La nouvelle armée de Ouattara n’est rien d’autre qu’une juxtaposition incongrue de forces régulières qui font peur au pouvoir et d’ex-rebelles à problème qui ignorent tout des valeurs d’une armée réellement républicaine.
Evoquer la «nouvelle armée ivoirienne» est, en réalité, abusif pour l’heure. Il convient plutôt de parler de «l’armée ivoirienne dans une situation nouvelle». Si l’on peut parler encore d’une armée en tant qu’une institution homogène cohérente qui est en phase avec sa mission. Car la «nouvelle armée de Ouattara» n’est rien d’autre qu’une juxtaposition incongrue de forces régulières qui font peur au pouvoir et d’ex-rebelles à problème qui ignorent tout des valeurs d’une armée réellement républicaine. Ces deux entités distinctes à tout point et opposées quant à leurs motivations, qui se sont affrontées pour des objectifs différents lors de la crise post électorale, représentent les deux visages de ce que nous efforçons d’appeler «nouvelle armée». D’une part les «Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci)» qui sont les ex-rebelles. Elles ont participé au coup d’Etat qui a renversé Laurent Gbagbo le 11 avril 2011 en qualité de« forces pro Ouattara». Ces éléments se subdivisent en deux groupes. Les «vraies» Frci, selon la hiérarchie, seraient aux nombre de 9000 élément répertoriés. Parmi eux, 3000 rempliraient les normes de niveau d’études requis pour intégrer la grande muette. Ces privilégiés constituent la crème des Frci. Ce sont les éléments «présentables» qui côtoient les officiels, assurent la garde rapprochée du pouvoir et sécurise le service public. Les autres, ceux qui ne justifient pas de «diplômes», sont présentés par les nouvelles autorités tantôt comme des «éléments incontrôlés», tantôt comme des «bandits en tenue» qui auraient infiltré les rangs des Frci dans la confusion pour se livrer à des pillages. Traités de brebis galeuses, ces éléments sont montrés du doigt comme ceux qui rackettent, commettent des meurtres, des exactions et des braquages. Ces «faux» Frci, sommés de déposer les armes, se sont braqués contre leur «employeur». Face à leur réticence, il était question de les désarmer par la force. Mais l’opération a tourné court, vu les risques de crise interne que cela comportait.
Des motivations différentes
A côté de ces éléments des Frci, qu’ils soient faux ou vrais, on remarque aussi les dozos et autres acteurs traditionnels à qui l’on prête des pouvoirs surnaturels et qui ont pris part à l’aventure, dans le sillage de la rébellion. Tout ce beau monde appartient au même univers des Frci. On les retrouve ensemble dans les casernes, dans les ruines des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, main dans la main. C’est la même famille des ex-rebelles. D’autant plus qu’ils partagent les mêmes préoccupations qui tiennent leur survie. Ils ne perçoivent pas de solde. Et tandis que certains espèrent la régularisation de leur situation dans la nouvelle armée, d’autre attende le pécule qu’on leur aurait promis, «au moment où ça chauffait». 5 millions de Fcfa, nous dit-on. Mais la hiérarchie ne reconnaît pas avoir fait une telle promesse. Pour le reste, les Frci vivent de racket et d’expédients. En face d’eux, il y a les ex-Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire. Elles constituent l’armée régulière qui faisait front à la rébellion depuis 2002. Ces forces ont combattu aux côtés de la République incarnée lors de la crise postélectorale, en dépit des défections constatées. Ces forces baptisées «pro-Gbagbo» par France 24 ont affronté la coalition internationale conduite par l’armée française, les Forces onusiennes et les soldats des pays de la sous-région qui ont appuyé la rébellion. Après le coup d’Etat, nombre d’entre eux ont pris le chemin de l’exil. Aujourd’hui en disgrâce du fait de leur étique, elles ont été pour la plupart désarmées. Avant d’être appelées à se rallier et à reprendre le service. Eux, ont la chance d’être des fonctionnaires de l’Etat qui touchent un salaire mensuel. Contrairement aux Frci qui broient du noir. Ce qui ne manque pas de frustrer et d’irriter les ex-rebelles qui estiment que cela est injuste. Dans la mesure où «Ce sont les Frci qui ont combattu pour porter Ouattara au pouvoir», disent les plus aigris. La motivation des ex-Fds, c’est de continuer à servir la république et ses institutions. Même si le pouvoir a changé de main. Elles ne se sentent certainement pas concernées par la survie du régime actuel. Mais le drame des éléments des ex-Fds, c’est qu’ils sont soupçonnés d’être restés proches de Laurent Gbagbo et de préparer un coup d’Etat. Beaucoup d’entre eux ont été arrêtés et jetés en prison, tandis que d’autres se cachent. Au niveau de la gendarmerie et de la police, une opération de nettoyage est en cours. Les unités d’élite ont été démantelées et leur commandants débarqués ou sont en fuite. Constamment persécutées, les ex-Fds sont dans l’œil du cyclone, face à un pouvoir que se méfient d’elles. Mais elles ne constituent pas moins les forces régulières qui forment le substrat légal de l’armée ivoirienne.
