Quand ça a commencé, « ses propriétaires » ont décampé, l’abandonnant à son triste sort. Sécurité oblige ! Aujourd’hui que les bruits de canons et autres exactions ont cessé, la Rue Princesse, à l’image de toute la commune de Yopougon, renaît de ses cendres et renoue à grande échelle avec ses animateurs, la joie, l’alcool, la cigarette. Mais que de pertes !
La commune de Yopougon, on le sait, a été le dernier bastion des miliciens et mercenaires de Laurent Gbagbo. La suite, on la connaît. De violents combats dans cette cité naguère acquise à la joie lui ont fait perdre sa ferveur et sa réputation. Près de deux mois donc, après sa libération des mains des va-t-guerre pro-lmpistes, nous nous sommes résolus à prendre le pouls de l’ambiance de la célèbre Rue Princesse. Ce samedi 18 juin, nous décidons de nous y rendre. Avec un carnet de charges bien établi. Quelles sont les pertes subies par les opérateurs économiques de la plus grande commune de Côte d’Ivoire? Quels messages pour redonner confiance aux noceurs abidjanais de la Rue ? Et qu’attendent ces opérateurs des nouvelles autorités ? Autant de préoccupations auxquelles nous avons tenté de trouver des éléments de réponses. Il est 19 heures, lorsque le taxi qui a embarqué notre équipe de reportage, quelques minutes plus tôt, dans la commune de Cocody-Allocodrome, nous dépose à la pharmacie Kenya, non loin de la Rue Princesse. Ce n’est pas encore la grande affluence. La cadence des décibels autrefois libérés des grands maquis de la place est aujourd’hui espacée. Nous poursuivons tout de même notre randonnée vers le carrefour de la Mairie. Le constat est toujours le même. Certains riverains, du haut de leurs balcons, assistent à ce relatif calme auquel ils ne sont certainement pas habitués. D’autres, par contre, devraient sûrement être en train de profiter de cette atmosphère moins bruyante pour se remettre de l’après guerre. Nous décidons de patienter pour attendre les environs de minuit, moment choisi généralement par les noctambules pour « inonder » les lieux. Mais, entre notre attente et la rencontre avec quelques opérateurs de la Rue pour des échanges, nos yeux sont curieux. Point de chute : l’origine des odeurs qui polluent l’air de cet espace gastronomique. Le cadre de la Rue n’est pas du tout reluisant. La puanteur des eaux usées renvoyerait le premier touriste débarqué. Les caniveaux sont bouchés. Toutes les eaux usées du quartier Wassakara ont choisi de se donner rendez-vous en ce lieu, certainement pour célébrer avec les populations qui commencent à reprendre goût à la vie, la paix retrouvée. En somme, le carrefour de la mairie est un condensé de tous les déchets de la zone. Et l’air en ce lieu n’est pas du tout certifié par la nature, confondant ainsi les odeurs des poulets, viandes et poissons braisées. Qu’à cela ne tienne ! Nous prenons quartier sur la terrasse du complexe « The Big For », en hauteur, pour mieux apprécier l’ambiance de la Rue.
“La fermeture de notre complexe, du 31 mars au 10 juin, nous a fait perdre une recette de 3 à 4 millions’’
L’occasion est belle, parce que Touré Isaac dit MC, le manager des lieux est présent. C’est l’un de ceux indiqués pour nous éclairer dans notre enquête. « La Rue en général, n’a pas été pillée », nous indique t-il d’entrée de jeu, entre deux éternuements, parce que souffrant d’un début de paludisme. Cependant, il y a eu des pertes et non des moindres. « A notre niveau, la fermeture de notre complexe, du 31 mars au 10 juin, nous a fait perdre beaucoup d’argent. En temps réel, le complexe fait une recette de 3 à 4 millions par jour. Comprenez qu’avec le temps d’arrêt, ce sont des dizaines de millions que nous avons perdus », ajoute notre interlocuteur désabusé. Vraiment énorme pour des personnes innocentes de la scène politique. Côté sécurité, l’homme n’est pas muet. Il nous informe que le Commandant Chérif Ousmane et ses hommes veillent au grain et contrôlent parfaitement la situation. « Au début, des éléments incontrôlés des FRCI entraient avec les armes dans les bars et maquis ». Un comportement qui effrayait les clients, les obligeait à se terrer chez eux malgré leur folle envie de fréquenter la Rue et se défouler un tant soit peu. La situation, devenue intenable, a urgé une rencontre entre le Commandant et les opérateurs de la rue abidjanaise des joies. « Depuis lors, plus rien à signaler côté sécurité, si n’est des petits bandits», soutient Djaguen Aboué, un autre géant de la nuit à Abidjan. Justement, pendant que nous échangions quelques coups de feu tonnent. Les éléments des FRCI attablés à nos cotés s’emparent précipitamment de leurs armes rangées dans leur véhicule et à pas de course, vont aux nouvelles.
