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Politique Publié le mardi 19 juillet 2011 | Le Patriote

Interview / Pr. Barthélémy Kotchy charge : “Gbagbo a trahi, il doit rendre compte”

Dans cet extrait de l'interview accordée à ONUCI.FM et diffusé samedi dernier, le Pr. Barthélémy Kotchy, membre fondateur du FPI, dresse le bilan des années de règne de l'ancien chef de l'Etat, Laurent Gbagbo
Onuci-fm : Pr Barthélémy Kotchy, on ne vous entend plus depuis quelques temps, êtes-vous fâché avec la politique ?
Pr Barthélémy Kotchy : Non, je ne suis pas fâché avec la politique, mais la politique m'a fait peur. Quand mon jeune frère Gbagbo a pris le pouvoir, nous avons estimé qu'il n'était pas bon que nous nous mettions en retrait. Donc Memel, moi et Oupoh avons décidé d'aller aider les jeunes gens. Mais nous avons été grandement déçus. Nous avons milité en France au sein de la FEANF et l'association des étudiants ivoiriens avait suivi la voie tracée par la FEANF. Malheureusement, ceux que nous prenions pour de vrais révolutionnaires ne l'étaient pas. Donc, nous étions déçus. Le Pr. Wandji et moi et d'autres, nous faisions ce que nous pouvions pour les aider. Mais au fil du temps, ils se sont dit qu'ils étaient capables de gouverner seuls le pays, alors nous avons regardé faire. En définitive, nous nous sommes rendu compte que la Côte d'Ivoire était en train de sombrer (…) Et le pire est arrivé. Notre Président, Gbagbo, a été arrêté. Les jeunes gens ont compté sur Mamadou Koulibaly, et voilà que lui aussi se retire aujourd'hui de la direction du FPI.

OFM : Le départ de Mamadou Koulibaly était-il prévisible ?
BK : Son départ était effectivement prévisible, surtout lorsqu'il a eu des démêlés avec Tagro. Les gens en ont fait une affaire de tribu, j'ai suivi cela de près. Bien qu'il ait une formation politique solide, Mamadou Koulibaly a un bon sens très important : il dit ce que les autres ne peuvent pas dire. Un jeune homme comme cela, on fait tout pour le garder. Or, j'apprends qu'il a démissionné du FPI.

OFM : Faut-il le condamner ?
BK : Je n'ai pas à le condamner. Les gens ont géré de façon tribale le litige qui l'a opposé à Tagro, et ce qui devait arriver est arrivé.

OFM : Vous dites que vous vous êtes rendu compte, chemin faisant, que ceux que vous preniez pour des révolutionnaires, ne l'étaient pas. Pour vous, Gbagbo a-t-il trahi un idéal ?
BK : Nous avions beaucoup compté sur Gbagbo. C'est un monsieur brave, qui n'a pas peur du danger (…) Quand tu prends le pouvoir, tu ne dois pas oublier ce que tu as dit…

OFM : Qu'est-ce que Gbagbo devrait faire et qu'il n'a pas fait ?
BK : La première des choses, c'est que Gbagbo devrait être un homme vraiment de gauche. Parce qu'ici, les jeunes gens se disent de gauche, mais ce sont des histoires. Gbagbo devrait avoir un programme de gouvernement, malheureusement, je n'ai pas vu le programme de Gbagbo quand il est arrivé au pouvoir. On ne dirige pas un pays comme la Côte d'Ivoire en s'amusant. Et puis, il a laissé faire : c'était le désordre. C'est ça qui a tué Gbagbo.

OFM : Gbagbo a-t-il été victime de son entourage ?
BK : Je dirai qu'il a été victime de son entourage. Il a donné dans le tribalisme en s'entourant des gens de chez lui. Or, on ne peut faire la révolution en étant tribaliste. A cela, il faut ajouter le fait d'être rigoureux, cela a manqué à Gbagbo. Ceux qui étaient autour de lui avaient peur de lui dire la vérité et ils se sont tous enfoncés.