L’état-major passe d’une à l’autre
La charge de gérer cet ensemble hétéroclite revient désormais à Soumaïla Bakayoko, anciennement chef d’état-major des Forces armée des Forces nouvelles qui ne sont autres que les ex-rebelles. Il remplace Philippe Mangou au poste de chef d’état major de l’armée régulière. Ce dernier ayant été balayé par le nettoyage qui est en cours au sein de l’armée. Pour les nouvelles autorités militaires, il y a du boulot. Notamment, les détails pratiques très embrouillés de la refonte de l’armée, de l’harmonisation des grades des ex-rebelles avec la norme, la lutte contre le racket, le retour des militaires en exil, le fonctionnement normal de tous les corps de défense et de sécurité, les nouveaux critères d’admission dans la police, à la gendarmerie et dans les autres corps, la réhabilitation casernes, des commissariats et brigades attendent. Mais surtout Soumaïla Bakayoko devra «maîtriser» très rapidement la situation sur le terrain, les hommes et les effectifs. Du moment que le flou qui règne trouble le sommeil de son patron. Ouattara voit des coups d’Etat en préparation partout. Il est angoissé à l’idée d’une rébellion. Stressé, le mentor du Rdr se sentirait mieux à l’extérieur, à l’étranger. Le rôle de Bakayoko sera de faire en sorte qu’avec sa nouvelle armée, Ouattara se sente enfin en sécurité dans son pays, la Côte d’Ivoire. Lui qui a demandé à Sarkozy de maintenir la Force Licorne et la base militaire française en Côte d’Ivoire pour assurer sa sécurité. Le temps de pouvoir compter vraiment sur sa nouvelle armée dont le contour reste plus flou que jamais. Car, le défi auquel Ouattara se trouve confronté aujourd’hui est de fondre en un deux corps de nature différentes. Il a affirmé détenir la «solution» miracle qui va lui permettre de constituer une armée moderne et véritablement républicaine avec des ex-rebelles, des dozos, et autres mercenaires sans formation qui vous se joindre aux gendarmes, aux policiers, aux militaires de métier, aux douaniers et aux eaux et forêts dument formés. Une véritable alchimie dont le résultat est loin d’être garantie.
K.K. Maurice
Evoquer la «nouvelle armée ivoirienne» est, en réalité, abusif pour l’heure. Il convient plutôt de parler de «l’armée ivoirienne dans une situation nouvelle». Si l’on peut parler encore d’une armée en tant qu’une institution homogène cohérente qui est en phase avec sa mission. Car la «nouvelle armée de Ouattara» n’est rien d’autre qu’une juxtaposition incongrue de forces régulières qui font peur au pouvoir et d’ex-rebelles à problème qui ignorent tout des valeurs d’une armée réellement républicaine. Ces deux entités distinctes à tout point et opposées quant à leurs motivations, qui se sont affrontées pour des objectifs différents lors de la crise post électorale, représentent les deux visages de ce que nous efforçons d’appeler «nouvelle armée». D’une part les «Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci)» qui sont les ex-rebelles. Elles ont participé au coup d’Etat qui a renversé Laurent Gbagbo le 11 avril 2011 en qualité de« forces pro Ouattara». Ces éléments se subdivisent en deux groupes. Les «vraies» Frci, selon la hiérarchie, seraient aux nombre de 9000 élément répertoriés. Parmi eux, 3000 rempliraient les normes de niveau d’études requis pour intégrer la grande muette. Ces privilégiés constituent la crème des Frci. Ce sont les éléments «présentables» qui côtoient les officiels, assurent la garde rapprochée du pouvoir et sécurise le service public. Les autres, ceux qui ne justifient pas de «diplômes», sont présentés par les nouvelles autorités tantôt comme des «éléments incontrôlés», tantôt comme des «bandits en tenue» qui auraient infiltré les rangs des Frci dans la confusion pour se livrer à des pillages. Traités de brebis galeuses, ces éléments sont montrés du doigt comme ceux qui rackettent, commettent des meurtres, des exactions et des braquages. Ces «faux» Frci, sommés de déposer les armes, se sont braqués contre leur «employeur». Face à leur réticence, il était question de les désarmer par la force. Mais l’opération a tourné court, vu les risques de crise interne que cela comportait.
