Il ne s’est pas dérobé à sa réputation d’homme qui ne connaît pas la pratique de la langue de bois. Dans cette interview, le secrétaire général N° 3 de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire ( Udpci) tire à hue et dia, y compris sur son propre camp, le Rhdp. Charles Konan Banny, le président de la commission vérité dialogue et justice a été vertement épinglé, tout comme Charles Blé Goudé ( son frère) dont il demande la comparution devant la justice « pour répondre de ses actes ».
Dans quel état d’esprit se trouve le N° 3 de l’Udpci, après la formation du gouvernement ?
Je suis dans un état d’esprit très positif. Nous menions un combat, par rapport à un objectif, depuis 2000, pour que ce régime de Laurent Gbagbo qui n’avait aucune considération pour l’opposition et qui a réduit les habitants de ce pays à néant, s’en aille. Je pense que cet objectif a été atteint, d’abord le 28 novembre par un vote massif et le 11 avril par sa capture par les ex-Forces nouvelles. De ce point de vue, je suis comblé. Mais, ça n’a pas été facile, avec toutes les victimes innocentes. Depuis 2000, nous avons perdu de nombreux camarades dans des conditions atroces. Aujourd’hui, quand on voit que le régime de Gbagbo s’est écroulé, on ne peut que saluer Dieu, se réjouir et regarder l’avenir avec beaucoup d’optimisme, avec le nouveau président Alassane Ouattara.
Et la composition du Gouvernement, qu’en dites-vous ?
Pour moi, le poste ministériel est un passage. Les partis mettent en mission des cadres pour le service du pays. Un poste ministériel, il est d’abord politique avant d’être administratif. De ce point de vue, je suis entièrement d’accord avec les choix qui ont été faits.
Votre parti n’a pu obtenir que deux portefeuilles. Pensez-vous que ces deux postes correspondent au poids de votre engagement et aux suffrages que votre parti a recueillis ?
Je voudrais d’abord dire pourquoi nous avons combattu Laurent Gbagbo. C’est le non respect de la parole donnée et des engagements pris, la gestion calamiteuse du pouvoir d’Etat, l’école au rabais, les crimes économiques et politiques. Nous avons donc combattu Laurent Gbagbo sur plusieurs points de sa gestion. Aujourd’hui, ce que nous disons au sein du Rhdp (Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix) c’est de ne pas faire comme Laurent Gbagbo et les Refondateurs. Il ne faut pas qu’on enlève un individu et qu’on garde le même système. En faisant tomber Laurent Gbagbo, les Ivoiriens voulaient un changement.
Vous voulez dire que c’est à cela que nous assistons en ce moment ?
Je n’ai pas encore dit cela.
Que dites-vous alors ?
Je dis, le changement des hommes et le changement du système, des mentalités et des comportements, doivent guider nos actions. Nous ne devons pas faire comme Laurent Gbagbo et ses hommes.
Qu’avez-vous arrêté, concrètement, au Rhdp, avant les élections présidentielles, en termes de clé de répartition des portefeuilles ?
Nous nous sommes assis, nous les quatre du Rhdp, pour dire, voici comment nous allons gérer le pouvoir si l’un d’entre nous venait à gagner les élections. Sur la base du respect de la parole et des engagements pris qui ont été corroborés par la signature du président Mabri, le 18 mai 2005 à Paris. Je pense, en ce qui nous concerne, nous avons rempli nos engagements. Parce que, tenez-vous bien, il y a eu un report massif de voix sur le candidat du Rhdp, en l’occurrence le Dr Alassane Ouatarra, notamment au deuxième tour. Entre les deux tours, nous avons dit beaucoup de choses, en ce qui concerne la manière dont nous allons gérer le pouvoir… Il y a eu une conférence des présidents et une clé de répartition des portefeuilles gouvernementaux a été arrêtée. Elle a pour base minimale, 2 postes ministériels par parti politique. Et le reste devrait se faire au prorata des résultats obtenus.
Aujourd’hui, quand on fait les calculs mathématiques, soit 32 % au premier tour pour le candidat du Rdr, 25 % pour le candidat du Pdci, 2,57 % pour le candidat de l’Udpci, 0,23 % pour le candidat du Mfa, lorsqu’on fait la somme et que l’on ramène le tout à 100, le coefficient qui est attribué à l’Udpci est un peu plus de 4%. Ce qui correspondait, en plus de la base minimale qui est de 2 postes ministériels, à un autre poste ministériel de plus pour l’Udpci, soit trois au total. Nous nous attendions donc, logiquement, à (3) trois postes ministériels.
Qu’est ce qui a pu se passer pour qu’au lieu de 3, vous obteniez 2 postes ?
Ce n’est pas nous qui attribuons les postes ministériels. Posez la question aux tenants du pouvoir…
Mais vous avez, au moins, une explication ?
Dans la vie, il y a des choses qu’il ne faut pas chercher à expliquer. Nous avons eu deux (2) postes ministériels, je pense que le travail commence aujourd’hui pour nous, et cela par les législatives.
Pensez-vous, pour en revenir au non-respect de la parole donnée, selon vous, que les engagements pris sont en train d’être déviés ?
J’ai dit que nous avions combattu Gbagbo sur ces faits-là. Je dis aussi que par rapport à ce qui a été convenu au directoire du Rhdp, nous avions droit à 3 postes ministériels. Pourquoi nous n’avons eu seulement que deux (2), je pense que c’est aux tenants du pouvoir qu’il faut poser la question.
