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Politique Publié le mardi 19 juillet 2011 | Notre Voie

100 jours du pouvoir Ouattara : “ADO solutions” devient “ADO-problèmes”

Violations massives des droits de l’homme, insécurité préoccupante, paralysie et dysfonctionnement des services publics, système sanitaire désastreux, chute de la croissance économique et paupérisation des populations, accumulation des arriérés de salaires de certains fonctionnaires…Ainsi va la Côte d’Ivoire, depuis le 11 avril 2011. Pour ses 100 jours, le pouvoir Ouattara est plutôt inquiétant. « ADO solutions» est en réalité un leurre, « ADO-problèmes».
Des millions d’Ivoiriens réfugiés à l’étranger, ce n’était jamais arrivé. La Côte d’Ivoire était plutôt une terre d’accueil pour les réfugiés des autres pays africains. Plus de trois mois après la fin de la crise post électorale, les Ivoiriens réfugiés au Ghana, Libéria, en Guinée etc. hésitent à prendre le chemin du retour. Pour prendre part à l’œuvre de la reconstruction qui s’annonce, difficile, au regard des attentes. La fin de la belligérance et les appels des nouveaux dirigeants ivoiriens n’ont pas réussi à ramener la sérénité chez les populations déplacées. Cette situation est la preuve manifeste du climat politique délétère qui règne dans le pays. Le régime Ouattara s’est lancé dans une traque systématique contre les partisans de Laurent Gbagbo. Depuis le 11 avril, les pro-Gbagbo vivent dans la terreur et la clandestinité. Ils sont recherchés, arrêtés, et tués. Le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan, et les deux autres vice-présidents, Simone Gbagbo et Sangaré Abou Drahamane, sont détenus arbitrairement dans le nord du pays, fief du nouveau chef de l’Etat. Faut-il rappeler que Simone Gbagbo est députée de la circonscription d’Abobo, et qu’à ce titre, elle bénéficie d’une humilité parlementaire. Plus de 50 autres cadres influents du FPI sont également en détention, dans les mêmes conditions. Dans l’administration publique, les partisans de Laurent Gbagbo subissent le même traitement. Ils sont systématiquement relevés de leurs postes ou limogés au profit des pro-Ouattara. Nous sommes bien dans les prémisses d’une dictature. Alassane Ouattara cherche à liquider l’opposition pour asseoir son régime. Depuis le 11 avril, les libertés publiques, fondement de toute démocratie, sont sérieusement menacées. Il en est de même pour la liberté d’opinion. Faut-il indiqué ici que les sièges des journaux de l’opposition notamment celui du quotidien Notre Voie sont illégalement occupés, depuis des mois, par les éléments des Frci, forces pro-Ouattara.

La réconciliation
piétine

Au regard des tueries massives lors de la crise post électorale, la réconciliation nationale s’imposait comme un chantier important pour donner la chance à la Côte d’Ivoire de rebondir. Après trois mois, ce chantier est loin d’avoir été lancé. En dehors des déclarations de principe, aucun acte concret n’a été posé dans le sens de la réconciliation. Le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, a nommé le président de la commission « dialogue, vérité et réconciliation », en la personne de l’ex-Premier ministre, Charles Konan Banny. Son choix est visiblement loin de faire l’unanimité même au sein du Rhdp et du Pdci dont il est pourtant l’un des membres du bureau politique. De nombreux ivoiriens doutent de la capacité de Konan Banny, à réconcilier les populations profondément divisées depuis septembre 2002. Le gouffre entre les Ivoiriens s’élargit chaque jour. A l’aune d’un paradoxe flagrant. Des Ivoiriens sont pourchassés, arrêtés et emprisonnés pour leur appartenance ethnique et politique. Dans le même temps, ils sont invités à la table de la réconciliation nationale. La paire justice et réconciliation n’est pas en symbiose. On a le net sentiment que la justice est orientée contre un camp. Tous les jours, les dignitaires du pouvoir Ouattara proclament sur les chaînes que Laurent Gbagbo et ses co-détenus seront condamnés, alors même que le procès n’a pas encore eu lieu. Ces déclarations des nouveaux tenants du pouvoir ont conduit des observateurs nationaux et internationaux à dénoncer une « justice des vainqueurs ».