Des motivations différentes
A côté de ces éléments des Frci, qu’ils soient faux ou vrais, on remarque aussi les dozos et autres acteurs traditionnels à qui l’on prête des pouvoirs surnaturels et qui ont pris part à l’aventure, dans le sillage de la rébellion. Tout ce beau monde appartient au même univers des Frci. On les retrouve ensemble dans les casernes, dans les ruines des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, main dans la main. C’est la même famille des ex-rebelles. D’autant plus qu’ils partagent les mêmes préoccupations qui tiennent leur survie. Ils ne perçoivent pas de solde. Et tandis que certains espèrent la régularisation de leur situation dans la nouvelle armée, d’autre attende le pécule qu’on leur aurait promis, «au moment où ça chauffait». 5 millions de Fcfa, nous dit-on. Mais la hiérarchie ne reconnaît pas avoir fait une telle promesse. Pour le reste, les Frci vivent de racket et d’expédients. En face d’eux, il y a les ex-Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire. Elles constituent l’armée régulière qui faisait front à la rébellion depuis 2002. Ces forces ont combattu aux côtés de la République incarnée lors de la crise postélectorale, en dépit des défections constatées. Ces forces baptisées «pro-Gbagbo» par France 24 ont affronté la coalition internationale conduite par l’armée française, les Forces onusiennes et les soldats des pays de la sous-région qui ont appuyé la rébellion. Après le coup d’Etat, nombre d’entre eux ont pris le chemin de l’exil. Aujourd’hui en disgrâce du fait de leur étique, elles ont été pour la plupart désarmées. Avant d’être appelées à se rallier et à reprendre le service. Eux, ont la chance d’être des fonctionnaires de l’Etat qui touchent un salaire mensuel. Contrairement aux Frci qui broient du noir. Ce qui ne manque pas de frustrer et d’irriter les ex-rebelles qui estiment que cela est injuste. Dans la mesure où «Ce sont les Frci qui ont combattu pour porter Ouattara au pouvoir», disent les plus aigris. La motivation des ex-Fds, c’est de continuer à servir la république et ses institutions. Même si le pouvoir a changé de main. Elles ne se sentent certainement pas concernées par la survie du régime actuel. Mais le drame des éléments des ex-Fds, c’est qu’ils sont soupçonnés d’être restés proches de Laurent Gbagbo et de préparer un coup d’Etat. Beaucoup d’entre eux ont été arrêtés et jetés en prison, tandis que d’autres se cachent. Au niveau de la gendarmerie et de la police, une opération de nettoyage est en cours. Les unités d’élite ont été démantelées et leur commandants débarqués ou sont en fuite. Constamment persécutées, les ex-Fds sont dans l’œil du cyclone, face à un pouvoir que se méfient d’elles. Mais elles ne constituent pas moins les forces régulières qui forment le substrat légal de l’armée ivoirienne.
L’état-major passe d’une à l’autre
La charge de gérer cet ensemble hétéroclite revient désormais à Soumaïla Bakayoko, anciennement chef d’état-major des Forces armée des Forces nouvelles qui ne sont autres que les ex-rebelles. Il remplace Philippe Mangou au poste de chef d’état major de l’armée régulière. Ce dernier ayant été balayé par le nettoyage qui est en cours au sein de l’armée. Pour les nouvelles autorités militaires, il y a du boulot. Notamment, les détails pratiques très embrouillés de la refonte de l’armée, de l’harmonisation des grades des ex-rebelles avec la norme, la lutte contre le racket, le retour des militaires en exil, le fonctionnement normal de tous les corps de défense et de sécurité, les nouveaux critères d’admission dans la police, à la gendarmerie et dans les autres corps, la réhabilitation casernes, des commissariats et brigades attendent. Mais surtout Soumaïla Bakayoko devra «maîtriser» très rapidement la situation sur le terrain, les hommes et les effectifs. Du moment que le flou qui règne trouble le sommeil de son patron. Ouattara voit des coups d’Etat en préparation partout. Il est angoissé à l’idée d’une rébellion. Stressé, le mentor du Rdr se sentirait mieux à l’extérieur, à l’étranger. Le rôle de Bakayoko sera de faire en sorte qu’avec sa nouvelle armée, Ouattara se sente enfin en sécurité dans son pays, la Côte d’Ivoire. Lui qui a demandé à Sarkozy de maintenir la Force Licorne et la base militaire française en Côte d’Ivoire pour assurer sa sécurité. Le temps de pouvoir compter vraiment sur sa nouvelle armée dont le contour reste plus flou que jamais. Car, le défi auquel Ouattara se trouve confronté aujourd’hui est de fondre en un deux corps de nature différentes. Il a affirmé détenir la «solution» miracle qui va lui permettre de constituer une armée moderne et véritablement républicaine avec des ex-rebelles, des dozos, et autres mercenaires sans formation qui vous se joindre aux gendarmes, aux policiers, aux militaires de métier, aux douaniers et aux eaux et forêts dument formés. Une véritable alchimie dont le résultat est loin d’être garantie.
K.K. Maurice