OFM : Et donc ce fut le divorce entre vous et ceux que vous aviez soutenus…
BK : Je me suis volontairement mis à l'écart, parce qu'à un moment donné, quand vous leur parliez, ils ne vous écoutaient pas, ils disaient tout connaître. Alors, j'ai choisi de les laisser faire (…) Ils ne supportaient pas qu'on leur fasse la moindre remarque.

OFM : A vous entendre, on a l'impression que la crise qu'a connue la Côte d'Ivoire pouvait être évitée.
BK : Oui, ça pouvait être évité. D'abord, pour gouverner un pays, il faut être rigoureux et avoir un objectif que l'on suit. Mais on ne dirige pas un pays en rigolant, sans programme. C'est ce qui a manqué à mon jeune frère Gbagbo, que nous avons admiré et que j'admire encore.

OFM : Aujourd'hui, Alassane est au pouvoir, quel jugement portez-vous sur ses trois premiers mois passés au pouvoir ?
BK : Pour le moment, je ne peux pas dire grand-chose parce qu'il ne fait que commencer. J'étais allé en mission et quand je suis revenu, j'ai constaté qu'Abidjan est devenu plus propre. Ensuite, j'observe qu'il s'emploie à inciter les Ivoiriens à venir à l'heure au travail. Le gros problème dans lequel je crains qu'il tombe, c'est le problème du tribalisme, parce que nos frères du nord croient que c'est leur tour (…) Il faut éviter le tribalisation. N'importe quel chef d'Etat qui tombe dans ce défaut est foutu. Il faut être intransigeant là-dessus : mettre chacun à la place qu'il faut. Je pense qu'Alassane peut réussir, parce qu'il est travailleur : mais il faut faire en sorte qu'on ne le soupçonne pas d'avoir le regard tourné vers le Nord seul. Il a été élu pour diriger la Côte d'Ivoire. (…)

OFM : Comment voyez-vous la question de réconciliation nationale?
BK : Je vais d'abord faire remarquer que la voie que le président de la République a choisie a un petit défaut ; il faut d'abord que les Ivoiriens se disent la vérité. Qu'ils parlent des fautes qui ont été commises et alors seulement on peut aller à la réconciliation.

OFM : Que pensez-vous de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation mise en place par le Chef de l'Etat ?
BK : Justement, il faut que, dans le cadre de cette structure, on se dise la vérité. Et après on ira à la réconciliation. En Côte d'Ivoire, au lieu de soigner la plaie, on la laisse et on continue. C'est ce qui a tué ce pays. La Côte d'Ivoire a peur de la vérité (…)

OFM : Gbagbo est aujourd'hui en résidence surveillée dans le Nord. Des voix s'élèvent pour demander sa libération, quel est votre point de vue sur la question ?
BK : C'est bien d'arrêter Gbagbo, mais est-ce que ça va résoudre tous ces problèmes ? Moi, je pense qu'il faudrait qu'il sorte pour qu'ensemble nous analysions les problèmes, qu'on lui donne la parole aussi, pour que la Côte d'Ivoire redémarre.

OFM : Qu'il vous rende compte, à vous ?
BK : Pas à moi, mais aux Ivoiriens, il faut qu'il vienne rendre compte aux Ivoiriens. Pourquoi il a fait cela, pourquoi il n'a pas pu faire cela.

OFM : Faut-il le juger ?
BK : Le juger ? Je ne sais pas. Quand il aura pris la parole et répondu aux questions, à ce moment-là, vous pourrez le condamner ou pas. Mais vous ne pouvez pas l'écarter, il faut qu'il rende compte au peuple ivoirien. Je ne vous le cache pas, le peuple ivoirien a eu une confiance totale en Gbagbo Laurent. Mais malheureusement, dix ans après, pas grande chose.

OFM : Une confiance trahie ?
BK : Ah oui, il a trahi.
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