Sécurité nulle

Depuis l’arrivée d’Alassane Dramane Ouattara au pouvoir, la situation sécuritaire est allée de mal en pis, au point où le pays baigne dans une espèce de confusion. Le régime prend les allures de vieilles dictatures. Comparables à celles qui ont régné en Afrique de 1960 à 1990. Tout se passe en Côte d’Ivoire comme si l’Etat s’était écroulé. L’on est quasiment dans une situation de sécurité Zéro. Chaque jour, on dénonce des enlèvements et des exécutions sommaires. Les campements, villages, et les villes en sont le théâtre. Des femmes sont victimes de viol, des populations massacrées dans les villages, des biens et des richesses volés, des domiciles et des véhicules braqués. Les Ivoiriens n’ont pas la quiétude pour vaquer librement à leurs occupations. Le pays vit dans la terreur et le désordre. Les Frci, forces pro-Ouattara, se comportent comme des « guerrieros ». Elles violent la loi en toute impunité. Les organisations des droits de l’homme ont, d’ailleurs, dénoncé ces travers dans leurs différents rapports. Aujourd’hui, beaucoup d’Ivoiriens, n’ont pas confiance en ces forces pro-Ouattara. Ils continuent de les voir comme l’ex-rébellion des Forces Nouvelles. Et les forces pro-Ouattara n’ont pas changé leurs agissements d’un iota. Certes la nouvelle hiérarchie a été désignée, mais l’existence des commandants de zone, fait bizarre pour beaucoup d’Ivoiriens.

Justice inexistante

La justice est quasi inexistante. Sa relique est également aux ordres du pouvoir en place.La plupart des commissariats et des brigades de gendarmerie ne fonctionnent pas. Beaucoup sont détruites ou manquent du minimum. Des milliers de policiers ont déserté leurs postes. Il est difficile voire impossible, d’ester en justice. Cela est d’autant plus préoccupant que des milliers de bandits de grand chemin circulent en toute liberté depuis l’ouverture des portes des prisons. La présence des Frci dans certains commissariats et brigades de gendarmerie est un facteur qui repousse les Ivoiriens qui veulent porter plainte. Finalement, les Frci sont, à la fois, l’armée, la police, la gendarmerie, les eaux forêts et la douane. Une véritable confusion que l’Onuci, allié du pouvoir Ouattara, a été obligée de dénoncer.
Le racket de plus en plus exagéré

Le racket très décrié sous Houphouët, Bédié et Gbagbo, a pris une dimension exagérée depuis l’arrivée au pouvoir de Ouattara. Plusieurs responsables des associations de commerçants et de transporteurs dénoncent une dérive exagérée du phénomène. Adama Touré, responsable de la coordination des gares routières, n’a pas mâché ses récriminations à ce propos envers le pouvoir Ouattara. Les Frci exigent des rançons aux populations pour libérer les personnes qu’elles tiennent en otages. Dans certaines contrées reculées, les populations sont obligées de lever des cotisations qui se chiffrent parfois à des millions fcfa pour obtenir la libération d’un proche. Cette pratique est monnaie courante à l’intérieur du pays. A Abidjan et dans certaines grandes villes, les Frci obligent les habitants des quartiers à lever des cotisations pour leur sécurité. A Cocody-Angré, l’on parle de 5000 fcfa par mois, pour chaque maison. Ceux qui refusent sont menacés ou agressés. Les camions de café- cacao paient des sommes faramineuses aux Frci pour l’acheminement des produits. Dans les localités comme Agnibilékro et Issia, les transporteurs paient autour de 250.000 fcfa par camion.