‘‘C’est de ça que nous vivons. Nous sommes obligés de réinvestir au détriment de nos familles’’
Ici également, les pertes sont énormes, tragiques même. Et pourraient faire fléchir un novice dans le milieu des affaires. Tout le matériel de sons dont la Racle d’amplificateurs, tout le dépôt des boissons fortes …, tout a été emporté. Plus grave, trois employés sont tombés par balles. « Mais que voulez-vous ? C’est de ça que nous vivons. Nous sommes donc obligés de réinvestir au détriment de nos familles », ajoute notre interlocuteur avec beaucoup de regrets. Vraiment déplorable pour une entreprise qui emploie 80 personnes régulièrement de subir une perte d’une valeur « d’environ 12 millions de nos francs ». Il est maintenant une heure du matin et la Rue a retrouvé quelque peu ses couleurs habituelles. Nous essayons de nous frayer un passage pour nous retrouver avec Delpy, propriétaire du bar « Red-Not ». Malgré la relative sérénité qu’il affiche, le jeune opérateur économique a le cœur remonté. Contre qui ? Contre les acteurs d’auto-défense du quartier et des éléments incontrôlés des FRCI lui ayant volé tous ses biens : congélateurs, boissons, matériels (sonorisation, lumière …). En plus de la bastonnade du gardien de son temple. Pourtant, il ne cache pas sa volonté de tenir bon, afin de venir à bout de cette lourde perte estimée à près de 4 à 5 millions de francs, selon ses dires. « C’est trop, mais cela ne nous empêche pas de reprendre, parce que c’est notre travail », lâche-t-il avec un air accusateur. L’autre hôte qui nous reçoit plus tard, c’est Ali Boyard, manager du bar « Industrie ». De ce côté, la note n’est pas trop salée. Car le personnel a eu le nez creux d’évacuer tous les matériels et boissons très tôt et mis en sécurité. Néanmoins, si la perte de recettes due à la fermeture n’est pas évaluée, elle est tout de même aussi importante que les autres. Notre dernier entretien se déroule avec Youl Sayal, manager de « Must bar » qui dit avoir perdu plus de 20 millions du fait de l’arrêt de travail, lorsque Yopougon vivait sous le feux des canons et des roquettes. « Nous n’avons pas enregistré de pillages. Néanmoins l’arrêt de travail nous, a causé d’énormes pertes en termes de recettes», lance t-il sans être trop préoccupé. Lorsque nous prenions congé de la Rue, tous les opérateurs étaient unanimes. La sécurité précaire quand les activités reprenaient, s’est beaucoup améliorée aujourd’hui. Surtout que les stratégies mises en place par le Commandant Chérif Ousmane et ses éléments sont très strictes pour venir à bout de tout trouble-fête. Aussi, souhaitent-ils que les Abidjanais reviennent parce que la Rue bouge à nouveau, car la sécurité est de mise.
Seront-ils entendus ?
Aux autorités compétentes, les opérateurs économiques sinistrés de la Rue Princesse demandent de mettre un accent particulier sur la salubrité, car il faut l’avouer, les travaux d’assainissement méritent une attention particulière dans cette zone où toutes les activités sont relatives à l’alimentation. A l’unisson, ils adressent un remerciement solennel au Patron de la Compagnie Guépard, le Commandant Chérif Ousmane, qui a, non seulement, garantit la sécurité mais qui a déjà fait nettoyer deux fois la Rue par ses troupes. Espérons que ces cris de cœur soient entendus de sorte que la célèbre Rue Princesse, devenue un patrimoine touristique du pays, puisse retrouver son visage de beauté et de joie autrefois envié.
