Durant la crise postélectorale, des milliers d’Ivoiriens sont morts, des milliers d’autres sont portés disparus, et certains pleurent toujours leurs défunts qui ne sont pas encore enterrés. Pendant que deux mois à peine après, les Ivoiriens dans leur ensemble cherchent à fermer définitivement cette parenthèse de sang, certains, comme Dosso Charles Rodel appellent à la rouvrir. Sa récente sortie peut facilement être rapprochée à la fameuse maxime des mercenaires libériens qui agissaient à Yopougon : « No Gbagbo, no Côte d’Ivoire ». Fût-il le plus intelligent des Ivoiriens, le meilleur de tous, Laurent Gbagbo vaut-il le sacrifice de populations qui aspirent à la réconciliation et à la paix?
Dans sa lettre datée du 11 juin 2011 et parue dans nos colonnes le 14 juin dernier, l’ancien secrétaire d’Etat pour les victimes de guerre du gouvernement d’Aké N’gbo offre à penser clairement que des proches et partisans de Laurent Gbagbo n’imaginent pas encore une Côte d’Ivoire unie et apaisée sans leur leader. Dans sa démarche explicative de l’impossibilité du président Alassane Ouattara à pouvoir réconcilier les Ivoiriens, Dosso Charles Rodel avance que le nouveau chef de l’exécutif règne par la terreur. « Au regard de la profondeur de la fracture sociale, étouffer, damner l’entité défaite militairement ne saurait être la panacée idoine. Ce serait juste une terreur passagère qui durerait le temps que les uns et les autres se découvrent la capacité de dominer la peur pour faire face à l’adversité » écrit-il. Clairement, il remet sur la table le célébrissime « équilibre de la terreur » qu’avait prôné le front populaire ivoirien du temps où il était dans l’opposition. Sans fioritures, Dosso Charles Rodel annonce que les partisans de Laurent Gbagbo reviendront dans le paysage politique ivoirien quand ils seront capables d’inspirer la terreur à leurs adversaires. A lire cet ancien collaborateur de Laurent Gbagbo au sein de son dernier gouvernement, on comprend aisément que le FPI conçoit la vie politique en termes d’équilibre des capacités de chaque formation politique à pouvoir faire peur. Pourtant les démocraties modernes se définissent comme la traduction quantitative de l’égale dignité qualitative de chaque citoyen devant la loi ; c’est-à-dire le vote. Et en Côte d’Ivoire en l’occurrence, le vote des Ivoiriens a désigné Alassane Dramane Ouattara vainqueur de la présidentielle du 28 novembre 2010 aux dires du président de la commission électorale indépendante (CEI), et validé par le président du Conseil constitutionnel Paul Yao N’dré le 8 mai dernier de son retour d’exil au Ghana. Désormais, c’est Alassane Ouattara qui préside aux destinées de la Côte d’Ivoire, et conduit sa politique de développement social, économique, culturel, et politique. Ce à quoi se refuse Dosso Charles Rodel. Dans sa si longue lettre, l’homme n’ose même pas utiliser le vocable « Président » quand il parle du Président de la République Alassane Dramane Ouattara. Cette posture dénote aisément une volonté de défiance et de non reconnaissance de l’autorité du Président de la République. Dosso Charles Rodel tente à dessein par cette adresse à amener des thuriféraires de Laurent Gbagbo à rempiler pour une autre saison de pluie de sang et de feu en Côte d’Ivoire. Plus loin dans son courrier, le nouveau théoricien de la terreur de Laurent Gbagbo énonce que le président Alassane Ouattara n’est pas la personne indiquée en Côte d’Ivoire pour initier la réconciliation entre les Ivoiriens parce que, selon lui, il n’est le choix des Ivoiriens. Qu’en sait-il exactement ? Quand le premier responsable de la structure nationale chargée d’organiser le vote des Ivoiriens et de donner en première lecture les résultats de l’expression des suffrages des Ivoiriens, donne vainqueur Alassane Ouattara ; et que le Conseil constitutionnel vienne en seconde lecture valider et confirmer ces résultats-là, Dosso Charles Rodel n’est plus dans le déni mais dans la volonté manifeste de réécrire l’histoire de la Côte d’Ivoire, sinon la faire bégayer encore une fois. C’est à croire que l’homme n’a pas compris l’une des vraies raisons de la défaite du second tour de la présidentielle. Comme l’a dit Mamadou Koulibaly, le patron par intérim du parti de Laurent Gbagbo, la campagne de l’entre deux tours a été désastreuse. Mais Dosso Charles Rodel, ressert le même discours qui les a conduits à perdre la présidence, et a failli faire basculer la Côte d’Ivoire dans un chaos