Pendant ses dix ans de règne, Laurent Gbagbo a abusé des moyens de l’Etat pour semer la discorde au sein des partis d’opposition. Voilà que trois mois après sa chute, son clan se déchire. C’est la rançon d’une politique meublée de crimes et de sordides manœuvres visant à décapiter les adversaires.
C’est un secret de polichinelle. Le FPI de Laurent Gbagbo a mal, très mal... à la tête. Le départ aussi inattendu que choquant du N°2 de l’ex-régime, Mamadou Koulibaly, sonne comme l’oraison funèbre du Front populaire ivoirien. Alors que des pontes du parti croupissent dans différentes geôles du pays pour avoir commis ou commandité des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, la famille bleue est quasiment aux abois. Mais, rien de vraiment surprenant dans ce feuilleton dramatique qui ne fait que commencer. Mais pour les causes profondes qui font couler les frontistes, tout part véritablement de 2002, c’est-à-dire, deux ans après l’avènement de la Refondation au pouvoir. En effet, élu dans des conditions que lui-même a qualifiées de calamiteuses, Laurent Gbagbo n’a pu s’offrir la majorité au Parlement malgré l’abstention du RDR aux Législatives. Le PDCI-RDA, grand vainqueur de cette joute, ne voit aucun intérêt à composer avec un pouvoir dont l’idéologie est diamétralement opposée à la sienne. La cohabitation des démocrates et des socialistes étant donc impossible, Gbagbo se retourne vers le Général Robert Guéi qu’il a chassé du pouvoir par la rue et les armes en octobre 2000, à l’issue d’un simulacre de présidentielle. Habile en la matière, il arrive à emballer l’ex-patron de la junte militaire qui lui file ses 15 députés, ce qui lui permet d’avoir une majorité à l’hémicycle. Cette alliance facilitera le vote des lois organiques dont les plus importantes sont celles concernant la création des Conseils généraux et l’Assurance Maladie Universelle, qui lui tenaient particulièrement à cœur. En contrepartie, le nouveau parti du Général Guéi, l’UDPCI, devait s’en tirer avec un certain nombre de postes ministériels dans le gouvernement Affi N’Guessan. Les choses semblaient bien rouler jusqu’au 1er août 2002. Ce jour-là, Balla Kéita, le Secrétaire général du parti arc-en-ciel est assassiné à son domicile à Ouagadougou, dans la capitale du Burkina Faso. Pendant que l’UDPCI s’interroge sur le mobile de ce crime crapuleux, Laurent Gbagbo et ses hommes qui ourdissaient déjà la rupture de l’alliance, voient là une belle occasion de frapper. Nonobstant la vive douleur qui tourmente le parti, Affi procède à un remaniement ministériel et fait entrer Gilbert Bleu Lainé, un militant UDPCI qui n’était plus en odeur de sainteté avec le Général Robert Guéi. L’acte est si choquant que le bureau politique du parti, suite à la requête des Secrétaires de sections, demande au Gal Guéi de rompre l’alliance avec le FPI. Une semaine plus tard, soit le le 13 septembre 2002, le Général donne une conférence de presse au Sofitel (actuel Pullman) au Plateau. Conférence au cours de laquelle, l’ex chef de l’Etat présente Gbagbo comme un boulanger qui roule simultanément partenaires et adversaires dans la farine. Un vrai dépit d’amour qui poussera le président Guéi à appeler le chef de file de la Refondation à faire attention à sa propre faire qui pourrait lui boucher les narines, s’il n’y prenait garde.
