Paroisse Saint-Mathieu d’Anonkoua-Kouté. Il est pratiquement 15 h (heures locales et GMT) ce mardi 7 juin 2011. Sur convocation du chef Dogoua Akéo Antoine, les villageois sont venus en grand nombre pour écouter le message de la première autorité. Revenus sur la terre de leurs ancêtres depuis leur départ précipité aux premières heures (3 h du matin) du lundi 7 mars dernier, c’est la première fois que ces Atchans se retrouvent pour échanger. Ces moments autrefois vécus dans la joie et l’allégresse ont une autre coloration. Contrairement aux discussions de planification de développement du village, des sujets sur lesquels les villageois prenaient plaisir à se prononcer, la concertation du jour a un autre point à l’ordre du jour. Plus important aux yeux de cette population meurtrie. Une population qui a durement subi les affres de la crise postélectorale occasionnée par l’ancien président Laurent Gbagbo à cause de son refus de céder le pouvoir au président élu Alassane Ouattara. Aujourd’hui, il s’agit pour le chef et sa notabilité de trouver la formule adéquate pour maintenir la population au village depuis son retour du vendredi 3 juin dernier. Mais mieux, comment nourrir cette population qui est revenue avec pour seul bien, la vie. Préoccupation cruciale pour ces Atchans qui vivent dans leur propre village comme dans un cap de réfugiés. «Depuis notre retour, toutes les femmes se réunissent pour préparer un repas commun pour tous les villageois. Non seulement nous n’avons pas de quoi préparer, mais les marmites dont nous disposons en ce moment ont une petite capacité», lâche Mme Akroman Fortune, présidente de femmes d’Anonkoua Kouté. Heureuse de retrouver son village natal comme bon nombre de natifs de ce village, dame Akroman ne cache pas sa peine de voir «son beau village défiguré». Un village où tout est à refaire. Un village pillé, quasiment détruit. Si l’action de l’Autorité pour le retour et la réhabilitation d’Anonkoua Kouté (ARRAK) mise en place par les cadres Atchans RHDP et pilotée par Laurent Tchaga (président) et Raoul Aby (secrétaire général), tous deux de la coordination des cadres Atchans RHDP est salutaire pour avoir contribué au retour des populations déplacées, il faut mentionner que ces populations éprouvent aujourd’hui d’énormes difficultés. Difficultés d’ordre social, économique. Habitations pillées pour certains, brûlées pour d’autres, centre de santé détruit, parures royales emportées, Anonkoua vit aujourd’hui les pires moments de son histoire vieille de 200 ans.
Un article de presse, détonateur de la crise?
Comment ce village qui a accueilli sur son sol des populations venues d’ailleurs à qui il a même donné des terrains «à titre gratuit» a pu sombrer dans la violence, dans l’animosité ? Une interrogation à laquelle le chef Dogoua semble trouver un élément de réponse.
L’attaque dont a été victime Anonkoua Kouté le 7 mars dernier, aura été la conséquente directe d’un article de presse. «Tout est parti d’un article du Nouveau Réveil du 19 janvier 2011 à la page 2 dans la rubrique Bruits et Brouilles de la Présidentielle», dit d’entrée le chef Dogoua Akéo Antoine. Il est écrit et il lit: «Anonkoua Kouté: le chef menace les Baoulé et les Dioula». Un article auquel il a réagi à travers un démenti le 22 janvier. Mais, avance le chef du village, c’est finalement le 9 février que son démenti a pu paraître dans les colonnes du journal après que la rédaction ait exigé un autre démenti dans les mêmes proportions que l’article mis en cause. Ce qu’il dit avoir fait le 31 janvier dernier. «Ce journal m’a exposé à la vindicte populaire. Comment peut-on nous accuser de menacer les Baoulé alors que j’ai moi-même une femme Baoulé. Lorsque les événements ont débuté au PK 18, nous avons accueilli dans notre village 340 personnes qui fuyaient les tirs. Ce nombre est même passé à 1000 et tous étaient à la mission catholique. Je me suis étonné de la parution de cet article. C’est vraiment révoltant», ne démord-il pas. Sa colère est plus grande quand il pense qu’avec les chefs des trois villages Ebrié d’Abobo (Abobo-Té, Abobo Baoulé et Anonkoua Kouté) élargi aux Akyé d’Anyama, ils ont décidé de l’instauration d’un dialogue intercommunautaire (une plate-forme d’échanges) pour gérer au mieux les crises et éviter le syndrome de l’Ouest. «Malheureusement», regrette-il! Des regrets partagés par Zougrana François. Installé à Anonkoua depuis 1979, ce ressortissant burkinabè met ce qui est arrivé sur le compte des rumeurs. «Sinon, je n’ai jamais été victime d’une quelconque chasse aux étrangers». Avis partagés par Adia Loba, un Ahizi présent dans ce village depuis 23 ans et Mme Koffi Adjoua Viviane, Baoulé, dont les trois années de vie dans ce village se sont toujours bien passées jusqu’à cette date fatidique du 7 mars. Mais le chef Dogoua ne tient pas pour seul responsable du désastre l’écrit du Nouveau Réveil. Les «fausses accusations» des populations allogènes et allochtones y auraient fortement contribué.
