A l’image d’un vieillard qui a un pied dans la tombe, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) se meurt petit à petit. A en juger par l’état de délabrement avancé de ses représentations.
Treichville, avenue 3, rue 8. Juste à l’angle de la rue, un bâtiment datant de l’époque coloniale rappelle de bons vieux souvenirs à un sexagénaire : « C’est ici que le président Houphouet dormait ». En effet, c’est du balcon de cette bâtisse que le premier président de la Côte d’Ivoire s’adressait aux populations. Combien sont-ils à ce souvenir de cela ? Aujourd’hui, la maison aussi vieille que le pays, peut-être plus, est occupée par d’autres personnes qui y vivent et, plus rien ne rappelle le passage du ‘’père de l’indépendance’’. Si ! Il y a quand-même la Maison des congrès du Pdci-Rda, à l’avenue 12, rue 14. C’est justement là que nous avons rencontré le “vieux’’. Il est le gardien de ce “joyau’’ qui peut être considéré comme le premier patrimoine du parti. Construit en 1963, il a servi de siège à l’ancien parti unique jusqu’à ce que la Maison du parti de Cocody, devienne son nouveau siège. La Maison des congrès de Treichville a continué de fonctionner jusqu’en 2000. Le vieil homme explique qu’elle servait alors de siège au premier journal du parti, ‘’Fraternité Hebdo’’, devenu le ‘’Démocrate’’ en 1991. Mais, abandonnée à son sort pour un simple problème d’étanchéité, elle n’existe plus que de nom. Tel une tombe, la vue extérieure est acceptable mais, le spectacle à l’intérieur est à la fois triste et désolant. Dans le hall, seuls les tableaux accrochés au mur rappellent encore l’histoire de la lutte menée pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire, telle que la marche des femmes sur Grand-Bassam. Les pièces, notamment l’amphithéâtre, sont interdites d’accès et les portes condamnées. « Les bureaux aux 1er et 2ème étages servaient de rédaction aux journaux du parti », explique le vieux gardien. L’escalier y menant est fait de bois, renforcé par de gros boulons en fer. Au fur et à mesure que les marches sont gravies, la peur s’empare de nous, tellement nous avions peur qu’une d’entre elle ne craque sous nos pieds. Le bois est presque invisible, sous une épaisse couche de stalactite qui a fini par bouffer tout le toit et couler sur le plancher. En effet, l’air, beaucoup plus frais, qui nous accueille au premier étage nous fait prendre conscience qu’une grande partie de la toiture est partie en lambeaux. Les baies vitrées servant de portes aux différents bureaux sont pratiquement toutes cassées. Et, des seaux sont disposés çà et là pour recueillir l’eau en cas de pluie. Silence et ténèbres caractérisent cette maison. Malgré sa courtoisie, le vieux a refusé de nous laisser prendre des photos. « J’ai reçu des consignes, donc ce n’est pas la peine d’insister », a-t-il fait savoir. A l’en croire, ces consignes font suite à la publication d’un article dans un journal qui a écrit que la Maison des congrès avait été transformée en hôtel de passe. Un article qui aurait été illustré avec de “fausses’’ photos. Mais, tenant compte de l’état de délabrement, explique notre interlocuteur, les dirigeants du parti ont annoncé des travaux de rénovation qui n’ont pas encore débuté. « Ils disent que plus personne ne doit entrer là-bas (il désigne du doigt l’amphithéâtre, ndlr). Peut-être qu’ils vont bientôt commencer les travaux », indique l’homme âgé.
Un problème lié à l’argent
Des trois grands patrimoines, sans compter ses autres représentations, notamment les sections qui sont sous la responsabilité des délégués locaux, la Maison des congrès de Treichville est littéralement en ruine. Ce n’est pas le cas de la Permanence du Plateau et de la Maison du parti. Peut-être est-ce parce que ces deux édifices du Pdci-Rda sont encore fréquentés. Un tour dans ces différents endroits a permis d’en faire également l’état des lieux. A la permanence du Plateau, ce n’est pas tant le bâtiment qui est négligé, mais l’environnement. En effet, alors que l’immeuble peint en blanc se dresse fièrement, force est de remarquer que l’arrière-cour laisse à désirer. Et pour cause, c’est carrément la broussaille là-bas. Bananiers et autres arbres fruitiers s’épanouissent au milieu des ordures qui leur servent de fumier.
