“Le taux de fréquentation est passé au double”
Le gouvernement ivoirien a décidé d'apporter des soins médicaux gratuits aux populations. Dans cet entretien, Dr Kra Yao Jules, médecin anesthésiste, réanimateur de formation et directeur du CHR nous plante au cœur de l'opération.
Le Patriote : M. le directeur, comment se déroule au Centre Hospitalier Régional de Korhogo l'opération décrétée par le Président de la République pour offrir des soins gratuits aux populations?
Dr Kra Yao Jules : L'opération se déroule bien surtout depuis le mardi 03 mai. En effet, depuis hier, nous avons reçu des instructions complémentaires qui portent la gratuité à tous les actes que nous posons. Il y a seulement que nous avons constaté que le taux de fréquentation de l'hôpital a augmenté depuis le lancement de l'opération. On est passé du simple au double dès le lendemain du démarrage de l'opération. Tous les services débordent de patients, les populations ne se font pas priées pour venir à nous.
LP : Au vu de ce démarrage, êtes-vous satisfait ou avez-vous des appréhensions ?
Dr. KYJ : Nous sommes satisfaits au même titre que toute la population puisque nous-mêmes sommes parties prenantes de la population. Or nous savons que depuis la crise, la population souffre des effets néfastes de la guerre. Et c'est une population qui n'a plus de moyens, les finances sont largement amaigries. Donc, la gratuité des soins est la bienvenue. Surtout que la santé est primordiale pour le développement d'un pays. Sans santé, il n'y a pas de développement. Nous nous réjouissons donc de voir cette opération qui permet aux populations de se soigner correctement. C'est d'ailleurs pourquoi nous souhaitons recevoir les produits en quantité suffisante pour que l'opération se poursuive. Nous craignons que le stock que nous avons reçu ne puisse tenir le coup. Par ailleurs, nous n'avons pas reçu de films de radio et de réactifs pour les labos. Or c'est grâce aux entrées des consultations payantes que nous faisons face à ces frais et aux salaires des contractuels. Nous espérons que les patrons qui savent tout cela vont nous instruire sur la conduite à tenir.
LP : Le CHR de Korhogo est le plus grand et le plus sollicité des centres hospitaliers de la région. Quel est l'état des lieux de votre établissement à ce jour ? Êtes-vous à mesure de répondre aux attentes des populations ?
Dr. KYJ : Déjà en temps normal, un établissement comme le CHR de Korhogo qui est un des plus grands centres hospitaliers de Côte d'Ivoire a des besoins non satisfaits. Ce n'est donc pas en temps de crise que nous n'en n'aurons pas. Il faut dire que l'établissement a été réhabilité à 70% par l'Union Européenne. Mais, il reste encore des bâtiments à réhabiliter car notre établissement est vaste avec de nombreux services, douze au total. Mais tous les services n'ont pas logés à la même enseigne. Il y a le service d'ophtalmologie où le médecin ophtalmologue ne peut pas opérer. Son bloc opératoire et son service d'hospitalisation ont été pillés au début de la crise en 2002. Le médecin est là, il consulte, il a des appareils très performants offerts par l'Union Européenne, mais malheureusement, il ne peut pas opérer. Il en est de même pour le service d'ORL (otorhinolaryngologie) dont le bloc opératoire et le service d'hospitalisation ont été pillés également. En ce qui concerne le personnel, il nous manque un cardiologue. C'est très important pour la région. Korhogo est à environ 700 Km d'Abidjan. Lorsqu'on sait que les plus gros porteurs de maladies cardiovasculaires sont des personnes âgées, ce serait mieux d'avoir un cardiologue sur place pour satisfaire leur besoin que de voir ces personnes se déplacer jusqu'à Abidjan pour une consultation. Du coté de la pédiatrie, nous avons un service et une unité de néonatalogie qui fonctionnent avec deux médecins et des infirmiers. Malheureusement, il y a dans ce service dix couveuses qui datent de 1977 et qui sont donc hors d'usage. Du coup, il est très difficile de faire la prise en charge des enfants prématurés ou des enfants qui naissent avec une souffrance fœtale. Sur les deux groupes électrogènes prévus pour le CHR, un seul fonctionne. Il nous faut un deuxième pour satisfaire les besoins du service en cas de panne d'électricité. Comme vous le constatez, nous avons des problèmes certes, mais l'hôpital fonctionne tant bien que mal avec des médecins, des infirmiers spécialistes et des infirmiers diplômés d'état. Par MD
Le gouvernement ivoirien a décidé d'apporter des soins médicaux gratuits aux populations. Dans cet entretien, Dr Kra Yao Jules, médecin anesthésiste, réanimateur de formation et directeur du CHR nous plante au cœur de l'opération.