ingérable. « (…) Monsieur Alassane Ouattara ne pourrait asseoir une réconciliation en Côte d’Ivoire quand on sait qu’il est trempé jusqu’au cou dans la souffrance des Ivoiriens. On se souvient encore qu’il a introduit la violence armée dans l’arène politique comme moyen de conquête du pouvoir ». Pour beaucoup d’observateurs sérieux de la vie publique ivoirienne, ce type de propos et allégations sans justifications ont été en partie responsables de l’échec de Laurent Gbagbo. L’homme Dosso le sait, mais pourquoi remet-il le couvert ? Il n’est certainement pas idiot, c’est un message qu’il tient à faire passer aux partisans et principalement aux « almoravides » de l’ex-chef d’Etat déchu, et voilà la maxime nouvelle sur laquelle il se fonde : « Si Alassane Ouattara a introduit la violence armée comme moyen de conquête du pouvoir, alors ce moyen devient dorénavant la règle du jeu ». Voilà ce qu’est essentiellement l’enjeu du propos de Dosso Charles Rodel. Reconquérir le pouvoir par le moyen de la lutte armée, voici ce à quoi l’ancien secrétaire d’Etat aux victimes de guerre prépare ses camarades partisans de Laurent Gbagbo. Mais il n’est pas assuré que le presque un Ivoirien sur deux qui a voté Laurent Gbagbo soit un partisan du « Laurent Gbagbo ou rien ». La Côte d’Ivoire a vu beaucoup de ses enfants illustres disparaître, et elle leur a survécu. Tous les militants du FPI ne partagent pas l’obsession que Dosso Charles Rodel a pour Laurent Gbagbo. Ils sont plutôt obsédés par la paix dans leur pays. Cette Côte d’Ivoire pour laquelle des centaines d’anonymes et de nombreux illustres noms sont tombés pour une réelle émancipation. Laurent Gbagbo est sans nul doute une valeur sûre ivoirienne, mais est-il à lui seul une condition suffisante et nécessaire pour le sacrifice de nombreuses populations qui ne demandent qu’à vivre en paix ? Il est clair que non. Mais ce type de sortie dans la presse et sur le net, risque de prospérer si les militants du FPI, partisans de Laurent Gbagbo, et Laurent Gbagbo n’y prennent garde. La direction actuelle du front populaire ivoirien et toute la majorité présidentielle devraient condamner ce type de sortie. Le FPI dispose d’énormément de ressources humaines pour survivre à un Laurent Gbagbo politiquement affaibli, ou physiquement absent. Il peut rapidement retrouver sa capacité à mobiliser des hommes et des femmes, mobiliser des idées, et mobiliser aussi des fonds pour revenir dans le débat politique avec les idées et des combats qui ont fait de ce parti le fer de lance de l’opposition ivoirienne au début des années 90.
Jean-Paul Oro
Dans sa lettre datée du 11 juin 2011 et parue dans nos colonnes le 14 juin dernier, l’ancien secrétaire d’Etat pour les victimes de guerre du gouvernement d’Aké N’gbo offre à penser clairement que des proches et partisans de Laurent Gbagbo n’imaginent pas encore une Côte d’Ivoire unie et apaisée sans leur leader. Dans sa démarche explicative de l’impossibilité du président Alassane Ouattara à pouvoir réconcilier les Ivoiriens, Dosso Charles Rodel avance que le nouveau chef de l’exécutif règne par la terreur. « Au regard de la profondeur de la fracture sociale, étouffer, damner l’entité défaite militairement ne saurait être la panacée idoine. Ce serait juste une terreur passagère qui durerait le temps que les uns et les autres se découvrent la capacité de dominer la peur pour faire face à l’adversité » écrit-il. Clairement, il remet sur la table le célébrissime « équilibre de la terreur » qu’avait prôné le front populaire ivoirien du temps où il était dans l’opposition. Sans fioritures, Dosso Charles Rodel annonce que les partisans de Laurent Gbagbo reviendront dans le paysage politique ivoirien quand ils seront capables d’inspirer la terreur à leurs adversaires. A lire cet ancien collaborateur de Laurent Gbagbo au sein de son dernier gouvernement, on comprend aisément que le FPI conçoit la vie politique en termes d’équilibre des capacités de chaque formation politique à pouvoir faire peur. Pourtant les démocraties modernes se définissent comme la traduction quantitative de l’égale dignité qualitative de chaque citoyen devant la loi ; c’est-à-dire le vote. Et en Côte d’Ivoire en l’occurrence, le vote des Ivoiriens a désigné Alassane Dramane Ouattara vainqueur de la présidentielle du 28 novembre 2010 aux dires du président de la commission électorale indépendante (CEI), et validé par le président du Conseil constitutionnel Paul Yao N’dré le 8 mai dernier de son