200 fcfa pour le kilogramme de cacao

L’économie ivoirienne a dégringolé de façon spectaculaire en trois mois. De 4%, la Côte d’Ivoire se retrouve avec une croissance négative qui oscille entre -3% et -7%. D’après les projections des experts, cette tendance pourrait être maintenue jusqu’à la fin de l’année. Le prix du cacao, le produit far de l’économie, a subi le même sort. De 1100 francs CFA, il est passé à 300fcfa voire 200 fcfa bord champ. Le secteur industriel n’est pas mieux logé. Des centaines d’entreprises ont fermé. Beaucoup d’autres pourraient fermer dans les mois à venir si l’Etat n’intervient pas pour les aider à supporter les factures colossales des pillages. La plupart des entreprises tournent au ralenti en raison du climat d’insécurité qui règne dans le pays. La conséquence directe de cette situation est la recrudescence du taux de chômage. Plusieurs travailleurs ont perdu leur emploi au cours des trois derniers mois. En plus de ce sombre tableau, il y a celui de la dette du pays qui a flambé de façon exponentielle. Le gouvernement a contracté des prêts qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliards de fcfa auprès des bailleurs de fonds.

Des arriérés de salaire

Sous Alassane Dramane Ouattara, les fonctionnaires ivoiriens connaissent des difficultés liées au salaire. Depuis le renversement du régime Gbagbo, plusieurs travailleurs des institutions de la République attendent le paiement de leurs arriérés de salaire. Les députés ont trois mois d’arriérés ; les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas payés depuis quatre mois. La situation est identique pour le petit personnel du palais présidentiel. Même les retraités ne sont pas en reste. Certains ont deux mois d’arriérés, d’autres en ont trois. Le nouveau chef de l’Etat a supprimé certains avantages acquis sous le régime précédent. Les corps habillés ont subi une ponction de 50.000 francs CFA sur leur salaire .Qui représentait la prime d’encouragement octroyée aux soldats. Dans les régies financières et dans d’autres corps professionnel, il se murmure des réductions de salaire. Au niveau du paiement, il y a là aussi un changement. Les virements des fonctionnaires ne se font plus le 25 du mois comme sous Laurent Gbagbo. Les travailleurs perçoivent leur paie, un peu plus tard, quelques fois même, après le 10 du mois prochain.

Bilan : Zéro

En 100 jours de pouvoir, le nouveau chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, n’a pas rassuré. Il a été incapable de montrer de bonnes dispositions sur les préoccupations urgentes des Ivoiriens. La crise politique, les problèmes sociaux et la situation économique n’ont pas connu une esquisse de résolutions. Ouattara a mal démarré son mandat. Cela est inquiétant parce qu’aujourd’hui, les 100 premiers jours d’un régime constitue un indicateur important pour connaître son évolution. Alassane Dramane Ouattara avait annoncé une « transformation » totale de la Côte d’Ivoire en l’espace de 5 ans. « Donnez-moi 5 ans seulement, je transformerai la Côte d’Ivoire », a-t-il affirmé pendant la campagne électorale. « ADO solutions », son slogan de campagne, se présente aujourd’hui comme une illusion. Le candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a été présenté comme « le messie » par ses soutiens extérieurs. Le président américain, Barack Obama, avait dit que « la Côte d’Ivoire mérite un homme comme Ouattara ». Au vu des 100 jours, « Ado-solutions » devient « Ado problèmes ». Il a dû mal à faire décoller le pays. Chaque jour, la Côte d’Ivoire s’enfonce un peu plus et les Ivoiriens perdent espoir. Les prétendues solutions d’Alassane Ouattara aux problèmes de la Côte d’Ivoire sont en vérité des problèmes. Alassane Ouattara n’a pas le droit de décevoir. Il doit absolument réussir pour respecter sa parole. Pour de début de mandat, il inquiète, mais comme le disent les anglosaxons, « let’s wait and see », peut-être surprendra-t-il les Ivoiriens !


César Ebrokié
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