Peu de femmes se font dépister régulièrement contre le cancer de l’utérus qui s’installe en silence avant de tuer.
Le regard perdu dans le vide, Abdul S. cherche certainement une explication au mal qui ronge son épouse, Salimata, depuis bientôt cinq ans. Elle a honte de parler de cette maladie qui la tue à petit feu. «Tout a commencé par des saignements », se souvient ce père de famille de huit enfants. Par la suite le couple apprend que Salimata, 45 ans, souffre d’une affection appelée « douani » (machette en bété) et qui pouvait être soignée par les tradi-praticiens. Après quatre mois de traitement par cette médecine locale, elle a recommencé à saigner. «Le sang qu’elle perdait pouvait remplir un seau de 5 litres », confie Abdul avec amertume. Et tout cela avec des douleurs pelviennes. «On ne comprenait rien et je ne reconnaissais plus le sexe de ma femme», raconte-il. C’est seulement après avoir vu son sexe ravagé et son clitoris entièrement rongé par ce mal, que ce menuisier de 49 ans décide d’accompagner son épouse à l’hôpital afin d’en savoir davantage. C’est au Centre hospitalier et universitaire (Chu) de Treichville que Salimata apprend au même moment qu’Abdul qu’elle souffre d’un cancer du col de l’utérus. Tout comme Salimata, Albertine K. âgée de 28 ans, se souvient du jour où elle ‘’inondé’’ sa chambre. « J’ai eu terriblement mal au bas ventre et j’ai cru que je me vidais de tout mon sang», évoque cette caissière dans un super marché aux Deux-Plateaux. Avant d’ajouter que, sans le savoir, elle souffrait d’un cancer du col de l’utérus. Les cas de Salimata et Albertine ne sont pas isolés. De nombreuses femmes souffrent en silence de ce mal sans en avoir une information.
Une maladie méconnue, mais mortelle
Sans qu’on y prête attention, cette affection est mortelle. Les praticiens spécialisés indiquent que, parmi les cancers spécifiquement ‘’féminins’’, sein et col de l’utérus notamment, le second touche 30 femmes sur 100.000 en Côte d’Ivoire. Chaque année, l’on enregistre 500 000 nouveaux cas dans le monde et 231.000 décès dont 80% dans les pays pauvres. Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), si aucune action préventive n’est programmée, les décès dus au cancer du col de l’utérus devraient augmenter de 25% au cours des 10 prochaines années dans ces pays. Le col de l’utérus met en relation la cavité utérine et le vagin. Il est le lieu de passage des menstrues qui s’écoulent vers le vagin et l’extérieur. Après un rapport sexuel, le col laisse remonter le liquide séminal contenant les spermatozoïdes vers le corps de l’utérus. Si le liquide séminal est contaminé par les microbes, ceux-ci pourront infecter les organes génitaux féminins, du vagin jusqu’aux trompes en passant par le col de l’utérus. Une description que partage Pr Adoubi Innocent, cancérologue au Chu de Treichville. Il explique que, la maladie se manifeste par le développement d’une masse au niveau du col. « C’est une très dangereuse masse dans la mesure où elle peut envoyer des cellules cancérigènes pouvant atteindre les poumons et le foie. C’est ce qu’on appelle le stade métastasique», précise-t-il. Malheureusement, les femmes qui font la maladie arrivent dans les centres de santé à un stade où elles ne peuvent ni être opérées, ni prises en charge. « La Côte d’Ivoire ne dispose pas du plateau technique nécessaire pour traiter correctement ce mal », regrette-t-il. Elles sont du coup laissées pour compte et meurent dans des conditions pénibles et insupportables. Les spécialistes révèlent que le cancer du col de l’utérus est sexuellement transmissible car il s’agit d’une maladie féminine directement liée à l’activité sexuelle. Depuis des années, les cancérologues ont remarqué que ce mal apparait rarement chez les femmes n’ayant jamais eu d’activité sexuelle. Le cancerologue Adoubi révèle, à cet effet, que 90% des cas sont dus à un virus appelé papillomavirus. «Dès qu’une femme a des rapports sexuels, elle peut contracter le virus (qui qui ne cause aucun problème à l’homme) et développer le cancer du col de l’utérus », prévient-t-il. Autant dire que les femmes qui ont eu beaucoup de grossesses, d’accouchements et qui vivent dans des conditions précaires y sont plus exposées. L’infection à Vih (Sida) a aggravé le tableau de cette pathologie vu qu’elle accélère la progression du cancer du col de l’utérus. Cependant, ce mal devient handicapant à un stade avancé. Le sexe de la femme va être rongé progressivement par une plaie. Cela complique la toilette intime et les rapports sexuels qui deviennent difficiles et douloureux. A un stade très avancé, l’infection devient malodorante et gênante aussi bien pour la malade que pour son conjoint. Mais le cancérologue précise que tout cela peut être prévenu par un simple examen clinique. « La seule recommandation à donner aux femmes reste le frottis cervico-vaginal qui est un test de dépistage », propose-t-il.