Vous Blé Guirao, vous attendiez-vous à un poste ministériel ?
Non ! A l’Udpci, nous nous attendions à trois (3) postes ministériels. Mais, le président du parti a dit de nous en tenir à cela et de nous mettre au travail.
La répartition au sein de l’Udpci de ces deux portefeuilles ministériels n’a pas respecté la configuration ethnique entre les Yacouba et les Guéré. Pourquoi ces deux postes sont restés aux mains des seuls Yacouba, en l’occurrence Mabri et Flindé ?
Moi, je ne voudrais pas raisonner en termes d’ethnies. Mais, quand vous avez seulement deux (2) postes ministériels, le calcul devient compliqué.
Mais, en Côte d’Ivoire, la question ethnique dans les partis est une réalité et à l’Udpci vous êtes bien placé pour le savoir.
En Côte d’Ivoire, il y a un peu plus de 70 ethnies. Quand on milite dans un parti politique, c’est par rapport aux textes fondamentaux de ce parti, sa vision et son projet de société. L’Udpci est loin d’être un parti ethnique. Nous avons des élus à l’échelle de la Côte d’Ivoire. Nous sommes un parti national et nous couvrons toute la Côte d’Ivoire à travers nos coordinations… Ce n’est pas par rapport à l’ethnie des dirigeants qu’on milite dans un parti. Si on tient compte de l’ethnie, on fera alors, relativement au Rhdp, un gouvernement qui aura la base de 70 ethnies multipliées par 4. Parce qu’il y a 4 partis politiques au Rhdp et 70 ethnies en Côte d’Ivoire. Au niveau de l’Udpci, le président Mabri a fait preuve de sagesse en reconduisant le ministre Albert Flindé. Sur le terrain politique et au ministère des Transports, Albert Flindé a fait un travail remarquable.
Mais il reste que des cadres grognent, relativement à cette répartition.
Moi je pense que ce sont des interprétations. Nous avions des facteurs contraignants dès lors que nous n’avions pas obtenu les trois 3 portefeuilles auxquels nous nous attendions.
Ce sont des explications que le président du parti vous a données après que vous l’ayiez, selon nos sources, verbalement agressé lors d’une réunion suite à la formation du gouvernement du fait que les Yacouba aient accaparé les deux postes.
Ce sont des histoires. Tout simplement parce qu’il n’y a pas encore eu de réunion depuis la formation du gouvernement. Je ne suis pas un agresseur. Et sachez que je ne peux, en aucune façon, agresser, même verbalement, mon président. Des gens sont particulièrement méchants avec l’Udpci. Pendant la crise, ma maison a été incendiée. Des miliciens sont descendus dans mon village et ont tué 4 de mes parents. On raconte que c’est moi qui ai fait tout çà parce que je cherche un nom. Ce sont les mêmes qui disent à Mabri de ne pas me choisir comme ministre. Entre mon président et moi, il n’y a pas de problème. Mais, ce qui est important, quand le président te met à côté de lui et qu’il place en toi une confiance dans une direction de parti, c’est pour jouer le rôle de collaborateur et non de rôle de suiveur. Et donc, je joue le rôle de collaborateur en apportant ma pierre à la construction du parti, par des critiques, par le travail du terrain et par abnégation.
Que vous inspire le non du Fpi d’entrer au gouvernement ?
Je pense que chaque parti politique a sa stratégie. Moi je pense qu’il faut tirer le chapeau à ce parti qui est logique avec lui-même. Le Fpi se sent à l’aise dans l’opposition. On a tout fait pour le mettre là où il se sent le mieux, c'est-à-dire dans l’opposition. Je pense qu’il faut laisser le Fpi là où il est, dans l’opposition. Mais, il nous appartient d’être vigilants. Le Fpi est à l’aise quand il se trouve dans l’opposition. C’est un parti de Gauche, c’est un parti communiste, qui a des pratiques communistes et quand il est dans l’opposition, il est plus dangereux. Il nous appartient donc d’être vigilants. Quand ils ont décidé de rester dans l’opposition, j’ai dit que le mandat du président Ouattara sera intéressant. Le Fpi nous rendra service en étant dans l’opposition.
En quoi le mandat sera intéressant avec le Fpi dans l’opposition ?
Il nous permettra de ne pas dormir sur nos lauriers, de ne pas faire un certain nombre de choses. De ne pas croire que tout est acquis. Cela nous permettra de faire en sorte qu’il y ait moins de frustrés dans nos rangs.
Quel type d’opposition attendez-vous du Fpi ?
Une opposition raisonnable, républicaine et constructive. Mais pas une opposition sauvage.
Parce que nous ne sommes plus à l’heure des oppositions sauvages. Une opposition qui marche comme il faut marcher, dans les sillons des lois de la République. Une opposition qui pose les problèmes des populations. Je suis heureux pour le Fpi que ses dirigeants aient refusé d’entrer au gouvernement. Et comme l’a dit Koulibaly Mamadou, qu’ils se mettent au travail.
Mais, au Fpi, on pourrait vous rétorquer que vous n’aviez pas été des opposants républicains, en utilisant la violence contre son régime ?