JC GONGO
La commune de Yopougon, on le sait, a été le dernier bastion des miliciens et mercenaires de Laurent Gbagbo. La suite, on la connaît. De violents combats dans cette cité naguère acquise à la joie lui ont fait perdre sa ferveur et sa réputation. Près de deux mois donc, après sa libération des mains des va-t-guerre pro-lmpistes, nous nous sommes résolus à prendre le pouls de l’ambiance de la célèbre Rue Princesse. Ce samedi 18 juin, nous décidons de nous y rendre. Avec un carnet de charges bien établi. Quelles sont les pertes subies par les opérateurs économiques de la plus grande commune de Côte d’Ivoire? Quels messages pour redonner confiance aux noceurs abidjanais de la Rue ? Et qu’attendent ces opérateurs des nouvelles autorités ? Autant de préoccupations auxquelles nous avons tenté de trouver des éléments de réponses. Il est 19 heures, lorsque le taxi qui a embarqué notre équipe de reportage, quelques minutes plus tôt, dans la commune de Cocody-Allocodrome, nous dépose à la pharmacie Kenya, non loin de la Rue Princesse. Ce n’est pas encore la grande affluence. La cadence des décibels autrefois libérés des grands maquis de la place est aujourd’hui espacée. Nous poursuivons tout de même notre randonnée vers le carrefour de la Mairie. Le constat est toujours le même. Certains riverains, du haut de leurs balcons, assistent à ce relatif calme auquel ils ne sont certainement pas habitués. D’autres, par contre, devraient sûrement être en train de profiter de cette atmosphère moins bruyante pour se remettre de l’après guerre. Nous décidons de patienter pour attendre les environs de minuit, moment choisi généralement par les noctambules pour « inonder » les lieux. Mais, entre notre attente et la rencontre avec quelques opérateurs de la Rue pour des échanges, nos yeux sont curieux. Point de chute : l’origine des odeurs qui polluent l’air de cet espace gastronomique. Le cadre de la Rue n’est pas du tout reluisant. La puanteur des eaux usées renvoyerait le premier touriste débarqué. Les caniveaux sont bouchés. Toutes les eaux usées du quartier Wassakara ont choisi de se donner rendez-vous en ce lieu, certainement pour célébrer avec les populations qui commencent à reprendre goût à la vie, la paix retrouvée. En somme, le carrefour de la mairie est un condensé de tous les déchets de la zone. Et l’air en ce lieu n’est pas du tout certifié par la nature, confondant ainsi les odeurs des poulets, viandes et poissons braisées. Qu’à cela ne tienne ! Nous prenons quartier sur la terrasse du complexe « The Big For », en hauteur, pour mieux apprécier l’ambiance de la Rue.
“La fermeture de notre complexe, du 31 mars au 10 juin, nous a fait perdre une recette de 3 à 4 millions’’
L’occasion est belle, parce que Touré Isaac dit MC, le manager des lieux est présent. C’est l’un de ceux indiqués pour nous éclairer dans notre enquête. « La Rue en général, n’a pas été pillée », nous indique t-il d’entrée de jeu, entre deux éternuements, parce que souffrant d’un début de paludisme. Cependant, il y a eu des pertes et non des moindres. « A notre niveau, la fermeture de notre complexe, du 31 mars au 10 juin, nous a fait perdre beaucoup d’argent. En temps réel, le complexe fait une recette de 3 à 4 millions par jour. Comprenez qu’avec le temps d’arrêt, ce sont des dizaines de millions que nous avons perdus », ajoute notre interlocuteur désabusé. Vraiment énorme pour des personnes innocentes de la scène politique. Côté sécurité, l’homme n’est pas muet. Il nous informe que le Commandant Chérif Ousmane et ses hommes veillent au grain et contrôlent parfaitement la situation. « Au début, des éléments incontrôlés des FRCI entraient avec les armes dans les bars et maquis ». Un comportement qui effrayait les clients, les obligeait à se terrer chez eux malgré leur folle envie de fréquenter la Rue et se défouler un tant soit peu. La situation, devenue intenable, a urgé une rencontre entre le Commandant et les opérateurs de la rue abidjanaise des joies. « Depuis lors, plus rien à signaler côté sécurité, si n’est des petits bandits», soutient Djaguen Aboué, un autre géant de la nuit à Abidjan. Justement, pendant que nous échangions quelques coups de feu tonnent. Les éléments des FRCI attablés à nos cotés s’emparent précipitamment de leurs armes rangées dans leur véhicule et à pas de course, vont aux nouvelles.