Et dire que la permanence du Plateau fonctionne comme une entreprise à part entière, représentant la partie administrative du Pdci, si l’on s’en tient aux renseignements pris auprès de Konaté Bazoumana du service courrier. Selon lui, elle existe depuis 1990 et est dirigée par le secrétaire général adjoint chargé de l’administration, Kouassi Dongo. En principe, c’est ici qu’on aurait pu rencontrer les responsables de la gestion du patrimoine du parti. Nous avons été dirigés vers Rachel Pio et Charles Tchétché. Malheureusement, ces personnes n’étaient pas sur place. Toutefois, un responsable du parti, en charge du patrimoine, joint par téléphone, a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat. « C’est parce qu’au niveau du parti, il n’y a rien. Même pour payer le petit personnel, nous avons des difficultés », confie notre interlocuteur avant de renchérir. « Tout le monde est informé que la maison des congrès est laissée à l’abandon. Quand tout avait été cassé à la maison du parti à Cocody, ce sont les députés qui ont mis la main à la poche et puis une à deux semaines plus tard, des mercenaires sont venus encore prendre possession de la maison. Actuellement, le secrétaire général n’est plus dans ses bureaux », a-t-il insisté. C’est à croire que la seule source de revenus demeure les cotisations et le paiement des cartes de membres. A la question de savoir si une partie de ces entrées d’argent est destinée à la gestion du patrimoine, notre informateur s’est refusé à tout commentaire de plus, estimant qu’il revient au premier responsable chargé de la gestion du patrimoine, Dieng Ousseynou d’y répondre.
Cap est donc mis sur la ‘’Maison du parti’’ de Cocody pour constater l’état de ce siège. Elle abrite la direction du parti. C’est un domaine composé d’une grande salle de réunion, des bureaux des membres du secrétariat général et de salles annexes. Un vaste espace vert favorise l’air toujours frais à cet endroit. A la faveur de la campagne électorale, le plus grand patrimoine du Pdci-Rda était presque en désuétude. Aujourd’hui, le blanc du mur, l’une des couleurs du plus vieux parti politique ivoirien, avec le vert, a encore de beaux jours devant lui. Toutefois, les dégâts causés pendant la crise post-électorale y ont laissé des séquelles. Les baies vitrées et les portes qui ont été cassées n’ont pas encore été réparées, 4 mois après la crise. Les impacts de balles dans le mur sont encore visibles et les toiles d’araignée s’épanouissent tranquillement au-dessus des têtes. Dès que le portail est franchi, à gauche, on peut apercevoir une termitière qui n’a pas encore fini de grandir. Juste à côté un monticule d’ordures, composé essentiellement des feuilles mortes des arbres de la cour est dressé. A l’intérieur, tout est calme comme les jours ordinaires. La première chose qui frappe quand on entre à la Maison du parti, c’est qu’on a l’impression qu’elle se meurt, à l’image même du parti qui, semble-t-il, peine à refaire peau neuve. Il faut attendre les jours de réunion pour avoir droit à un peu d’animation.
Dans ce tableau triste, les sections ne sont pas non plus en reste, notamment celle de Marcory.