Je suis désolé. Ils peuvent nous reprocher le fait que nous soyons rentrés dans leur gouvernement. Mais nous l’avons fait relativement aux accords que nous avions signés, suite à la guerre. Ils peuvent nous rétorquer qu’en 2000, avant la survenue de la guerre, que nous soyons rentrés dans leur gouvernement. Moi, je ne suis pas d’accord avec les gouvernements d’union. Lorsqu’un parti politique a gagné, il faut lui laisser les mains libres de gouverner seul et il rend compte au peuple qui lui a accordé ses suffrages. A l’occasion des élections, le peuple souverain lui renouvelle la confiance ou pas. Dans ce cas de figure, on n’a pas besoin d’aller faire la violence, d’acheter des milliards d’armes contre son peuple, s’arc-bouter au pouvoir et dire non à ceux qui ont légitimement gagné.
Que faire de Laurent Gbagbo et de son épouse Simone ? Faut-il les libérer comme l’exige le Fpi, pour être en phase avec l’esprit de la réconciliation?
J’ai été très heureux quand le président Ouattara a dit qu’il faut les protéger et les juger.
Pourquoi Gbagbo n’avait-il pas donné cette chance au Général Robert Guéi ? Quand Gbagbo est parti visiter la prison de Yopougon pour dire, « c’est ici que j’étais ». Quand Nelson Mandela est parti visiter son ancienne prison ! Je me dis pourquoi Gbagbo n’avait-il pas donné cette chance à Guéi Robert qui n’était, ni de près, ni de loin mêlé à la rébellion de 2002. Si le 11 avril, les consignes du président de la République Alassane Ouattara n’avaient pas été respectées et que Gbagbo avait été tué, nous n’en serions pas là aujourd’hui. C’est dire que dans un pays, malgré la faute que quelqu’un commet, il y a des lois qui sont là pour le sanctionner. Le Président Ouattara vient de donner une belle leçon de respect des lois, de respect de la vie humaine qui est sacrée, aux gens du Fpi, qui se font justice, qui tuent avant même que la justice ne se prononce sur les éventuels délits des gens.
Vous excluez tout pardon à l’endroit du couple Gbagbo.
Ce n’est pas une affaire de pardon… Ici, il faut que la justice qui a été saisie se prononce. Il sera jugé et les Ivoiriens vont comprendre beaucoup de choses.
Lesquelles par exemple ?
D’abord, les Ivoiriens comprendront pourquoi, alors que la Côte d’Ivoire est sous embargo, autant d’armes sont entrées dans ce pays, avec quelles complicités, internes et externes, au niveau des frontières, au niveau aérien. Parce que, des obus de six mètres, on ne les transporte pas dans une poche ou une sacoche. Qui a distribué des armes au point que toutes les maisons des cadres de LMP ont été transformées en caches d’armes dans toutes les régions du pays. Pourquoi, au sein des Fds, il y a des unités spéciales qui sont des escadrons de la mort, de qui répondent ces escadrons de la mort, qui ont tué de nombreux Ivoiriens dont Téhé Emile, Boga Doudou, Robert Guéi son épouse et 19 membres de sa garde rapprochée. Et puis enfin, les déchets toxiques. Pourquoi et comment le Probo Koala, qui a navigué sur toutes les eaux à travers les océans, est venu accoster en Côte d’Ivoire. Qui a donné l’ordre ? Au temps du régime Gbagbo, on ne pouvait pas comprendre les dessous de ces affaires sales. Je rappelle que ce bateau a fait plusieurs dizaines de morts et des milliers d’intoxiqués. La réconciliation que l’on veut ne peut pas se faire sans justice et sans vérité. La réconciliation est donc intrinsèquement liée à la justice. Si l’on fait une réconciliation de façade, la Côte d’Ivoire ne s’en sortira pas… On ne peut pas soigner une plaie tant qu’il y a des croutes en-dessous. On ne peut pardonner ce que l’on ne sait pas.
Vous citez Boga Doudou au nombre des victimes des escadrons de la mort.
Oui, je le cite, parce qu’il a été prouvé aujourd’hui qu’Emile Boga Doudou a été tué par le Fpi.
Vous en avez les preuves ?
Nous avons toutes les preuves. Et le moment venu, nous allons les verser aux dossiers des enquêteurs.
N’y a-t-il pas contradiction quand, en même temps qu’on réclame la réconciliation, on réclame justice ?
JBG : Non, je ne crois pas. Il faut que la justice se fasse. C’est pour l’histoire du peuple ivoirien. Cela va servir aussi de leçon aux futurs dirigeants du pays. Le rôle d’un président, c’est d’apporter le bien-être à son peuple et non d’acheter des armes pour le massacrer.
Avec le président Ouattara, les Ivoiriens verront comment ont dirige un Etat.
Est-ce que ce n’est une mauvaise copie du modèle sud-africain ?
Je ne crois pas que ce soit l’idée du président Ouattara. Que des gens viennent faire leur déposition devant la commission, quel que soit leur crime et rentrent tranquillement chez eux.
Je ne crois pas que ce soit cette idée. Le modèle sud-africain, a fait son temps… On n’a pas dit que de manière systématique, nous allons copier et plaquer ce modèle-là. La différence entre eux et nous, c’est qu’ils ne sortaient pas d’une guerre, ils sortaient de l’apartheid. Ici, quelqu’un a perdu les élections, il s’est agrippé au fauteuil présidentiel, a acquis des armes de guerre dont certaines sont interdites, a fait tuer d’innocentes personnes. C’est cela. Prenez le cas de l’ouest. Cette zone est devenue une poudrière par la faute des cadres LMP. On parle de plus 1000 morts. Il faut situer les responsabilités. Si on pardonne sans chercher à savoir, les mêmes choses vont se reproduire demain. Il faut savoir punir et trouver, demain, l’antidote de ce qui s’est produit…
Vous voulez donc dire que la commission de Banny devrait entendre des gens et les livrer, au besoin, à la justice ?
