La réconciliation ne peut pas se faire à tous les prix. C'est du moins ce que pense M. Sanogo Mamadou. Président d'un collectif des victimes né au lendemain de la répression de la marche du 16 décembre 2010, il livre ici les conditions des membres de son mouvement pour que la réconciliation soit effective.
L'inter: Dites-nous les raisons de la création de votre mouvement et quelles sont les actions que vous avez menées depuis son existence.
Sanogo Mamadou: C'est depuis notre détention à la préfecture de police au Plateau suite à la répression sanglante de la marche du 16 décembre 2010 sur la RTI, que l'idée nous est venue de créer ce mouvement que nous avons baptisé COVIBAG (Collectif des victimes de la barbarie de Gbagbo). Nous étions 330 détenus dont 17 femmes qui ont été violées. Nous avons donc décidé de nous constituer en collectif afin que, une fois sortis de là, nous puissions réclamer justice, ensuite l'indemnisation et la réinsertion des victimes. Après notre libération suivie immédiatement par la création du collectif, j'ai pu joindre M. Salvador, représentant Amnesty France département Ouest-Afrique. Malheureusement celui-ci n'a pu se rendre en Côte d'Ivoire en janvier pour des raisons de sécurité. Ensuite, le 22 janvier nous avons reçu deux représentants de Amnesty international pour trois semaines de travail avec la majorité des victimes. Notre deuxième action a été une rencontre avec une représentante de Human Rights Watch venue du Sénégal. Après cela, nous avons abordé les cérémonies de remerciement des forces qui ont neutralisé les armes lourdes que Gbagbo utilisait contre les populations et dont l'intervention a permis de mettre fin à la crise post-électorale. La première cérémonie a eu lieu à l'ONUCI où nous sommes allés dire merci aux casques bleus pour leur contribution à la paix. Ensuite nous avons mis le cap sur le camp de la Licorne à Port-Bouët, où nous avons transmis au commandant de ladite force notre message de remerciement, de félicitation et d'encouragement au président Nicolas Sarkozy. Après cela, nous avons fait une tournée dans toutes les communes du District d'Abidjan pour recenser les victimes afin que chacun soit dédommagé. Le samedi 2 juillet à 8 heures, nous serons à la Pergola pour manifester jusqu'à ce que les cadres LMP qui y sont soient déférés à la Maca. Parce que nous ne pouvons pas comprendre que ceux qui ont incité à la haine, au massacre, soient dans un hôtel de luxe au frais du contribuable tandis que les victimes souffrent.
Une mission de la CPI séjourne en Côte d'Ivoire. Qu'attendez-vous de cette juridiction?
La CPI avait donné un délai d'un mois pour déposer les plaintes. Le collectif des avocats avec qui nous travaillons va déposer dans un bref délai des plaintes devant cette juridiction, au nom de toutes les victimes recensées par nos soins. Il y a beaucoup de plaintes individuelles notamment contre le commandant du CeCos, l'ex-commandant de la Garde Républicaine, le commandant supérieur de la gendarmerie, le président Laurent Gbagbo, des commissaires de police, Mme Bro Grébé et bien entendu Charles Blé Goudé et Mian Augustin de la FESCI. Au total, il y a plus de 1200 plaintes contre ces personnes. Nous allons manifester jusqu'à ce que notre opinion soit prise en compte. Parce que quand on parle de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation, il n'y a pas le mot justice là-dedans. Nous ne sommes pas d'accord. Nous disons qu'il faut y insérer le mot justice, parce qu'il faut établir la justice avant d'aller à la réconciliation. Qui doit pardonner à qui? C'est nous les victimes qui devons pardonner mais auparavant que fait-on de la vie des 1200 blessés par balles? Les 3000 morts? Les femmes violées? Ce qui nous fait mal aussi c'est que le chef de l'Etat reçoit nos bourreaux, ainsi que l'ancien Premier ministre Charles Konan Banny, mais jamais les victimes n'ont été reçues. Il faut qu'il nous reçoive pour qu'on puisse s'expliquer. Il faut tenir compte de l'opinion et de la situation des victimes pour que la réconciliation soit effective. Ceux qui sont à l'extérieur et qui ont commis des atrocités doivent revenir au pays pour s'expliquer et ensemble on ira ensuite à la réconciliation. Après la justice et le dédommagement des victimes. Donc, Banny a une responsabilité énorme.
Vous dites avoir travaillé avec les organisations internationales de défense des droits humains comme Amnesty et Human Rights Watch. Pourtant ces mêmes organisations soutiennent que des chefs de guerre des FRCI ont commis des massacres et que Alassane Ouattara peut être poursuivi comme Laurent Gbagbo. Qu'en dites-vous?
Les chefs de guerre des FRCI n'ont jamais commis de massacre. Je pense que ce sont les chefs de guerre qui ont protégé les différentes villes de Côte d'Ivoire, sinon parmi les victimes, beaucoup allaient se venger. C'est par l'entremise des chefs de guerre que le pays a retrouvé la paix. Bien entendu, c'est ceux qui s'opposaient à la paix en tirant sur eux qui ont été massacrés. Je pense qu'Amnesty et Human Rights Watch doivent revoir leur copie parce que ce sont les chefs de guerre qui veillent à la sécurité des responsables LPM dont certains continuent de tenir des propos incendiaires dans la presse. Pour ce qui est du président Alassane Ouattara, je crois qu'il n'y a pas homme plus pacifique que ce monsieur et il l'a suffisamment démontré aux yeux du monde entier. Il a pardonné toutes les souffrances et les injustices qu'on lui a infligées. Et il veut que nous pardonnions comme il l'a fait, mais ce ne sera pas possible. Nous ne pourrons pas pardonner comme lui, parce que nous avons vécu le pire, nous avons tout perdu. Nous avons besoins de justice, nous avons besoin d'indemnisation.