‘‘C’est de ça que nous vivons. Nous sommes obligés de réinvestir au détriment de nos familles’’
Ici également, les pertes sont énormes, tragiques même. Et pourraient faire fléchir un novice dans le milieu des affaires. Tout le matériel de sons dont la Racle d’amplificateurs, tout le dépôt des boissons fortes …, tout a été emporté. Plus grave, trois employés sont tombés par balles. « Mais que voulez-vous ? C’est de ça que nous vivons. Nous sommes donc obligés de réinvestir au détriment de nos familles », ajoute notre interlocuteur avec beaucoup de regrets. Vraiment déplorable pour une entreprise qui emploie 80 personnes régulièrement de subir une perte d’une valeur « d’environ 12 millions de nos francs ». Il est maintenant une heure du matin et la Rue a retrouvé quelque peu ses couleurs habituelles. Nous essayons de nous frayer un passage pour nous retrouver avec Delpy, propriétaire du bar « Red-Not ». Malgré la relative sérénité qu’il affiche, le jeune opérateur économique a le cœur remonté. Contre qui ? Contre les acteurs d’auto-défense du quartier et des éléments incontrôlés des FRCI lui ayant volé tous ses biens : congélateurs, boissons, matériels (sonorisation, lumière …). En plus de la bastonnade du gardien de son temple. Pourtant, il ne cache pas sa volonté de tenir bon, afin de venir à bout de cette lourde perte estimée à près de 4 à 5 millions de francs, selon ses dires. « C’est trop, mais cela ne nous empêche pas de reprendre, parce que c’est notre travail », lâche-t-il avec un air accusateur. L’autre hôte qui nous reçoit plus tard, c’est Ali Boyard, manager du bar « Industrie ». De ce côté, la note n’est pas trop salée. Car le personnel a eu le nez creux d’évacuer tous les matériels et boissons très tôt et mis en sécurité. Néanmoins, si la perte de recettes due à la fermeture n’est pas évaluée, elle est tout de même aussi importante que les autres. Notre dernier entretien se déroule avec Youl Sayal, manager de « Must bar » qui dit avoir perdu plus de 20 millions du fait de l’arrêt de travail, lorsque Yopougon vivait sous le feux des canons et des roquettes. « Nous n’avons pas enregistré de pillages. Néanmoins l’arrêt de travail nous, a causé d’énormes pertes en termes de recettes», lance t-il sans être trop préoccupé. Lorsque nous prenions congé de la Rue, tous les opérateurs étaient unanimes. La sécurité précaire quand les activités reprenaient, s’est beaucoup améliorée aujourd’hui. Surtout que les stratégies mises en place par le Commandant Chérif Ousmane et ses éléments sont très strictes pour venir à bout de tout trouble-fête. Aussi, souhaitent-ils que les Abidjanais reviennent parce que la Rue bouge à nouveau, car la sécurité est de mise.
Seront-ils entendus ?
Aux autorités compétentes, les opérateurs économiques sinistrés de la Rue Princesse demandent de mettre un accent particulier sur la salubrité, car il faut l’avouer, les travaux d’assainissement méritent une attention particulière dans cette zone où toutes les activités sont relatives à l’alimentation. A l’unisson, ils adressent un remerciement solennel au Patron de la Compagnie Guépard, le Commandant Chérif Ousmane, qui a, non seulement, garantit la sécurité mais qui a déjà fait nettoyer deux fois la Rue par ses troupes. Espérons que ces cris de cœur soient entendus de sorte que la célèbre Rue Princesse, devenue un patrimoine touristique du pays, puisse retrouver son visage de beauté et de joie autrefois envié.
JC GONGO