Charles Konan Banny n’a pas encore commencé à travailler. C’est pourquoi j’ai été ahuri de le voir en compagnie du commandant Abéhi, à la Primature. J’ai été choqué par ce geste de Banny. Parce que, derrière tous les crimes commis en Côte d’Ivoire depuis 2000, on cite, à tort ou à raison, le nom de Dogbo Blé et du commandant Abéhi. Quels sont ceux qui ont tué, en 2000, les militants de l’opposition qui marchaient pour réclamer la reprise des élections.
Ces deux noms ont été cités. Il s’agit de Dogbo Blé, des capitaines Abéhi et Séka Séka. Je ne dis pas qu’ils sont forcément responsables. Mais je dis qu’ils ont été accusés. Leurs noms ont encore été cités dans la mort du général Robert Guéi. Je ne dis pas que ce sont eux qui l’ont tué. Qu’on se comprenne bien. Les tueries des femmes des marchés d’Abobo, là encore, ils sont cités comme les auteurs. Cela fait quand même trop d’accusations graves contre eux. Alors, face à toutes ces accusations, qui peuvent ne pas être forcément vraies, il faut qu’ils s’expliquent devant un juge, notamment après la commission vérité, dialogue et justice. Pourquoi Charles Konan Banny, qui vient d’être nommé et qui n’a même pas encore commencé sa tâche, prend ce commandant pour l’accompagner à la Primature, devant le Premier ministre. Cette démarche répond à quoi ? C’est vraiment maladroit de sa part. J’ai été choqué et beaucoup d’Ivoiriens avec moi.
Par cet acte, vous pensez qu’il a raté son départ ?
Moi je suis du Grand-ouest où il y a tous les grands chefs de guerre dans ce pays. Est-ce que je peux me permettre de prendre un homme comme Maho Glofiehi, Oulaï Delafose et bien d’autres chefs de guerre pour les conduire devant le Premier ministre, avec une tête couronnée ?. Aujourd’hui, il y a trop d’interprétations. C’est gauche de la part de Banny et il doit publiquement présenter des excuses à la nation. Par ce geste-là, Banny a raté son départ et il va échouer. Il ne faut pas que les bourreaux deviennent les victimes. Il ne faut pas que les bourreaux soient caressés dans le sens du poil et que les victimes soient frustrés. S’il continue comme il a commencé, il va échouer. Que Banny fasse très attention !
C’est pourquoi, le président de la République a parlé de feuille de route. Il a été nommé, mais il n’a pas encore reçu de feuille de route. Il est allé trop vite en besogne. Et le ballet des chefs qui est en train d’être fait chez lui en ce moment est totalement ridicule, caduc, démodé et ce n’est pas ce que le président de la République et les Ivoiriens attendent de lui. Qu’il attende d’avoir sa feuille de route, que tout soit mis en place et il travaillera parallèlement avec la justice.
Vous avez donc des appréhensions quant à la réussite de cette mission, avec ce faux départ que vous dénoncez ?
Rappelez-vous qu’en décembre 2001, il y a eu un forum de la réconciliation, présidé par un ancien Premier ministre, Seydou Diarra. En septembre 2002, la guerre est arrivée. Si Banny biaise avec la réconciliation, s’il échoue, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est clair que nous allons retomber dans la crise. Avec les espoirs placés en Alassane Ouattara, le président de la République, nous n’avons pas le droit d’échouer. C’est pourquoi il est souhaitable que Banny aille doucement, en tenant compte de l’environnement actuel et de la psychologie des Ivoiriens. Je vois partout des caravanes qui vont vers Banny. Il faut qu’il fasse très attention. Il faut qu’il arrête d’orchestrer ces genres de comédies. Le président de la République lui a confié une tâche historique. Il faut qu’il en soit conscient, notamment en ce qui concerne les attentes du Président et des Ivoiriens. Pendant que des gens sont à l’extérieur, des déplacés de l’Ouest qui sont encore au Libéria, on se réconcilie avec qui.
Comment voyez-vous l’avenir du Fpi ?
Le Fpi va disparaitre avec ce départ calamiteux de Gbagbo du pouvoir. Leur seul point de chute sera l’Udpci et nous les attendons à bras ouverts. Le Fpi doit même disparaitre...
Nous notons déjà des velléités d’entrée des cadres Fpi à l’Udpci. Nous rencontrons depuis quelques jours des cadres issus du Fpi qui veulent venir à l’Udpci. Nous rendons compte au président du parti qui nous encourage. Ils viennent d’eux-mêmes et il y a d’autres que nous démarchons. Vous les verrez à l’occasion de ces législatives.
Vous serez candidat à la députation ?
Oui ! Je suis candidat à la députation à Bloléquin chez moi… Et quoi qu’il arrive, je serai candidat. Ce sont les parents qui me l’ont demandé.
Souhaiteriez-vous que Blé Goudé, votre ami, rentre en Côte d’Ivoire et quel sort pour lui ?
Blé Goudé est plus qu’un ami, un frère. Je ne sais où il se trouve en ce moment. Moi je suis pour la démocratie. Mais la démocratie exige que celui qui a fauté rende compte par la justice. S’il rentre au pays, il y aura des milliers de plaintes contre lui. Il faut qu’il rende compte à la justice. Il a posé des actes graves contre la sureté de l’Etat en lançant des appels pour enrôler des jeunes gens dans l’armée alors qu’il n’en a pas le droit. Il doit rendre compte à la justice, tout comme Gbagbo qui a fauté et qui va rendre compte à la justice.