retour d’exil au Ghana. Désormais, c’est Alassane Ouattara qui préside aux destinées de la Côte d’Ivoire, et conduit sa politique de développement social, économique, culturel, et politique. Ce à quoi se refuse Dosso Charles Rodel. Dans sa si longue lettre, l’homme n’ose même pas utiliser le vocable « Président » quand il parle du Président de la République Alassane Dramane Ouattara. Cette posture dénote aisément une volonté de défiance et de non reconnaissance de l’autorité du Président de la République. Dosso Charles Rodel tente à dessein par cette adresse à amener des thuriféraires de Laurent Gbagbo à rempiler pour une autre saison de pluie de sang et de feu en Côte d’Ivoire. Plus loin dans son courrier, le nouveau théoricien de la terreur de Laurent Gbagbo énonce que le président Alassane Ouattara n’est pas la personne indiquée en Côte d’Ivoire pour initier la réconciliation entre les Ivoiriens parce que, selon lui, il n’est le choix des Ivoiriens. Qu’en sait-il exactement ? Quand le premier responsable de la structure nationale chargée d’organiser le vote des Ivoiriens et de donner en première lecture les résultats de l’expression des suffrages des Ivoiriens, donne vainqueur Alassane Ouattara ; et que le Conseil constitutionnel vienne en seconde lecture valider et confirmer ces résultats-là, Dosso Charles Rodel n’est plus dans le déni mais dans la volonté manifeste de réécrire l’histoire de la Côte d’Ivoire, sinon la faire bégayer encore une fois. C’est à croire que l’homme n’a pas compris l’une des vraies raisons de la défaite du second tour de la présidentielle. Comme l’a dit Mamadou Koulibaly, le patron par intérim du parti de Laurent Gbagbo, la campagne de l’entre deux tours a été désastreuse. Mais Dosso Charles Rodel, ressert le même discours qui les a conduits à perdre la présidence, et a failli faire basculer la Côte d’Ivoire dans un chaos ingérable. « (…) Monsieur Alassane Ouattara ne pourrait asseoir une réconciliation en Côte d’Ivoire quand on sait qu’il est trempé jusqu’au cou dans la souffrance des Ivoiriens. On se souvient encore qu’il a introduit la violence armée dans l’arène politique comme moyen de conquête du pouvoir ». Pour beaucoup d’observateurs sérieux de la vie publique ivoirienne, ce type de propos et allégations sans justifications ont été en partie responsables de l’échec de Laurent Gbagbo. L’homme Dosso le sait, mais pourquoi remet-il le couvert ? Il n’est certainement pas idiot, c’est un message qu’il tient à faire passer aux partisans et principalement aux « almoravides » de l’ex-chef d’Etat déchu, et voilà la maxime nouvelle sur laquelle il se fonde : « Si Alassane Ouattara a introduit la violence armée comme moyen de conquête du pouvoir, alors ce moyen devient dorénavant la règle du jeu ». Voilà ce qu’est essentiellement l’enjeu du propos de Dosso Charles Rodel. Reconquérir le pouvoir par le moyen de la lutte armée, voici ce à quoi l’ancien secrétaire d’Etat aux victimes de guerre prépare ses camarades partisans de Laurent Gbagbo. Mais il n’est pas assuré que le presque un Ivoirien sur deux qui a voté Laurent Gbagbo soit un partisan du « Laurent Gbagbo ou rien ». La Côte d’Ivoire a vu beaucoup de ses enfants illustres disparaître, et elle leur a survécu. Tous les militants du FPI ne partagent pas l’obsession que Dosso Charles Rodel a pour Laurent Gbagbo. Ils sont plutôt obsédés par la paix dans leur pays. Cette Côte d’Ivoire pour laquelle des centaines d’anonymes et de nombreux illustres noms sont tombés pour une réelle émancipation. Laurent Gbagbo est sans nul doute une valeur sûre ivoirienne, mais est-il à lui seul une condition suffisante et nécessaire pour le sacrifice de nombreuses populations qui ne demandent qu’à vivre en paix ? Il est clair que non. Mais ce type de sortie dans la presse et sur le net, risque de prospérer si les militants du FPI, partisans de Laurent Gbagbo, et Laurent Gbagbo n’y prennent garde. La direction actuelle du front populaire ivoirien et toute la majorité présidentielle devraient condamner ce type de sortie. Le FPI dispose d’énormément de ressources humaines pour survivre à un Laurent Gbagbo politiquement affaibli, ou physiquement absent. Il peut rapidement retrouver sa capacité à mobiliser des hommes et des femmes, mobiliser des idées, et mobiliser aussi des fonds pour revenir dans le débat politique avec les idées et des combats qui ont fait de ce parti le fer de lance de l’opposition ivoirienne au début des années 90.
Jean-Paul Oro