Tueries de 256 Dioula et détention d’armes
Dans ses investigations pour rechercher les raisons de l’attaque subie par son village, le chef Dogoua Akéo pointe un doigt accusateur sur les populations allogènes et allochtones. «Je n’ai pas la vraie raison de l’attaque subie, mais je crois savoir que les populations allogènes et allochtones nous accusent d’avoir tué 256 dioula. On nous a attribués des faits qui sont faux», rétorque le chef Dogoua. Pour l’autorité coutumière suprême du village, ce sont des alibis pour nous attaquer. Pour quelle raison cherche-t-on des arguments pour attaquer Anonkoua Kouté? Qui en veut tant aux Atchans de ce village et pourquoi pas aux autres villages du District d’Abidjan et même d’Abobo? «Au moment de la crise, il n’y avait pas de routes. Pendant ce temps, il y a 1000 personnes réfugiées à la mission catholique. C’est ainsi que nous avons pris contact avec les ex-FDS pour convoyer la nourriture. C’est comme cela qu’ils ont décidé que des chars accompagnent les véhicules devant transporter la nourriture. Dès qu’ils ont vu les chars faire leur entrée dans le village, on nous a accusés d’avoir été armés par le président Gbagbo», explique-t-il. Sinon, ajoute le chef Dogoua, «j’ai personnellement interdit les armes et la drogue dans ce village». Mais aujourd’hui pour l’intérêt national et pour épouser la réconciliation prônée par le président de la République, Anonkoua est prêt à tout pardonner. Même s’il est trop tôt d’oublier. «L’Ebrié est un peuple croyant et donc sociable. On s’est inscrit dans le processus de réconciliation du président Ouattara. Sinon, tout ce qui a été dit sur notre compte est complètement faux. Mais il faut savoir pardonner et je crois que tout Anonkoua a pardonné», rassure le chef du village qui n’a de cesse de remercier les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) dont la présence est plus que rassurante. Des Forces qui se sont engagées à vivre en parfaire harmonie avec ses populations avec qui ils avaient maille à partir. «Nous sommes des soldats. Quand nos supérieurs donnent les ordres, on ne peut que suivre. Le Général Michel Gueu a parlé et a donné la position des FRCI. Nous sommes prêts à accomplir notre mission. Ce qui s’est passé, est passé. Nous disons aux populations d’Anonkoua de vaquer tranquillement à leurs occupations et dormir paisiblement. De jour comme de nuit, leur sécurité est assurée», a rassuré Coulibaly Issouf, porte-parole des FRCI, le vendredi 3 juin dernier lors de la cérémonie de retour des Atchans. Et depuis tout se passe à merveilles entre Atchans et FRCI.