Le frottis, la meilleure arme contre ce mal.
Le frottis est un test de dépistage qui consiste à surveiller le col de la femme. Ce contrôle effectuée tous les deux ans, s’avère nécessaire vu que le cancer ne se déclenche pas aussitôt. Vu l’avancée silencieuse de la maladie, sauf quand elle atteint une phase de cancer gangrené, il est conseillé aux femmes de se soumettre régulièrement à ce test de dépistage. Selon Pr. Adoubi, une fois que la maladie atteint un stade de saignement, on ne parle plus de guérison, mais ‘’d’années de survie’’. Il soutient, par ailleurs, que le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers dont la détection précoce permet une prise en charge efficace et un traitement adéquat. Le mode de prévention comprend deux techniques : le frottis, la méthode idéale qui consiste en un prélèvement sanguin, et l’inspection visuelle qui permet, à travers une loupe, de regarder le col de la femme. A ces deux techniques s’ajoute la colposcopie qui permet de repérer les zones suspectes. Mais seule la biopsie permet de dire s’il s’agit d’un cancer et de connaitre son niveau d’évolution.
Un traitement coûteux
En ce qui concerne le traitement, il faut noter qu’il coûte cher et n’est pas à la portée de tous. Au stade de la chirurgie, précise le spécialiste, le coût varie entre 150.000 et 200.000 Fcfa. Et lorsque la maladie se développe, il faut passer à la radiothérapie qui se pratique rarement en Côte d’Ivoire. En cas de lésions précancéreuses et de pleine activité sexuelle chez la femme qui désire avoir un enfant, il existe des traitements qui consistent à enlever une partie du col de l’utérus. Lorsqu’il s’agit d’un cancer qui a été traité, il devient impossible à la femme d’avoir un enfant du faut qu’elle n’aura plus d’utérus. « Les saignements survenus en dehors des règles, par les rapports sexuels et les pertes vaginales sont des symptômes du cancer du col de l’utérus. Ils doivent être pris au sérieux », prévient Pr. Adoubi.
Touré Yelly
Légende: Les femmes peuvent éviter le cancer du col de l’utérus en se faisant dépister régulièrement.
Le regard perdu dans le vide, Abdul S. cherche certainement une explication au mal qui ronge son épouse, Salimata, depuis bientôt cinq ans. Elle a honte de parler de cette maladie qui la tue à petit feu. «Tout a commencé par des saignements », se souvient ce père de famille de huit enfants. Par la suite le couple apprend que Salimata, 45 ans, souffre d’une affection appelée « douani » (machette en bété) et qui pouvait être soignée par les tradi-praticiens. Après quatre mois de traitement par cette médecine locale, elle a recommencé à saigner. «Le sang qu’elle perdait pouvait remplir un seau de 5 litres », confie Abdul avec amertume. Et tout cela avec des douleurs pelviennes. «On ne comprenait rien et je ne reconnaissais plus le sexe de ma femme», raconte-il. C’est seulement après avoir vu son sexe ravagé et son clitoris entièrement rongé par ce mal, que ce menuisier de 49 ans décide d’accompagner son épouse à l’hôpital afin d’en savoir davantage. C’est au Centre hospitalier et universitaire (Chu) de Treichville que Salimata apprend au même moment qu’Abdul qu’elle souffre d’un cancer du col de l’utérus. Tout comme Salimata, Albertine K. âgée de 28 ans, se souvient du jour où elle ‘’inondé’’ sa chambre. « J’ai eu terriblement mal au bas ventre et j’ai cru que je me vidais de tout mon sang», évoque cette caissière dans un super marché aux Deux-Plateaux. Avant d’ajouter que, sans le savoir, elle souffrait d’un cancer du col de l’utérus. Les cas de Salimata et Albertine ne sont pas isolés. De nombreuses femmes souffrent en silence de ce mal sans en avoir une information.