Plutôt que de tirer profit de ce conseil et relancer l’alliance, le FPI a gardé dents contre le Général, oubliant l’inestimable soutien qu’il lui a apporté et qui lui a permis de consolider le pouvoir de Gbagbo. Quand dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 septembre 2002, Abidjan est attaquée, le régime en profite pour faire la peau à Robert Guéi qu’il assassine froidement avec 17 membres de sa famille. D’Italie où ils étaient en visite, Gbagbo et son complice, le Cardinal Bernard Agré, ont cautionné l’exécution de l’ex-président de la République puisque Guéi a été extrait de la Cathédrale par ses bourreaux qui l’ont tué et jeté dans les herbes à la Corniche, à Cocody. Depuis, le pouvoir FPI ne s’est jamais équilibré. Ce qui était annoncé comme une mutinerie devient une rébellion que le pouvoir n’arrivera jamais à vaincre en dépit de toutes les armes dangereuses amassées au détriment du peuple qui, lui, s’appauvrissait davantage. Après l’assassinat du Général Guéi, Gbagbo et ses hommes s’emploieront à décapiter l’UDPCI, le parti qu’il a fondé le 25 février 2001, car ce parti apparaissait comme un sérieux obstacle à l’hégémonie du FPI dans l’Ouest du pays. La stratégie est toute simple. Provoquer une hémorragie au sein de la formation politique. Les moyens, l’argent du contribuable. C’est alors que des militants sans conviction ni dignité accepteront de liquider leur conscience contre les espèces trébuchantes et sonnantes. Kahé Eric, Tia Monnet Bertine, le député Ouali Tia, Noutoua Youdé, Siki Blon Blaise et même l’un des fils du défunt président, Franck Guéi, sont tombés dans les filets du FPI. Objectif, balkaniser le parti pour recoller les morceaux et en faire une nouvelle, formation politique. Cela aurait pour mérite de faire disparaître les traces de Guéi et mettre l’Ouest montagneux aux pieds du christ de Mama. Au total, sept partis sortiront de l’UDPCI mais, jamais, ils n’ont réussi à l’anéantir. Que n’a-t-on pas entendu sur le compte du Dr Albert Toikeusse Mabri, président de l’UDPCI ? Dénigré, vilipendé, il est resté ferme dans sa conviction pour le respect de la mémoire du Général. Même les multiples tentatives d’assassinat dirigées contre lui, ne l’ébranleront pas. Cette ténacité lui vaudra par la suite d’être dans les bonnes grâces de ses aînés, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara qui lui ont confié des responsabilités accrues au sein du RHDP. L’UDPCI, même si elle a été la cible principale du FPI, n’était pas le seul ennemi à abattre. La farouche détermination de Gbagbo à affaiblir ou faire disparaître les partis d’opposition visait également le PDCI et le RDR. Zémogo Fofana, Jean Jacques Béchio et bien d’autres têtes du parti d’Alassane Ouattara sont aussi passés à la caisse de la haute corruption. Au PDCI, Laurent Dona Fologo, Gnamien Yao, Henriette Lagou, Atsé Jean Claude, Marcel Dibona, l’ex- Gouverneur du District de Yamoussoukro N’Dri Apollinaire, N’Zi Paul David et bien d’autres se sont laissés prendre au piège de la refondation. Fier des quelques succès de sa honteuse aventure de déstabilisation des partis adversaires, Gbagbo déclarait publiquement, en 2007 : ‘’Si je savais que l’argent pouvait facilement acheter les hommes, je n’achèterais pas autant d’rames’’. Un regret qui montre bien qu’il a effectivement acheté des consciences. Trois mois après sa capture et sa déchéance, le sort qu’il aurait tant voulu voir s’abattre sur les autres se retourne contre lui et son parti. Au moment où l’on s’attendait à ce que la famille de la refondation se resserre les coudes, tout s’écroule comme un château de cartes. Mamadou Koulibaly, pour n’avoir pas été compris, a claqué la porte. Avec lui, d’autres pontes du parti. Une déchirure qui intervient à un moment où le FPI est totalement déboussolé. C’est dur, c’est pénible ! Mais c’est le prix du péché. La farine remonte par les narines et l’asphyxie ne fait que commencer. Pour la première fois en Côte d’Ivoire, un parti politique va mourir de sa propre mort. La mal est bien dans le fruit et non à l’extérieur. Triste fin de parcours qui ressemble fort à une malédiction.
