peur du gendarme à qui on dit qu'il y a un voleur dans la maison , la peur du policier qui arrête un véhicule en ne sachant même pas qui est dans la voiture. Le militaire par essence côtoie la mort au quotidien .Donc on comprend que vous ayez pu avoir peur pour franchir la frontière et aller de l'autre Côté voir nos frères ghanéens. Les échanges ici témoignent de ce que l'Afrique est une et indivisible. Nous avons échangé en Ashanti. J'aurais pu vous parler dans cette langue, mais tout le monde ici n'est pas Ashanti. Il y a ici des Baoulé, des Bété, des Dioula,…il y a tout le monde ici. C'est ça qui fait la Côte d'Ivoire. Je suis un homme heureux et je m'inscris dans la logique du président de la République, SEM Alassane Ouattara. Il veut impulser à la Cote d'Ivoire, le développement. Mais peut-on faire un développement si on n'a pas résolu le passif accumulé pendant des années ? Il convient donc de nous asseoir, de discuter, de nous comprendre, de nous pardonner. C'est pour cela qu'il a demandé à ce que tout un chacun de nous réfléchisse, transcende son moi pour prendre le général, c'est le plus important. Nous sommes Ivoiriens et nous devons vivre en Ivoirien, nous devons vivre ensemble, nous devons avoir confiance en nous. L'armée est ainsi faite. L'armée, c'est le système des appuis mutuels. La confiance doit régner.
Je voudrais vous rappeler parce qu'il semble que dans l'euphorie des événements, vous avez perdu cela de vue. Vous avez laissé transcender votre moi par rapport au général.
Niablé est la porte
d'entrée des armes
Vous êtes partis. Et si on avait envahi la Côte d'Ivoire, est-ce que vous pourriez revenir ? Je vous pose la question, vous voyez que la réponse est non. Un militaire, quand il dit non, ce n'est pas bon. Donc je voudrais à ce niveau vous dire que la confiance doit venir de vous. Vous avez eu peur, vous êtes parti, pourquoi êtes-vous parti ? On ne va pas répondre à ça ici. Chacun de nous sait pourquoi il est parti. Pour retrouver la confiance, c'est vous qui devriez montrer patte blanche. Tous ici, nous avons notre sécurité sur Tuo (Ndlr responsable des FRCI à Niablé).C'est lui seul qui est fondé à détenir des armes. Le chef militaire qui vous parle n'a pas été mandaté par la primature. Mais à partir du moment où tu es chef militaire, tu as le devoir de dire la vérité aux hommes qui se mettent à ta disposition. C'est Tuo seul qui est fondé à détenir des armes ou pas. Les rumeurs les plus folles ont circulé ici, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie .Il y a certains qui vivent à Niablé et d'autres qui vivent de l'autre côté. Et vous savez ce que représente Niablé donc ayons confiance en nous mêmes. Ce ne sont pas des tracasseries, moi je suis de Niablé, tout ceux que vous voyez ici sont mes parents… Donc nous savons ce qui se passe à Niablé. Les histoires d'armes, je veux que cela soit résolu le plus tôt possible pour que Niablé ait la paix… Parce que c'est malheureusement à partir d'ici que la grande majorité des armes qui endeuillent la plupart des familles sont parties. Je vous regarde droit dans les yeux et je vous le dis, je ne parle pas des armes de guerre. Ceux qui n'ont pas le droit de détenir les armes sont fondés à les déposer auprès des autorités. Je voudrais donc dire un grand merci à tous ceux qui de par leurs actions ont pu vous mettre en confiance pour arriver ici.

Propos recueillis par JOEL ABALO