Tout pardonner au nom de la réconciliation
S’ils disent avoir été accusés à tort, les Atchans d’Anonkoua ne nourrissent aucune rancune contre «leurs bourreaux». Pour eux, le village doit retrouver sa cohésion, son ambiance des jours paisibles. Un village où vivent des populations venues de divers horizons. Réunis autour de leur chef, les Atchans d’Anonkoua s’engagent à accompagner le processus de réconciliation en cours dans le pays. «Rien ne peut se réaliser sans la paix. J’ai perdu mon magasin de gaz, ma maison est détruite, mais j’ai pris l’engagement de me refaire une vie. Je crois que nous devons servir d’exemple à la réconciliation prônée par le président Ouattara», dit Mangne Aké Marcellin. Présidente des femmes du village, Mme Akroman Fortune dit avoir tout laissé pour regarder dorénavant vers le futur. «Ce sont les rumeurs qui nous ont amenés à ce niveau. Personnellement, tant que croyante, j’ai tout pardonné. Il faut regarder le futur. On doit réapprendre à vivre ensemble», exhorte-t-elle avant de solliciter l’aide des autorités pour donner le village de broyeuses afin que les femmes puissent reprendre leur principale activité «l’attiéké». Un vœu qu’appelle de toutes ses forces, le jeune Deh N’Ko Joël (20 ans), couturier : «Que le village redevienne comme avant». Un trompette embouchée par Zougrana François (boutiquier) dont le local a été complètement vidé. «Mais cela n’est que du matériel. Le plus important est de réconcilier les populations divisées par la politique», martèle le seul boutiquier encore en fonction dans le village.
Pendant ce temps, le chef a d’autres préoccupations. Et non des moindres. «Enterrer dignement ses morts», «trouver un logis à ses administrés», «comment nourrir sa population», «faire fonctionner son école», «remplacer ses attributs de chef»,…Au total comment enlever le voile funeste qui couvre son village.
OUATTARA Gaoussou
Un article de presse, détonateur de la crise?
Comment ce village qui a accueilli sur son sol des populations venues d’ailleurs à qui il a même donné des terrains «à titre gratuit» a pu sombrer dans la violence, dans l’animosité ? Une interrogation à laquelle le chef Dogoua semble trouver un élément de réponse.
L’attaque dont a été victime Anonkoua Kouté le 7 mars dernier, aura été la conséquente directe d’un article de presse. «Tout est parti d’un article du Nouveau Réveil du 19 janvier 2011 à la page 2 dans la rubrique Bruits et Brouilles de la Présidentielle», dit d’entrée le chef Dogoua Akéo Antoine. Il est écrit et il lit: «Anonkoua Kouté: le chef menace les Baoulé et les Dioula». Un article auquel il a réagi à travers un démenti le 22 janvier. Mais, avance le chef du village, c’est finalement le 9 février que son démenti a pu paraître dans les colonnes du journal après que la rédaction ait exigé un autre démenti dans les mêmes proportions que l’article mis en cause. Ce qu’il dit avoir fait le 31 janvier dernier. «Ce journal m’a exposé à la vindicte populaire. Comment peut-on nous accuser de menacer les Baoulé alors que j’ai moi-même une femme Baoulé. Lorsque les événements ont débuté au PK 18, nous avons accueilli dans notre village 340 personnes qui fuyaient les tirs. Ce nombre est même passé à 1000 et tous étaient à la mission catholique. Je me suis étonné de la parution de cet article. C’est vraiment révoltant», ne démord-il pas. Sa colère est plus grande quand il pense qu’avec les chefs des trois villages Ebrié d’Abobo (Abobo-Té, Abobo Baoulé et Anonkoua Kouté) élargi aux Akyé d’Anyama, ils ont décidé de l’instauration d’un dialogue intercommunautaire (une plate-forme d’échanges) pour gérer au mieux les crises et éviter le syndrome de l’Ouest. «Malheureusement», regrette-il! Des regrets partagés par Zougrana François. Installé à Anonkoua depuis 1979, ce ressortissant burkinabè met ce qui est arrivé sur le compte des rumeurs. «Sinon, je n’ai jamais été victime d’une quelconque chasse aux étrangers». Avis partagés par Adia Loba, un Ahizi présent dans ce village depuis 23 ans et Mme Koffi Adjoua Viviane, Baoulé, dont les trois années de vie dans ce village se sont toujours bien passées jusqu’à cette date fatidique du 7 mars. Mais le chef Dogoua ne tient pas pour seul responsable du désastre l’écrit du Nouveau Réveil. Les «fausses accusations» des populations allogènes et allochtones y auraient fortement contribué.