Située en face de l’hôtel Konankro et contiguë au commissariat du 9ème arrondissement, la section du Pdci de Marcory est elle aussi en ruine. Le mur peint en vert est décrépi et mangé par la moisissure et les vert-de-gris. Bien que l’entrée soit fermée, de l’extérieur, on peut s’apercevoir que les fuites d’eau dans le plafond ont fini par avoir raison de lui. La poussière et les toiles d’araignée sont également au rendez-vous. C’est à croire que cette maison n’est plus fréquentée depuis belle lurette. Et pourtant…
Anne-Marie Eba
Treichville, avenue 3, rue 8. Juste à l’angle de la rue, un bâtiment datant de l’époque coloniale rappelle de bons vieux souvenirs à un sexagénaire : « C’est ici que le président Houphouet dormait ». En effet, c’est du balcon de cette bâtisse que le premier président de la Côte d’Ivoire s’adressait aux populations. Combien sont-ils à ce souvenir de cela ? Aujourd’hui, la maison aussi vieille que le pays, peut-être plus, est occupée par d’autres personnes qui y vivent et, plus rien ne rappelle le passage du ‘’père de l’indépendance’’. Si ! Il y a quand-même la Maison des congrès du Pdci-Rda, à l’avenue 12, rue 14. C’est justement là que nous avons rencontré le “vieux’’. Il est le gardien de ce “joyau’’ qui peut être considéré comme le premier patrimoine du parti. Construit en 1963, il a servi de siège à l’ancien parti unique jusqu’à ce que la Maison du parti de Cocody, devienne son nouveau siège. La Maison des congrès de Treichville a continué de fonctionner jusqu’en 2000. Le vieil homme explique qu’elle servait alors de siège au premier journal du parti, ‘’Fraternité Hebdo’’, devenu le ‘’Démocrate’’ en 1991. Mais, abandonnée à son sort pour un simple problème d’étanchéité, elle n’existe plus que de nom. Tel une tombe, la vue extérieure est acceptable mais, le spectacle à l’intérieur est à la fois triste et désolant. Dans le hall, seuls les tableaux accrochés au mur rappellent encore l’histoire de la lutte menée pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire, telle que la marche des femmes sur Grand-Bassam. Les pièces, notamment l’amphithéâtre, sont interdites d’accès et les portes condamnées. « Les bureaux aux 1er et 2ème étages servaient de rédaction aux journaux du parti », explique le vieux gardien. L’escalier y menant est fait de bois, renforcé par de gros boulons en fer. Au fur et à mesure que les marches sont gravies, la peur s’empare de nous, tellement nous avions peur qu’une d’entre elle ne craque sous nos pieds. Le bois est presque invisible, sous une épaisse couche de stalactite qui a fini par bouffer tout le toit et couler sur le plancher. En effet, l’air, beaucoup plus frais, qui nous accueille au premier étage nous fait prendre conscience qu’une grande partie de la toiture est partie en lambeaux. Les baies vitrées servant de portes aux différents bureaux sont pratiquement toutes cassées. Et, des seaux sont disposés çà et là pour recueillir l’eau en cas de pluie. Silence et ténèbres caractérisent cette maison. Malgré sa courtoisie, le vieux a refusé de nous laisser prendre des photos. « J’ai reçu des consignes, donc ce n’est pas la peine d’insister », a-t-il fait savoir. A l’en croire, ces consignes font suite à la publication d’un article dans un journal qui a écrit que la Maison des congrès avait été transformée en hôtel de passe. Un article qui aurait été illustré avec de “fausses’’ photos. Mais, tenant compte de l’état de délabrement, explique notre interlocuteur, les dirigeants du parti ont annoncé des travaux de rénovation qui n’ont pas encore débuté. « Ils disent que plus personne ne doit entrer là-bas (il désigne du doigt l’amphithéâtre, ndlr). Peut-être qu’ils vont bientôt commencer les travaux », indique l’homme âgé.
Un problème lié à l’argent
Des trois grands patrimoines, sans compter ses autres représentations, notamment les sections qui sont sous la responsabilité des délégués locaux, la Maison des congrès de Treichville est littéralement en ruine. Ce n’est pas le cas de la Permanence du Plateau et de la Maison du parti. Peut-être est-ce parce que ces deux édifices du Pdci-Rda sont encore fréquentés. Un tour dans ces différents endroits a permis d’en faire également l’état des lieux. A la permanence du Plateau, ce n’est pas tant le bâtiment qui est négligé, mais l’environnement. En effet, alors que l’immeuble peint en blanc se dresse fièrement, force est de remarquer que l’arrière-cour laisse à désirer. Et pour cause, c’est carrément la broussaille là-bas. Bananiers et autres arbres fruitiers s’épanouissent au milieu des ordures qui leur servent de fumier.