Réalisée par Armand B. DEPEYLA
Dans quel état d’esprit se trouve le N° 3 de l’Udpci, après la formation du gouvernement ?
Je suis dans un état d’esprit très positif. Nous menions un combat, par rapport à un objectif, depuis 2000, pour que ce régime de Laurent Gbagbo qui n’avait aucune considération pour l’opposition et qui a réduit les habitants de ce pays à néant, s’en aille. Je pense que cet objectif a été atteint, d’abord le 28 novembre par un vote massif et le 11 avril par sa capture par les ex-Forces nouvelles. De ce point de vue, je suis comblé. Mais, ça n’a pas été facile, avec toutes les victimes innocentes. Depuis 2000, nous avons perdu de nombreux camarades dans des conditions atroces. Aujourd’hui, quand on voit que le régime de Gbagbo s’est écroulé, on ne peut que saluer Dieu, se réjouir et regarder l’avenir avec beaucoup d’optimisme, avec le nouveau président Alassane Ouattara.
Et la composition du Gouvernement, qu’en dites-vous ?
Pour moi, le poste ministériel est un passage. Les partis mettent en mission des cadres pour le service du pays. Un poste ministériel, il est d’abord politique avant d’être administratif. De ce point de vue, je suis entièrement d’accord avec les choix qui ont été faits.
Votre parti n’a pu obtenir que deux portefeuilles. Pensez-vous que ces deux postes correspondent au poids de votre engagement et aux suffrages que votre parti a recueillis ?
Je voudrais d’abord dire pourquoi nous avons combattu Laurent Gbagbo. C’est le non respect de la parole donnée et des engagements pris, la gestion calamiteuse du pouvoir d’Etat, l’école au rabais, les crimes économiques et politiques. Nous avons donc combattu Laurent Gbagbo sur plusieurs points de sa gestion. Aujourd’hui, ce que nous disons au sein du Rhdp (Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix) c’est de ne pas faire comme Laurent Gbagbo et les Refondateurs. Il ne faut pas qu’on enlève un individu et qu’on garde le même système. En faisant tomber Laurent Gbagbo, les Ivoiriens voulaient un changement.
Vous voulez dire que c’est à cela que nous assistons en ce moment ?
Je n’ai pas encore dit cela.
Que dites-vous alors ?
Je dis, le changement des hommes et le changement du système, des mentalités et des comportements, doivent guider nos actions. Nous ne devons pas faire comme Laurent Gbagbo et ses hommes.
Qu’avez-vous arrêté, concrètement, au Rhdp, avant les élections présidentielles, en termes de clé de répartition des portefeuilles ?
Nous nous sommes assis, nous les quatre du Rhdp, pour dire, voici comment nous allons gérer le pouvoir si l’un d’entre nous venait à gagner les élections. Sur la base du respect de la parole et des engagements pris qui ont été corroborés par la signature du président Mabri, le 18 mai 2005 à Paris. Je pense, en ce qui nous concerne, nous avons rempli nos engagements. Parce que, tenez-vous bien, il y a eu un report massif de voix sur le candidat du Rhdp, en l’occurrence le Dr Alassane Ouatarra, notamment au deuxième tour. Entre les deux tours, nous avons dit beaucoup de choses, en ce qui concerne la manière dont nous allons gérer le pouvoir… Il y a eu une conférence des présidents et une clé de répartition des portefeuilles gouvernementaux a été arrêtée. Elle a pour base minimale, 2 postes ministériels par parti politique. Et le reste devrait se faire au prorata des résultats obtenus.
Aujourd’hui, quand on fait les calculs mathématiques, soit 32 % au premier tour pour le candidat du Rdr, 25 % pour le candidat du Pdci, 2,57 % pour le candidat de l’Udpci, 0,23 % pour le candidat du Mfa, lorsqu’on fait la somme et que l’on ramène le tout à 100, le coefficient qui est attribué à l’Udpci est un peu plus de 4%. Ce qui correspondait, en plus de la base minimale qui est de 2 postes ministériels, à un autre poste ministériel de plus pour l’Udpci, soit trois au total. Nous nous attendions donc, logiquement, à (3) trois postes ministériels.
Qu’est ce qui a pu se passer pour qu’au lieu de 3, vous obteniez 2 postes ?
Ce n’est pas nous qui attribuons les postes ministériels. Posez la question aux tenants du pouvoir…
Mais vous avez, au moins, une explication ?
Dans la vie, il y a des choses qu’il ne faut pas chercher à expliquer. Nous avons eu deux (2) postes ministériels, je pense que le travail commence aujourd’hui pour nous, et cela par les législatives.
Pensez-vous, pour en revenir au non-respect de la parole donnée, selon vous, que les engagements pris sont en train d’être déviés ?
J’ai dit que nous avions combattu Gbagbo sur ces faits-là. Je dis aussi que par rapport à ce qui a été convenu au directoire du Rhdp, nous avions droit à 3 postes ministériels. Pourquoi nous n’avons eu seulement que deux (2), je pense que c’est aux tenants du pouvoir qu’il faut poser la question.
Vous Blé Guirao, vous attendiez-vous à un poste ministériel ?
Non ! A l’Udpci, nous nous attendions à trois (3) postes ministériels. Mais, le président du parti a dit de nous en tenir à cela et de nous mettre au travail.