MASS DOMI
massoueudomi@yahoo.fr
C’est un secret de polichinelle. Le FPI de Laurent Gbagbo a mal, très mal... à la tête. Le départ aussi inattendu que choquant du N°2 de l’ex-régime, Mamadou Koulibaly, sonne comme l’oraison funèbre du Front populaire ivoirien. Alors que des pontes du parti croupissent dans différentes geôles du pays pour avoir commis ou commandité des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, la famille bleue est quasiment aux abois. Mais, rien de vraiment surprenant dans ce feuilleton dramatique qui ne fait que commencer. Mais pour les causes profondes qui font couler les frontistes, tout part véritablement de 2002, c’est-à-dire, deux ans après l’avènement de la Refondation au pouvoir. En effet, élu dans des conditions que lui-même a qualifiées de calamiteuses, Laurent Gbagbo n’a pu s’offrir la majorité au Parlement malgré l’abstention du RDR aux Législatives. Le PDCI-RDA, grand vainqueur de cette joute, ne voit aucun intérêt à composer avec un pouvoir dont l’idéologie est diamétralement opposée à la sienne. La cohabitation des démocrates et des socialistes étant donc impossible, Gbagbo se retourne vers le Général Robert Guéi qu’il a chassé du pouvoir par la rue et les armes en octobre 2000, à l’issue d’un simulacre de présidentielle. Habile en la matière, il arrive à emballer l’ex-patron de la junte militaire qui lui file ses 15 députés, ce qui lui permet d’avoir une majorité à l’hémicycle. Cette alliance facilitera le vote des lois organiques dont les plus importantes sont celles concernant la création des Conseils généraux et l’Assurance Maladie Universelle, qui lui tenaient particulièrement à cœur. En contrepartie, le nouveau parti du Général Guéi, l’UDPCI, devait s’en tirer avec un certain nombre de postes ministériels dans le gouvernement Affi N’Guessan. Les choses semblaient bien rouler jusqu’au 1er août 2002. Ce jour-là, Balla Kéita, le Secrétaire général du parti arc-en-ciel est assassiné à son domicile à Ouagadougou, dans la capitale du Burkina Faso. Pendant que l’UDPCI s’interroge sur le mobile de ce crime crapuleux, Laurent Gbagbo et ses hommes qui ourdissaient déjà la rupture de l’alliance, voient là une belle occasion de frapper. Nonobstant la vive douleur qui tourmente le parti, Affi procède à un remaniement ministériel et fait entrer Gilbert Bleu Lainé, un militant UDPCI qui n’était plus en odeur de sainteté avec le Général Robert Guéi. L’acte est si choquant que le bureau politique du parti, suite à la requête des Secrétaires de sections, demande au Gal Guéi de rompre l’alliance avec le FPI. Une semaine plus tard, soit le le 13 septembre 2002, le Général donne une conférence de presse au Sofitel (actuel Pullman) au Plateau. Conférence au cours de laquelle, l’ex chef de l’Etat présente Gbagbo comme un boulanger qui roule simultanément partenaires et adversaires dans la farine. Un vrai dépit d’amour qui poussera le président Guéi à appeler le chef de file de la Refondation à faire attention à sa propre faire qui pourrait lui boucher les narines, s’il n’y prenait garde.