Et dire que la permanence du Plateau fonctionne comme une entreprise à part entière, représentant la partie administrative du Pdci, si l’on s’en tient aux renseignements pris auprès de Konaté Bazoumana du service courrier. Selon lui, elle existe depuis 1990 et est dirigée par le secrétaire général adjoint chargé de l’administration, Kouassi Dongo. En principe, c’est ici qu’on aurait pu rencontrer les responsables de la gestion du patrimoine du parti. Nous avons été dirigés vers Rachel Pio et Charles Tchétché. Malheureusement, ces personnes n’étaient pas sur place. Toutefois, un responsable du parti, en charge du patrimoine, joint par téléphone, a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat. « C’est parce qu’au niveau du parti, il n’y a rien. Même pour payer le petit personnel, nous avons des difficultés », confie notre interlocuteur avant de renchérir. « Tout le monde est informé que la maison des congrès est laissée à l’abandon. Quand tout avait été cassé à la maison du parti à Cocody, ce sont les députés qui ont mis la main à la poche et puis une à deux semaines plus tard, des mercenaires sont venus encore prendre possession de la maison. Actuellement, le secrétaire général n’est plus dans ses bureaux », a-t-il insisté. C’est à croire que la seule source de revenus demeure les cotisations et le paiement des cartes de membres. A la question de savoir si une partie de ces entrées d’argent est destinée à la gestion du patrimoine, notre informateur s’est refusé à tout commentaire de plus, estimant qu’il revient au premier responsable chargé de la gestion du patrimoine, Dieng Ousseynou d’y répondre.
Cap est donc mis sur la ‘’Maison du parti’’ de Cocody pour constater l’état de ce siège. Elle abrite la direction du parti. C’est un domaine composé d’une grande salle de réunion, des bureaux des membres du secrétariat général et de salles annexes. Un vaste espace vert favorise l’air toujours frais à cet endroit. A la faveur de la campagne électorale, le plus grand patrimoine du Pdci-Rda était presque en désuétude. Aujourd’hui, le blanc du mur, l’une des couleurs du plus vieux parti politique ivoirien, avec le vert, a encore de beaux jours devant lui. Toutefois, les dégâts causés pendant la crise post-électorale y ont laissé des séquelles. Les baies vitrées et les portes qui ont été cassées n’ont pas encore été réparées, 4 mois après la crise. Les impacts de balles dans le mur sont encore visibles et les toiles d’araignée s’épanouissent tranquillement au-dessus des têtes. Dès que le portail est franchi, à gauche, on peut apercevoir une termitière qui n’a pas encore fini de grandir. Juste à côté un monticule d’ordures, composé essentiellement des feuilles mortes des arbres de la cour est dressé. A l’intérieur, tout est calme comme les jours ordinaires. La première chose qui frappe quand on entre à la Maison du parti, c’est qu’on a l’impression qu’elle se meurt, à l’image même du parti qui, semble-t-il, peine à refaire peau neuve. Il faut attendre les jours de réunion pour avoir droit à un peu d’animation.
Dans ce tableau triste, les sections ne sont pas non plus en reste, notamment celle de Marcory.
Située en face de l’hôtel Konankro et contiguë au commissariat du 9ème arrondissement, la section du Pdci de Marcory est elle aussi en ruine. Le mur peint en vert est décrépi et mangé par la moisissure et les vert-de-gris. Bien que l’entrée soit fermée, de l’extérieur, on peut s’apercevoir que les fuites d’eau dans le plafond ont fini par avoir raison de lui. La poussière et les toiles d’araignée sont également au rendez-vous. C’est à croire que cette maison n’est plus fréquentée depuis belle lurette. Et pourtant…
Anne-Marie Eba