La répartition au sein de l’Udpci de ces deux portefeuilles ministériels n’a pas respecté la configuration ethnique entre les Yacouba et les Guéré. Pourquoi ces deux postes sont restés aux mains des seuls Yacouba, en l’occurrence Mabri et Flindé ?
Moi, je ne voudrais pas raisonner en termes d’ethnies. Mais, quand vous avez seulement deux (2) postes ministériels, le calcul devient compliqué.
Mais, en Côte d’Ivoire, la question ethnique dans les partis est une réalité et à l’Udpci vous êtes bien placé pour le savoir.
En Côte d’Ivoire, il y a un peu plus de 70 ethnies. Quand on milite dans un parti politique, c’est par rapport aux textes fondamentaux de ce parti, sa vision et son projet de société. L’Udpci est loin d’être un parti ethnique. Nous avons des élus à l’échelle de la Côte d’Ivoire. Nous sommes un parti national et nous couvrons toute la Côte d’Ivoire à travers nos coordinations… Ce n’est pas par rapport à l’ethnie des dirigeants qu’on milite dans un parti. Si on tient compte de l’ethnie, on fera alors, relativement au Rhdp, un gouvernement qui aura la base de 70 ethnies multipliées par 4. Parce qu’il y a 4 partis politiques au Rhdp et 70 ethnies en Côte d’Ivoire. Au niveau de l’Udpci, le président Mabri a fait preuve de sagesse en reconduisant le ministre Albert Flindé. Sur le terrain politique et au ministère des Transports, Albert Flindé a fait un travail remarquable.
Mais il reste que des cadres grognent, relativement à cette répartition.
Moi je pense que ce sont des interprétations. Nous avions des facteurs contraignants dès lors que nous n’avions pas obtenu les trois 3 portefeuilles auxquels nous nous attendions.
Ce sont des explications que le président du parti vous a données après que vous l’ayiez, selon nos sources, verbalement agressé lors d’une réunion suite à la formation du gouvernement du fait que les Yacouba aient accaparé les deux postes.
Ce sont des histoires. Tout simplement parce qu’il n’y a pas encore eu de réunion depuis la formation du gouvernement. Je ne suis pas un agresseur. Et sachez que je ne peux, en aucune façon, agresser, même verbalement, mon président. Des gens sont particulièrement méchants avec l’Udpci. Pendant la crise, ma maison a été incendiée. Des miliciens sont descendus dans mon village et ont tué 4 de mes parents. On raconte que c’est moi qui ai fait tout çà parce que je cherche un nom. Ce sont les mêmes qui disent à Mabri de ne pas me choisir comme ministre. Entre mon président et moi, il n’y a pas de problème. Mais, ce qui est important, quand le président te met à côté de lui et qu’il place en toi une confiance dans une direction de parti, c’est pour jouer le rôle de collaborateur et non de rôle de suiveur. Et donc, je joue le rôle de collaborateur en apportant ma pierre à la construction du parti, par des critiques, par le travail du terrain et par abnégation.
Que vous inspire le non du Fpi d’entrer au gouvernement ?
Je pense que chaque parti politique a sa stratégie. Moi je pense qu’il faut tirer le chapeau à ce parti qui est logique avec lui-même. Le Fpi se sent à l’aise dans l’opposition. On a tout fait pour le mettre là où il se sent le mieux, c'est-à-dire dans l’opposition. Je pense qu’il faut laisser le Fpi là où il est, dans l’opposition. Mais, il nous appartient d’être vigilants. Le Fpi est à l’aise quand il se trouve dans l’opposition. C’est un parti de Gauche, c’est un parti communiste, qui a des pratiques communistes et quand il est dans l’opposition, il est plus dangereux. Il nous appartient donc d’être vigilants. Quand ils ont décidé de rester dans l’opposition, j’ai dit que le mandat du président Ouattara sera intéressant. Le Fpi nous rendra service en étant dans l’opposition.
En quoi le mandat sera intéressant avec le Fpi dans l’opposition ?
Il nous permettra de ne pas dormir sur nos lauriers, de ne pas faire un certain nombre de choses. De ne pas croire que tout est acquis. Cela nous permettra de faire en sorte qu’il y ait moins de frustrés dans nos rangs.
Quel type d’opposition attendez-vous du Fpi ?
Une opposition raisonnable, républicaine et constructive. Mais pas une opposition sauvage.
Parce que nous ne sommes plus à l’heure des oppositions sauvages. Une opposition qui marche comme il faut marcher, dans les sillons des lois de la République. Une opposition qui pose les problèmes des populations. Je suis heureux pour le Fpi que ses dirigeants aient refusé d’entrer au gouvernement. Et comme l’a dit Koulibaly Mamadou, qu’ils se mettent au travail.
Mais, au Fpi, on pourrait vous rétorquer que vous n’aviez pas été des opposants républicains, en utilisant la violence contre son régime ?
Je suis désolé. Ils peuvent nous reprocher le fait que nous soyons rentrés dans leur gouvernement. Mais nous l’avons fait relativement aux accords que nous avions signés, suite à la guerre. Ils peuvent nous rétorquer qu’en 2000, avant la survenue de la guerre, que nous soyons rentrés dans leur gouvernement. Moi, je ne suis pas d’accord avec les gouvernements d’union. Lorsqu’un parti politique a gagné, il faut lui laisser les mains libres de gouverner seul et il rend compte au peuple qui lui a accordé ses suffrages. A l’occasion des élections, le peuple souverain lui renouvelle la confiance ou pas. Dans ce cas de figure, on n’a pas besoin d’aller faire la violence, d’acheter des milliards d’armes contre son peuple, s’arc-bouter au pouvoir et dire non à ceux qui ont légitimement gagné.