Plutôt que de tirer profit de ce conseil et relancer l’alliance, le FPI a gardé dents contre le Général, oubliant l’inestimable soutien qu’il lui a apporté et qui lui a permis de consolider le pouvoir de Gbagbo. Quand dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 septembre 2002, Abidjan est attaquée, le régime en profite pour faire la peau à Robert Guéi qu’il assassine froidement avec 17 membres de sa famille. D’Italie où ils étaient en visite, Gbagbo et son complice, le Cardinal Bernard Agré, ont cautionné l’exécution de l’ex-président de la République puisque Guéi a été extrait de la Cathédrale par ses bourreaux qui l’ont tué et jeté dans les herbes à la Corniche, à Cocody. Depuis, le pouvoir FPI ne s’est jamais équilibré. Ce qui était annoncé comme une mutinerie devient une rébellion que le pouvoir n’arrivera jamais à vaincre en dépit de toutes les armes dangereuses amassées au détriment du peuple qui, lui, s’appauvrissait davantage. Après l’assassinat du Général Guéi, Gbagbo et ses hommes s’emploieront à décapiter l’UDPCI, le parti qu’il a fondé le 25 février 2001, car ce parti apparaissait comme un sérieux obstacle à l’hégémonie du FPI dans l’Ouest du pays. La stratégie est toute simple. Provoquer une hémorragie au sein de la formation politique. Les moyens, l’argent du contribuable. C’est alors que des militants sans conviction ni dignité accepteront de liquider leur conscience contre les espèces trébuchantes et sonnantes. Kahé Eric, Tia Monnet Bertine, le député Ouali Tia, Noutoua Youdé, Siki Blon Blaise et même l’un des fils du défunt président, Franck Guéi, sont tombés dans les filets du FPI. Objectif, balkaniser le parti pour recoller les morceaux et en faire une nouvelle, formation politique. Cela aurait pour mérite de faire disparaître les traces de Guéi et mettre l’Ouest montagneux aux pieds du christ de Mama. Au total, sept partis sortiront de l’UDPCI mais, jamais, ils n’ont réussi à l’anéantir. Que n’a-t-on pas entendu sur le compte du Dr Albert Toikeusse Mabri, président de l’UDPCI ? Dénigré, vilipendé, il est resté ferme dans sa conviction pour le respect de la mémoire du Général. Même les multiples tentatives d’assassinat dirigées contre lui, ne l’ébranleront pas. Cette ténacité lui vaudra par la suite d’être dans les bonnes grâces de ses aînés, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara qui lui ont confié des responsabilités accrues au sein du RHDP. L’UDPCI, même si elle a été la cible principale du FPI, n’était pas le seul ennemi à abattre. La farouche détermination de Gbagbo à affaiblir ou faire disparaître les partis d’opposition visait également le PDCI et le RDR. Zémogo Fofana, Jean Jacques Béchio et bien d’autres têtes du parti d’Alassane Ouattara sont aussi passés à la caisse de la haute corruption. Au PDCI, Laurent Dona Fologo, Gnamien Yao, Henriette Lagou, Atsé Jean Claude, Marcel Dibona, l’ex- Gouverneur du District de Yamoussoukro N’Dri Apollinaire, N’Zi Paul David et bien d’autres se sont laissés prendre au piège de la refondation. Fier des quelques succès de sa honteuse aventure de déstabilisation des partis adversaires, Gbagbo déclarait publiquement, en 2007 : ‘’Si je savais que l’argent pouvait facilement acheter les hommes, je n’achèterais pas autant d’rames’’. Un regret qui montre bien qu’il a effectivement acheté des consciences. Trois mois après sa capture et sa déchéance, le sort qu’il aurait tant voulu voir s’abattre sur les autres se retourne contre lui et son parti. Au moment où l’on s’attendait à ce que la famille de la refondation se resserre les coudes, tout s’écroule comme un château de cartes. Mamadou Koulibaly, pour n’avoir pas été compris, a claqué la porte. Avec lui, d’autres pontes du parti. Une déchirure qui intervient à un moment où le FPI est totalement déboussolé. C’est dur, c’est pénible ! Mais c’est le prix du péché. La farine remonte par les narines et l’asphyxie ne fait que commencer. Pour la première fois en Côte d’Ivoire, un parti politique va mourir de sa propre mort. La mal est bien dans le fruit et non à l’extérieur. Triste fin de parcours qui ressemble fort à une malédiction.
MASS DOMI
massoueudomi@yahoo.fr