Propos recueillis par
H.O
L'inter: Dites-nous les raisons de la création de votre mouvement et quelles sont les actions que vous avez menées depuis son existence.
Sanogo Mamadou: C'est depuis notre détention à la préfecture de police au Plateau suite à la répression sanglante de la marche du 16 décembre 2010 sur la RTI, que l'idée nous est venue de créer ce mouvement que nous avons baptisé COVIBAG (Collectif des victimes de la barbarie de Gbagbo). Nous étions 330 détenus dont 17 femmes qui ont été violées. Nous avons donc décidé de nous constituer en collectif afin que, une fois sortis de là, nous puissions réclamer justice, ensuite l'indemnisation et la réinsertion des victimes. Après notre libération suivie immédiatement par la création du collectif, j'ai pu joindre M. Salvador, représentant Amnesty France département Ouest-Afrique. Malheureusement celui-ci n'a pu se rendre en Côte d'Ivoire en janvier pour des raisons de sécurité. Ensuite, le 22 janvier nous avons reçu deux représentants de Amnesty international pour trois semaines de travail avec la majorité des victimes. Notre deuxième action a été une rencontre avec une représentante de Human Rights Watch venue du Sénégal. Après cela, nous avons abordé les cérémonies de remerciement des forces qui ont neutralisé les armes lourdes que Gbagbo utilisait contre les populations et dont l'intervention a permis de mettre fin à la crise post-électorale. La première cérémonie a eu lieu à l'ONUCI où nous sommes allés dire merci aux casques bleus pour leur contribution à la paix. Ensuite nous avons mis le cap sur le camp de la Licorne à Port-Bouët, où nous avons transmis au commandant de ladite force notre message de remerciement, de félicitation et d'encouragement au président Nicolas Sarkozy. Après cela, nous avons fait une tournée dans toutes les communes du District d'Abidjan pour recenser les victimes afin que chacun soit dédommagé. Le samedi 2 juillet à 8 heures, nous serons à la Pergola pour manifester jusqu'à ce que les cadres LMP qui y sont soient déférés à la Maca. Parce que nous ne pouvons pas comprendre que ceux qui ont incité à la haine, au massacre, soient dans un hôtel de luxe au frais du contribuable tandis que les victimes souffrent.
Une mission de la CPI séjourne en Côte d'Ivoire. Qu'attendez-vous de cette juridiction?
La CPI avait donné un délai d'un mois pour déposer les plaintes. Le collectif des avocats avec qui nous travaillons va déposer dans un bref délai des plaintes devant cette juridiction, au nom de toutes les victimes recensées par nos soins. Il y a beaucoup de plaintes individuelles notamment contre le commandant du CeCos, l'ex-commandant de la Garde Républicaine, le commandant supérieur de la gendarmerie, le président Laurent Gbagbo, des commissaires de police, Mme Bro Grébé et bien entendu Charles Blé Goudé et Mian Augustin de la FESCI. Au total, il y a plus de 1200 plaintes contre ces personnes. Nous allons manifester jusqu'à ce que notre opinion soit prise en compte. Parce que quand on parle de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation, il n'y a pas le mot justice là-dedans. Nous ne sommes pas d'accord. Nous disons qu'il faut y insérer le mot justice, parce qu'il faut établir la justice avant d'aller à la réconciliation. Qui doit pardonner à qui? C'est nous les victimes qui devons pardonner mais auparavant que fait-on de la vie des 1200 blessés par balles? Les 3000 morts? Les femmes violées? Ce qui nous fait mal aussi c'est que le chef de l'Etat reçoit nos bourreaux, ainsi que l'ancien Premier ministre Charles Konan Banny, mais jamais les victimes n'ont été reçues. Il faut qu'il nous reçoive pour qu'on puisse s'expliquer. Il faut tenir compte de l'opinion et de la situation des victimes pour que la réconciliation soit effective. Ceux qui sont à l'extérieur et qui ont commis des atrocités doivent revenir au pays pour s'expliquer et ensemble on ira ensuite à la réconciliation. Après la justice et le dédommagement des victimes. Donc, Banny a une responsabilité énorme.
Vous dites avoir travaillé avec les organisations internationales de défense des droits humains comme Amnesty et Human Rights Watch. Pourtant ces mêmes organisations soutiennent que des chefs de guerre des FRCI ont commis des massacres et que Alassane Ouattara peut être poursuivi comme Laurent Gbagbo. Qu'en dites-vous?
Les chefs de guerre des FRCI n'ont jamais commis de massacre. Je pense que ce sont les chefs de guerre qui ont protégé les différentes villes de Côte d'Ivoire, sinon parmi les victimes, beaucoup allaient se venger. C'est par l'entremise des chefs de guerre que le pays a retrouvé la paix. Bien entendu, c'est ceux qui s'opposaient à la paix en tirant sur eux qui ont été massacrés. Je pense qu'Amnesty et Human Rights Watch doivent revoir leur copie parce que ce sont les chefs de guerre qui veillent à la sécurité des responsables LPM dont certains continuent de tenir des propos incendiaires dans la presse. Pour ce qui est du président Alassane Ouattara, je crois qu'il n'y a pas homme plus pacifique que ce monsieur et il l'a suffisamment démontré aux yeux du monde entier. Il a pardonné toutes les souffrances et les injustices qu'on lui a infligées. Et il veut que nous pardonnions comme il l'a fait, mais ce ne sera pas possible. Nous ne pourrons pas pardonner comme lui, parce que nous avons vécu le pire, nous avons tout perdu. Nous avons besoins de justice, nous avons besoin d'indemnisation.
Propos recueillis par
H.O