Que faire de Laurent Gbagbo et de son épouse Simone ? Faut-il les libérer comme l’exige le Fpi, pour être en phase avec l’esprit de la réconciliation?
J’ai été très heureux quand le président Ouattara a dit qu’il faut les protéger et les juger.
Pourquoi Gbagbo n’avait-il pas donné cette chance au Général Robert Guéi ? Quand Gbagbo est parti visiter la prison de Yopougon pour dire, « c’est ici que j’étais ». Quand Nelson Mandela est parti visiter son ancienne prison ! Je me dis pourquoi Gbagbo n’avait-il pas donné cette chance à Guéi Robert qui n’était, ni de près, ni de loin mêlé à la rébellion de 2002. Si le 11 avril, les consignes du président de la République Alassane Ouattara n’avaient pas été respectées et que Gbagbo avait été tué, nous n’en serions pas là aujourd’hui. C’est dire que dans un pays, malgré la faute que quelqu’un commet, il y a des lois qui sont là pour le sanctionner. Le Président Ouattara vient de donner une belle leçon de respect des lois, de respect de la vie humaine qui est sacrée, aux gens du Fpi, qui se font justice, qui tuent avant même que la justice ne se prononce sur les éventuels délits des gens.
Vous excluez tout pardon à l’endroit du couple Gbagbo.
Ce n’est pas une affaire de pardon… Ici, il faut que la justice qui a été saisie se prononce. Il sera jugé et les Ivoiriens vont comprendre beaucoup de choses.
Lesquelles par exemple ?
D’abord, les Ivoiriens comprendront pourquoi, alors que la Côte d’Ivoire est sous embargo, autant d’armes sont entrées dans ce pays, avec quelles complicités, internes et externes, au niveau des frontières, au niveau aérien. Parce que, des obus de six mètres, on ne les transporte pas dans une poche ou une sacoche. Qui a distribué des armes au point que toutes les maisons des cadres de LMP ont été transformées en caches d’armes dans toutes les régions du pays. Pourquoi, au sein des Fds, il y a des unités spéciales qui sont des escadrons de la mort, de qui répondent ces escadrons de la mort, qui ont tué de nombreux Ivoiriens dont Téhé Emile, Boga Doudou, Robert Guéi son épouse et 19 membres de sa garde rapprochée. Et puis enfin, les déchets toxiques. Pourquoi et comment le Probo Koala, qui a navigué sur toutes les eaux à travers les océans, est venu accoster en Côte d’Ivoire. Qui a donné l’ordre ? Au temps du régime Gbagbo, on ne pouvait pas comprendre les dessous de ces affaires sales. Je rappelle que ce bateau a fait plusieurs dizaines de morts et des milliers d’intoxiqués. La réconciliation que l’on veut ne peut pas se faire sans justice et sans vérité. La réconciliation est donc intrinsèquement liée à la justice. Si l’on fait une réconciliation de façade, la Côte d’Ivoire ne s’en sortira pas… On ne peut pas soigner une plaie tant qu’il y a des croutes en-dessous. On ne peut pardonner ce que l’on ne sait pas.
Vous citez Boga Doudou au nombre des victimes des escadrons de la mort.
Oui, je le cite, parce qu’il a été prouvé aujourd’hui qu’Emile Boga Doudou a été tué par le Fpi.
Vous en avez les preuves ?
Nous avons toutes les preuves. Et le moment venu, nous allons les verser aux dossiers des enquêteurs.
N’y a-t-il pas contradiction quand, en même temps qu’on réclame la réconciliation, on réclame justice ?
JBG : Non, je ne crois pas. Il faut que la justice se fasse. C’est pour l’histoire du peuple ivoirien. Cela va servir aussi de leçon aux futurs dirigeants du pays. Le rôle d’un président, c’est d’apporter le bien-être à son peuple et non d’acheter des armes pour le massacrer.
Avec le président Ouattara, les Ivoiriens verront comment ont dirige un Etat.
Est-ce que ce n’est une mauvaise copie du modèle sud-africain ?
Je ne crois pas que ce soit l’idée du président Ouattara. Que des gens viennent faire leur déposition devant la commission, quel que soit leur crime et rentrent tranquillement chez eux.
Je ne crois pas que ce soit cette idée. Le modèle sud-africain, a fait son temps… On n’a pas dit que de manière systématique, nous allons copier et plaquer ce modèle-là. La différence entre eux et nous, c’est qu’ils ne sortaient pas d’une guerre, ils sortaient de l’apartheid. Ici, quelqu’un a perdu les élections, il s’est agrippé au fauteuil présidentiel, a acquis des armes de guerre dont certaines sont interdites, a fait tuer d’innocentes personnes. C’est cela. Prenez le cas de l’ouest. Cette zone est devenue une poudrière par la faute des cadres LMP. On parle de plus 1000 morts. Il faut situer les responsabilités. Si on pardonne sans chercher à savoir, les mêmes choses vont se reproduire demain. Il faut savoir punir et trouver, demain, l’antidote de ce qui s’est produit…
Vous voulez donc dire que la commission de Banny devrait entendre des gens et les livrer, au besoin, à la justice ?
