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Editorial Publié le mardi 3 mai 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Ben Laden est mort, que gagnons-nous ?

Les mouvements islamistes dans les pays africains viennent de perdre un parrain avec la mort de Ben Laden. De ce point de vue, l’Afrique peut gagner quelque chose dans cette donne. La menace islamiste demeure, mais en l’absence de l’idéologue en chef, les actions désespérées peuvent-elles aboutir à un résultat ? Si du vivant de Ben Laden, les islamistes et les membres d’Al Qaïda n’ont pas pu changer l’ordre du monde, comment le pourront-ils alors que leur chef est mort ? Quelle leçon l’Afrique peut-elle tirer de cette mort de Ben Laden ? Le continent africain est pendant longtemps resté en marge de la menace directe islamiste. Certes, tout avait commencé un peu en Algérie, un peu en Egypte, un peu dans les pays arabes, mais le continent noir n’était pas directement visé. Quand des attaques intervenaient au Kenya ou ailleurs, ce sont les intérêts occidentaux qui étaient menacés. Malheureusement la traque lancée contre Ben Laden et Al Qaïda en Occident a eu pour conséquence de conduire à un repli des radicaux islamistes en Afrique. Au Mali, au Niger, au Nigeria, en Mauritanie et dans d’autres pays, les branches locales et africaines d’Al Qaïda essaient d’imposer leur loi. La victoire sur Ben Laden, est une victoire de la démocratie. Elle exige que résolument l’Afrique se mette au diapason de la démocratie, et des standards mondiaux de gouvernance. Les menaces qui planent sur les pays dans le monde sont les mêmes. L’Amérique seule n’était pas menacée par Ben Laden. L’Europe et le monde entier, y compris l’Afrique étaient également menacés. Si l’Arabie Saoudite et les pays arabes étaient des démocraties, Ben Laden aurait-il prospéré ? Le refus de la guerre de civilisation, la crainte du soupçon d’impérialisme avaient calmé les ardeurs de Bush en 2001. Le travail qu’il n’avait pas terminé est aujourd’hui en train d’être terminé par les peuples et les rues arabes, en Tunisie, en Egypte, en Lybie, en Syrie, au Yémen… A terme, l’Arabie Saoudite aura du mal à échapper à cette logique implacable du suffrage universel et de l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Dans les démocraties, les extrémismes, les fondamentalistes, les radicaux et les ultras finissent par être démasqués. Ils sont tolérés mais personne n’ose leur dérouler le tapis rouge sans réaction. Tel est le cas du Front national en France et dans d’autres pays. Tel fut le cas des mouvements racistes à l’époque aux Usa. Certes, le nazisme et Hitler ont été des fils de la démocratie dans une certaine mesure, mais quand on fait tous les comptes, la démocratie reste, à l’inclusion des autres, le meilleur des systèmes. Ce qui signifie qu’à l’exclusion des autres, la démocratie est le pire des systèmes, comme l’a dit Winston Churchill. L’Afrique ne doit pas se mettre en marge de cette quête mondiale de gouvernance démocratique. La perfection n’existe pas. La démocratie ne règle pas tous les problèmes. Elle n’impose pas le bonheur et le développement de façon immédiate ou automatique. Par exemple, il est vrai qu’Alpha Konaré a fait dix ans de présidence au Mali sans faire totalement reculer la pauvreté ; c’est vrai que le Mali est une démocratie sans être un pays développé. Mais peut-on nous dire que l’absence de démocratie a davantage développé le Mali ? Au Ghana, les choses avancent grâce à des alternances et à des transitions démocratiques réussies. Loin des polémiques sur les circonstances exactes et la date précise de la mort de Ben Laden, si l’Afrique a une leçon à tirer de la mort de Ben Laden, c’est de comprendre que nos pays doivent s’adapter à la démocratie et à ses exigences, ou bien périr. S’adapter à la démocratie, ou bien périr par des guerres interethniques, ou pis à cause des exactions des intégristes islamistes. La menace n’est pas si loin que cela. Ben Laden est certes mort, mais d’autres types de Ben Laden nous guettent si nous nous mettons en marge du suffrage universel, de l’Etat de droit et du respect de l’être humain.
Charles Kouassi
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