Le Patriote : M. le directeur, comment se déroule au Centre Hospitalier Régional de Korhogo l'opération décrétée par le Président de la République pour offrir des soins gratuits aux populations?
Dr Kra Yao Jules : L'opération se déroule bien surtout depuis le mardi 03 mai. En effet, depuis hier, nous avons reçu des instructions complémentaires qui portent la gratuité à tous les actes que nous posons. Il y a seulement que nous avons constaté que le taux de fréquentation de l'hôpital a augmenté depuis le lancement de l'opération. On est passé du simple au double dès le lendemain du démarrage de l'opération. Tous les services débordent de patients, les populations ne se font pas priées pour venir à nous.
LP : Au vu de ce démarrage, êtes-vous satisfait ou avez-vous des appréhensions ?
Dr. KYJ : Nous sommes satisfaits au même titre que toute la population puisque nous-mêmes sommes parties prenantes de la population. Or nous savons que depuis la crise, la population souffre des effets néfastes de la guerre. Et c'est une population qui n'a plus de moyens, les finances sont largement amaigries. Donc, la gratuité des soins est la bienvenue. Surtout que la santé est primordiale pour le développement d'un pays. Sans santé, il n'y a pas de développement. Nous nous réjouissons donc de voir cette opération qui permet aux populations de se soigner correctement. C'est d'ailleurs pourquoi nous souhaitons recevoir les produits en quantité suffisante pour que l'opération se poursuive. Nous craignons que le stock que nous avons reçu ne puisse tenir le coup. Par ailleurs, nous n'avons pas reçu de films de radio et de réactifs pour les labos. Or c'est grâce aux entrées des consultations payantes que nous faisons face à ces frais et aux salaires des contractuels. Nous espérons que les patrons qui savent tout cela vont nous instruire sur la conduite à tenir.
LP : Le CHR de Korhogo est le plus grand et le plus sollicité des centres hospitaliers de la région. Quel est l'état des lieux de votre établissement à ce jour ? Êtes-vous à mesure de répondre aux attentes des populations ?
Dr. KYJ : Déjà en temps normal, un établissement comme le CHR de Korhogo qui est un des plus grands centres hospitaliers de Côte d'Ivoire a des besoins non satisfaits. Ce n'est donc pas en temps de crise que nous n'en n'aurons pas. Il faut dire que l'établissement a été réhabilité à 70% par l'Union Européenne. Mais, il reste encore des bâtiments à réhabiliter car notre établissement est vaste avec de nombreux services, douze au total. Mais tous les services n'ont pas logés à la même enseigne. Il y a le service d'ophtalmologie où le médecin ophtalmologue ne peut pas opérer. Son bloc opératoire et son service d'hospitalisation ont été pillés au début de la crise en 2002. Le médecin est là, il consulte, il a des appareils très performants offerts par l'Union Européenne, mais malheureusement, il ne peut pas opérer. Il en est de même pour le service d'ORL (otorhinolaryngologie) dont le bloc opératoire et le service d'hospitalisation ont été pillés également. En ce qui concerne le personnel, il nous manque un cardiologue. C'est très important pour la région. Korhogo est à environ 700 Km d'Abidjan. Lorsqu'on sait que les plus gros porteurs de maladies cardiovasculaires sont des personnes âgées, ce serait mieux d'avoir un cardiologue sur place pour satisfaire leur besoin que de voir ces personnes se déplacer jusqu'à Abidjan pour une consultation. Du coté de la pédiatrie, nous avons un service et une unité de néonatalogie qui fonctionnent avec deux médecins et des infirmiers. Malheureusement, il y a dans ce service dix couveuses qui datent de 1977 et qui sont donc hors d'usage. Du coup, il est très difficile de faire la prise en charge des enfants prématurés ou des enfants qui naissent avec une souffrance fœtale. Sur les deux groupes électrogènes prévus pour le CHR, un seul fonctionne. Il nous faut un deuxième pour satisfaire les besoins du service en cas de panne d'électricité. Comme vous le constatez, nous avons des problèmes certes, mais l'hôpital fonctionne tant bien que mal avec des médecins, des infirmiers spécialistes et des infirmiers diplômés d'état. Par MD