Charles Konan Banny n’a pas encore commencé à travailler. C’est pourquoi j’ai été ahuri de le voir en compagnie du commandant Abéhi, à la Primature. J’ai été choqué par ce geste de Banny. Parce que, derrière tous les crimes commis en Côte d’Ivoire depuis 2000, on cite, à tort ou à raison, le nom de Dogbo Blé et du commandant Abéhi. Quels sont ceux qui ont tué, en 2000, les militants de l’opposition qui marchaient pour réclamer la reprise des élections.
Ces deux noms ont été cités. Il s’agit de Dogbo Blé, des capitaines Abéhi et Séka Séka. Je ne dis pas qu’ils sont forcément responsables. Mais je dis qu’ils ont été accusés. Leurs noms ont encore été cités dans la mort du général Robert Guéi. Je ne dis pas que ce sont eux qui l’ont tué. Qu’on se comprenne bien. Les tueries des femmes des marchés d’Abobo, là encore, ils sont cités comme les auteurs. Cela fait quand même trop d’accusations graves contre eux. Alors, face à toutes ces accusations, qui peuvent ne pas être forcément vraies, il faut qu’ils s’expliquent devant un juge, notamment après la commission vérité, dialogue et justice. Pourquoi Charles Konan Banny, qui vient d’être nommé et qui n’a même pas encore commencé sa tâche, prend ce commandant pour l’accompagner à la Primature, devant le Premier ministre. Cette démarche répond à quoi ? C’est vraiment maladroit de sa part. J’ai été choqué et beaucoup d’Ivoiriens avec moi.
Par cet acte, vous pensez qu’il a raté son départ ?
Moi je suis du Grand-ouest où il y a tous les grands chefs de guerre dans ce pays. Est-ce que je peux me permettre de prendre un homme comme Maho Glofiehi, Oulaï Delafose et bien d’autres chefs de guerre pour les conduire devant le Premier ministre, avec une tête couronnée ?. Aujourd’hui, il y a trop d’interprétations. C’est gauche de la part de Banny et il doit publiquement présenter des excuses à la nation. Par ce geste-là, Banny a raté son départ et il va échouer. Il ne faut pas que les bourreaux deviennent les victimes. Il ne faut pas que les bourreaux soient caressés dans le sens du poil et que les victimes soient frustrés. S’il continue comme il a commencé, il va échouer. Que Banny fasse très attention !
C’est pourquoi, le président de la République a parlé de feuille de route. Il a été nommé, mais il n’a pas encore reçu de feuille de route. Il est allé trop vite en besogne. Et le ballet des chefs qui est en train d’être fait chez lui en ce moment est totalement ridicule, caduc, démodé et ce n’est pas ce que le président de la République et les Ivoiriens attendent de lui. Qu’il attende d’avoir sa feuille de route, que tout soit mis en place et il travaillera parallèlement avec la justice.
Vous avez donc des appréhensions quant à la réussite de cette mission, avec ce faux départ que vous dénoncez ?
Rappelez-vous qu’en décembre 2001, il y a eu un forum de la réconciliation, présidé par un ancien Premier ministre, Seydou Diarra. En septembre 2002, la guerre est arrivée. Si Banny biaise avec la réconciliation, s’il échoue, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est clair que nous allons retomber dans la crise. Avec les espoirs placés en Alassane Ouattara, le président de la République, nous n’avons pas le droit d’échouer. C’est pourquoi il est souhaitable que Banny aille doucement, en tenant compte de l’environnement actuel et de la psychologie des Ivoiriens. Je vois partout des caravanes qui vont vers Banny. Il faut qu’il fasse très attention. Il faut qu’il arrête d’orchestrer ces genres de comédies. Le président de la République lui a confié une tâche historique. Il faut qu’il en soit conscient, notamment en ce qui concerne les attentes du Président et des Ivoiriens. Pendant que des gens sont à l’extérieur, des déplacés de l’Ouest qui sont encore au Libéria, on se réconcilie avec qui.
Comment voyez-vous l’avenir du Fpi ?
Le Fpi va disparaitre avec ce départ calamiteux de Gbagbo du pouvoir. Leur seul point de chute sera l’Udpci et nous les attendons à bras ouverts. Le Fpi doit même disparaitre...
Nous notons déjà des velléités d’entrée des cadres Fpi à l’Udpci. Nous rencontrons depuis quelques jours des cadres issus du Fpi qui veulent venir à l’Udpci. Nous rendons compte au président du parti qui nous encourage. Ils viennent d’eux-mêmes et il y a d’autres que nous démarchons. Vous les verrez à l’occasion de ces législatives.
Vous serez candidat à la députation ?
Oui ! Je suis candidat à la députation à Bloléquin chez moi… Et quoi qu’il arrive, je serai candidat. Ce sont les parents qui me l’ont demandé.
Souhaiteriez-vous que Blé Goudé, votre ami, rentre en Côte d’Ivoire et quel sort pour lui ?
Blé Goudé est plus qu’un ami, un frère. Je ne sais où il se trouve en ce moment. Moi je suis pour la démocratie. Mais la démocratie exige que celui qui a fauté rende compte par la justice. S’il rentre au pays, il y aura des milliers de plaintes contre lui. Il faut qu’il rende compte à la justice. Il a posé des actes graves contre la sureté de l’Etat en lançant des appels pour enrôler des jeunes gens dans l’armée alors qu’il n’en a pas le droit. Il doit rendre compte à la justice, tout comme Gbagbo qui a fauté et qui va rendre compte à la justice.
Réalisée par Armand B. DEPEYLA