Une maladie méconnue, mais mortelle
Sans qu’on y prête attention, cette affection est mortelle. Les praticiens spécialisés indiquent que, parmi les cancers spécifiquement ‘’féminins’’, sein et col de l’utérus notamment, le second touche 30 femmes sur 100.000 en Côte d’Ivoire. Chaque année, l’on enregistre 500 000 nouveaux cas dans le monde et 231.000 décès dont 80% dans les pays pauvres. Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), si aucune action préventive n’est programmée, les décès dus au cancer du col de l’utérus devraient augmenter de 25% au cours des 10 prochaines années dans ces pays. Le col de l’utérus met en relation la cavité utérine et le vagin. Il est le lieu de passage des menstrues qui s’écoulent vers le vagin et l’extérieur. Après un rapport sexuel, le col laisse remonter le liquide séminal contenant les spermatozoïdes vers le corps de l’utérus. Si le liquide séminal est contaminé par les microbes, ceux-ci pourront infecter les organes génitaux féminins, du vagin jusqu’aux trompes en passant par le col de l’utérus. Une description que partage Pr Adoubi Innocent, cancérologue au Chu de Treichville. Il explique que, la maladie se manifeste par le développement d’une masse au niveau du col. « C’est une très dangereuse masse dans la mesure où elle peut envoyer des cellules cancérigènes pouvant atteindre les poumons et le foie. C’est ce qu’on appelle le stade métastasique», précise-t-il. Malheureusement, les femmes qui font la maladie arrivent dans les centres de santé à un stade où elles ne peuvent ni être opérées, ni prises en charge. « La Côte d’Ivoire ne dispose pas du plateau technique nécessaire pour traiter correctement ce mal », regrette-t-il. Elles sont du coup laissées pour compte et meurent dans des conditions pénibles et insupportables. Les spécialistes révèlent que le cancer du col de l’utérus est sexuellement transmissible car il s’agit d’une maladie féminine directement liée à l’activité sexuelle. Depuis des années, les cancérologues ont remarqué que ce mal apparait rarement chez les femmes n’ayant jamais eu d’activité sexuelle. Le cancerologue Adoubi révèle, à cet effet, que 90% des cas sont dus à un virus appelé papillomavirus. «Dès qu’une femme a des rapports sexuels, elle peut contracter le virus (qui qui ne cause aucun problème à l’homme) et développer le cancer du col de l’utérus », prévient-t-il. Autant dire que les femmes qui ont eu beaucoup de grossesses, d’accouchements et qui vivent dans des conditions précaires y sont plus exposées. L’infection à Vih (Sida) a aggravé le tableau de cette pathologie vu qu’elle accélère la progression du cancer du col de l’utérus. Cependant, ce mal devient handicapant à un stade avancé. Le sexe de la femme va être rongé progressivement par une plaie. Cela complique la toilette intime et les rapports sexuels qui deviennent difficiles et douloureux. A un stade très avancé, l’infection devient malodorante et gênante aussi bien pour la malade que pour son conjoint. Mais le cancérologue précise que tout cela peut être prévenu par un simple examen clinique. « La seule recommandation à donner aux femmes reste le frottis cervico-vaginal qui est un test de dépistage », propose-t-il.
Le frottis, la meilleure arme contre ce mal.
Le frottis est un test de dépistage qui consiste à surveiller le col de la femme. Ce contrôle effectuée tous les deux ans, s’avère nécessaire vu que le cancer ne se déclenche pas aussitôt. Vu l’avancée silencieuse de la maladie, sauf quand elle atteint une phase de cancer gangrené, il est conseillé aux femmes de se soumettre régulièrement à ce test de dépistage. Selon Pr. Adoubi, une fois que la maladie atteint un stade de saignement, on ne parle plus de guérison, mais ‘’d’années de survie’’. Il soutient, par ailleurs, que le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers dont la détection précoce permet une prise en charge efficace et un traitement adéquat. Le mode de prévention comprend deux techniques : le frottis, la méthode idéale qui consiste en un prélèvement sanguin, et l’inspection visuelle qui permet, à travers une loupe, de regarder le col de la femme. A ces deux techniques s’ajoute la colposcopie qui permet de repérer les zones suspectes. Mais seule la biopsie permet de dire s’il s’agit d’un cancer et de connaitre son niveau d’évolution.
Un traitement coûteux
En ce qui concerne le traitement, il faut noter qu’il coûte cher et n’est pas à la portée de tous. Au stade de la chirurgie, précise le spécialiste, le coût varie entre 150.000 et 200.000 Fcfa. Et lorsque la maladie se développe, il faut passer à la radiothérapie qui se pratique rarement en Côte d’Ivoire. En cas de lésions précancéreuses et de pleine activité sexuelle chez la femme qui désire avoir un enfant, il existe des traitements qui consistent à enlever une partie du col de l’utérus. Lorsqu’il s’agit d’un cancer qui a été traité, il devient impossible à la femme d’avoir un enfant du faut qu’elle n’aura plus d’utérus. « Les saignements survenus en dehors des règles, par les rapports sexuels et les pertes vaginales sont des symptômes du cancer du col de l’utérus. Ils doivent être pris au sérieux », prévient Pr. Adoubi.
Touré Yelly
Légende: Les femmes peuvent éviter le cancer du col de l’utérus en se faisant dépister régulièrement.