Tueries de 256 Dioula et détention d’armes
Dans ses investigations pour rechercher les raisons de l’attaque subie par son village, le chef Dogoua Akéo pointe un doigt accusateur sur les populations allogènes et allochtones. «Je n’ai pas la vraie raison de l’attaque subie, mais je crois savoir que les populations allogènes et allochtones nous accusent d’avoir tué 256 dioula. On nous a attribués des faits qui sont faux», rétorque le chef Dogoua. Pour l’autorité coutumière suprême du village, ce sont des alibis pour nous attaquer. Pour quelle raison cherche-t-on des arguments pour attaquer Anonkoua Kouté? Qui en veut tant aux Atchans de ce village et pourquoi pas aux autres villages du District d’Abidjan et même d’Abobo? «Au moment de la crise, il n’y avait pas de routes. Pendant ce temps, il y a 1000 personnes réfugiées à la mission catholique. C’est ainsi que nous avons pris contact avec les ex-FDS pour convoyer la nourriture. C’est comme cela qu’ils ont décidé que des chars accompagnent les véhicules devant transporter la nourriture. Dès qu’ils ont vu les chars faire leur entrée dans le village, on nous a accusés d’avoir été armés par le président Gbagbo», explique-t-il. Sinon, ajoute le chef Dogoua, «j’ai personnellement interdit les armes et la drogue dans ce village». Mais aujourd’hui pour l’intérêt national et pour épouser la réconciliation prônée par le président de la République, Anonkoua est prêt à tout pardonner. Même s’il est trop tôt d’oublier. «L’Ebrié est un peuple croyant et donc sociable. On s’est inscrit dans le processus de réconciliation du président Ouattara. Sinon, tout ce qui a été dit sur notre compte est complètement faux. Mais il faut savoir pardonner et je crois que tout Anonkoua a pardonné», rassure le chef du village qui n’a de cesse de remercier les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) dont la présence est plus que rassurante. Des Forces qui se sont engagées à vivre en parfaire harmonie avec ses populations avec qui ils avaient maille à partir. «Nous sommes des soldats. Quand nos supérieurs donnent les ordres, on ne peut que suivre. Le Général Michel Gueu a parlé et a donné la position des FRCI. Nous sommes prêts à accomplir notre mission. Ce qui s’est passé, est passé. Nous disons aux populations d’Anonkoua de vaquer tranquillement à leurs occupations et dormir paisiblement. De jour comme de nuit, leur sécurité est assurée», a rassuré Coulibaly Issouf, porte-parole des FRCI, le vendredi 3 juin dernier lors de la cérémonie de retour des Atchans. Et depuis tout se passe à merveilles entre Atchans et FRCI.
Tout pardonner au nom de la réconciliation
S’ils disent avoir été accusés à tort, les Atchans d’Anonkoua ne nourrissent aucune rancune contre «leurs bourreaux». Pour eux, le village doit retrouver sa cohésion, son ambiance des jours paisibles. Un village où vivent des populations venues de divers horizons. Réunis autour de leur chef, les Atchans d’Anonkoua s’engagent à accompagner le processus de réconciliation en cours dans le pays. «Rien ne peut se réaliser sans la paix. J’ai perdu mon magasin de gaz, ma maison est détruite, mais j’ai pris l’engagement de me refaire une vie. Je crois que nous devons servir d’exemple à la réconciliation prônée par le président Ouattara», dit Mangne Aké Marcellin. Présidente des femmes du village, Mme Akroman Fortune dit avoir tout laissé pour regarder dorénavant vers le futur. «Ce sont les rumeurs qui nous ont amenés à ce niveau. Personnellement, tant que croyante, j’ai tout pardonné. Il faut regarder le futur. On doit réapprendre à vivre ensemble», exhorte-t-elle avant de solliciter l’aide des autorités pour donner le village de broyeuses afin que les femmes puissent reprendre leur principale activité «l’attiéké». Un vœu qu’appelle de toutes ses forces, le jeune Deh N’Ko Joël (20 ans), couturier : «Que le village redevienne comme avant». Un trompette embouchée par Zougrana François (boutiquier) dont le local a été complètement vidé. «Mais cela n’est que du matériel. Le plus important est de réconcilier les populations divisées par la politique», martèle le seul boutiquier encore en fonction dans le village.
Pendant ce temps, le chef a d’autres préoccupations. Et non des moindres. «Enterrer dignement ses morts», «trouver un logis à ses administrés», «comment nourrir sa population», «faire fonctionner son école», «remplacer ses attributs de chef»,…Au total comment enlever le voile funeste qui couvre son village.
OUATTARA Gaoussou